[0001] L'invention se rapporte aux cordeaux-retards, c'est-à-dire aux cordeaux renfermant
une composition pyrotechnique à vitesse de combustion relativement lente, laquelle
est confinée dans une gaine généralement métallique.
[0002] La mise à feu d'un tel cordeau-retard, éventuellement provoquée par un signal pyrotechnique,
permet d'induire, dans une chaine pyrotechnique qui le contient, un ralentissement
ou un retard considérable dans la progression d'un signal pyrotechnique.
[0003] On connait de nombreuses compositions pyrotechniques capables de brûler à une vitesse
relativement lente de l'ordre de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres
à la seconde.
[0004] Généralement, ces compositions associent principalement un réducteur tel que le bore,
le magnésium, l'aluminium, le silicium, le titane, le manganèse, le chrome, le zirconium,
le niobium, le molybdène, le tungstène ou le thorium à un oxyde de métal de transition
ou à un ou plusieurs sels oxydants oxygénés des métaux alcalins ou alcalino-terreux
tels que les chlorates, perchlorates, nitrates, oxydes, peroxydes, chromates et bichromates
de ces métaux. Une proportion non négligeable de ces compositions peut être constituée
de matériaux inertes destinés à réduire la vivacité de la composition.
[0005] Des compositions de ce type, qui sont très classiquement utilisées dans les relais-retards
sont définies par les normes militaires américaines MIL-T-23132 du 21 décembre 1961
et 23132A du 16 juin 1972. Elles sont par exemple employées dans le brevet américain
4 144 814 et consistent en des mélanges comportant de 30 à 60% en poids de tungstène
de granulométrie comprise entre moins de 1 micron et 10 microns, de 30 à 60% en poids
de chromate de baryum, de 5 à 9% en poids de perchlorate de potassium et environ 5%
de silice, sous forme de terre de diatomées.
[0006] Toutefois les relais-retards sont des pièces métalliques de relativement grande taille
puisque la colonne-retard, c'est-à-dire la partie qui contient la composition pyrotechnique,
y a un diamètre d'au moins 5 mm, tandis que le diamètre extérieur de ces dispositifs
est quant à lui d'au moins 8 mm.
[0007] Compte tenu que ces relais-retards exhibaient une vitesse de combustion attractive
de l'ordre de 1 à 5 mm/s, on a cherché à employer les compositions de ladite norme
MIL-T-23132 dans des dispositifs de taille encore plus réduite en réduisant le diamètre
des colonnes- retards.
[0008] Les résultats de ces tentatives sont rapportés dans l'article de S.G. NESBITT intitulé
"A study of fast burning tungsten delay compositions in small column diameters" exposé
au IVème Symposium de Pyrotechnie, tenu du 22 au 26 juillet 1974, à DENVER, COLORADO.
Cet auteur a observé que pour des compositions appartenant à la Série I de ladite
norme, c'est-à-dire pour des compositions relativement les plus rapides ayant une
vitesse de combustion de plusieurs dizaines de millimètres à la seconde, on a généralement
encore une bonne propagation de la combustion dans des tubes métalliques de 12 mm
de diamètre extérieur et de 1 mm seulement de diamètre intérieur. Toutefois, cet auteur
note que la plus lente dès compositions qu'il a testé, brûlant à 9,4 mm/s, donne 60%
de ratés avec ce diamètre de colonne de 1 mm seulement. Or, il est bien connu qu'en
matière de relais, diminuer l'épaisseur des parois métalliques provoque une plus grande
concentration de la chaleur au niveau de la composition pyrotechnique et donc une
accélération de la vitesse de combustion de cette dernière. On peut consulter à ce
sujet, l'ouvrage de base intitulé "Military and Civilian Pyrotechnics" de H. ELLERN,
Chemical Publishing Company, 1968.
[0009] Il résulte finalement de ce qui précède qu'actuellement, pour l'homme de l'art, un
cordeau-retard présentant un diamètre intérieur de 1 mm de diamètre ne peut posséder
qu'une vitesse de combustion supérieure à environ 10 mm/s pour un diamètre extérieur
d'au moins 12 mm puisque toute diminution de l'épaisseur de la paroi métallique du
cordeau ne peut qu'augmenter la vitesse de combustion de ce dernier.
[0010] On comprend que de tels cordeaux ne sont pas utilisables pour des retards longs du
fait de leur vitesse de combustion élevée et du fait de leur poids dans des systèmes
embarqués à bord d'engins spatiaux ou de sous-marins. La seule possibilité de diminuer
ce poids paraît donc, en conservant les compositions connues, d'utiliser un diamètre
intérieur plus grand, de l'ordre de 3 à 5 mm et une épaisseur de paroi plus faible
: toutefois cette solution qui conduit à des performances satisfaisantes du point
de vue de la fiabilité et des vitesses de combustion (des compositions plus lentes
peuvent être adoptées ce qui compense l'accélération due à l'amincissement de la paroi),
s'avère en revanche rédhibitoire du point de vue du poids emporté car le gain de poids
réalisé est plus que compensé par le poids des protections thermiques supplémentaires
à prévoir ; en effet le doublement du diamètre intérieur du cordeau provoque un quadruplement
de la quantité de chaleur dégagée par la composition pyrotechnique.
