[0001] Il existe plusieurs méthodes pour la construction d'un pont.
[0002] La plus ancienne consiste à le réaliser en place, pierre par pierre ou élément par
élément. Cela suppose la construction d'échafaudages et de structures lourdes et encombrantes.
[0003] Les contraintes modernes de rendement et aussi les nécessités de la vie économique
ne permettent plus l'emploi de cette méthode car l'occupation des sols ou le circulation
sur l'eau sont telles que l'on ne pourrait accepter une longue interruption des activités
de passage sous le chantier. Il faut souligner, d'ailleurs, que la plupart des ponts
actuellement en construction sont localisés dans des zones déjà urbanisées (rocades
d'autoroutes) et/ou fréquentées (ponts routiers franchissant des voies de chemin de
fer, pistes d'aéroports au-dessus d'autoroutes, etc.).
[0004] Une méthode plus moderne consiste à préfabriquer des sections entières mais relativement
courtes (quelques mètres), à les transporter et à les assembler par aboutement au
moyen d'une installation qui progresse sur la fraction de pont déjà réalisée. Dans
ce cas, la construction du pont ne perturbe pas son environnement autrement que pour
la réalisation préalable des piles, ce qui constitue une opération limitée, assez
rapide et n'intéressant, à la base, qu'une surface faible.
[0005] Un autre méthode consiste à réaliser le pont par tronçons assez longs (vingt à trente
mètres et plus) sur un chantier situé sur une rive de l'espace à franchir, et dans
l'alignement du pont supposé en place, puis à assembler plusieurs de ces tronçons
et à pousser l'ensemble au-dessus du vide jusqu'à ce que l'extrémité libre atteigne
la première pile, puis à assembler de nouveaux tronçons et à pousser l'ensemble jusqu'à
ce que l'extrémité libre atteigne la deuxième pile et ainsi de suite.
[0006] Plusieurs contraintes freinent le développement de cette méthode et, parmi celles-ci,
on peut en citer deux importantes :
- la longueur du chantier est souvent limitée et oblige à réaliser le pont par tronçons
successivement assemblés puis poussés;
- les contraintes du poussage sont importantes et l'on ne peut utiliser cette méthode
qu'en allégeant au maximum les éléments à pousser et, en particulier, en ne poussant
que le tablier et en ne réalisant la dalle de béton qu'après mise en place du tablier.
[0007] Pour diminuer les frottements entre le tablier poussé et les piles fixes, on intercale
des éléments intermédiaires tels que des patins de glissement ou des galets de roulement
bien connus en eux-mêmes et qui ne seront donc pas décrits en détail.
[0008] En tout état de cause, il est évident que l'on doive organiser sous les tronçons
du pont une zone permettant leur appui provisoire sur les éléments intermédiaires.
[0009] Mais le pont n'est pas conçu exclusivement pour son lancement par poussage, période
au cours de laquelle il est mobile : il est conçu avant tout pour servir à son usage,
ce pour quoi il est essentiellement statique, aux jeux près des dilatations.
[0010] Comme les contraintes du poussage sont fortes, on est conduit à renforcer à titre
provisoire les parties les plus vulnérables du tablier, ce qui augmente le prix de
revient et allonge les délais de réalisation.
[0011] On se trouve donc devant des problèmes difficiles à résoudre et jusqu'à maintenant
aucune solution entièrement satisfaisante n'a encore été proposée.
[0012] Lorsque le tablier du pont est entièrement en béton, ses parties verticales ou légérement
obliques, appelées "âmes" sont massives et résistent par elles-mêmes aux efforts verticaux
de compression nés de l'appui de la structure sur les piles, lors du lancement par
poussée.
[0013] En revanche, lorsque le tablier est métallique ou mixte (métal - béton), la structure
est très mal adaptée à supporter les contraintes du poussage par suite de la faible
épaisseur des âmes métalliques. Cette épaisseur est calculée pour être adaptée à l'usage
du pont terminé et non pour encaisser les efforts du poussage.
[0014] Le tablier est donc conçu comme une charpente qui doit résister aux charges verticales
et qui est contreventée pour opposer aux efforts latéraux une résistance globale qui
n'expose pas isolément les âmes métalliques minces à des efforts de flexion.
[0015] Au contraire, lors du poussage, ces mêmes âmes encaissent des efforts de flexion
s'il n'y a pas un centrage parfait des âmes par rapport aux points d'appui, efforts
qui peuvent, associés à la réaction d'appui, provoquer un voilage de l'âme et, par
conséquent, un gauchissement de la charpente.
