[0001] La présente invention concerne un perfectionnement à la chromisation par voie gazeuse
des aciers à plus de 0,2 % de carbone, plus spécialement les aciers de construction
et les aciers à outils ; ce perfectionnement permet d'accroître très notablement l'épaisseur
de la couche chromisée, ainsi que sa ténacité.
[0002] La chromisation des aciers par voie gazeuse est bien connue. La formation d'alliages
de diffusion à base de chrome sur la surface des aciers a déjà été décrite dans de
nombreux brevets d'invention. Le transport de chrome jusqu'à la surface du matériau
à traiter se fait au moyen d'halogénures, qui sont les seuls composés au chrome se
trouvant à l'état de vapeur aux températures de diffusion. Le passage du chrome en
solution solide dans le métal se fait par échange entre l'halogénure de chrome et
le fer suivant une réaction qui, dans le cas des chlorures, peut s'écrire:

[0003] Pour obtenir une diffusion suffisante, la réaction doit s'effectuer à haute température
et dans le domaine austénitique, c'est à dire au-delà de 850°C pour les aciers usuels.
Dans les aciers dont la teneur en carbone est supérieure à 0,2 %, la réaction superficielle
du carbone et du chrome entraine d'une part la formation d'une pellicule de carbures
de chrome, d'autre part une diffusion du carbone vers la surface. La pellicule superficielle
est constituée de deux types de carbures, M
23C
6, plus riche en chrome vers la surface et M
7C
3, plus pauvre en chrome, vers le substrat métallique.
[0004] Dans ce qui précède et dans ce qui suit, M désigne un métal tel que le fer (Fe),
le chrome (Cr), le nickel (Ni), etc ...
[0005] La pellicule superficielle a une épaisseur comprise entre 12 et 18 microns, et un
niveau de dureté compris entre 1200 et 1800 dans l'échelle de dureté Vickers. Le chrome
diffuse ainsi dans l'acier sur une profondeur en général voisine de 15 Microns. Dans
les procédés connus, cette pro. fpndeurde chromisation ne dépasse jamais 20 microns.
[0006] L'affinité du chrome pour le carbone est telle qu'il se forme très rapidement, au
cours de la montée en température de traitement, une pellicule de carbures du type
M
7C
3 sur la surface des pièces. Cette pelli- cale gane pénécration du chrome à l'intérieur
de l'acier par diffusion; il en résuite :
1) la formation du deuxième type de carbures M23C6,
2) l'obtention de couches superficielles de carbures relativement minces.
[0007] Ces couches minces et biphasées présentent l'inconvénient d'être relativement fragiles,
en raison de l'état des contraintes qui se trouvent dans les phases carbures après
traitement thermique. Le carbure M
7C
3, de structure colonnaire, se trouve notamment en état de contraintes d'extension,
ce qui entraine la formation de fissures qui sont souvent à l'origine des écaillages
observés.
[0008] Le but principal de la présente invention est de trouver un moyen permettant d'obtenir
en surface un seul type de carbures, et ceci dans une couche de plus grande épaisseur.
Un passage rapide de la pièce à traiter en phase austénitique pourrait constituer
une solution pour deux raisons :
1) La diffusion du carbone vers la surface est ralentie ; en effet, le . coefficient
de diffusion du carbone en volume dans la phase austénitique du fer est de l'ordre
de 10 -8 cm2/sec à 900°C, alors qu'il est voisin de 2.10-6 cm2/sec, à la même température dans la phase ferritique. Il en résulte donc une réduction
de la vitesse de formation des carbures en sur- face et une accentuation de la diffusion
du chrome en profondeur.
2) Le carburé M23C6, de structure cubique à faces centrées a une maille a de'10,6 Aô, pratiquement trois fois plus grande que celle de l'austénite (a = 3,6 A ô). Ce carbure précipite donc beaucoup plus facilement dans la structure austénitique
que le carbure M7C3 de structure hexagonale.
[0009] Donc, une première solution pour l'augmentation de l'épaisseur et de la ténacité
das couches de carbures peut être constituée par une phase initiale de traitement
consistant en une montée rapide en température, notamment dans le domaine 600-900°C
où précipitent habituellement les carbures M
7C
3 dans la structure ferritique. Toutefois, une telle solution présenterait des risques
au niveau des amorçages de fissurationset de tapures au cours du chauffage, notamment
pour dès pièces en aciers relativement alliés présentant des géomètries peu adaptées
aux fortes contraintes d'origine thermique qui résulteraient d'un tel cycle de chauffage.
