(19)
(11) EP 0 036 359 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
23.09.1981  Bulletin  1981/38

(21) Numéro de dépôt: 81400365.3

(22) Date de dépôt:  10.03.1981
(51) Int. Cl.3G21F 9/06, C22B 60/04
(84) Etats contractants désignés:
BE DE GB

(30) Priorité: 13.03.1980 FR 8005626

(71) Demandeur: COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE Etablissement de Caractère Scientifique Technique et Industriel
F-75752 Paris Cedex 15 (FR)

(72) Inventeurs:
  • Fitoussi, Richard
    F-75014 Paris (FR)
  • Musikas, Claude
    F-91120 Villebon (FR)

(74) Mandataire: Mongrédien, André (FR) et al
Les Séquoias 34, rue de Marnes
F-92410 Ville d'Avray
F-92410 Ville d'Avray (FR)


(56) Documents cités: : 
   
       


    (54) Procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique


    (57) L'invention a pour objet un procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique.
    Ce procédé consiste à ajouter audit solvant organique un agent réducteur soluble dans ce solvant organique, à mettre en contact le solvant organique contenant ledit agent réducteur avec une solution aqueuse acide, et à séparer la solution aqueuse contenant du plutonium du solvant organique décontaminé.
    Application à la décontamination de solvants organiques tels que le tributylphosphate utilisés pour le retraitement de combustibles irradiés.


    Description


    [0001] La présente invention a pour objet un procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique, en particulier d'un solvant organique usé tel que le tributyl phosphate, qui a été utilisé pour la séparation uranium-plutonium lors du retraitement des combustibles nucléaires irradiés.

    [0002] On sait que les solvants organiques tels que le tributyl phosphate qui ont été utilisés pour le retraitement des combustibles nucléaires irradiés, sont dégradés essentiellement par radiolyse alpha et par hydrolyse ; par ailleurs, du plutonium en quantité variable est retenu également dans le solvant organique usé, lorsque le solvant est du tributylphosphate, du plutonium est retenu dans celui-ci probablement en raison de la présence de faibles quantités d'acide dibutyl phosphorique qui forme avec le plutonium des complexes plus stables que les complexes plutonium-tributylphosphate.

    [0003] Lorsqu'on purifie ces solvants usés par lavage au moyen de solutions alcalines, on régénère le solvant mais on obtient des solutions de lavage présentant une radioactivité alpha non négligeable, ce qui conduit à des masses importantes d'effluents radioactifs alcalins et augmente de ce fait le volume de déchets radioactifs à traiter.

    [0004] Aussi, pour éviter cet inconvénient, il est souhaitable de récupérer aussi quantitativement que possible le plutonium présent dans les solvants organiques. usés, avant de les soumettre au traitement basique de régénération.

    [0005] Le procédé de l'invention a précisément pour objet un procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique qui permet de récupérer de façon satisfaisante le plutonium contenu dans ce solvant.

    [0006] Ce procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique se caractérise en ce qu'il consiste à ajouter audit solvant organique un agent réducteur soluble dans ce solvant organique constitué par un acide dialkyldithiophosphorique, à mettre en contact le solvant organique contenant ledit agent réducteur avec une solution aqueuse acide, et à séparer la solution aqueuse contenant du plutonium du solvant organique décontaminé. Avantageusement, on utilise un acide dialkyl di- thiophosphorique dont les radicaux alkyle ont de 1 à 4 atomes de carbone, par exemple l'acide diéthyldithio hosphorique ou l'acide dibutyldithiophosphorique.

    [0007] Le procédé tel que caractérisé ci-dessus tire avantageusement profit du fait qu'en utilisant comme agent réducteur un acide dialkyldithiophosphorique, on peut réduire dans de bonnes conditions le plutonium présent dans ce solvant et le réextraire ensuite dans une solution aqueuse acide telle qu'une solution nitrique.

    [0008] En effet, par rapport aux agents réducteurs organiques connus actuellement tels que les-dialkylhydroqui- nones (voir brevet américain 3580705) ou les composés organiques aromatiques (voir brevet français 2212611), l'emploi d'un acide dialkyldithiophosphorique présente certains avantages : celui-ci est soluble dans le solvant organique alors que les composés organiques aromatiques se partagent entre la phase aqueuse et la phase organique, ce qui conduit à de moins bonnes performances ; par ailleurs, l'agent réducteur de l'invention peut être utilisé en présence d'acide nitrique, ce qui n'est pas le cas des dial- kylhydroquinones qui sont détruites par oxydation en présence d'acide nitrique.