[0016] Comme lors du poussage toutes les sections du tablier deviennent tour à tour des
appuis sur les piles au fur et à mesure de l'avancement, le poussage des ponts métalliques
ne peut se faire que si la charge qu'ils supportent lors du poussage n'est pas trop
importante, et cela d'autant plus que les portées sont grandes.
[0017] Ces difficultés sont telles que dans le cas de ponts mixtes, le poussage n'est généralement
appliqué qu'à la charpente métallique, la dalle supérieure en béton étant coulée après.
[0018] C'est là un des obstacles au développement des ponts mixtes car le coût d'exécution
de la dalle de béton est beaucoup plus élevé que lorsque la coulée s'effectue après
assemblage de la charpente à terre, sur aire fixe, avant poussage.
[0019] Pour illustrer l'état de la technique, on peut citer les documents suivants :
[0020] Le document DE-A-2 727 870 décrit un procédé pour la mise en place d'ouvrages en
béton tels que des ponts.
[0021] Le procédé s'applique à ceux de ces ouvrages qui présentent une hauteur variable
s'opposant à leur mise en place par poussée.
[0022] En effet, cette méthode suppose que l'ouvrage présente des surfaces d'appui latérales
planes qui se comportent comme des rails de guidage horizontaux par rapport aux supports
verticaux constitués par des piles.
[0023] L'invention décrite dans ce document consiste à concilier la méthode de mise en place
par poussée et les structures en béton qui généralement s'y opposent du fait que leur
hauteur varie en considérant leur longueur.
[0024] A cette fin, on ménage des appuis latéraux distincts de la structure proprement dite
et l'on donne à ces appuis la continuité et la linéarité indispensables à leur rôle
de guides horizontaux lors du poussage.
[0025] Mais les supports restent inchangés par rapport à ce qu'ils seraient avec une structure
classique. Ils reçoivent les appuis pendant le poussage et après, directement ou par
l'intermédiaire d'éléments provisoires amovibles.
[0026] Le document DE-A-2 704 113 décrit un procédé absolument analogue au précédent pour
ce qui concerne l'analyse pertinente ici, à savoir que les supports du pont terminé,
en place et immobile sont les mêmes que ceux sur lesquels le pont est déplacé par
poussage.
[0027] Le document DE-A-2 437 033 décrit un procédé tout-à-fait différent, bien qu'il s'agisse
encore de pousser des éléments de ponts par rapport à des supports verticaux fixes
: ce procédé consiste à réaliser d'abord un élément de guidage longitudinal continu
comprenant des flancs latéraux et s'étendant sur des supports, lui-même à la manière
d'un pont, puis à mettre en place les éléments du pont en les faisant glisser une
à un dans l'élément de guidage continu.
[0028] Cet élément de guidage est donc distinct de la structure classique d'un pont et constitue
une partie inséparable du pont mis en place.
[0029] Le document FR-A-2 616 166 décrit une structure de pont qui est conçue pour présenter
une grande résistance à la flexion, même pour de longues travées, avec un poids propre
inférieur à ce qu'il serait avec les techniques antérieurement connues.
[0030] Il en résulte un avantage lorsque le pont est mis en place par poussée.
[0031] Ce document illustre ainsi parfaitement l'état de la technique connue, selon laquelle
un pont poussé comprend une structure aussi légère que possible mais qui ne propose
aucune solution aux efforts qui s'exercent sur la même structure alors qu'ils sont
de nature différente selon que le pont est en mouvement pendant sa mise en place ou
qu'il est fixe après mise en place.
[0032] Le document CH-A-532 163 décrit un procédé de construction de pont prévoyant la mise
en place préalable de poutres maîtresses et en déplaçant sur celles-ci des éléments
de tablier fabriqués sur place.
[0033] Pour l'essentiel, l'invention décrite par ce document consiste non plus à pousser
les éléments terminés mais à les tirer, afin de faire supporter les efforts mécaniques
sur les éléments les plus résistants et non plus sur les plus faibles, c'est-à-dire
les derniers, dont le béton est le plus récemment coulé.
[0034] La présente invention remédie à tous les inconvénients rappelés ci-dessus et propose
une solution nouvelle qui permet à la fois de réaliser des parties de structure délicates
et bon marché tout en permettant le poussage d'un ensemble complet et lourd, voire
très lourd, ces parties délicates étant maintenues à l'écart des efforts spécifiques
au poussage.
