[0001] La présente invention a pour objet un procédé de décontamination en plutonium d'un
solvant organique, en particulier d'un solvant organique usé tel que le tributyl phosphate,
qui a été utilisé pour la séparation uranium-plutonium lors du retraitement des combustibles
nucléaires irradiés.
[0002] On sait que les solvants organiques tels que le tributyl phosphate qui ont été utilisés
pour le retraitement des combustibles nucléaires irradiés, sont dégradés essentiellement
par radiolyse alpha et par hydrolyse ; par ailleurs, du plutonium en quantité variable
est retenu également dans le solvant organique usé, lorsque le solvant est du tributylphosphate,
du plutonium est retenu dans celui-ci probablement en raison de la présence de faibles
quantités d'acide dibutyl phosphorique qui forme avec le plutonium des complexes plus
stables que les complexes plutonium-tributylphosphate.
[0003] Lorsqu'on purifie ces solvants usés par lavage au moyen de solutions alcalines, on
régénère le solvant mais on obtient des solutions de lavage présentant une radioactivité
alpha non négligeable, ce qui conduit à des masses importantes d'effluents radioactifs
alcalins et augmente de ce fait le volume de déchets radioactifs à traiter.
[0004] Aussi, pour éviter cet inconvénient, il est souhaitable de récupérer aussi quantitativement
que possible le plutonium présent dans les solvants organiques. usés, avant de les
soumettre au traitement basique de régénération.
[0005] Le procédé de l'invention a précisément pour objet un procédé de décontamination
en plutonium d'un solvant organique qui permet de récupérer de façon satisfaisante
le plutonium contenu dans ce solvant.
[0006] Ce procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique se caractérise
en ce qu'il consiste à ajouter audit solvant organique un agent réducteur soluble
dans ce solvant organique constitué par un acide dialkyldithiophosphorique, à mettre
en contact le solvant organique contenant ledit agent réducteur avec une solution
aqueuse acide, et à séparer la solution aqueuse contenant du plutonium du solvant
organique décontaminé. Avantageusement, on utilise un acide dialkyl di- thiophosphorique
dont les radicaux alkyle ont de 1 à 4 atomes de carbone, par exemple l'acide diéthyldithio
hosphorique ou l'acide dibutyldithiophosphorique.
[0007] Le procédé tel que caractérisé ci-dessus tire avantageusement profit du fait qu'en
utilisant comme agent réducteur un acide dialkyldithiophosphorique, on peut réduire
dans de bonnes conditions le plutonium présent dans ce solvant et le réextraire ensuite
dans une solution aqueuse acide telle qu'une solution nitrique.
[0008] En effet, par rapport aux agents réducteurs organiques connus actuellement tels que
les-dialkylhydroqui- nones (voir brevet américain 3580705) ou les composés organiques
aromatiques (voir brevet français 2212611), l'emploi d'un acide dialkyldithiophosphorique
présente certains avantages : celui-ci est soluble dans le solvant organique alors
que les composés organiques aromatiques se partagent entre la phase aqueuse et la
phase organique, ce qui conduit à de moins bonnes performances ; par ailleurs, l'agent
réducteur de l'invention peut être utilisé en présence d'acide nitrique, ce qui n'est
pas le cas des dial- kylhydroquinones qui sont détruites par oxydation en présence
d'acide nitrique.
[0009] On pense que la réaction d'oxydation de l'acide dialkyldithiophosphorique correspond
à la formation d'un polysulfure suivant le schéma réactionnel suivant :

[0010] Ainsi, en utilisant selon l'invention des acides dialkyldithiophosphoriques qui sont
des agents réducteurs aussi efficaces que ceux actuellement utilisés, on peut réduire
le plutonium en phase organique et le réextraire dans une phase aqueuse constituée
par une solution acide.
[0011] Avantageusement, la solution aqueuse acide est une solution d'acide minéral tel que
l'acide nitrique, l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique.
[0012] L'acidité de cette solution peut varier dans un large intervalle car la cinétique
de réextraction du plutonium n'est pratiquement pas affectée par l'acidité de la phase
aqueuse.