    [0009] On pense que la réaction d'oxydation de l'acide dialkyldithiophosphorique correspond à la formation d'un polysulfure suivant le schéma réactionnel suivant :



    [0010] Ainsi, en utilisant selon l'invention des acides dialkyldithiophosphoriques qui sont des agents réducteurs aussi efficaces que ceux actuellement utilisés, on peut réduire le plutonium en phase organique et le réextraire dans une phase aqueuse constituée par une solution acide.

    [0011] Avantageusement, la solution aqueuse acide est une solution d'acide minéral tel que l'acide nitrique, l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique.

    [0012] L'acidité de cette solution peut varier dans un large intervalle car la cinétique de réextraction du plutonium n'est pratiquement pas affectée par l'acidité de la phase aqueuse.

    [0013] En effet, pour des réextractions du plutonium réalisées en utilisant comme agent réducteur l'acide dibutyldithiophosphorique, des résultats équivalents sont obtenus lorsque l'acidité de la phase aqueuse nitrique varie de 0,01 à 1 N.

    [0014] Cependant, lorsque l'agent réducteur est l'acide diéthyldithiophosphorique, on utilise de préférence une solution acide ayant une acidité au moins égale à 0,5 N car, dans ce cas, l'agent réducteur est légèrement soluble en milieu faiblement acide.

    [0015] Avantageusement, on réalise la mise en contact du solvant organique usé contenant l'agent réducteur avec la solution aqueuse acide à une température supérieure à l0°C, de préférence comprise entre 10 et 60°C, car la vitesse de réextraction augmente avec la température.

    [0016] Après réextraction du plutonium présent dans le solvant organique, on soumet de préférence le solvant décontaminé à un traitement de purification complémentaire afin d'éliminer l'excès d'agent réducteur et les produits d'oxydation formés dans le solvant à partir de cet agent réducteur.

    [0017] Etant donné que les sels d'acides dithiophospho- riques à chaînes hydrocarbonées courtes (Cl à C4) sont très solubles en milieu basique, ce traitement de purification est avantageusement réalisé par mise en contact du solvant organique décontaminé avec une solution basique telle qu'une solution de carbonate de sodium.

    [0018] En effet, un lavage par une solution de carbonate de sodium 0,6 M, avec un temps d'agitation de 5 mn, à la température ambiante, permet d'éliminer plus de 99% de l'acide diéthyldithiophosphorique et plus de 90% de l'acide dibutyldithiophosphorique présent dans un solvant organique.

    [0019] Cependant, ce traitement au moyen d'une solution basique ne permet pas d'éliminer les produits d'oxydation des acides dialkyldithiophosphoriques tels que les disul- fures qui sont au contraire très solubles en phase organique.

    [0020] Selon l'invention, on assure cette élimination en réalisant le traitement basiquè de purification du solvant décontaminé, en présence d'un agent oxydant tel que le nitrite de sodium, que l'on ajoute à la solution basique.

    [0021] Dans ces conditions, on oxyde le disulfure selon la réaction :



    [0022] Ainsi, on transforme le disulfure en produits solubles dans la phase aqueuse, ce qui permet d'éliminer également, lors du traitement basique de purification du solvant décontaminé, les produits d'oxydation des acides dialkyldithiophosphoriques.

    [0023] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture des exemples suivants donnés bien entendu à titre illustratif et non limitatif se référant au dessin annexé sur lequel :

    - la figure 1 est un diagramme représentant les variations du coefficient de partage D du plutonium en fonction du temps, pour diverses concentrations en agent réducteur, et

    - la figure 2 est un diagramme représentant les variations du coefficient de partage D du plutonium en fonction du temps pour diverses températures.



    [0024] Ces exemples se rapportent au traitement de décontamination d'un solvant organique usé, constitué par du tributyl phosphate dilué dans du dodécane, la teneur en tributylphosphate du solvant étant de 30%.

