[0001] L'invention se situe dans le domaine des munitions pour armes à feu, notamment pour
artillerie de gros calibre, et concerne plus particulièrement une nouvelle douille
métallique de munition pour armes à feu destinée à contenir un chargement propulsif
combustible ayant vocation à assurer la propulsion d'un projectile.
[0002] Le problème de l'usure et de l'érosion physique et/ou chimique des armes à feu provoquées
par les frottements du projectile de la munition et des gaz chauds de combustion du
chargement propulsif sur la paroi interne du tube des armes à feu est connu depuis
très longtemps.
[0003] Plusieurs solutions à ce problème ont déjà été proposées, mais aucune n'est vraiment
satisfaisante, notamment parce que le coût est trop élevé et/ou l'efficacité insuffisante,
et/ou parce que la solution engendre d'autres problèmes.
[0004] Le brevet FR 1 526 983 enseigne par exemple qu'on peut réduire l'érosion du tube
de l'arme à feu en revêtant la surface interne de la douille métallique d'une enveloppe
constituée d'un tissu enduit ou imprégné d'une cire paraffinique chargée d'un ou plusieurs
oxydes métalliques en poudre, tels que SiO
2, MgO, SnO
2 et TiO
2.
Cette solution présente plusieurs inconvénients. Tout d'abord, la cinétique de départ
des charges, dépendante de la température de ramollissement de la cire et de la tenue
du tissu, est mal maîtrisée.
Elle présente aussi l'inconvénient d'un risque de pollution de l'allumeur et de la
poudre propulsive par dépôt de particules d'oxydes métalliques arrachées de leur support.
En cas de sollicitations mécaniques sévères de la munition, une telle pollution peut
conduire à l'inhibage des grains de poudre propulsive, puis par suite provoquer un
mauvais allumage (retard), puis même l'éclatement du tube de l'arme.
De plus, l'efficacité anti-érosive est assez limitée par rapport au niveau recherché
par les utilisateurs actuels, et on observe la présence de résidus dans le tube de
l'arme, ce qui provoque son encrassement.
[0005] Le brevet US 3 148 620 enseigne qu'on peut résoudre le problème de pollution précité
en interposant une feuille d'un matériau combustible entre la charge propulsive et
le tissu anti-érosif, mais on constate alors une baisse importante de l'efficacité
anti-érosive et l'appoint anti-érosif devient complexe et coûteux.
[0006] L'homme du métier est donc toujours à la recherche d'une solution simple, efficace
et peu onéreuse au problème précité de l'usure et de l'érosion du tube des armes à
feu.
[0007] La présente invention propose une telle solution et a principalement pour objet une
nouvelle douille métallique de munition pour armes à feu comprenant un fond et une
jupe métalliques, au moins partiellement intérieurement revêtue d'un nouvel appoint
anti-érosif comprenant de l'oxyde de titane comme agent anti-érosif.
[0008] Cette nouvelle douille est caractérisée en ce que le nouvel appoint anti-érosif est
un manchon rigide constitué d'une matrice combustible chargée en oxyde de titane pulvérulent,
en ce que la teneur pondérale en TiO
2 est comprise entre 10% et 30% par rapport au poids total du manchon, limites incluses,
et en ce que la matrice combustible comprend de la nitrocellulose fibreuse, de la
cellulose fibreuse et une résine organique.
[0009] On a constaté, de façon inattendue, qu'on obtenait ainsi une excellente diffusion
de la charge TiO
2 dans l'écoulement gazeux pendant le coup de feu ainsi qu'une efficacité anti-érosive
très supérieure, pouvant atteindre un facteur 30, à celle observée en utilisant la
même quantité de TiO
2 dans un tissu imprégné tel que décrit dans l'état de la technique précité, alors
que la réalisation de ce manchon, et sa mise en place rapide et sans collage dans
la jupe de la douille, sont des opérations simples et peu onéreuses.
De plus , on a constaté une excellente retenue de la charge TiO
2 par le matériau fibreux durant toutes les phases de la vie de la munition, et il
n'est pas nécessaire d'interposer une protection entre le manchon anti-érosif et le
chargement propulsif pour éviter la pollution du chargement. Cela représente un avantage
considérable concernant le compromis précité sécurité de fonctionnement des munitions/efficacité
de l'action anti-érosive.