[0010] La présente invention, tout en appliquant le principe de chromi- ser la pièce en
phase austénitique, évite les risques mentionnés ci-dessus en réalisant au préalable
une couche nitrurée, mais sans couche de combinaison, ce est à dire de manière telle
qu'il n'y ait en aucune façon formation d'une couche superficielle de nitrures de
fer et de chrome. En effet, une couche superficielle de nitrures de fer resterait
relativement stable, même à des températures élevées, et constituerait une véritable
barrière s'opposant à la diffusion du chrome, cette barrière étant renforcée par la
formation des nitrures de chrome liée à un apport supplémentaire d'azote.
[0011] Ainsi, l'absence de couche de combinaison sur la surface des pièces à traiter ensuite
par chromisation est une condition nécessaire à une bonne diffusion du chrome en profondeur,
et cette condition est réalisée dans la présente invention.
[0012] A cet effet, la présente invention a pour objet un perfectionnement aux procédés
de chromisation, constitué par un procédé de chromisation des aciers sur une profondeur
e supérieure à 40 microns, utilisable pour des aciers ayant une teneur en carbone
au moins égale à 0,2 %, notamment pour des aciers de construction et pour des aciers
à outils, caractérisé par la combinaison de trois traitements successifs, le premier
de ces trois traitements consistant en une nitruration ionique d'une couche superficielle
d'épaisseur comprise entre 100 et 350 microns, cette nitruration ionique étant réalisée
dans une atmosphère constituée par un mélange d'azote et d'hydrogène, à une température
comprise entre 450°C et 650°C, pendant une durée comprise entre 5 et 40 heures, de
façon à obtenir entre 1,5 % et 2,5 % d'azote dans la couche nitrurée, le second de
ces traitements consistant en une chromisation par voie gazeuse formatrice de carbures
de chrome, d'une durée comprise entre 5 et 30 heures, et réalisée à des tea- pératures
comprises entre 850°C et 1.100
0C, le troisième de ces trois traitements étant un traitement thermique comprenant
une trempe à l'huila de la pièce chromisée suivie d'un revenu à une température comprise
entre 600°C et 650°C, d'une durée comprise entre 30 minutes et 10 heures selon la
dimension de la pièce traitée.
[0013] Suivant une caractéristique particulière de la présente invention, nitruration ionique
formant le premier des trois traitements et effecaée sous atmosphère d'azote et d'hydrogène
est réalisée sous une pression partielle d'azote au plus égale à 1,5 millibar, et
sous une pression gazeuse totale comprise entre 2 et 10 millibars.
[0014] Suivant une autre caractéristique particulière de la présente invea- tion, la chromisation
formant le second-des trois traitements, réalisée par la technique connue des céments
sous atmosphère réductrice à base d'hydrogène, utilise un mélange pulvérulent à base
de ferro-chrome et de chlorure d'amcnonium, ce dernier ne représentant en poids que
0,4 % à 1 1 ou yélange pulvérulent, la poudre de ferro-ehrome présentant de préférence
one teneur en chrome comprise entre 50 % et 75 % et une granulométrie comprise entre
0,5 millimètre et 4 millimètres, sans liant alumineux ml magnèsien.
[0015] Dans tout ce qui précède et dans tout ce qui suit, il faut attendre par initruration
ionique" un traitement thermo-chimique d'une surface métallique par bombardement ionique
en gaz raréfié, réalisant une nitruration superficielle de la pièce métallique placée
en cathode sousatmosphè- re d'azote et d'hydrogène à une température comprise entre
450°C et 650°C.
[0016] L'intérêt principal de la nitruration ionique est qu'elle rend possible l'exploitation
de toutes les éventualités offertes par les diagrammes d'équilibre entre les éléments
constituant l'acier traité et l'azote. En effet, les traitements thermochimiques de
surfaces métalliques par bombardements ioniques et plus particulièrement la nitruration,
sont basés sur des propriétés de la décharge électrique dans les gaz raréfiés, en
l'oc- curence des mélanges d'azote et d'hydrogène avec éventuellement des hydrocarbures.
L'atmosphère gazeuse réactive peut être choisie indépendamment de la nécessité de
son crackage pyrolitique puisque son activation est obtenue par ionisation. Il est
donc possible de régler la pression partielle d'azote de telle sorte que l'on forme
superficiellement la ou les phases prévues par le diagramme d'équilibre binaire fer-azote.
C'est ainsi que pour les pressions d'azote les plus faibles, on forme uniquement une
couche de diffusion, solution solide d'azote dans le fer α à des températures généralement
comprises entre 450° et 570°C. Dans ce même domaine de tem pérature, une augmentation
de la pression partielle d'azote conduit tout d'abord à la formation d'une couche
de combinaison de nitrures (Fe,N), puis de nitrures α et £ (Fe
2,
3N).