[0035] A cette fin, l'invention a pour objet un procédé pour la construction d'ouvrages
tels que des ponts, du type selon lequel, après construction de supports définitifs
tels que piles ou analogues, on réalise sur une aire fixe, éventuellement par tronçons,
une structure qui présente des éléments longitudinaux substantiellement verticaux,
tels que des poutres, au moins un élément horizontal supérieur, tel qu'une dalle,
à proximité ou sur la face inférieure duquel se trouvent des appuis longitudinaux
continus dits "appuis supérieurs", ainsi que des appuis définitifs dits "appuis inférieurs"
tels que des semelles longitudinales destinées à reposer sur des supports définitifs,
et l'on pousse la structure jusqu'à sa mise en place, caractérisé en ce que l'on utilise
des supports provisoires (10, 54) spécifiques au poussage et distincts des supports
définitifs, que l'on soutient la structure sous l'élément horizontal supérieur par
des appuis longitudinaux continus provisoires au moyen des supports provisoires, que
l'on pousse la structure jusqu'à sa mise en place et que l'on substitue alors les
supporte définitifs aux supports provisoires et les appuis définitifs aux appuis provisoires.
[0036] Selon d'autres caractéristiques de ce procédé :
- lors de la substitution des appuis définitifs aux appuis provisoires et des supports
définitifs aux supports provisoires, on ajuste le niveau des supports définitifs;
- on soutient la structure au moyen de supports provisoires qui sont des éléments de
charpente posés sur les supports définitifs;
- après avoir substitué les appuis définitifs aux appuis provisoires et les supports
définitifs aux supports provisoires formés par des éléments de charpente, on retire
ces derniers;
- aprés avoir substitué les appuis définitifs aux appuis provisoires et les supports
définitifs aux supports provisoires formés par des éléments de charpente, on laisse
ces derniers en place;
- les supports définitifs étant de largeur suffisante, les éléments de charpente sont
posés directement sur lesdits supports définitifs;
- les supports définitifs étant de largeur insuffisante pour recevoir les éléments de
charpente, on crée pour ceux-ci des socles en surplomb;
- l'élément horizontal supérieur de la structure présentant des parties latérales situées
au-delà des éléments longitudinaux substantiellement verticaux, on soutient la structure
par ces parties latérales au moyen de supports provisoires;
- on renforce l'élément horizontal supérieur;
- l'élément horizontal supérieur de la structure présentant des parties latérales situées
au-delà des éléments longitudinaux substantiellement verticaux, on soutient la structure
obliquement, dans les angles que forment l'élément horizontal supérieur et les éléments
longitudinaux substantiellement verticaux;
- on réunit par des renforts de raidissage chacun des éléments substantiellement verticaux
proprement dits et une semelle horizontale supérieure qu'ils possèdent.
[0037] L'invention a également pour objet un ouvrage du type comprenant une structure composée
d'éléments longitudinaux substantiellement verticaux et d'au moins un élément horizontal
supérieur, caractérisé en ce que la structure présente d'une part des appuis dits
"supérieurs" constitués par au moins une surface de glissement longitudinale et continue
située au-dessus du niveau le plus bas de la structure et au-dessous de l'élément
horizontal supérieur, et d'autre part des appuis dits "inférieurs" reposant sur des
supports tels qu'une pile.
[0038] Selon d'autres caractéristiques de cet ouvrage :
- les appuis supérieurs comprennent deux surfaces de glissement longitudinales qui s'étendent
obliquement dans les angles que forment deux éléments longitudinaux substantiellement
verticaux et l'élément horizontal supérieur de la structure;
- il présente des éléments extérieurs qui s'étendent depuis les supports jusqu'au voisinage
d'au moins l'un des appuis supérieurs.
[0039] L'invention sera mieux comprise par la description détaillée ci-après faite en référence
au dessin annexé. Bien entendu, la description et le dessin ne sont donnés qu'à titre
d'exemple indicatif et non limitatif.
[0040] La figure 1 est une vue schématique en élévation illustrant un procédé de construction
de ponts de type connu selon lequel on pousse des tronçons de tablier assemblés en
les faisant reposer par leur partie inférieure sur des piles.
[0041] La figure 2 est une vue schématique en coupe d'un tronçon de tablier en cours de
poussée, selon le procédé connu de la figure 1.
[0042] Les figures 3 et 4 sont des vues schématiques en coupe qui illustrent des déformations
possibles d'une âme métallique faisant partie d'une structure de tablier, lors de
la poussée conforme au procédé connu des figures 1 et 2.
[0043] La figure 5 est une vue schématique en coupe d'un tronçon de tablier en cours de
poussée, selon le procédé conforme à l'invention.
[0044] La figure 6 est une vue schématique en élévation illustrant la mise en place d'un
pont par poussée, selon le procédé conforme à l'invention.