[0013] En effet, pour des réextractions du plutonium réalisées en utilisant comme agent
réducteur l'acide dibutyldithiophosphorique, des résultats équivalents sont obtenus
lorsque l'acidité de la phase aqueuse nitrique varie de 0,01 à 1
N.
[0014] Cependant, lorsque l'agent réducteur est l'acide diéthyldithiophosphorique, on utilise
de préférence une solution acide ayant une acidité au moins égale à 0,5 N car, dans
ce cas, l'agent réducteur est légèrement soluble en milieu faiblement acide.
[0015] Avantageusement, on réalise la mise en contact du solvant organique usé contenant
l'agent réducteur avec la solution aqueuse acide à une température supérieure à l0°C,
de préférence comprise entre 10 et 60°C, car la vitesse de réextraction augmente avec
la température.
[0016] Après réextraction du plutonium présent dans le solvant organique, on soumet de préférence
le solvant décontaminé à un traitement de purification complémentaire afin d'éliminer
l'excès d'agent réducteur et les produits d'oxydation formés dans le solvant à partir
de cet agent réducteur.
[0017] Etant donné que les sels d'acides dithiophospho- riques à chaînes hydrocarbonées
courtes (C
l à C
4) sont très solubles en milieu basique, ce traitement de purification est avantageusement
réalisé par mise en contact du solvant organique décontaminé avec une solution basique
telle qu'une solution de carbonate de sodium.
[0018] En effet, un lavage par une solution de carbonate de sodium 0,6 M, avec un temps
d'agitation de 5 mn, à la température ambiante, permet d'éliminer plus de 99% de l'acide
diéthyldithiophosphorique et plus de 90% de l'acide dibutyldithiophosphorique présent
dans un solvant organique.
[0019] Cependant, ce traitement au moyen d'une solution basique ne permet pas d'éliminer
les produits d'oxydation des acides dialkyldithiophosphoriques tels que les disul-
fures qui sont au contraire très solubles en phase organique.
[0020] Selon l'invention, on assure cette élimination en réalisant le traitement basiquè
de purification du solvant décontaminé, en présence d'un agent oxydant tel que le
nitrite de sodium, que l'on ajoute à la solution basique.
[0021] Dans ces conditions, on oxyde le disulfure selon la réaction :

[0022] Ainsi, on transforme le disulfure en produits solubles dans la phase aqueuse, ce
qui permet d'éliminer également, lors du traitement basique de purification du solvant
décontaminé, les produits d'oxydation des acides dialkyldithiophosphoriques.
[0023] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture
des exemples suivants donnés bien entendu à titre illustratif et non limitatif se
référant au dessin annexé sur lequel :
- la figure 1 est un diagramme représentant les variations du coefficient de partage
D du plutonium en fonction du temps, pour diverses concentrations en agent réducteur,
et
- la figure 2 est un diagramme représentant les variations du coefficient de partage
D du plutonium en fonction du temps pour diverses températures.
[0024] Ces exemples se rapportent au traitement de décontamination d'un solvant organique
usé, constitué par du tributyl phosphate dilué dans du dodécane, la teneur en tributylphosphate
du solvant étant de 30%.
[0025] On précise que ce solvant usé provient d'une installation de retraitement de combustibles
irradiés, dans laquelle il a été utilisé pendant cinq à six mois comme solvant d'extraction
mis en oeuvre dans des colonnes pulsées. Ceci correspond à la réalisation d'environ
une cinquantaine de cycles d'extraction qui comprennent chacun :
- l'extraction de l'uranium et du plutonium,
- le lavage du plutonium par de l'acide nitrique,
- la séparation uranium-plutonium par réduction du plutonium au moyen d'uranium IV,
- le lavage de l'uranium par du tributylphosphate à 30% dans du dodécane, et
- deux réextractions de l'uranium.
[0026] Ce cycle est suivi d'un traitement de régénération du solvant en mélangeur-décanteur,
traitement qui consiste à laver successivement le solvant par une solution de carbonate
de sodium 0,6M, une solution d'acide nitrique 1N et une solution de NaOH 1N.