[0017] Il est possible d'obtenir dans le cas des aciers à plus de 0,2 % de carbone, et plus
spécialement les aciers de construction et les aciers à ouells, des couches de diffusion
d'azote d'épaisseurs comprises entre 100 et 350 microns, cette nitruration ionique
étant réalisée dans une atmosphère constituée par un mélange d'azote et d'hydrogène,
à une température comprise entre 450 et 570°C, pendant une durée comprise entre 5
et 40 heures de façon à obtenir par exemple sur des profondeurs de 50 à 200 microns
à partir de la surface des teneurs en azote en solution solide com- rises entre 1,5
et 2,5 %.
[0018] Comme on le comprend, l'un des principaux avantages de l'invention consiste, grâce
à la nitruration ionique, à obtenir une couche nitrurée sans couche de combinaison,
c'est à dire sans nitrures de fer et de chrome, d'une manière fiable et répétitive
par ajustement de la pression partielle d'azote en fonction de la température de traitement
et de la composition chimique de l'acier. Alors, sans risque de tapures, l'acier en
surface peut passer rapidement en phase austénitique à température modérée, à cause
d'une teneur en azote de l'ordre de 1, 5 % à 2,5 %.
[0019] Après quoi la chromisation par voie gazeuse peut s'effectuer. à plus grande profondeur,par
exemple jusqu'à 50 microns et même davantage, et avec formation en surface d'un seul
type de carbonitrures, en Cr
2(C,N), ce qui entraine une augmentation sensible de la ténacité du revêtement.
[0020] Afin de bien faire comprendre l'invention, on va décrire ci-après, à titre d'exemple
non limitatif, un mode de réalisation du perfectionnement selon l'invention, dans
lequel on traite un acier au chrome-molybdène-vanadium, de type 35CDV 12, donc à 0,35
% de carbone, en vue d'obtenir une profondeur de chromisation de 50 microns.
[0021] La nitruration ionique qui constitue le premier des trois traitements successifs
selon l'invention est effectuée ici dans une enceinte métallique muniede boucliers
thermiques et refroidie par circulation d'eau, laquelle enceinte constitue l'anode
reliée à la terre. Les paramètres électriques sont choisis de telle manière que le
courant augmente avec la tension continue produite par le générateur et que l'échantillon
à nitrurer qui constitue la cathode soit recouvert par l'effluve correspondant au
régime de décharge anormale. A proximité de la surface cathodique, les ions gazeux
sont formés et accélérés vers l'échantillon et provoquent son échauffement, que l'on
poursuit jusqu'à la température choisie pour réaliser le traitement the rmochimique.
La régulation de température est obtenue à l'aide d'un thermocouple protégé par une
gaine en alumine et placé dans l'échantillon dans des. conditions qui permettent d'éviter
l'amorçage d'arcs.
[0022] La pression à laquelle.le traitement thermo-chimique est réalisé est généralement
comprise entre 2,5 et 8,0 millibar ; une pompe primaire est suffisante pour faire
le vide initial puis pour permettre le renouvellement du gaz nitrurant à proximité
de l'échantillon. Le mélange gazeux nitrurant est composé d'azote et d'hydrogène.
Les pressions partielles d'azote P
N pour lesquelles on obtient une, solution solide d'azote dans le réseau de la ferrite
sont comprises entre 0,1 et 0,5 millibar. La température est réglée en moyenne à 520°C
et ne s'écarte pas du domaine compris entre 510 et 530°C. En laissant de côté la montée
en température et la mise en basse pression de l'atmosphère, la durée de la nitruration
ionique à bonne pression et à bonne température est de 25 heures. Par ce premier traitement,
la teneur moyenne en azote de l'acier entre 50 eL 200 microns de profondeur atteint
2,1 %, et la couche nitrurée ne contient pas de nitrures de fer, ni de nitrures de
chrome.
[0023] La pièce métallique en acier 35 CDV 12 ainsi nitrurée est alors extraite du four
de nitruration ionique et introduite dans une caisse de cémentation qui va effectuer
le deuxième traitement selon l'invention, qui est une chromisation par voie gazeuse.
[0024] L'agent de cémentation utilisé est une poudre constituée poux 99,5 % de ferro-chrome
à 60/70 % de chrome et pour 0,5 % de chlorure d'ammonium, sans alumine ni magnésie.
Cette poudre présente une granulométrie comprise entre 0,5 et 4 mm, avec une dimension
moyenne voisine de 2,7 mm. Cette poudre est disposée dans le fond de la caisse de
cémentation, qui a la forme d'un cylindre vertical, et elle se trouve recouver- te
par un cloisonnement sur lequel est placée la pièce d'acier à chromiser. A la partie
supérieure de la caisse de cémentation se trouve dans un panier une réserve de ferro-chrome
servant à la régénération directe de la vapeur active de chlorure de chrome CrCl
2. De l'hydrogène introduit crée une atmosphère réductrice.
[0025] L'enceinte est portée à une température moyenne de 950°C, ne s'écartant pas du domaine
920°C-980°C, pendant une durée de 20 heures.