[0045] Les figures 7 et 8 sont des vues schématiques partielles de deux variantes de l'invention
pour réaliser le soutien des tronçons de tablier lors de leur poussée.
[0046] La figure 9 est une vue schématique partielle en élévation correspondant à la variante
de la figure 7.
[0047] La figure 10 est une vue schématique en coupe illustrant un mode de réalisation particulier
du procédé conforme à l'invention, appliqué à la mise en place d'un tablier en béton.
[0048] Pour illustrer l'invention, on a choisi l'exemple d'un pont et en se reportant aux
figures 1 à 4, on voit comment on met en place par poussée, selon la technique connue
un tablier de pont de type "mixte", c'est-à-dire comprenant une structure (ici un
tablier en charpente métallique) et une dalle supérieure en béton.
[0049] On construit les culées A et B ainsi que les piles C tandis que sur une rive (à gauche
de la figure 1), on monte les différents éléments de charpente du tablier, tronçon
par tronçon, dans le prolongement du pont supposé mis en place.
[0050] On assemble ensuite au moins deux tronçons D, E, F et l'on pousse l'ensemble dans
le sens de la flêche F1 jusqu'à mise en place car, afin d'alléger la structure poussée,
la dalle de béton n'est coulée qu'après mise en place du tablier.
[0051] Pour éviter un porte-à-faux trop important, on place une élément de charpente léger
mais robuste G appelé "avant-bec" qui est destiné à prendre appui sur les piles C
dans les mêmes conditions que les tronçons de tablier eux-mêmes.
[0052] Sur la figure 2, on voit les parties essentielles d'un tablier de pont mixte de type
classique. Il comprend deux poutres longitudinales formées chacune d'une âme verticale
H en tôle mince (dix à quinze millimètres par exemple), soudée à une semelle horizontale
supérieure I et à une semelle horizontale inférieure J, ayant toutes deux une épaisseur
supérieure à celle de l'âme.
[0053] Les âmes H sont réunies par des entretoises K qui assurent leur écartement correct
et participent à la rigidité de l'ensemble.
[0054] Cette charpente est destinée à recevoir une dalle de béton horizontale L.
[0055] On considère les âmes H comme substantiellement verticales car même si elles sont
légérement obliques, leur fonction est bien de déterminer un espacement vertical entre
les semelles I et J ou, plus précisément, entre les piles C et et la dalle L.
[0056] Les semelles inférieures J reposent sur les piles C avec interposition d'organes
intermédiaires M constitués soit par des galets, soit par des patins ayant une face
glissante.
[0057] On voit que tout le poids du tablier repose sur les organes intermédiaires M par
les semelles J. Cette zone est donc critique puisqu'elle est le siège du maximum de
contraintes lorsque le tronçon est en déplacement. or, comme on l'a expliqué plus
haut, les âmes H sont calculées pour supporter le poids statique du pont et non pour
résister à des sollicitations mécaniques complexes. L'expérience quotidienne montre
qu'un élément très mince résiste à des efforts importants s'ils sont parfaitement
centrés longitudinalement, alors qu'il est impuissant à résister à une sollicitation
latérale même faible.
[0058] Pour construire un tel pont par poussée, il faut donc apporter le plus grand soin
au centrage des efforts et, malgré un renforcement provisoire des âmes H par des tôles
de raidissage notamment, il existe un risque certain d'endommager les âmes H lors
du poussage, risque que l'on tente de minorer aussi en faisant appel à un grand nombre
de personnes chargées de surveiller constamment le bon alignement des âmes H et des
organes intermédiaires M, le tout dans l'axe correct par rapport aux piles C.
[0059] Lorsque des contraintes transversales se développent, elles peuvent provoquer un
gauchissement de l'âme H (figure 3) et une flexion de la semelle J qui, alors, ne
repose plus correctement sur les organes intermédiaires M. Si l'on persistait à pousser
dans ces conditions, on ne ferait qu'augmenter les contraintes latérales et les risques
d'endommagement sérieux de l'ouvrage.
[0060] C'est pourquoi on place parfois des goussets de renforcement N (figure 4).
[0061] Mais cela ne fait que déplacer le problème car même avec des goussets N, l'âme H
reste encore très vulnérable et risque d'être voilée plus ou moins localement (figure
4) ce qui se traduit soit par un étirement de la tôle et son affaiblissement, soit
par déformation des semelles I et J qui n'ont plus l'écartement voulu, d'où il peut
résulter des contraintes néfastes.
