[0001] L'invention concerne une technique de traitement d'un signal audio basée sur l'estimation
de la réponse globale d'un haut-parleur destiné à reproduire ce signal audio, c'est-à-dire
tenant compte de l'ensemble des paramètres électriques, mécaniques et acoustiques
caractérisant cette réponse.
[0002] Il s'agit de modéliser le comportement physique du haut-parleur pour en simuler le
fonctionnement lorsque le signal audio lui est appliqué après amplification, de manière
à pouvoir opérer en amont divers traitements correcteurs de ce signal audio afin d'optimiser
la qualité de la reproduction acoustique finale restituée à l'auditeur.
[0003] En particulier, il est courant de renforcer les fréquences basses pour compenser
le fait que les haut-parleurs dédiés à ce registre ou
woofers, qui sont généralement installés dans des enceintes ouvertes (système à évent) ou
fermées, sont toujours plus ou moins limités dans la restitution des fréquences les
plus graves, la limite basse (dite fréquence de coupure de l'enceinte) dépendant de
la taille du haut-parleur, du volume de l'enceinte et du type de montage utilisé.
[0004] Toutefois, si l'on augmente le niveau du signal électrique dans les fréquences basses
par un filtrage approprié, analogique ou numérique, l'excursion de la membrane du
haut-parleur, c'est-à-dire l'amplitude de son déplacement par rapport à sa position
d'équilibre, devient rapidement trop importante, avec un risque d'endommagement du
haut-parleur et, à tout le moins, l'introduction pour des valeurs d'excursion excessives
de distorsions, écrêtages et saturations qui viennent dégrader rapidement la qualité
de restitution du signal audio.
[0005] La connaissance de la réponse globale du haut-parleur permet d'anticiper ce risque,
pour limiter si besoin le niveau du signal à reproduire afin d'éviter des excursions
excessives ou des non-linéarités génératrices de distorsions.
[0006] Un autre type de traitement envisageable consiste à appliquer au signal audio un
filtrage spécifique de compensation des non-linéarités introduites par le haut-parleur,
afin de réduire les distorsions audio et procurer une meilleure qualité d'écoute.
[0007] Il s'agit alors, indépendamment de toute limitation de l'excursion maximale, de rendre
le déplacement de la membrane du haut-parleur le plus linéaire possible, notamment
pour les fréquences les plus graves, en compensant les limitations physiques de la
réponse du haut-parleur dans ce registre au voisinage et en deçà de la fréquence de
coupure acoustique de l'ensemble haut-parleur/enceinte.
[0008] La connaissance des paramètres modélisant la réponse globale du haut-parleur est
primordiale pour opérer de tels traitements.
[0009] Ces paramètres sont classiquement ceux dits de "Thiele et Small" (T/S), qui décrivent
une modélisation d'un haut-parleur électrodynamique prenant en compte les divers phénomènes
électriques, mécaniques et acoustiques impliqués par la reproduction du signal, ainsi
que les conversions électro-mécanique et mécano-acoustique. La réponse du haut-parleur,
notamment dans les basses fréquences, peut être ainsi décrite par un jeu de paramètres,
référencés de façon uniforme par les constructeurs de haut-parleurs.
[0010] Ces paramètres T/S ne sont toutefois pas constants dans le temps, ni linéaires.
- en premier lieu, ils sont susceptibles de dériver au cours du temps, en fonction par
exemple du vieillissement du haut-parleur, de l'échauffement en cours d'utilisation,
etc. ;
- en second lieu, si l'on souhaite disposer d'une modélisation précise et réaliste du
comportement du haut-parleur, il faut tenir compte de ce que certains de ces paramètres
ne sont pas linéaires, c'est-à-dire que leurs valeurs ne sont pas fixes mais varient
constamment en fonction de l'excursion instantanée, c'est-à-dire de la position à
un instant donné de la bobine mobile et de la membrane du haut-parleur par rapport
à la position centrale d'équilibre. Tel est notamment le cas de l'inductance électrique,
de la raideur mécanique totale du système (la raideur de la membrane augmentant au
fur et à mesure que celle-ci s'éloigne de sa position d'équilibre) et du "facteur
de force" d'entrainement de la membrane (lié au champ magnétique dans l'entrefer de
la bobine, il décroit au fur et à mesure que la bobine s'éloigne de la position d'équilibre).