[0026] Dans la caisse de cémentation se produisent les phénomènes suivants :
Au chauffage, le chlorure d'ammonium se dissocie. L'ion chlore ainsi libéré agit sur
le chrome du ferro-chrome pour former du chlorure de chrome CrCl2 à l'état de vapeur, qui produit la chromisation superficielle selon la réaction (1)
mentionnée ci-dessus,
[0027] Les vapeurs de chlorure ferreux issus de la réaction (1) réagissent sur la réserve
de chrome placée à la partie supérieure de la caisse, ce qui régénère du chlorure
de chrome CrCl
2 gazeux qui participe à la chromisation selon (1).
[0028] Après 20 heures de maintien à 920°C-980°C, la pièce chromisée subit le troisième
traitement selon l'invention, c'est à dire qu'elle est extraite de la caisse de cémentation,
elle est immédiatement trempée à l'huile, puis elle est introduite dans un four de
revenu maintenu à une température de l'ordre de 625°C, pendant 2 heures.
[0029] Après revenu, on observe :
- que la couche superficielle contenant les carbonitrures de chrome a une épaisseur
voisine de 50 microns,
- que les carbonitrures de chrome de cette couche superficielle sont à peu près exclusivement
du type Cr2(C,N),
- que la dureté de cette couche est comprise entre 1800 et 2000 dans l'échelle de
Vickers,
- qu'elle se fissure sous une charge de 1 kilogramme-force.
[0030] Le revêtement chromisé ainsi obtenu dans le présent exemple selon l'invention est
à comparer avec celui d'une chromisation de type connu, non précédée d'une nitruration
ionique. Dans ce cas de type connu :
- la couche superficielle contenant les carbures de chrome a une épaisseur voisine
de 15 microns,
- on y observe deux phases de carbures de chrome, l'une en M23C6, surtout en surface, l'autre en M7C3, vers le substrat métallique,
- la dureté de la couche superficielle est comprise entre 1200 et 1800 dans l'échelle
de Vickers, avec des hétérogénéités liées à des porosités superficielles,
- la charge à partir de laquelle apparaissent les fissures aux angles des empreintes
Vickers est de 300 grammes-force.
[0031] Il est bien entendu que l'on peut, sans sortir du cadre de l'invention, imaginer
des variantes et perfectionnements de détails, de même qu'envisager l'emploi de moyens
équivalents.
1.- Perfectionnement aux procédés de chromisation des aciers, constitué par un procédé
de chromisation des aciers sur une profondeur e supérieure à 40 microns, utilisable
pour des aciers ayant une teneur en carbone au moins égale à 0,2 %, caractérisé par
la combinaison de trois traitements successifs, le premier de ces trois traitements
consistant en une nitruration ionique d'une couche superficielle d'épaisseur comprise
entre 100 et 350 microns, cette nitruration ionique étant réalisée dans une atmosphère
constituée par un mélange d'azote et d'hydrogène, à une température comprise entre
450°C et 650°C, pendant une durée comprise entre 5 et 40 heures, de façon à obtenir
entre 1,5 % et 2,5 % d'azote dans la couche nitrurée, le second de ces trois traitements
consistant en une chromisation par voie gazeuse formatrice de carbures de chrome,
d'une durée comprise entre 5 et 30 heures, et réalisée à des températures comprises
entre 850°C et 1.100°C, le troisième de ces trois traitements étant un traitement
thermique comprenant une trempe à l'huile de la pièce chromisée suivie d'un revenu
à une température comprise entre 600°C et 650°C, d'une durée comprise entre 30 minutes
et 10 heures selon la dimension de la pièce traitée.
2.- Procédé de chromisation des aciers selon la revendication 1, caractérisé pn ce
que la nitruration ionique formant le premier des trois traitementset effectuée sous
atmosphère d'azote et d'hydrogène est réalisée sous une pression partielle d'azote
au plus égale à 1,5 millibar, et sous une pression gazeuse totale comprise entre 2
et 10 millibars.
3.- Procédé de chromisation des aciers selon l'une quelconque des revendications 1
et 2, dans lequel la chromisation formant le second des trois traitements est réalisée
par la technique connue des céments, cement sous atmosphère réductriceà base d'hydrogène,
et utilise comme/un mélange pulvérulent à base de ferro-chrome et de chlorure d'ammonium,
caractérisé en ce que le mélange pulvérulent contient entre 0,4 % et 1 % de chlorure
d'ammonium, et en ce que la poudre de ferro-chrome présente une teneur en chrome comprise
entre 50 % et 75 % et une granulométrie comprise entre 0,5 millimètre et 4 millimètres,
sans liant alumineux ni magnésien.