Par ailleurs, on a également noté l'absence de phénomène d'encrassement du tube de
l'arme, et même de la douille, pendant le coup de feu.
[0010] La présente invention a également comme objet, d'une part le nouvel appoint anti-érosif
précité, et d'autre part une nouvelle munition pour armes à feu comprenant la douille
métallique précitée selon l'invention contenant un chargement propulsif combustible
et munie d'une amorce et d'un projectile fixés à la douille de façon bien connue de
l'homme du métier.
[0011] Le métal constituant la nouvelle douille selon l'invention et plus particulièrement
le fond et la jupe, peut être tout métal ou alliage métallique habituellement utilisé
pour confectionner des douilles métalliques, comme par exemple l'acier et le laiton.
[0012] Selon l'invention, la douille est intérieurement revêtue par le manchon anti-érosif,
soit en totalité sur toute la hauteur de la jupe, soit partiellement sur une partie
seulement de cette hauteur.
Par « revêtue », il faut comprendre que le manchon est en contact total ou partiel
avec l'intérieur de la jupe. Le contact partiel peut être ponctuel, linéaire ou surfacique.
De façon générale, en cas de contact partiel, celui-ci est matérialisé par plusieurs
zones de contact ponctuelles et/ou linéaires et/ou surfaciques.
[0013] De façon générale encore, la forme du manchon épouse celle de la douille. Le manchon
peut par exemple être cylindrique ou quasi cylindrique, tronconique, ou comporter
une partie cylindrique et une partie tronconique.
Le manchon peut aussi être constitué par un empilage de plusieurs tronçons.
[0014] De façon préférée, le manchon présente extérieurement des cannelures longitudinales
venant en contact avec la surface intérieure de la jupe de la douille. De telles zones
de contact sont linéaires, ou quasi linéaires, ou bien encore forment d'étroites bandes
longitudinales.
Une telle configuration crée, entre la paroi intérieure de la jupe et le manchon,
des conduits longitudinaux qui favorisent la combustion de la matrice combustible
du manchon ainsi que l'écoulement de tous les gaz de combustion du chargement propulsif
et du manchon.
[0015] Selon une autre variante préférée de l'invention, le manchon présente une fente longitudinale
ou hélicoïdale sur toute sa longueur de manière à offrir une certaine élasticité radiale
facilitant sa mise en place par le collet de la douille, ainsi que son positionnement
et son maintien contre la surface intérieure de la jupe de la douille.
[0016] Selon l'invention, le manchon rigide est constitué d'une matrice combustible comprenant
de la nitrocellulose fibreuse, de la cellulose fibreuse et une résine organique, chargée
par du TiO
2 pulvérulent.
La matrice combustible peut également comprendre certains additifs, tels que des stabilisants
comme la diphénylamine.
[0017] De façon préférée, la matrice combustible est essentiellement constituée de nitrocellulose
fibreuse, de cellulose fibreuse et de résine organique, c'est à dire que la somme
des teneurs pondérales en nitrocellulose, cellulose et résine est supérieure à 95%
par rapport à la matrice combustible.
[0018] La teneur en TiO
2 est comprise entre 10% en poids et 30% en poids par rapport au poids total du manchon,
limites incluses.
[0019] La granulométrie du TiO
2 peut être quelconque. Elle est par exemple de l'ordre de 50 µm.
[0020] Le manchon peut également comprendre d'autres charges que TiO
2, notamment d'autres oxydes minéraux connus pour leur action anti-érosive.
[0021] Comme cellulose fibreuse, on utilise de préférence des fibres de Kraft®, mais les
autres fibres cellulosiques naturelles ou régénérées peuvent tout aussi bien convenir,
y compris les fibres de pâte mécanique et les viscoses.
[0022] Comme nitrocellulose fibreuse, on peut utiliser toute nitrocellulose industrielle
ayant un taux d'azote inférieur à 13,8%.
[0023] Comme résine organique, on peut utiliser toute résine ou mélange de résines ayant
la propriété de floculer sur les fibres de nitrocellulose ou de cellulose.
[0024] Les résines préférées selon l'invention sont les résines acryliques, les résines
vinyliques, les latex à base de butadiène comme les latex butadiène styrène ou butadiène
acrylonitrile.