[0062] Tous ces inconvénients disparaissent avec le procédé conforme à l'invention, procédé
que l'on va maintenant décrire en regard des figures 5 à 10.
[0063] Sur la figure 5, on a représenté un pont mixte bipoutre, comme celui de la figure
2. Chaque poutre est formée par une âme 1 soudée à une semelle supérieure 2 et à une
semelle inférieure 3, des entretoises 4 réunissant les âmes 1 de place en place.
[0064] La dalle de béton supérieure 5 est coulée sur la charpente métallique de manière
connue en soi.
[0065] Cet ensemble constitue un tablier classique dont la conception et le calcul répondent
exclusivement aux contraintes du pont considéré comme un tout statique.
[0066] Le procédé conforme à l'invention prévoit de soutenir les tronçons de tablier en
cours de poussée, par la face inférieure de la dalle de béton 5 ou, plus précisément
dans le cas de la figure 5, par la face inférieure des semelles 2 et à une hauteur
telle que les semelles inférieures 3 soient au-dessus du chevêtre 6 des piles 7.
[0067] La face inférieure de la dalle de béton 5 ou, dans le cas de la figure 5, la face
inférieure des semelles 2, constituent des appuis provisoires situés relativement
haut par rapport à la structure et nommés, pour cette raison "appuis supérieurs".
[0068] Les âmes 1 sont alors suspendues et ne risquent plus de voilement lors du poussage.
[0069] Pour parvenir à ce résultat, on utilise des supports provisoires constitués par des
éléments de charpente auxiliaire 10 assujettis aux chevêtres 6 et disposés obliquement
pour que l'axe de poussée concourre avec l'axe de l'âme 1 correspondante et avec l'axe
horizontal de la dalle 5, comme on l'explicitera en regard des figures 7 et 8.
[0070] Des goussets 11 sont soudés aux âmes 1 et aux semelles 2 à intervalles longitudinaux
réguliers et reçoivent par soudage une tôle longitudinale 12.
[0071] On dispose ainsi d'appuis provisoires constitués chacun d'une surface de glissement
longitudinale et continue permettant l'emploi d'organes intermédiaires classiques
13, tels que des galets ou des patins.
[0072] Les efforts développés lors du poussage et les flexions locales sont équilibrés dans
les structures supérieures beaucoup plus raides et robustes que les âmes 1 et, donc,
mieux aptes au transfert des efforts nés, lors du poussage, de la combinaison des
forces dues à la pesanteur d'une part et à la poussée horizontale d'autre part, ainsi
qu'aux inévitables flexions parasites résultant des tolérances d'exécution.
[0073] Bien entendu, cette disposition nécessite qu'il n'y ait pas de parties gênantes à
l'extérieur des poutres et, en particulier, des montants ou des nervures de raidissage
des âmes 1 mais cela est généralement le cas pour de simples raisons d'esthétique
de l'ouvrage terminé.
[0074] Quand le poussage est terminé, on soutient le tablier avec des vérins (non représentés),
ainsi que cela est connu en soi, puis on retire tous les organes intermédiaires 13
en vue de substituer les supports définitifs que constituent les piles 7 et leur chevêtre
6 aux supports provisoires 10-12.
[0075] On calcule les différentes dimensions de telle sorte que la distance
x mesurée entre le sommet des éléments de charpente 10 et les tôles 12 soit supérieure
à la distance
y mesurée entre la face inférieure des semelles 3 formant les appuis définitifs et
les supports définitifs 6-7.
[0076] On ajuste le positionnement des supports définitifs de différentes manières selon
les conditions spécifiques à chaque cas :
On peut abaisser le tablier pour qu'il repose sur les chevêtres 6 (supports définitifs)
par les semelles 3 (appuis définitifs), à la manière des ponts classiques. Mais toute
autre solution est également possible car on peut simplement le caler à la hauteur
qu'il occupe lors du poussage, voire même le relever.
[0077] Le pont est ainsi mis en place de manière parfaitement orthodoxe. On retire les éléments
de charpente 10 devenus inutiles et le pont reçoit ses finitions.
[0078] Les montants d'âme nécessaires à l'assise finale du tablier sur les supports définitifs
sont alors mis après poussage.
[0079] Ce procédé permet le poussage de ponts lourds et de grands ponts de hauteur constante
ou variable puisque les points d'application du soutien se trouvent sous la membrure
supérieure, de sorte qu'il n'y a pas de dénivellation des appuis malgré la variation
de hauteur des âmes, contrairement à ce qui se produit avec les procédés connus.