[0011] Le
EP 1 799 013 A1 décrit une technique de prédiction du comportement d'un haut-parleur, basée sur les
paramètres T/S, afin de compenser les non-linéarités du haut-parleur et réduire les
distorsions audio introduites dans le signal acoustique restitué à l'utilisateur.
[0012] Les paramètres T/S y sont toutefois considérés comme des invariants, connus a
priori, de sorte que la modélisation de la réponse est figée et ne peut prendre en compte
ni les évolutions lentes des paramètres, dues par exemple à leur dérive au cours du
temps du fait du vieillissement des composants.
[0013] Le
US 2003/0142832 A1 décrit une technique d'estimation adaptative des paramètres d'un haut-parleur, y
compris des paramètres non linéaires, à partir de la mesure du courant traversant
ce haut-parleur, avec mise en oeuvre d'un algorithme à descente de gradient. Ce procédé
requiert une pré-détermination des paramètres lors d'une phase de calibration statique
: lors de cette calibration, les paramètres T/S sont calculés pour différentes valeurs
de position de la membrane (décalage ou
offset par rapport à la position d'équilibre), avec mesure de l'impédance. Ensuite, une
mesure du courant est comparée à une estimation de ce même courant (élevée au carré
et filtrée par un filtre passe-bas) pour calculer la dérivée de l'erreur par rapport
à chaque paramètre. La technique met également en oeuvre un algorithme par descente
de gradient, de type moindres carrés moyens (LMS).
[0014] Cette méthode présente toutefois l'inconvénient de nécessiter une phase de calibration
préalable avec mesures d'impédance et application d'un signal prédéterminé, ce qui
exclut une ré-estimation des paramètres ultérieurs, tout au moins par un utilisateur
grand public. D'autre part, les algorithmes simples de type LMS par descente de gradient
ne prennent pas en compte les bruits de mesure, qui sont inévitables, ce qui rend
l'estimateur assez peu performant dans des cas réels d'utilisation.
[0015] Le
US 2008/0189087 A1 décrit une autre technique d'estimation des paramètres d'un haut-parleur, également
de type LMS par descente de gradient. Plus particulièrement, le procédé traite séparément
l'estimation de la partie linéaire et celle de la partie non linéaire. Pour cela,
le signal d'erreur utilisé par l'algorithme LMS (différence entre le signal mesuré
et le signal prédit) est traité afin de décorréler la partie linéaire et la partie
non linéaire. Ce document propose également de mettre en oeuvre l'estimateur en appliquant
en entrée un signal audio particulier, modifié par un filtre en peigne supprimant
sélectivement certaines fréquences choisies.
[0016] Cette technique présente les mêmes inconvénients que la précédente, notamment la
nécessité d'une calibration à partir d'un signal d'entrée modifié susceptible d'altérer
le confort d'écoute de l'utilisateur, ce qui ne permet pas d'opérer l'estimation pendant
une écoute musicale, de manière transparente pour l'utilisateur.
[0018] Le problème de l'invention est de pouvoir disposer d'un estimateur de la réponse
globale d'un haut-parleur électrodynamique :
- qui prenne en compte de la façon la plus fidèle et la plus précise l'ensemble des
non-linéarités de cette réponse, ainsi que les dérives éventuelles des paramètres,
par une réévaluation périodique de ces paramètres ;
- qui n'introduise aucune modification ni dégradation du signal d'entrée qui pourrait
altérer le confort d'écoute de l'utilisateur ;
- qui ne nécessite pour sa mise en oeuvre aucune calibration préalable ni application
d'un signal spécifique (bruit blanc, etc.) ;
- qui soit immédiatement fonctionnel à partir de n'importe quel type de signal musical,
par utilisation de ce signal "à la volée" pour le réajustement des paramètres de l'estimateur
- en d'autres termes, qui puisse fonctionner de manière transparente pour l'utilisateur,
l'estimateur opérant pendant que la musique est jouée et sur la base de cette musique,
sans qu'il soit nécessaire de demander à l'utilisateur de jouer un type particulier
de signal pour mettre en oeuvre l'algorithme d'estimation des paramètres du haut-parleur
; et
- qui, pour être compatible avec des produits grand public, ne nécessite que la mesure
de paramètres électriques immédiatement accessibles (tension aux bornes du haut-parleur
et intensité dans la bobine) et soit utilisable avec des haut-parleurs conventionnels,
dépourvus de capteur électromécanique (capteur de déplacement, de pression acoustique,
etc.) - en d'autres termes, où le déplacement mécanique de la membrane (excursion)
reste une "variable cachée", non mesurée, de l'estimateur.