[0025] Les rapports des différents constituants du manchon peuvent varier dans de grandes
proportions.
[0026] Il faut néanmoins une quantité minimale de résine pour permettre une agglomération
suffisante des fibres, et on a observé qu'il est nécessaire que la quantité pondérale
de résine représente au moins 2% de la quantité pondérale de nitrocellulose et de
cellulose utilisée. On utilisera de préférence une quantité pondérale comprise entre
5% et 15%, par exemple voisine de 10%.
[0027] Le rapport pondéral nitrocellulose/cellulose peut varier entre 8 et 1/8, de préférence
entre 8 et 1/2.
[0028] Le manchon rigide peut être obtenu selon les techniques bien connues de l'homme du
métier à partir d'une suspension aqueuse des divers constituants, par exemple par
feutrage.
[0029] Ses dimensions sont adaptées à celles de la douille, de façon à pouvoir revêtir la
paroi interne de la douille après introduction.
[0030] L'exemple non limitatif suivant illustre l'invention et les avantages qu'elle procure.
a) Réalisation d'un manchon cylindrique rigide de masse 480 g constitué d'une matrice
combustible (384 g) chargée en TiO2 (96 g), de diamètre extérieur 122 mm, et d'épaisseur 4 mm.
[0031] Dans une suspension aqueuse constituée de 97,6 parties en poids de fibres de Kraft,
de 248 parties en poids de nitrocellulose ayant un taux d'azote de 13,4% et de 9600
parties en poids d'eau, on ajoute 96 parties en poids de TiO
2 ayant un diamètre médian de 44 µm, 33,6 parties en poids d'une résine acrylique de
type polyacrylate de méthyle et d'éthyle et 4,8 parties en poids de diphénylamine.
[0032] Après obtention d'un mélange homogène, on réalise, selon la technique de feutrage
bien connue de l'homme du métier, 2 tronçons de manchon, de longueur 185 mm, de diamètre
extérieur 122 mm et d'épaisseur 4 mm, ayant chacun une masse de 240 g.
[0033] La masse volumique apparente mesurée est de 0,85 g/cm
3.
[0034] Les propriétés mécaniques, et de combustion en bombe manométrique mesurées à la densité
de chargement de 0,1 g/ cm
3, sont les suivantes :
Test de choc Résiliance de 0,95 dJ/cm
3 Vivacité : 177 Hz
Temps de combustion
caractéristique (0,5 à 0,9 P max) : 3,6 ms
Durée totale de combustion (3 MPa à P max) : 51 ms
b) Réalisation d'une douille, d'une cartouche et d'une munition de diamètre 105 mm selon
l'invention, comportant le manchon réalisé en a) comme appoint anti-érosif
[0035] Après avoir fendu longitudinalement chacun des 2 tronçons de manchon réalisés en
a), on les roule légèrement sur eux-mêmes de façon à permettre leur introduction par
le collet d'une douille en laiton de type 105F4 comportant un culot et une jupe approximativement
cylindrique de longueur 607 mm.
[0036] Les diamètres intérieur et extérieur du collet sont respectivement 104 mm et 107
mm.
[0037] La jupe comporte une partie cylindrique de diamètre intérieur 122 mm et de longueur
environ 400 mm, ainsi qu'une partie tronconique faisant liaison entre cette partie
cylindrique et le collet.
[0038] Après pénétration successive des 2 tronçons de manchon dans la douille par son collet,
puis relâchement, on les enfonce jusqu'à ce qu'ils soient empilés et revêtent intérieurement
la partie cylindrique de la jupe.
[0039] On a obtenu une cartouche en positionnant une amorce de type TPA 27 x 320 bien connue
de l'homme du métier au niveau du culot de la douille, puis en remplissant la douille
par 5,6 kg d'une charge propulsive constituée d'une poudre double base nitrocellulose/nitroglycérine
de type GB 19 T (1,65) GR également bien connue de l'homme du métier.
[0040] On a ensuite obtenu une munition en positionnant par le collet de la cartouche, de
façon bien connue de l'homme du métier, un projectile de type boulet empenné OFL 105
de 5,8 kg, lesté à 6,25 kg.
c) Evaluation en arme de munitions obtenues selon b)
[0041] L'évaluation en arme (canon de type 105 F1) de 20 munitions identiques obtenues comme
selon b) a permis de constater une usure du tube de l'arme de 0,5 µm par coup, mesurée
après les 20 coups à l'aide d'une étoile de métrologie de façon bien connue de l'homme
du métier.