[0080] Il est également applicable au poussage des ponts métalliques dits "à dalle orthotrope",
c'est-à-dire ayant une ossature métallique de contreventement (platelage) au niveau
des membrures supérieures.
[0081] Le poids de la dalle de béton 5 est environ trois fois supérieur à celui de la charpente
métallique et, lors du poussage, les réactions d'appui sont multipliées par quatre.
C'est pourquoi la mise en oeuvre des procédés classiques nécessite un raidissement
très onéreux des âmes, sans pour autant éliminer les aléas d'exécution, faute de pouvoir
maîtriser parfaitement le centrage des réactions sous les âmes.
[0082] Sur la figure 6, on voit la mise en place par poussée, selon la flêche F2, de quatre
tronçons de tablier 20, 21, 22 et 23, le premier étant précédé d'un avant-bec 24.
[0083] Seul le tronçon 20 est démuni de sa dalle 5 qui sera coulée après mise en place du
pont. En général, l'accès au tronçon d'extrémité est plus facile que celui des autres
tronçons et l'on peut utiliser les méthodes de coulée classiques, moins longues et
moins coûteuses que celles qui sont spécifiques à la coulée sur toute la longueur
d'une charpente, poussée sans sa dalle, et située en surplomb.
[0084] L'avant-bec 24 a une section décroissante qui est calculée en fonction de la résistance
des matériaux, de manière classique, mais on remarque que contrairement à l'avant-bec
G de type connu (figure 1), celui-ci présente une partie horizontale qui est située
en haut et non en bas pour porter une surface de glissement dans le prolongement des
tôles 12, puisque l'avant-bec 24 doit lui aussi coopérer avec les supports provisoires
10.
[0085] Le poussage de la structure complète (charpente métallique et dalle de béton) est
donc réalisé sur la plus grande partie de la longueur, contrairement à ce qu'imposent
les procédés connus.
[0086] La zone de glissement étant abritée et non fonctionnelle après poussage, il est possible
d'utiliser des éléments spécialement conçus pour assurer la fonction glissement.
[0087] Le procédé présente une très grande sécurité et il devient possible de diminuer le
nombre de personnes affectées à la surveillance, lors du poussage.
[0088] On peut alors multiplier les séquences de poussage et raccourcir sensiblement la
longueur de l'aire de montage située à terre, à l'arrière de la zone de poussage.
[0089] A l'inverse, le procédé conforme à l'invention permettant la poussée de ponts lourds,
on peut réaliser le tablier (charpente métallique et dalle de béton dans le cas des
ponts mixtes) en un seul élément, et non plus par tronçons successifs, si l'on dispose
à terre d'une aire suffisamment longue.
[0090] La figure 7 correspond, à plus grande échelle, à la structure déjà décrite en regard
de la figure 5.
[0091] Elle montre mieux que l' axe vertical α de l'âme 1, l'axe β de la dalle 5 et l'axe
oblique σ des supports provisoires 10 concourrent en un seul point P situé au mieux
pour que la structure tout entière du tablier puisse encaisser sans inconvénient les
efforts de réaction nés de la poussée.
[0092] Avec la disposition des figures 5, 6 et 7, les goussets 11 ainsi que les tôles 12
restent en place après poussage et cela n'a aucune incidence esthétique car, comme
on l'a indiqué plus haut, ces éléments sont dissimulés sous la semelle 2 et sous les
rives de la dalle 5.
[0093] Mais on peut souhaiter retirer tous les éléments qui ont participé au poussage, auquel
cas on doit prévoir leur démontage et sur la figure 8, on a représenté une variante
illustrant cette possibilité.
[0094] Au lieu d'utiliser des goussets 11 soudés à la poutre et une tôle longitudinale 12
soudée aux goussets 11, on prévoit des blocs 30 (ici en bois) fixés à l'âme 1 par
des boulons 31 et des écrous 32, la tôle 12 constituant la surface de glissement étant
fixée aux blocs 30 par tous moyens connus tels que des vis à tête fraisée 33.
[0095] Les seuls boulons 31 sont suffisants pour assurer la fixation des blocs 30 étant
donné que ceux-ci sont fortement poussés dans le coin que forment l'âme 1 et la semelle
supérieure 2, par l'effort de soutien des éléments de charpente 10.
[0096] Mais on peut également utiliser des goussets 11 en nombre réduit pour le positionnement
et le maintien en place des blocs 30.
[0097] Quand le tablier a été posé dans sa position définitive, on retire les organes intermédiaires
13 comme on l'a précédemment décrit, puis l'on retire les vis 33 et la tôle 12, puis
on dévisse les écrous 32, on retire les boulons 31 et, enfin, les blocs 30. On se
trouve alors devant une structure exactement conforme à celle qui a été conçue à l'origine
pour le tablier lui-même, indépendamment du procédé et des moyens utilisés pour sa
mise en place.