    [0025] On précise que ce solvant usé provient d'une installation de retraitement de combustibles irradiés, dans laquelle il a été utilisé pendant cinq à six mois comme solvant d'extraction mis en oeuvre dans des colonnes pulsées. Ceci correspond à la réalisation d'environ une cinquantaine de cycles d'extraction qui comprennent chacun :

    - l'extraction de l'uranium et du plutonium,

    - le lavage du plutonium par de l'acide nitrique,

    - la séparation uranium-plutonium par réduction du plutonium au moyen d'uranium IV,

    - le lavage de l'uranium par du tributylphosphate à 30% dans du dodécane, et

    - deux réextractions de l'uranium.



    [0026] Ce cycle est suivi d'un traitement de régénération du solvant en mélangeur-décanteur, traitement qui consiste à laver successivement le solvant par une solution de carbonate de sodium 0,6M, une solution d'acide nitrique 1N et une solution de NaOH 1N.

    [0027] Dans les exemples suivants, le solvant soumis au traitement de décontamination est prélevé avant le traitement de régénération en mélangeur-décanteur.

    [0028] Dans tous ces exemples, on réalise la décontamination du solvant en mettant en contact, sous agitation au moyen d'un barreau magnétique tournant, 20 cm3 d'une solution aqueuse d'acide nitrique avec 20 cm3 de solvant organique usé comprenant un agent réducteur constitué soit par de l'acide diéthyldithiophosphorique ayant une pureté d'environ 90%, soit par de l'acide dibutyldithiophosphorique ayant une pureté d'au moins 95%.

    [0029] L'extraction est réalisée dans un appareil ther- mostaté par circulation d'eau, et la teneur en plutonium de chacune des phases est déterminée après décantation par comptage alpha au moyen d'un scintillateur ZnS ou d'une chambre d'ionisation type EMIA 2.

    [0030] Après détermination de la teneur en plutonium des deux phases, on évalue le coefficient de partage D du plutonium qui correspond au rapport de la concentration en plutonium de la phase organique sur la concentration en plutonium de la phase aqueuse.

    EXEMPLE 1



    [0031] Cet exemple de traitement de solvant usé s'applique au cas où on désire limiter les quantités de réactifs ajoutés et où on ne dispose pas de possibilités de chauffage. Après la partition uranium-plutonium lors du retraitement des combustibles irradiés, on ajoute au solvant 10-2 M/1 d'acide diéthyldithiophosphorique et on agite énergiquement en présence d'une solution aqueuse d'acide nitrique 0,3 N à raison de 0,5 volume par volume de solvant. Après 60 mn, on laisse décanter le mélange. Le dosage des phases permet de constater que le coefficient de partage du plutonium est de 2.10-3 (voir figure 1), soit une réextraction de 99,6% du plutonium initialement présent dans le solvant. Celui-ci est ensuite envoyé à l'unité de régénération carbonique où l'excès d'acide diéthyldithiophosphorique est éliminé. Un étage d'extraction suffit pour réextraire plus de 99% du produit après 5mn de contact.

    [0032] En effectuant plusieurs réextractions avec des concentrations en acide diéthyldithiophosphorique de la phase organique de 5.10 3M, 10-2M et 2.10-2M et des temps variables, on obtient les courbes de la figure 1 qui représentent les variations du coefficient de partage D du plutonium en fonction de la durée de réextraction (en minutes).

    [0033] Sur cette figure, les courbes 1, 2 et 3 se rapportent respectivement aux réextractions réalisées avec une concentration en acide diéthyldithiophosphorique du solvant usé de 5.10-3M, 10 2M et 2.10 2M, et la courbe 4 illustre les variations du coefficient de partage D du plutonium pour une réextraction réalisée dans les mêmes conditions, mais en l'absence d'agent réducteur.

    [0034] Au vu de cette figure, on constate que l'addition d'acide diéthyldithiophosphorique au solvant organique usé permet d'éliminer pratiquement la totalité du plutonium.

    [0035] Enfin, on remarque que la vitesse d'extraction augmente de façon importante avec la concentration en agent réducteur.

    [0036] On constate ainsi que l'acide diéthyldithiopho phorique est un agent réducteur très efficace puisqu'il suffit de cinq minutes pour réextraire 97% du plutonium lorsque la concentration en agent réducteur de la phase organique est de 2.10-2M à température ambiante (23°C).