[0042] Lors de ces tirs, la vitesse initiale mesurée du projectile est de 1527 m/s et les
pressions maximales, respectivement mesurées à 110 mm et 508 mm de la culasse, sont
de 405 MPa et 387 MPa (valeurs moyennes). On note par ailleurs l'absence d'encrassement
du tube et même de la douille pendant le coup de feu.
[0043] Parallèlement à cet exemple selon l'invention, on a réalisé deux exemples comparatifs,
ne faisant pas partie de l'invention, afin de bien mettre en évidence le problème
résolu par l'invention et les avantages qu'elle procure.
[0044] Selon le premier exemple comparatif, on a réalisé 20 munitions identiques ne se différenciant
de la munition précitée selon l'invention que par l'appoint anti-érosif utilisé, à
savoir, l'utilisation, au lieu du manchon rigide réalisé selon a), d'un appoint de
182 g bien connu de l'homme du métier, correspondant à l'état de la technique selon
FR 1 526 983 précité, constitué de 53% en poids de TiO
2 et de 47% en poids de cire et tissu support.
[0045] On notera que la quantité de TiO
2 est identique (96 g) à celle utilisée selon l'invention.
[0046] L'évaluation en arme, dans les mêmes conditions expérimentales qu'en c) selon l'invention,
a permis de constater une usure du tube de l'arme de 7 µm par coup, à savoir une usure
14 fois supérieure à celle constatée avec les munitions selon l'invention.
[0047] Selon le second exemple comparatif, on a utilisé le même appoint de 182 g que celui
utilisé selon le premier exemple comparatif, mais comprenant en outre une feuille
de protection pour éviter la pollution du chargement, comme cela est enseigné par
US 3 148 620 précité dans l'état de la technique.
[0048] L'évaluation en arme, dans les mêmes conditions expérimentales qu'en c) selon l'invention,
a permis de constater une usure du tube de l'arme de 14 µm par coup, à savoir une
usure 28 fois supérieure à celle constatée avec les munitions selon l'invention.
1. Douille métallique de munition pour armes à feu au moins partiellement intérieurement
revêtue d'un appoint anti-érosif comprenant de l'oxyde de titane pulvérulent, caractérisée
en ce que l'appoint anti-érosif est un manchon rigide constitué d'une matrice combustible
chargée en oxyde de titane, en ce que la teneur pondérale en oxyde de titane est comprise
entre 10% et 30% par rapport au poids total du manchon, et en ce que la matrice combustible
comprend de la nitrocellulose fibreuse, de la cellulose fibreuse et une résine organique.
2. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que la matrice combustible
est essentiellement constituée de nitrocellulose fibreuse, de cellulose fibreuse et
de résine organique.
3. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le rapport pondéral
résine/nitrocellulose + cellulose est compris entre 0,05 et 0,15 et en ce que le rapport
pondéral nitrocellulose/cellulose est compris entre 8 et 1/2.
4. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que la résine organique
est choisie dans le groupe constitué par les résines acryliques, les résines vinyliques,
les latex à base de butadiène, et leurs mélanges.
5. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le manchon présente
extérieurement des cannelures longitudinales venant en contact avec la surface intérieure
de la jupe de la douille.
6. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le manchon présente
une fente longitudinale ou hélicoïdale sur toute sa longueur.
7. Douille métallique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le manchon est
constitué par un empilage de plusieurs tronçons.
8. Munition pour armes à feu comprenant une douille métallique munie d'une amorce, d'un
projectile, et contenant un chargement propulsif combustible, caractérisée en ce que
la douille est une douille selon l'une quelconque des revendications 1 à 7.
9. Appoint anti-érosif destiné à intérieurement revêtir une douille métallique de munition
pour armes à feu, caractérisé en ce que cet appoint est un manchon rigide constitué
d'une matrice combustible chargée en oxyde de titane, en ce que la teneur pondérale
en oxyde de titane est comprise entre 10% et 30% par rapport au poids total du manchon,
et en ce que la matrice combustible comprend de la nitrocellulose fibreuse, de la
cellulose fibreuse et une résine organique.