Domaine technique
[0001] La présente invention se rapporte au domaine de l'horlogerie mécanique et concerne
le domaine des ressorts de barillet utilisés particulièrement dans les montres.
Etat de la technique
[0002] Dans un mouvement de montre mécanique, l'énergie nécessaire à son fonctionnement
est généralement emmagasinée dans un ressort, logé dans un barillet et, de fait, appelé
ressort de barillet. La force fournie est distribuée par l'échappement et régulée
par un oscillateur, qui est généralement un balancier-spiral.
[0003] La force que doit transmettre le ressort est déterminée par les caractéristiques
du mouvement, à partir desquelles le ressort est dimensionné. Le diamètre du barillet
conditionne le nombre de tour que peut comporter le ressort, ce nombre de tour étant
le paramètre essentiel déterminant la réserve de marche du mouvement, c'est-à-dire
la durée maximale pendant laquelle le barillet peut faire fonctionner le mouvement
dans des conditions correctes.
[0004] A l'heure actuelle, les ressorts de barillet sont réalisés de manière quasi exclusive,
en Nivaflex®. En effet, un ressort de barillet doit réunir plusieurs qualités fondamentales.
Il doit être inoxydable, amagnétique, infatigable, et présenter un coefficient d'élasticité
très élevé. A l'heure actuelle, le Nivaflex® présente toutes ces qualités et offrent
des performances remarquables. On constate qu'ils occupent une situation de quasi
monopole sur le marché.
[0005] D'un point de vue pratique, si on met en oeuvre un ressort de barillet en Nivaflex®
dans un mouvement existant, la dimension disponible pour le barillet et la force que
le ressort doit fournir étant déterminées, il n'y a pas de possibilité de modifier
le ressort de barillet pour améliorer significativement la réserve de marche du mouvement,
puisqu'on ne peut modifier le nombre de tour d'enroulement sans redimensionner la
place occupée par le barillet et donc modifier le mouvement.
[0006] La présente invention a pour but de permettre une amélioration significative de la
réserve de marche d'un mouvement, sans modifier les dimensions du barillet, ni les
éléments de l'organe réglant.
Divulgation de l'invention
[0007] Pour atteindre ces buts, l'invention concerne un ressort de barillet de pièce d'horlogerie
tel que défini dans les revendications. L'invention concerne également un barillet
comportant un tel ressort et une pièce d'horlogerie équipée d'un tel barillet.
Brève description des dessins
[0008] D'autres détails de l'invention apparaîtront plus clairement à la lecture de la description
qui suit, faite en référence au dessin annexé dans lequel :
- les figures 1 et 2 sont des graphiques illustrant les avantages de l'invention dans
le cadre de son application à un ressort de barillet, et
- les figures 3a et 3b montrent un autre exemple comparatif d'un avantage de l'invention
dans cette même application.
Mode(s) de réalisation de l'invention
[0009] La présente invention repose sur l'utilisation pour la réalisation d'un ressort de
barillet de pièce d'horlogerie, montre, pendule ou autre, d'un alliage métallique
comportant du fer et de l'azote dans une proportion comprise entre 0.1 % massique
et la limite de sa solubilité dans l'alliage métallique.
[0010] L'alliage peut également comprendre l'un ou plusieurs des additifs suivants : carbone,
manganèse, chrome, azote, niobium, molybdène.
[0011] Dans un exemple avantageux, l'alliage peut être de composition massique suivante
:
- carbone : de 0.1 à 1%,
- manganèse: de 5 à 25%,
- chrome : de 16 à 20%,
- azote : de 0.1 à 5%,
- niobium : ≤0.25%,
- molybdène : de 2.5 à 4.2%,
- fer : le solde.
[0012] Ce genre d'alliage est connu sous la référence acier 1.4452. Il est généralement
utilisé dans des applications médicales, pour des prothèses, voire dans l'horlogerie
pour des pièces d'habillage, tel que des bracelets ou des boites de montre. En effet,
cet alliage ne contient pas de nickel et est, de fait, bien toléré au niveau des allergies.
A la connaissance de la demanderesse, cet alliage n'est pas utilisé pour ses qualités
d'élasticité.
[0013] Or, comme nous allons le montrer ci-après, la demanderesse a remarqué l'extrême intérêt
à utiliser cet alliage pour en faire des ressorts de barillet de pièce d'horlogerie,
aux propriétés remarquables.
[0014] Comme mentionné ci-dessus, l'alliage comporte au moins du fer, dans une proportion
en général supérieur à 50% en masse, mais sans que ce seuil soit obligatoire. L'alliage
comporte également, au moins de l'azote, dans une proportion allant de 0,1% jusqu'à
la limite de sa solubilité dans l'alliage. Selon les autres métaux composant l'alliage,
cette limite de solubilité peut varier, de sorte qu'une valeur chiffrée n'est pas
pertinente.