[0011] Dans ces conditions, la réalisation d'un cordeau-retard qui possède à la fois une
bonne fiabilité, un faible diamètre intérieur et extérieur et une faible vitesse de
combustion paraît impossible.
[0012] L'invention concerne un cordeau-retard ayant une vitesse de combustion inférieure
ou égale à 4 mm/s, caractérisé en ce qu'il possède un diamètre inférieur ou égal à
3 mm et en ce qu'il contient une composition pyrotechnique constituée de 25 à 45%
en poids de tungstène de granulométrie comprise entre 2 et 6 microns, de préférence
entre 2 et 4 microns, de 45 à 65% en poids d'un chromate ou d'un bichromate alcalin
ou alcalino-terreux et de 8 à 15% en poids de perchlorate alcalin ou alcalino-terreux.
[0013] Selon un premier mode de réalisation de l'invention, on utilise un chromate alcalin
ou alcalino-terreux de préférence à un bichromate alcalin ou alcalino-terreux et un
chromate alcalino-terreux de préférence à un chromate alcalin. Le chromate de baryum
est particulièrement préféré. Des mélanges de différents chromates ou bichromates
peuvent être utilisés.
[0014] Selon un second mode de réalisation de l'invention on utilise un perchlorate alcalin
de préférence à un perchlorate alcalino-terreux. Le perchlorate de sodium et, surtout,
le perchlorate de potassium sont particulièrement préférés. Le perchlorate d'ammonium
est moins intéressant car son emploi conduit à une augmentation de la vitesse de combustion
de la composition. Des mélanges de différents perchlorates peuvent être utilisés.
[0015] Selon un troisième mode de réalisation de l'invention, on utilise du tungstène ayant
une granulométrie comprise entre 2 et 4 microns. En effet, lorsqu'une granulométrie
supérieure à 4 microns et inférieure à 6 microns est utilisée, on risque de constater
des défauts d'allumage de la composition, notamment lorsque cette dernière contient
moins de 35% en poids de tungstène. Le tungstène ne peut être remplacé en totalité
par aucun autre métal.
[0016] Selon un mode particulièrement préféré de réalisation de l'invention, la composition
de remplissage du cordeau-retard comprend seulement de 28 à 35% en poids de tungstène
de granulométrie comprise entre 2 et 4 microns, de 55 à 62% en poids de chromate de
baryum et de 9 à 12% en poids de perchlorate de potassium. L'incorporation de silice
est rédhibitoire dans les compositions utilisées dans le cadre de l'invention.
[0017] L'enveloppe extérieure des cordeaux-retards selon l'invention est réalisée d'une
manière classique en un métal ou un alliage métallique de préférence ductile et à
bas point de fusion. Le plomb et les alliages à base de plomb, notamment ceux à base
d'étain et/ou d'antimoine conviennent bien. Toutefois, on peut également utiliser
une gaine tissée ou un matériau synthétique extrudé mais cela est d'un faible intérêt
en pratique.
[0018] Les cordeaux-retards selon l'invention peuvent être fabriqués d'une manière habituelle
et connue en soi. Par exemple, on peut les obtenir à partir d'un cordeau en métal
ductile de diamètre relativement élevé (10-25 mm), contenant la composition indiquée
ci-dessus, par passage de cedit cordeau dans des filières de diamètres décroissants.
Le retard induit par le cordeau peut être réglé avec précision en mesurant la vitesse
de combustion d'un fragment de ce dernier au sortir de la filière. On peut aussi obtenir
les cordeaux selon l'invention par réduction progressive du diamètre par passages
successifs dans les diverses gorges de sections décroissantes d'un laminoir ou par
une série de passes au laminoir suivie d'une série de passes dans des filières. Un
rapport de réduction de section à chaque passe de l'ordre de 0,9, classiquement utilisé,
convient bien.
[0019] Les cordeaux-retards selon l'invention ont un diamètre extérieur compris entre 1,5
et 3 mm et un rapport du diamètre extérieur du cordeau-retard au diamètre de l'âme
occupée par la composition pyrotechnique compris entre 1,4 et 2,0. La densité réelle.
des compositions qu'ils renferment est en pratique très inférieure aux valeurs théoriques
et comprise entre 2,7 et 4,0 g/cm
3, de préférence entre 3,0 et 3,4 g/
cm3.
[0020] Les cordeaux-retards selon l'invention montrent de plus une excellente thermostabilité
puisque leur température d'autoinflammation est couramment supérieure à 500°C. Par
ailleurs, leur vitesse de combustion exceptionnellement basse compte tenu de la faiblesse
de leur diamètre ne subit qu'une très faible variation en fonction de la température
: une variation de 10% seulement est couramment constatée entre - 60°C et + 75°C,
ce qui est considéré comme remarquable.