[0019] À cet effet, l'invention propose un procédé de traitement d'un signal audio numérique
du type général divulgué par le mémoire précité d'Arvidsson et Karlsson, à savoir
un procédé comprenant :
- a) la détermination d'un vecteur d'observation ne comprenant que des mesures de paramètres
électriques, avec : une mesure de la tension aux bornes du haut-parleur, et une mesure
du courant traversant le haut-parleur ;
- b) la détermination d'un vecteur d'état par application des mesures de tension et
de courant à un estimateur à filtre prédictif incorporant une représentation d'un
modèle dynamique du haut-parleur,
ce filtre prédictif étant un filtre de Kalman étendu apte à : opérer une prédiction
du vecteur d'état à partir des mesures de tension et d'intensité, et recaler cette
prédiction par calcul d'une estimée de la tension et comparaison de cette estimée
à la mesure de la tension ; et
- c) l'application au signal audio d'un traitement fonction dudit vecteur d'état.
[0020] De façon caractéristique de l'invention, les composantes du vecteur d'état comprennent
:
· des valeurs de paramètres linéaires de réponse du haut-parleur compris dans le groupe
: résistance électrique et résistance mécanique, et
· des coefficients polynomiaux de paramètres non-linéaires de réponse du haut-parleur
compris dans le groupe : facteur de force, raideur équivalente et inductance électrique.
[0021] Le traitement appliqué au signal audio peut notamment être un traitement de compensation
des non-linéarités de la réponse du haut-parleur, telles que déterminées à partir
du vecteur d'état délivré par l'estimateur à filtre prédictif.
[0022] En variante ou en complément, le traitement appliqué au signal audio peut comprendre
: c1) le calcul d'une valeur courante d'excursion du haut-parleur en fonction i) d'un
gain d'amplification du signal audio et ii) de la réponse du haut-parleur telle que
déterminée à partir du vecteur d'état délivré par l'estimateur à filtre prédictif
; c2) la comparaison de la valeur courante d'excursion ainsi calculée avec une valeur
maximale d'excursion ; et c3) le calcul d'une atténuation éventuelle du gain d'amplification
au cas où la valeur courante d'excursion dépasse la valeur maximale d'excursion. Par
ailleurs, les composantes du vecteur d'état peuvent comprendre des valeurs de paramètres
acoustiques additionnels représentatifs de la réponse du haut-parleur associé à une
cavité arrière munie d'un évent de décompression.
[0023] Très avantageusement, la détermination du vecteur d'état de l'étape b) et opérée
à la volée à partir du signal audio courant objet du traitement de l'étape c) et reproduit
par le haut-parleur, par recueil des paramètres électriques aux bornes du haut-parleur
pendant la reproduction de ce signal audio.
[0024] Le procédé peut alors comprendre les étapes suivantes : mémoriser une séquence d'échantillons
du signal audio pendant une durée prédéterminée ; analyser la séquence pour calculer
un paramètre d'énergie du signal audio mémorisé ; si le paramètre d'énergie calculé
est supérieur à un seuil prédéterminé, activer l'estimation par le filtre prédictif
; dans le cas contraire, inhiber l'estimation par le filtre prédictif et conserver
les valeurs du vecteur d'état antérieurement estimées.
[0025] On va maintenant décrire un exemple de mise en oeuvre de l'invention, en référence
aux dessins annexés où les mêmes références numériques désignent d'une figure à l'autre
des éléments identiques ou fonctionnellement semblables.
La Figure 1 est un schéma équivalent d'un haut-parleur électrodynamique faisant intervenir
les différents paramètres T/S modélisant la réponse globale de celui-ci.
La Figure 2 illustre, sous forme de schéma par blocs, les principales étapes de traitement
du procédé de l'invention.
La Figure 3 illustre plus précisément le fonctionnement de l'estimateur à filtre de
Kalman étendu.