[0027] Dans les exemples suivants, le solvant soumis au traitement de décontamination est
prélevé avant le traitement de régénération en mélangeur-décanteur.
[0028] Dans tous ces exemples, on réalise la décontamination du solvant en mettant en contact,
sous agitation au moyen d'un barreau magnétique tournant, 20 cm
3 d'une solution aqueuse d'acide nitrique avec 20 cm
3 de solvant organique usé comprenant un agent réducteur constitué soit par de l'acide
diéthyldithiophosphorique ayant une pureté d'environ 90%, soit par de l'acide dibutyldithiophosphorique
ayant une pureté d'au moins 95%.
[0029] L'extraction est réalisée dans un appareil ther- mostaté par circulation d'eau, et
la teneur en plutonium de chacune des phases est déterminée après décantation par
comptage alpha au moyen d'un scintillateur ZnS ou d'une chambre d'ionisation type
EMIA 2.
[0030] Après détermination de la teneur en plutonium des deux phases, on évalue le coefficient
de partage D du plutonium qui correspond au rapport de la concentration en plutonium
de la phase organique sur la concentration en plutonium de la phase aqueuse.
EXEMPLE 1
[0031] Cet exemple de traitement de solvant usé s'applique au cas où on désire limiter les
quantités de réactifs ajoutés et où on ne dispose pas de possibilités de chauffage.
Après la partition uranium-plutonium lors du retraitement des combustibles irradiés,
on ajoute au solvant 10
-2 M/1 d'acide diéthyldithiophosphorique et on agite énergiquement en présence d'une solution
aqueuse d'acide nitrique 0,3 N à raison de 0,5 volume par volume de solvant. Après
60 mn, on laisse décanter le mélange. Le dosage des phases permet de constater que
le coefficient de partage du plutonium est de 2.10
-3 (voir figure 1), soit une réextraction de 99,6% du plutonium initialement présent
dans le solvant. Celui-ci est ensuite envoyé à l'unité de régénération carbonique
où l'excès d'acide diéthyldithiophosphorique est éliminé. Un étage d'extraction suffit
pour réextraire plus de 99% du produit après 5mn de contact.
[0032] En effectuant plusieurs réextractions avec des concentrations en acide diéthyldithiophosphorique
de la phase organique de 5.10 3M, 10
-2M et 2.10
-2M et des temps variables, on obtient les courbes de la figure 1 qui représentent les
variations du coefficient de partage D du plutonium en fonction de la durée de réextraction
(en minutes).
[0033] Sur cette figure, les courbes 1, 2 et 3 se rapportent respectivement aux réextractions
réalisées avec une concentration en acide diéthyldithiophosphorique du solvant usé
de 5.10
-3M, 10 2M et 2.10 2M, et la courbe 4 illustre les variations du coefficient de partage
D du plutonium pour une réextraction réalisée dans les mêmes conditions, mais en l'absence
d'agent réducteur.
[0034] Au vu de cette figure, on constate que l'addition d'acide diéthyldithiophosphorique
au solvant organique usé permet d'éliminer pratiquement la totalité du plutonium.
[0035] Enfin, on remarque que la vitesse d'extraction augmente de façon importante avec
la concentration en agent réducteur.
[0036] On constate ainsi que l'acide diéthyldithiopho phorique est un agent réducteur très
efficace puisqu'il suffit de cinq minutes pour réextraire 97% du plutonium lorsque
la concentration en agent réducteur de la phase organique est de 2.10
-2M à température ambiante (23°C).