[0021] Il résulte de tous les avantages précités auquel s'ajoute le fait que la combustion
des compositions selon l'invention s'accompagne d'un dégagement gazeux nul ou négligeable,
que les cordeaux-retards selon l'invention permettent d'assurer, avec une excellente
fiabilité et dans une grande plage de conditions, des retards de quelques dizaines
de secondes à plusieurs minutes et même plusieurs heures tout en occupant un très
faible volume et en dégageant peu de chaleur de combustion, ce qui a finalement pour
effet d'alléger considérablement le poids des protections thermiques entourant lesdits
cordeaux-retards, dans les systèmes pyrotechniques embarqués à bord d'engins spatiaux
ou sous-marins. Pour apprécier pleinement l'intérêt des cordeaux-retards selon l'invention,
on notera que le simple fait de pouvoir diminuer de moitié le diamètre d'un cordeau-retard
permet de réduire d'un facteur 4 la quantité de chaleur de combustion qu'il dégage,
à vitesse de combustion égale. On peut ainsi réaliser des enroulements à spires jointives
sans avoir à craindre un allumage intempestif d'une spire à l'autre.
[0022] Les cordeaux-retards selon l'invention sont illustrés par les exemples non limitatifs
suivants :
Exemple 1 :
[0023] On a rempli un tube en plomb antimonieux à 5% d'antimoine de 17 mm de diamètre extérieur
et de 12 mm de diamètre intérieur à l'aide d'une composition constituée de 32% en
poids de tungstène de granulométrie 2 microns, 58% en poids de chromate de baryum
et 10% de perchlorate de potassium.
[0024] Pour obtenir une bonne régularité de remplissage, ce dernier se fait par petites
quantités successives de quelques cm
3 et, après chaque introduction on vient tasser la composition à l'aide d'un piston
en appliquant une pression dé 16 bars environ.
[0025] Le tube obturé à chaque extrémité par un bouchon de plomb est ensuite transformé
en cordeau de diamètre extérieur de 2 mm par une série de passages dans des filières
successives de diamètres décroissants ; le rapport de réduction de section à chaque
passe est de l'ordre de 0,9 si bien que 20 passes sont nécessaires pour obtenir ledit
cordeau-retard dont le diamètre intérieur est de 1,26 mm.
[0026] Ce cordeau a une vitesse de combustion de 3,4 mm/s. Il suffit de 20,4 cm de cordeau
pour induire un retard de 60 secondes dans une chaine pyrotechnique.
Exemples 2 à 21 :
[0027] On a fabriqué plusieurs cordeaux-retards selon l'invention en utilisant le procédé
décrit à l'exemple 1.
[0028] Les compositions utilisées, les dimensions des cordeaux obtenus et les performances
de ces derniers à température ambiante sont rapportées dans le tableau suivant :

[0029] On a testé de manière plus approfondie encore le cordeau-retard selon l'exemple 13.
La densité de la composition qu'il renfermait était de 3,2 g/cm
3. Lors de son fonctionnement il ne dégageait que 90 cm
3 de gaz par mètre linéaire (volume ramené aux conditions normales). Sa vitesse de
combustion est étonnamment stable puisqu'elle passe de 2,44 mm/s à température ambiante
à 2,31 mm/s à - 60°C et à 2,5 mm/s à + 70°C. A 110°C le cordeau fonctionne encore
parfaitement. Il ne s'autoenflamme qu'à partir d'environ 510°C.
1. Cordeau-retard ayant une vitesse de combustion inférieure ou égale à 4 mm/s, caractérisé
en ce qu'il possède un diamètre inférieur ou égal à 3 mm et en ce qu'il contient une
composition pyrotechnique constitué de 25 à 45% en poids de tungstène de granulométrie
comprise entre 2 et 6 microns, de préférence entre 2 et 4 microns, de 45 à 65% en
poids d'un chromate ou d'un bichromate alcalin ou alcalino-terreux et de 8 à 15% en
poids de perchlorate alcalin ou alcalino-terreux.
2. Cordeau-retard selon la revendication 1, caractérisé en ce que la composition renferme
un chromate alcalino-terreux.
3. Cordeau-retard selon la revendication 2, caractérisé en ce que le chromate alcalino-terreux
est le chromate de baryum.
4. Cordeau-retard selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé
en ce que la composition renferme un perchlorate alcalin.
5. Cordeau-retard selon la revendication 4, caractérisé en ce que le perchlorate alcalin
est le perchlorate de potassium.
6. Cordeau-retard selon la revendication 1, caractérisé en ce que la composition de
remplissage du cordeau-retard comprend seulement de 28 à 35% en poids de tungstène
de granulométrie comprise entre 2 et 4 microns, de 55 à 62% en poids de chromate de
baryum et de 9 à 12% en poids de perchlorate de potassium.
7. Cordeau selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que le rapport du diamètre extérieur au diamètre de l'âme occupée par la composition
pyrotechnique est compris entre 1,4 et 2,0.
8. Cordeau selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que la densité réelle de la composition pyrotechnique est comprise entre 2,8 et 3,6
g/cm3, de préférence entre 3,0 et 3,4 g/cm3.
9. Cordeau selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce
que l'enveloppe du cordeau est constituée en plomb ou en alliage à base de plomb.
10. Chaîne pyrotechnique comprenant un cordeau-retard selon l'une quelconque des revendications
précédentes.