Modélisation de la réponse globale d'un haut-parleur (paramètres de Thiele et Small)
[0026] On va tout d'abord exposer, en référence à la Figure 1, les différents paramètres
et équations décrivant la réponse d'un haut-parleur électrodynamique HP, soumis à
une excitation électrique par un générateur G et délivrant un signal de pression sur
une charge acoustique CH.
[0027] La moitié gauche schématise la partie électrique du haut-parleur, auquel est appliquée
une tension d'excitation mesurable, Umes, provenant d'un amplificateur produisant
un courant i, également mesurable, traversant la bobine du haut-parleur. Le premier
transformateur de rapport BI schématise la conversion électrique en force mécanique
appliquée à la bobine. Enfin, le gyrateur de rapport Sd schématise la conversion mécanique
(déplacement de la membrane du haut-parleur) en pression acoustique.
[0028] Les différents composants de ce schéma équivalent (résistances, inductances et capacité)
modélisent des phénomènes électriques, mécaniques (par exemple la masse de l'équipage
mobile bobine/membrane) ou bien acoustiques (le volume d'air de la cavité arrière
du haut-parleur).
[0029] Le système est régi par les équations liées suivantes (pour un haut-parleur à l'air
libre ou monté dans une cavité arrière fermée) :
u étant la tension appliquée aux bornes du haut-parleur,
i étant le courant traversant la bobine,
x étant le déplacement de la membrane,
R
e étant la résistance électrique du système,
M
ms étant une masse équivalente modélisant la masse de l'équipage mobile totale du système,
R
eq étant une résistance équivalente modélisant les frottements et pertes mécaniques
du système,
Le étant l'inductance électrique du système,
BI étant le facteur de force motrice (le produit du champ magnétique dans l'entrefer
par la longueur de la bobine), et
K
eq étant une raideur équivalente modélisant la raideur globale de la suspension (spider,
suspension externe et cavité).
[0030] Les trois premiers paramètres (R
e, M
ms et R
eq) sont des paramètres linéaires, la masse équivalente M
ms étant même un invariant, supposé connu d'après les spécifications du fabricant. En
revanche, R
e, et R
eq, qui peuvent être considérés comme constants sur une brève période (le temps de leur
estimation) sont des paramètres susceptibles de dériver progressivement au cours du
temps en fonction de la montée en température de la bobine mobile, du vieillissement
des composants, etc. et ils doivent donc être réévalués à intervalles réguliers.
[0031] Les trois derniers paramètres (Le, BI et K
eq) sont des paramètres non linéaires, qui dépendent de la valeur instantanée du déplacement
x de la membrane. Ils peuvent être approximés par des modèles polynomiaux :
[0032] La connaissance complète du modèle nécessite donc la détermination des paramètres
linéaires R
e et R
eq, et celle des coefficients polynomiaux des paramètres non linéaires BI, K
eq et Le.
[0033] L'ensemble de ces paramètres sera appelé par la suite "vecteur d'état" X, avec X
= [R
e, R
eq, Bl
0, Bl
1, Bl
2, K
eq0, K
eq1, K
eq2, L
e0, L
e1, L
e2, L
e3, L
e4]
T.
[0034] Le déplacement x, qui est un paramètre non mesuré, sera une variable cachée de l'estimateur.
[0035] Les équations précédentes étant écrites en temps continu, si l'on veut passer en
temps discret (correspondant à un échantillonnage numérique), on utilise la transformée
d'Euler, qui donne :
où v
n = F
s*(x
n+1-X
n) représente la vitesse de déplacement de la membrane, F
s étant la fréquence d'échantillonnage et j
n = F
s*(i
n+1-i
n) étant la dérivée du courant.
[0036] On notera que ce système d'équations peut également être étendu à l'estimation de
la réponse d'un haut-parleur monté avec une cavité arrière comportant un évent vers
l'extérieur, par exemple de type "bass-reflex". Il convient alors d'ajouter au modèle
une troisième équation :
où xp (qui sera une seconde variable cachée de l'estimateur) représente le déplacement
de la masse d'air contenue dans l'évent, et M
pm, R
boxm, K
boxm et R
pm sont des paramètres connus dépendant de la taille de l'évent et de la cavité arrière.
Application d'un filtre de Kalman étendu à l'estimation de la réponse d'un haut-parleur
[0037] En référence aux Figures 2 et 3, on va maintenant décrire le procédé de l'invention,
permettant d'estimer les différents paramètres du haut-parleur pour appliquer au signal
audio des traitements appropriés prenant en compte la modélisation de la réponse de
celui-ci.