[0015] A titre d'illustration non limitative, l'alliage peut contenir moins de 0.15% de
carbone. Il peut également contenir, plus particulièrement, entre 0.75% et 1 % d'azote.
De plus, l'alliage peut également contenir entre 12 et 16% de manganèse.
[0016] Afin de souligner les avantages de l'alliage proposé dans une utilisation dans un
ressort de barillet de pièce d'horlogerie, nous allons ci-après montrer ses performances
par rapport au matériau considéré, actuellement, comme le meilleur, le Nivaflex®.
[0017] Ainsi, pour tester de manière comparative les performances d'un ressort de barillet
réalisé dans un tel alliage, on a réalisé des ressorts de barillet aux dimensions
d'un ressort de barillet étalon, en Nivaflex®. Dans les exemples ci-après, les ressorts
testés ont les dimensions suivantes : 1.18x0.115x455 (mm). Par souci de clarté, on
précisera que ces dimensions sont, respectivement, la hauteur, l'épaisseur et la longueur
de la lame ressort.
[0018] Pour la fabrication, les premiers essais ont été réalisés en utilisant une méthode
de fabrication habituellement utilisée avec du Nivaflex®, ceci afin de pouvoir effectuer
une comparaison rigoureuse. Cette méthode étant connue, elle ne sera pas décrite en
détail.
[0019] Pour réaliser un ressort en Nivaflex® aux dimensions requises, on doit avoir un fil
de diamètre de 0.55mm. Pour atteindre cette dimension, on tréfile un fil ébauche recuit
de 1.1mm de diamètre, ce qui correspond à un taux d'écrouissage optimal de 65% à 75%
et une résistance à la rupture en traction de 2000MPa à 2200MPa. On entend par écrouissage
optimal un écrouissage permettant d'obtenir un optimal au niveau du rapport entre
l'élasticité et la fragilité du matériau. Ainsi, avec du Nivaflex®, on sait que le
tréfilage ne doit pas être maximum, car le matériau devient trop fragile.
[0020] Pour l'acier 1.4452, le taux d'écrouissage optimal est supérieur à 98%. Or, à ce
jour, l'acier tel qu'utilisé dans le cadre de l'invention est disponible sur le marché
sous la forme de fil de diamètre de 1.29mm, ce qui correspond à un taux d'écrouissage
de 82%. Les tests ci-après ont donc été effectués à partir d'un tel fil, ce qui laisse
augurer d'améliorations supplémentaires possibles en partant d'un fil davantage écroui.
[0021] Les fils de Nivaflex® et d'acier 1.4452 sont ensuite laminés et traités thermiquement
à une température de 380° pendant 4h.
[0022] Les ressorts obtenus, ayant donc les mêmes dimensions et ayant été obtenus selon
le même procédé pour le ressort en Nivaflex® et le ressort en acier 1.4452, présentent
les résultats suivants:
Nivaflex® |
Acier 1 4452 |
Fil |
Ressorts 1.18x0.115x455 traité 380°C |
Fil |
Ressorts 1.18x0.115x455 traité 380°C |
∅0.55mm |
M0.5 |
M4.8 |
∅0.55mm |
M0.5 |
M4.8 |
Rm 2018MPa A 6.3% |
7.88mNm |
6 35mNm |
Rm 2480MPa A 5.9% |
8.25mNm (+5%) |
6.88mNm (+8%) |
[0023] Dans ce tableau, Rm signifie la résistance mécanique en traction du ressort, soit
la force appliquée pour le rompre. La valeur A est l'allongement relatif du ressort
lors de cette rupture. Les valeurs M0.5 et M4.8 sont les couples fournis par le barillet
intégrant ledit ressort, respectivement lorsque, après avoir été armés au maximum,
les ressorts sont déchargés de 0.5 ou de 4.8 tours de barillet. Naturellement, en
matière d'horlogerie, on souhaite que le couple fourni par le ressort soit aussi constant
que possible au cours du désarmage du ressort, et que les valeurs M0.5 et M4.8 soient
aussi proches que possible l'une de l'autre.
[0024] On peut déjà constater une amélioration nette des caractéristiques mécaniques d'un
ressort en alliage selon l'invention par rapport à un ressort en Nivaflex®. On peut
relever que la rupture se fait à un allongement comparable, mais que le ressort en
acier 1.4452 supporte une traction beaucoup plus importante (+22.9%). De plus, pour
un ressort de mêmes dimensions, le couple transmis est plus important (+5% ou +8%,
respectivement à M0.5 et M4.8), notamment avec une meilleure stabilité au cours du
désarmage.