[0098] De plus, le caractère démontable des blocs 30 et des éléments de charpente 10 ainsi
que leur disposition régulière tout le long du tablier permet d'intervenir facilement
en cas de grippage accidentel, de sorte que l'on peut éviter la présence constante
d'un personnel de surveillance nombreux.
[0099] En effet, la structure propre au poussage est en elle-même stable et l'on peut sans
danger intervenir sur quelques éléments démontables sans modifier l'équilibre du système
tout entier.
[0100] La stabilité de la structure présente un autre avantage qui est de permettre la suppression
des organes intermédiaires 13.
[0101] Il suffit de réaliser la tôle 12 de telle manière qu'elle puisse glisser directement
sur les éléments de charpente 10 que l'on munit, alors, d'une garniture appropriée
telle qu'un revêtement de polytétrafluaréthylène ou analogue.
[0102] on a décrit un mode de réalisation de l'invention selon lequel les éléments de charpente
auxiliaires 10 sont retirés après mise en place du tablier et l'on suppose par là
que l'on souhaite ce retrait, notamment parce que les éléments 10 seraient disgrâcieux
sur les faces extérieures de l'ouvrage terminé.
[0103] Une autre solution qu'apporte l'invention est de concevoir ces éléments 10, dès l'origine,
comme des décors architecturaux et, alors, de les laisser en place après la finition
du pont. on peut, par exemple, les réaliser en béton architectonique sous forme de
balustres ou d'arcs, en harmonie avec les chevêtres 6 et les piles 7.
[0104] On peut aussi retirer les éléments 10 sur un côté du tablier et les laisser en place
sur l'autre côté.
[0105] Le procédé conforme à l'invention présente aussi l'avantage de pouvoir intervenir
facilement ultérieurement, notamment pour changer des pièces sur lesquelles reposent
les semelles 3, afin de caler le tablier soulevé sans faire travailler des vérins
en permanence.
[0106] Sur la figure 5, on a représenté le cas le plus gênant pour la mise en oeuvre de
l'invention, à savoir que le chevêtre 6 est plus étroit que le polygone de sustentation
que l'on veut donner à la charpente auxiliaire, compte tenu de l'obliquité voulue
pour les supports provisoires 10 de cette charpente. On voit qu'alors, il faut prévoir
des socles en surplomb 40 de tout type connu et dont la réalisation est à la portée
de l'homme de métier. Il est probable que ces circonstances rendent obligatoire le
retrait de la charpente auxiliaire et des socles 40, pour des raisons d'esthétique.
[0107] La figure 10 illustre un cas particulier de la mise en oeuvre de l'invention.
[0108] On suppose que le tablier est conçu de telle sorte que la dalle 50 a des ailes 51
qui s'étendent au-delà des âmes 52 et que ces ailes 51 sont suffisamment résistantes
pour supporter le poids de tout le tablier, la dalle comportant des nervures inférieures
53.
[0109] On peut alors prévoir des supports provisoires 54 verticaux et non plus obliques
comme les supports provisoires 10 précédemment décrits et représentés, des organes
intermédiaires 55 étant interposés, de préférence, entre les supports provisoires
54 et les appuis provisoires constitués par le dessous des ailes 51.
[0110] On a représenté ce mode de réalisation avec un tablier en béton mais, bien entendu,
la considération essentielle étant la résistance des ailes 51, il peut aussi être
utilisé avec des structures métalliques.
[0111] Il ressort de la description ci-dessus que le procédé conforme à l'invention exploite
la rigidité naturelle qui existe dans tous les tabliers de pont à leur niveau supérieur,
à condition que leur ossature soit réalisée avant poussage, alors que les procédés
connus nécessitent un renforcement important des âmes et de leur liaison réciproque
en contreventement avant poussage.
[0112] L'invention a été décrite comme s'appliquant à la réalisation de ponts mais il va
de soi que ce terme doit être pris dans son sens le plus large car l'invention permet
de réaliser par poussage toute structure ne pouvant pas être exécutée directement
en place pour des raisons techniques, économiques ou de délai, qu'il s'agisse, par
exemple, de poutres de planchers, d'ossatures industrielles, de couvertures, etc.
[0113] En outre, le procédé de l'invention peut être utilisé pour toute structure poussable,
qu'elle soit rectiligne, courbe ou en hélice. La grande sécurité qu'elle offre la
rend donc particulièrement adaptée à ces derniers cas puisque les ouvrages courbes
présentent des difficultés de mise en place accrues.