    EXEMPLE 2



    [0037] Cet exemple s'applique au cas où on dispose d'un système de chauffage et où on désire limiter le temps de contact entre phase aqueuse et phase organique. On pourra également se permettre d'utiliser de faibles quantités de réactif. Après avoir chauffé à 40°C le solvant usé sortant du cycle de partition uranium-plutonium, on y ajoute 5.10-3 M/1 d'acide dibutyldithiophosphorique en présence d'une solution aqueuse d'acide nitrique 0,05 N également portée à 40°C. Après 5mn de contact, on décante les phases et on trouve que le coefficient de partage du plutonium est de 0,0014 (voir figure 2). On a réextrait ainsi 99,7% du plutonium en ayant opéré avec un rapport de volume phase organique sur phase aqueuse égal à 2. Comme dans l'exemple 1, le solvant est alors envoyé au traitement carbonique, cependant, il faut deux étages de réextraction pour éliminer 99% de l'acide dibutyldithiophosphorique avec un temps de contact de 5 mn.

    [0038] En effectuant plusieurs réextractions du plutonium à des températures de 23, 30 et 40°C et en déterminant dans chaque cas le coefficient de partage D du plutonium, on obtient la figure 2 dont les courbes 1, 2 et 3 représentent respectivement les variations du coefficient de partage D du plutonium en fonction du temps pour des réextractions réalisées à 23, 3-0 et 40°C.

    [0039] Au vu de cette figure, on constate que la vitesse de réextraction augmente avec la température. Ainsi, à 40°C (courbe 3), il faut moins de 5 mn pour obtenir un coefficient de partage du plutonium inférieur à 10-3.

    EXEMPLE 3



    [0040] Cet exemple s'applique au cas où la température dans l'installation de retraitement est voisine de 30°C. Dans ce cas, on opère sans chauffer avec une concentration en acide dibutyldithiophosphorique de 5.10-3 M. Après 10 mn de temps de contact, on trouve un coefficient de partage du plutonium égal à 0,003 (voir figure 2) et on a éliminé du solvant 99,7% du plutonium en ayant utilisé un volume de solution aqueuse 0,05 N en acide nitrique pour un volume de solvant. Celui-ci est alors envoyé à l'unité de régénération carbonique. L'élimination de 99% de l'acide dibutyldithiophosphorique nécessite deux contacts de 5 mn comme dans l'exemple 2.

    [0041] La teneur en plutonium du solvant organique traité dans les trois exemples décrits est de 20 mg/1.

    [0042] Le procédé de l'invention permet ainsi d'obtenir une décontamination satisfaisante en plutonium de solvants organiques aussi bien acides que basiques. Aussi, il présente un grand intérêt pour assurer la décontamination en plutonium des solvants organiques usés avant les traitements basiques de régénération, ce qui permet d'éviter la formation d'effluents radioactifs alcalins.

    [0043] Par ailleurs, il permet une récupération quantitative du plutonium retenu dans un solvant usé tout en ne nécessitant que peu de réactif.


    Revendications

    1. Procédé de décontamination en plutonium d'un solvant organique, caractérisé en ce qu'il consiste à ajouter audit solvant organique un agent réducteur soluble dans ce solvant organique, constitué par un acide dialkyldithiophosphorique, à mettre en contact le solvant organique contenant ledit agent réducteur avec une solution aqueuse acide, et à séparer la solution aqueuse contenant du plutonium du solvant organique décontaminé.
     
    2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'acide dialkyldithiophosphorique est l'acide diéthy2dithiophosphorique.
     
    3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'acide dialkyldithiophosphorique est l'acide dibutyldithiophosphorique.
     
    4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que la solution aqueuse acide est une solution d'acide minéral tel que l'acide nitrique, l'acide chlorhydrique, l'acide sulfurique.
     
    5. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la solution aqueuse acide a une acidité comprise entre 0,01 et 1 N.
     
    6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'on réalise la mise en contact dudit solvant organique contenant ledit agent réducteur avec la solution aqueuse acide, à une température comprise entre 10 et 60°C.
     
    7. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que l'on purifie ensuite le solvant organique décontaminé en le mettant en contact avec une solution basique.
     
    8. Procédé selon la revendication 7, caractérisé en ce que la solution basique est une solution de carbonate de sodium.
     
    9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 7 et 8, caractérisé en ce que l'on ajoute à la solution basique un agent oxydant.
     
    10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que l'agent oxydant est le nitrite de sodium.
     
    11. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, caractérisé en ce que le solvant organique comprend du tributylphosphate.
     




    Dessins










    Rapport de recherche