[0025] En outre, comme mentionné ci-dessus, l'alliage utilisé pour réaliser un ressort selon
l'invention peut être davantage tréfilé. On l'a ainsi tréfilé jusqu'à un diamètre
de 0.18mm. On a calculé les valeurs théoriques qui seraient obtenues avec un ressort
de barillet aux dimensions requises, obtenu à partir d'un fil tréfilé de 0.18mm.

[0026] On peut constater qu'un ressort en acier 1.4452 ayant ces dimensions permet d'obtenir
une résistance à la rupture supérieure de 49% par rapport au ressort de référence
en Nivaflex®. On rappellera qu'un ressort en Nivaflex® autant tréfilé donnerait des
résultats encore moins bons que le ressort de référence. De plus, le couple fourni
(valeurs théoriques, calculées par modélisation) est encore meilleur que lors des
tests obtenus avec un fil de diamètre 0.55mm, avec une plus grande stabilité lors
du désarmage.
[0027] En outre, ce fil présente encore un allongement à la rupture de 5.9%, il est donc
probable qu'il puisse être tréfilé davantage, améliorant ainsi encore sa résistance
à la rupture.
[0028] La figure 1 représente les courbes de la force de traction appliquée (en MPa) en
fonction de l'allongement relatif. La chute brutale de la force appliquée correspond
à la rupture de la lame. La courbe
a correspond à un fil de Nivaflex® de diamètre 0.55mm (75% d'écrouissage), la courbe
b correspond à un fil d'acier 1.4452 de diamètre 0.55mm (82% d'écrouissage) et la courbe
c correspond à un fil d'acier 1.4452 de diamètre 0.18mm (98% d'écrouissage).
[0029] Avec les ressorts obtenus, il a également été procédé à des tests de fatigue. Pour
ce faire, on arme et désarme successivement le ressort entre10% et 90% de sa réserve
de marche, jusqu'à la rupture du ressort. Les résultats suivants ont été obtenus.
|
Nivaflex M0.5 à 8.40mNm |
Acier 1.4452 M0.5 à 8.25mNm |
Coquillons ∅2.40mm |
1269 cycles |
2047 cycles (+61%) |
[0030] On peut donc constater une très importante amélioration de la résistance à la fatigue
des ressorts à la répétition des armages et des désarmages.
[0031] Des essais de coquillonnage ont été réalisés afin d'améliorer ce point. Le coquillonnage
consiste à réaliser le coquillon, c'est-à-dire l'extrémité intérieure du ressort moteur,
pliée en forme d'anneau, qui est destinée à être accrochée à l'arbre de barillet.
Aujourd'hui, toute la littérature et l'expérience impose une limite au niveau du rapport
entre le diamètre de l'arbre de barillet et l'épaisseur de la lame formant le ressort.
Ce rapport est en principe supérieur ou égal à 20. En d'autres termes, l'anneau formé
par le coquillon ne doit pas être trop petit par rapport à l'épaisseur de la lame
ressort. La limite retenue actuellement est basée sur la ductilité du Nivaflex®, étant
donné que la quasi exclusivité des ressorts de barillet sont réalisés dans ce matériau.
Grâce à une meilleure ductilité, l'acier 1.4452 permet de réduire ce rapport.
[0032] Des essais ont été réalisés avec un rapport de 12 fois, entre le diamètre de l'arbre
de barillet et l'épaisseur de la lame formant le ressort. Dans le cas testé, la diminution
de ce rapport se traduit concrètement par une diminution du diamètre de l'arbre de
barillet de 2.40mm à 1.35mm.
[0033] Les figures 3a et 3b montrent respectivement des ressorts en Nivaflex® et en acier
1.4452 avec un coquillon réalisé avec un rapport de 12 entre le diamètre de l'arbre
de barillet sur lequel le ressort est destiné à être monté (ce diamètre correspond
sensiblement au diamètre intérieur de l'anneau formé par le coquillon), et l'épaisseur
de la lame ressort. On peut voir sur la figure 3a que la ductilité du Nivaflex® ne
permet pas d'obtenir un coquillon parfaitement circulaire à cette dimension. La forme
elliptique favorise la rupture de la lame au niveau du coquillon. Au contraire, la
figure 3b illustre la possibilité d'obtenir un coquillon présentant une forme circulaire
satisfaisante. Ainsi, malgré le rapport entre le diamètre de l'arbre et l'épaisseur
de la lame ressort, le risque de casse n'est pas accru.