[0038] On notera que, bien que ces schémas soient présentés sous forme de circuits interconnectés,
la mise en oeuvre des différentes fonctions est essentiellement logicielle, cette
représentation n'ayant aucun caractère illustratif. Le logiciel peut notamment être
mis en oeuvre au sein d'une puce dédiée de traitement du signal numérique de type
DSP.
[0039] Concrètement, les traitements que l'on va décrire sont effectués sur des signaux
préalablement numérisés, les algorithmes étant exécutés de façon itérative à la fréquence
d'échantillonnage pour les trames successives de signal, par exemple des trames de
1024 échantillons.
[0040] De façon caractéristique, la présente invention met en oeuvre un filtrage de Kalman,
et plus précisément un filtrage de Kalman étendu (EKF), dont on va réexposer ci-après
les grandes lignes.
Principes de base du filtre de Kalman étendu
[0041] Le "filtre de Kalman", qui repose sur un algorithme largement connu, est un estimateur
d'état comprenant un filtre à réponse impulsionnelle infinie (IIR) qui estime les
états d'un système dynamique à partir d'un ensemble d'équations décrivant le comportement
du système et d'une série de mesures observées.
[0042] Un tel filtre permet notamment de déterminer un "état caché", qui est un paramètre
non observé mais essentiel pour l'estimation.
[0043] Dans le cas présent :
- le système dynamique est la réponse du haut-parleur ;
- les équations décrivant le comportement du système sont les Équations (1), (2) et
éventuellement (3) ci-dessus ;
- les mesures observées appliquées en entrée du filtre sont la tension appliquée aux
bornes du haut-parleur et le courant traversant la bobine de celui-ci ; et
- l'état caché est l'excursion instantanée, à savoir le déplacement physique de la membrane
par rapport à sa position d'équilibre, qui est un paramètre essentiel pour l'estimation
des paramètres non linéaires de la réponse du haut-parleur, comme exposé plus haut.
[0044] Le filtre de Kalman opère en deux phases, avec successivement :
1°) une phase de prédiction, effectuée à chaque itération du filtre : cette phase
consiste à prédire la réponse du haut-parleur à l'instant courant par rapport à l'instant
précédent selon une équation d'évolution ; et
2°) une phase de recalage, qui consiste à corriger la prédiction en utilisant les
mesures courantes (tension, courant) : la modélisation de la réponse est alors adaptée
et mise à jour pour tenir compte notamment des erreurs de mesure systématique.
Application du filtre de Kalman étendu à l'estimation de la réponse du haut-parleur
[0045] De façon générale, si l'on adopte le formalisme de la représentation d'état, la première
équation du processus de Kalman est l' "équation de l'évolution" du modèle :
xk étant le vecteur d'état, représentant l'état à l'instant k,
Fk étant la matrice de transition (définie à la conception du filtre) qui détermine
l'évolution de l'état
k-1 au nouvel état
k,
Bk étant un vecteur de bruit (bruit gaussien engendré par les capteurs),
uk étant un vecteur de contrôle (paramètre en entrée du filtre), et
wk étant un état représentant le bruit à l'instant
k.
[0046] Dans le cas présent, le vecteur d'état
xk est le vecteur composé des paramètres du modèle du haut-parleur :
[0047] La seconde équation du processus de Kalman est l' "équation de mesure" :
zk étant le vecteur d'observation à l'instant
k (mesures de tension et de courant),
Hk étant la matrice de mesure à l'instant
k, c'est-à-dire la matrice d'observation reliant l'état à la mesure, déterminée à la
conception du filtre, et
vk étant le vecteur de bruit de la mesure à l'instant
k.
[0048] La première étape est la prédiction du modèle à l'instant
k, à partir de l'état à l'instant
k-1, donnée par les équations suivantes : Prédiction (
a priori) de l'état estimé
Covariance de prédiction (
a priori)
[0049] La seconde étape est la mise à jour du modèle, grâce à l'observation de la mesure
à l'instant k, par le système d'équations suivant :
Innovation ou résidu de mesure
Covariance de l'innovation
Gain de Kalman optimal
Mise à jour (
a posteriori) de l'état estimé
Mise à jour (
a posteriori) de la covariance
[0050] Dans le cas d'un système linéaire, l'estimation de Kalman est optimale au sens des
moindres carrés du modèle caché.