EXEMPLE 2
[0037] Cet exemple s'applique au cas où on dispose d'un système de chauffage et où on désire
limiter le temps de contact entre phase aqueuse et phase organique. On pourra également
se permettre d'utiliser de faibles quantités de réactif. Après avoir chauffé à 40°C
le solvant usé sortant du cycle de partition uranium-plutonium, on y ajoute 5.10
-3 M/1 d'acide dibutyldithiophosphorique en présence d'une solution aqueuse d'acide
nitrique 0,05 N également portée à 40°C. Après 5mn de contact, on décante les phases
et on trouve que le coefficient de partage du plutonium est de 0,0014 (voir figure
2). On a réextrait ainsi 99,7% du plutonium en ayant opéré avec un rapport de volume
phase organique sur phase aqueuse égal à 2. Comme dans l'exemple 1, le solvant est
alors envoyé au traitement carbonique, cependant, il faut deux étages de réextraction
pour éliminer 99% de l'acide dibutyldithiophosphorique avec un temps de contact de
5 mn.
[0038] En effectuant plusieurs réextractions du plutonium à des températures de 23, 30 et
40°C et en déterminant dans chaque cas le coefficient de partage D du plutonium, on
obtient la figure 2 dont les courbes 1, 2 et 3 représentent respectivement les variations
du coefficient de partage D du plutonium en fonction du temps pour des réextractions
réalisées à 23, 3-0 et 40°C.
[0039] Au vu de cette figure, on constate que la vitesse de réextraction augmente avec la
température. Ainsi, à 40°C (courbe 3), il faut moins de 5 mn pour obtenir un coefficient
de partage du plutonium inférieur à 10
-3.
EXEMPLE 3
[0040] Cet exemple s'applique au cas où la température dans l'installation de retraitement
est voisine de 30°C. Dans ce cas, on opère sans chauffer avec une concentration en
acide dibutyldithiophosphorique de 5.10
-3 M. Après 10 mn de temps de contact, on trouve un coefficient de partage du plutonium
égal à 0,003 (voir figure 2) et on a éliminé du solvant 99,7% du plutonium en ayant
utilisé un volume de solution aqueuse 0,05 N en acide nitrique pour un volume de solvant.
Celui-ci est alors envoyé à l'unité de régénération carbonique. L'élimination de 99%
de l'acide dibutyldithiophosphorique nécessite deux contacts de 5 mn comme dans l'exemple
2.
[0041] La teneur en plutonium du solvant organique traité dans les trois exemples décrits
est de 20 mg/1.
[0042] Le procédé de l'invention permet ainsi d'obtenir une décontamination satisfaisante
en plutonium de solvants organiques aussi bien acides que basiques. Aussi, il présente
un grand intérêt pour assurer la décontamination en plutonium des solvants organiques
usés avant les traitements basiques de régénération, ce qui permet d'éviter la formation
d'effluents radioactifs alcalins.
[0043] Par ailleurs, il permet une récupération quantitative du plutonium retenu dans un
solvant usé tout en ne nécessitant que peu de réactif.
1. Procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique, caractérisé en
ce qu'il consiste à ajouter audit solvant organique un agent réducteur soluble dans
ce solvant organique, constitué par un acide dialkyldithiophosphorique, à mettre en
contact le solvant organique contenant ledit agent réducteur avec une solution aqueuse
acide, et à séparer la solution aqueuse contenant du plutonium du solvant organique
décontaminé.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'acide dialkyldithiophosphorique
est l'acide diéthy2dithiophosphorique.
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'acide dialkyldithiophosphorique
est l'acide dibutyldithiophosphorique.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
la solution aqueuse acide est une solution d'acide minéral tel que l'acide nitrique,
l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique.
5. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la solution aqueuse acide
a une acidité comprise entre 0,01 et 1 N.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que
l'on réalise la mise en contact dudit solvant organique contenant ledit agent réducteur
avec la solution aqueuse acide, à une température comprise entre 10 et 60°C.
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que
l'on purifie ensuite le solvant organique décontaminé en le mettant en contact avec
une solution basique.
8. Procédé selon la revendication 7, caractérisé en ce que la solution basique est
une solution de carbonate de sodium.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 7 et 8, caractérisé en ce que
l'on ajoute à la solution basique un agent oxydant.
10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que l'agent oxydant est le
nitrite de sodium.
11. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, caractérisé en ce que
le solvant organique comprend du tributylphosphate.