[0034] Des tests supplémentaires ont été réalisés. La figure 2 illustre des mesures du couple
fourni à M0.5 et M4.8. Elles ont été réalisées avec des ressorts obtenus par des traitements
thermiques à des températures différentes. Les courbes
a et
b, obtenues avec du Nivaflex® respectivement à des couples M0.5 et M4.8, sont relativement
plus pentues que les courbes
c et
d obtenues avec de l'acier 1.4452, respectivement à des couples M0.5 et M4.8.La diminution
de l'écart M0.5-M4.8 est de 5% par rapport au Nivaflex®, ceci entraînant un différentiel
de pente de 25%. Les essais effectués à des températures différentes permettent de
constater que, au-delà d'un certain domaine illustré sur le graphique, les ressorts
obtenus ne sont pas satisfaisants, soit parce que trop cassants ou parce que pas assez
élastiques. On peut donc voir que l'acier 1.4452 offre une plage de température de
travail beaucoup plus grande que celle offerte par le Nivaflex®. En outre, l'acier
1.4452 peut être travaillé à des températures inférieures, ce qui permet de diminuer
l'énergie consommée pour son traitement. En outre, la gamme de température et la pente
des courbes obtenues avec l'acier 1.4452 permet une définition plus simple du couple
recherché. En effet, on constate que, pour une même tolérance, la maitrise de la température
est moins stricte pour obtenir un couple précis.
[0035] Concrètement, toutes ces améliorations donnent la possibilité, pour un barillet de
11.50mm de diamètre avec une lame de 1.18x0.115x455mm, selon l'exemple testé, de passer
d'une réserve de marche de 48heures pour un mouvement donné, à une réserve de marche
de 66.3heures pour le même mouvement, soit une augmentation de 38%.
[0036] Ainsi, les essais effectués montrent un très net avantage à réaliser des ressorts
de barillet en acier 1.4452. Les valeurs de tests données ci-dessus ne sont que des
illustrations non limitatives. Ainsi, grâce aux qualités élastiques du matériau, qui
viennent s'ajouter à ses qualités de résistance à l'oxydation et d'amagnétisme, l'amélioration
apportée à des ressorts de barillet est notable. En remplaçant des barillets avec
des ressorts en Nivaflex® dans des mouvement existants, par des barillets avec des
ressorts en acier 1.4452 avec un arbre adapté aux nouvelle géométrie du coquillon,
on peut attendre une augmentation de la réserve de marche supérieure à 30%, ce qui
est considérable, d'autant que seul le changement du barillet est à envisager, sans
autre modification sur le mouvement, étant donné que cette amélioration se fait à
couple constant et à dimension externe de barillet constante. On pourrait également
envisager de conserver une réserve de marche similaire à celle obtenue avec les ressorts
de l'état de la technique, mais en diminuant la taille du barillet.
[0037] On pourra ajouter que intérêt suscité par ces améliorations est encore renforcé par
la facilité de mise en oeuvre de cet alliage, qui permet une optimisation des coûts
de fabrication.
1. Ressort de barillet de pièce d'horlogerie caractérisé en ce qu'il est réalisé en un alliage métallique comportant de l'azote dans une proportion
comprise entre 0.1 % massique et la limite de sa solubilité dans l'alliage métallique,
et du fer.
2. Ressort de barillet de montre selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'alliage contient l'un ou plusieurs des additifs suivants : carbone, manganèse,
chrome, azote, niobium, molybdène.
3. Ressort de barillet de montre selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce qu'il ne contient pas de nickel.
4. Ressort de barillet selon l'une des revendications 1 à 3,
caractérisé en ce que l'alliage métallique est de composition massique suivante :
- carbone : de 0.1 à 1%,
- manganèse: de 5 à 25%,
- chrome : de 16 à 20%,
- azote : de 0.1 à 5%,
- niobium : ≤0.25%,
- molybdène : de 2.5 à 4.2%,
- fer : le solde.
5. Ressort de barillet selon la revendication 4, caractérisé en ce que l'alliage contient moins de 0.15% de carbone.
6. Ressort de barillet selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'alliage contient entre 0.75% et 1% d'azote.
7. Ressort de barillet selon l'une des revendications 4 à 7, caractérisé en ce que l'alliage contient entre 12 et 16% de manganèse.
8. Ressort de barillet selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il présente un rapport diamètre intérieur de coquillon / épaisseur de lame inférieur
à 20.
9. Ressort de barillet selon la revendication 8, caractérisé en ce qu'il présente un rapport diamètre intérieur de coquillon / épaisseur de lame inférieur
à 12.
10. Barillet muni d'un ressort selon l'une des revendications 1 à 9.
11. Pièce d'horlogerie munie d'un barillet selon la revendication 10.