[0051] Toutefois, on a vu plus haut que le modèle dynamique de réponse du haut-parleur utilisé
n'est pas un modèle linéaire, de sorte que le filtrage de Kalman que l'on vient d'exposer
n'est pas applicable à la présente invention.
[0052] Pour cette raison, la méthode utilisée sera celle connue sous la dénomination de
"filtrage de Kalman étendu" ou EKF.
[0053] L'équation d'évolution du modèle et l'équation de mesure se présentent sous la forme
:
f et
h étant des fonctions non linéaires, mais différentiables.
[0054] Le filtrage de Kalman étendu consiste à approximer ces fonctions
f et
h par leurs dérivées partielles lors du calcul des matrices de covariance (matrice
de prédiction et matrice de mise à jour), ceci afin de linéariser localement le modèle
et lui appliquer en chaque point les systèmes d'équations de prédiction et de mise
à jour du filtrage de Kalman exposé ci-dessus. Ces systèmes d'équations deviennent,
respectivement :
Prédiction (
a priori) de l'état estimé
Covariance de prédiction (
a priori)
et :
Innovation ou résidu de mesure
Covariance de l'innovation
Gain de Kalman presque-optimal
Mise à jour (
a posteriori) de l'état estimé
Mise à jour (
a posteriori) de la covariance
[0055] La matrice de transition et la matrice d'observation sont les matrices jacobiennes
(matrices de dérivées partielles) suivantes :
Mise en oeuvre pratique du filtre de Kalman étendu au traitement d'un signal audio
reproduit par un haut-parleur
[0056] Le mode opératoire que l'on vient de décrire peut être mis en oeuvre de la façon
illustrée schématiquement sur la Figure 2.
[0057] Un signal audio numérisé E issu d'un lecteur de media est reproduit acoustiquement
par un haut-parleur 10 après conversion numérique/analogique (bloc 12) et amplification
(bloc 14).
[0058] La réponse du haut-parleur 10 est simulée par un algorithme à filtre de Kalman étendu
(estimateur du bloc 16) utilisant en entrée les signaux 18 recueillis sur le haut-parleur
10, ces signaux comprenant la tension Umes appliquée aux bornes du haut-parleur par
l'amplificateur 14 et le courant i circulant dans la bobine mobile du haut-parleur.
[0059] On va expliciter plus particulièrement le fonctionnement du filtre de Kalman étendu
16 en référence à la Figure 3, où le bloc 20 schématise l'estimateur du filtre de
Kalman basé sur la modélisation de la réponse du haut-parleur, le bloc 22 la fonction
h de l'équation de mesure et le bloc 24 la comparaison entre état estimé et état mesuré,
permettant de dériver un signal d'erreur pour la mise à jour du modèle dynamique.
[0060] Les paramètres du modèle à estimer forment à l'instant n le vecteur d'état X
n (le paramètre M
ms du modèle étant supposé connu et invariant) :
[0061] On considèrera que le modèle de la réponse du haut-parleur est invariant lors du
temps nécessaire à l'estimation. Par exemple, si l'on utilise une fraction de T =
10 secondes de signal pour l'estimation, on supposera que le modèle reste le même
pendant cette durée T, à un bruit d'évolution près.
[0062] Dès lors, l'équation d'évolution de l'état se résume simplement à :
[0063] La mesure de la tension aux bornes du haut-parleur constitue la seule composante
du vecteur d'observation Umes
n-1. Cette mesure est comparée à la tension estimée Uest
n = h(X
n) obtenue avec les estimations des paramètres de l'instant n et le courant mesuré
i :
X
n étant ici une variable cachée du déplacement, calculée récursivement à l'aide des
Équations (1) et (2).
[0064] L'algorithme calcule ensuite la dérivée de la fonction h par rapport à chacune des
composantes du vecteur X : dh(X)/dBl0, dh(X)/dKeq0, ... ce qui correspond à la dérivée
partielle de la tension estimée, par rapport à chacun des paramètres du modèle.
[0065] Si de manière générale on note p l'un de ces paramètres, on obtient en dérivant l'Équation
(1) par rapport à p :
et en dérivant et réarrangeant l'Équation (2) par rapport à p :
et :
[0066] Ces équations permettent de calculer récursivement la matrice jacobienne (qui, dans
le cas présent, est un simple vecteur) :
[0068] L'estimation des paramètres du modèle du haut-parleur à l'instant n est donnée par
le vecteur d'état X
n|n.