1- Procédé pour la construction d'ouvrages tels que des ponts, du type selon lequel,
après construction de supports définitifs tels que piles ou analogues, on réalise
sur une aire fixe, éventuellement par tronçons, une structure qui présente des éléments
longitudinaux substantiellement verticaux, tels que des poutres, au moins un élément
horizontal supérieur, tel qu'une dalle, à proximité ou sur la face inférieure duquel
se trouvent des appuis longitudinaux continus dits "appuis supérieurs", ainsi que
des appuis définitifs dits "appuis inférieurs" tels que des semelles longitudinales
destinées à reposer sur des supports définitifs, et l'on pousse la structure jusqu'à
sa mise en place, caractérisé en ce que l'on utilise des supports provisoires (10, 54) spécifiques au poussage et distincts
des supports définitifs (6-7), que l'on soutient la structure sous l'élément horizontal
supérieur (2-5) par des appuis longitudinaux continus provisoires (11-12, 30-12, 51)
au moyen des supports provisoires (10, 54), que l'on pousse la structure jusqu'à sa
mise en place et que l'on substitue alors les supports définitifs (6-7) aux supports
provisoires (10, 54) et les appuis définitifs (3, 52) aux appuis provisoires (11-12,
30-12, 51).
2- Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que, lors de la substitution des appuis définitifs (3, 52) aux appuis provisoires (11-12,
30-12, 51) et des supports définitif (6-7) aux supports provisoires (10-54), on ajuste
le niveau des supports définitifs.
3- Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'on soutient la structure au moyen de supports provisoires qui sont des éléments
de charpente (10) posés sur les supports définitifs (6-7).
4- Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce qu'après avoir substitué les appuis définitifs (3) aux appuis provisoires (11-12, 30-12)
et les supports définitifs (6-7) aux supports provisoires formés par des éléments
de charpente (10), on retire ces derniers.
5- Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce qu'après avoir substitué les appuis définitifs (3) aux appuis provisoires (11-12, 30-12)
et les supports définitifs (6-7) aux supports provisoires formés par des éléments
de charpente (10), on laisse ces derniers en place.
6- Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce que les supports définitifs (6-7) étant de largeur suffisante, les éléments de charpente
(10) sont posés directement sur lesdits supports définitifs (6-7).
7- Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce crue les supports définitifs
(6-7) étant de largeur insuffisante pour recevoir les éléments de charpente (10),
on crée pour ceux-ci des socles (40) en surplomb.
8- Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'élément horizontal supérieur (50) de la structure présentant des parties latérales
(51) situées au-delà des éléments longitudinaux substantiellement verticaux (52),
on soutient la structure par ces parties latérales (51) au moyen de supports provisoires
(54).
9- Procédé selon la revendication 8, caractérisé en ce que l'on renforce l'élément horizontal supérieur (50).
10- Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'élément horizontal supérieur (2-5) de la structure présentant des parties latérales
situées au-delà des éléments longitudinaux substantiellement verticaux (1), on soutient
la structure obliquement, dans les angles que forment l'élément horizontal supérieur
(2-5) et les éléments longitudinaux substantiellement verticaux (1).
11- Procédé selon la revendication 10, caractérisé en ce que on réunit par des renforts de raidissage (11) chacun des éléments substantiellement
verticaux proprement dits (1) et une semelle horizontale supérieure (2) qu'ils possèdent.
12- Ouvrage du type comprenant une structure composée d'éléments longitudinaux substantiellement
verticaux (1, 52) et d'au moins un élément horizontal supérieur (2-5, 50), caractérisé en ce que la structure présente d'une part des appuis dits "supérieurs" constitués par au moins
une surface de glissement longitudinale et continue (12) située au-dessus du niveau
le plus bas de la structure et au-dessous de l'élément horizontal supérieur (2-5,
50), et d'autre part des appuis (3, 52) dits "inférieurs" reposant sur des supports
(6-7) tels qu'une pile.
13- Ouvrage selon la revendication 12, caractérisé en ce que les appuis supérieurs comprennent deux surfaces de glissement (12) longitudinales
qui s'étendent obliquement dans les angles que forment deux éléments longitudinaux
substantiellement verticaux (1) et l'élément horizontal supérieur (2-5) de la structure.
14- Ouvrage selon la revendication 12, caractérisé en ce qu'il présente des éléments extérieurs (10-54) qui s'étendent depuis les supports (6-7)
jusqu'au voisinage d'au moins l'un des appuis supérieurs.