[0069] Le vecteur d'état X
n|n ainsi obtenu peut être utilisé à diverses fins.
[0070] La connaissance de la réponse du haut-parleur, et notamment de l'excursion x de la
membrane (variable cachée, non mesurée mais estimée grâce au filtre de Kalman étendu)
peut notamment servir de donnée d'entrée à un étage limiteur 26 (Figure 2) : la valeur
instantanée x de l'excursion est comparée à un seuil déterminé X
max au-delà duquel on considère cette excursion comme trop importante, avec risque d'endommagement
du haut-parleur, d'apparition de distorsions, etc. Si le seuil est dépassé, le limiteur
détermine un gain d'atténuation, inférieur à l'unité, qui sera appliqué au signal
incident E pour en réduire l'amplitude, de manière que l'excursion reste dans la plage
autorisée.
[0071] Un autre traitement qu'il est possible d'appliquer au signal audio est une compensation
des non-linéarités (bloc 28). En effet, dans la mesure où l'on modélise la réponse
du haut-parleur, il est possible de prédire les non-linéarités de cette réponse et
de les compenser par un traitement inverse approprié, appliqué au signal. Un tel traitement
est en soi connu, et pour cette raison on ne le décrira pas plus en détail.
[0072] On notera qu'une compensation des non-linéarités est susceptible d'ajouter de la
puissance au signal obtenu en sortie. Il est donc nécessaire à ce stade de vérifier
que le signal compensé des non-linéarités ne dépasse pas une limite admissible d'excursion
de la membrane - dans le cas contraire un gain global d'atténuation, inférieur à l'unité,
sera appliqué au signal pour que cette excursion reste dans la plage autorisée.
[0073] Selon un autre aspect de l'invention, l'estimateur de Kalman étendu opère à la volée,
directement à partir du signal audio courant reproduit par le haut-parleur, par recueil
des paramètres électriques sur ce haut-parleur (tension, courant) pendant la reproduction
de ce signal audio.
[0074] En effet, il n'existe pas de contrainte théorique sur le signal excitant la membrane
du haut-parleur pour que la méthode d'estimation par filtre de Kalman étendu puisse
être mise en oeuvre.
[0075] Le système pourra être ainsi utilisé avec une installation haute-fidélité grand public,
en fonctionnant de manière transparente pour l'utilisateur : il n'est pas besoin de
demander à celui-ci de reproduire un type particulier de signal de calibration (bruit
blanc, succession de tonalités, etc.) pour que l'algorithme puisse estimer les paramètres
du haut-parleur, ce dernier pouvant opérer de façon continue pendant que la musique
est jouée. Cependant, afin d'estimer au mieux les paramètres linéaires et non-linéaires
du modèle T/S, notamment les paramètres Bl(x), K
eq(x) et L
e(x) qui dépendent du déplacement x de la membrane, il est préférable que le signal
joué fasse déplacer suffisamment cette membrane afin que l'estimation soit la meilleure
possible.
[0076] Pour décider si un signal d'excitation E peut être utilisé pour mettre à jour l'estimateur
de Kalman, lorsque de la musique est jouée, les T dernières secondes (typiquement
T = 10 secondes) du signal sont en permanence gardées en mémoire dans un tampon 30
(Figure 2).
[0077] Le déplacement de la membrane est calculé en permanence par application des Équations
(1) et (2) de l'estimateur (bloc 32), avec des paramètres de haut-parleur qui sont
fixés et correspondent aux résultats de la dernière estimation opérée par le filtre
de Kalman.
[0078] La valeur efficace x_eff(n) de ce déplacement est calculée (bloc 32) tous les N échantillons
(typiquement N = 24000 échantillons), par exemple par la formule suivante :
[0079] Si cette valeur efficace est supérieure à un seuil donné x_seuil (bloc 34) pendant
un nombre de fois consécutives correspondant au temps T, alors on considère que les
T dernières secondes de signal joué sont valides et l'on active la mise à jour du
filtre de Kalman afin que celui-ci puisse utiliser ces T dernières secondes de signal
pour ré-estimer les paramètres de la réponse du haut-parleur.