[0001] L'invention est relative à une méthode de trempe interrompue des alliages d'aluminium
à durcissement structural.
[0002] On sait que l'obtention des caractéristiques mécaniques élevées associées à des bonnes
résistances à la corrosion (intergranulaire, par piqûres) des alliages à durcissement
structural dépend, pour une bonne part, de la qualité de l'opération de trempe ; celle-ci
doit être rapide et énergique. On cherche, en effet, à éviter toute précipitation
néfaste entre 400°C et 260°C environ par un temps de transfert entre la mise en solution
et le début de trempe aussi réduit que possible, suivi d'une trempe énergique (eau
froide agitée par exemple).
[0003] Cependant, cette pratique conduit à des produits fortement déformés, ayant de fortes
contraintes internes ; il en résulte des opérations de dressage onéreuses, et, fréquemment,
des distorsions complémentaires lors de l'usinage final par exemple.
[0004] D'autre part, afin d'améliorer la résistance à la corrosion sous tension, il est
courant d'utiliser des techniques de sur-revenu (double revenu, sur les alliages des
séries 7000). Ces techniques produisent une chute non négligeable des propriétés de
résistance mécanique.
[0005] Le procédé selon l'invention permet d'améliorer les caractéristiques de résistance
à la corrosion et de diminuer le niveau des contraintes internes des produits traités
sans modification notable des caractéristiques mécaniques de résistance. Il consiste
à faire subir aux produits après le traitement de mise en solution, une trempe interrompue
comprenant :
a) un refroidissement rapide par trempe jusqu'à ce que le produit atteigne une température
comprise entre 150 et 260°C,
b) un arrêt de la trempe pendant quelques secondes à quelques dizaines de minutes
(refroidissement à l'air),
c) une reprise de la trempe jusqu'à la température ambiante
[0006] Le traitement est éventuellement complété par les opérations classiques de traction
ou compression contrôlée (détentionnement) et/ou de revenu (durcissement).
[0007] La trempe est réalisée par (ou dans) un fluide approprié, de préférence à l'eau froide,
par tout moyen connu (aspersion, immersion, pulvérisation, brouillard air-eau, etc....).
[0008] Les produits ainsi traités présentent, par rapport aux traitements classiques de
trempe directe, une bonne résistance à la corrosion, en particulier à la corrosion
sous tension, au prix, éventuellement, d'une légère diminution des caractéristiques
mécaniques de traction. D'autre part, le niveau des contraintes résiduelles après
trempe est fortement diminué.
[0009] L'arrêt de la trempe est obtenu par fermeture des arrivées d'arrosage dans le cas
de la trempe par aspersion, ou par émersion du produit hors du bain de trempe, dans
la cas de trempe par immersion.
[0010] Par rapport aux procédés de trempe étagée décrits dans la littérature technique,
cette méthode se distingue par une interruption et une reprise de la trempe, alors
que la trempe étagée ne comporte qu'une seule opération de trempe à une température
intermédiaire entre la mise en solution et l'ambiante dans divers milieux connus (bain
de sel, bain d'huile, eau chaude).
[0011] De plus, dans la méthode selon l'invention, la vitesse moyenne de refroidissement
initial [étape a)]est, en général, élevée, et, de préférence supérieure à 3°C/sec.
entre la température de mise en solution et 260°C.
[0012] De même la vitesse moyenne de trempe finale [étape c)] est, de préférence, supérieure
à 60°C/min. entre la température atteinte en fin de[l'étape b)jet 100 °C.
[0013] Il a été , de plus, observé que la durée et la position de l'interruption de la trempe
ont une grande influence sur la combinaison optimale des caractéristiques mécaniques
et de résistance à la corrosion des produits.
[0014] Dans ce texte, nous appelerons durée d'interruption (t) lors de l'étape b), non la
durée physique de celle-ci (T), mais la durée qui sépare l'instant où les températures
du produit traité sont sensiblement uniformes (différence de température ≤ 5°C) de
celle de la reprise de la trempe [étape c)]. La température d'interruption (θ) est
la température sensiblement uniforme et constante du produit lors de cette dernière
phase.
[0015] La température superficeille effective, lors de l'interruption de la trempe (début
de l'étape b) et la durée effective de celle-ci (T) qui dépendent, entre autres, de
la nature de l'alliage, de la forme et de la dimension des pièces, etc ... sont facilement
accessibles à l'homme de l'art par l'expérience, le calcul ou la simulation.
[0016] Pour les alliages du type 2214 qui présentent, à l'état T6 habituel, une susceptibilité
à la corrosion intergranulaire très marquée, les durées et températures d'interruption
se situant à l'intérieur du périmètre ABDCEF, permettent d'améliorer la tenue à la
corrosion (fig. 2). De préférence, ces durées et les températures se situeront dans
le périmètre CDEGH (fig. 2).
[0017] Pour les alliages du type 7475 présentant, à l'état habituel T6, une susceptibilité
à la corrosion feuilletante très grande, avec des durées et des températures d'interruption
se situant à l'intérieur du périmètre ABCDEG, on améliore la tenue à la corrosion
feuilletante en ne perdant que 5 % de la dureté de l'état T6 (fig. 3).
[0018] De préférence, les durées et les températures d'interruption situées dans le périmètre
CDEF, conduisent aux meilleurs résultats (fig. 3).
[0019] Les périmètres polygonaux, tracés en coordonnées semi-logarithmiques, ont des sommets
ayant pour coordonnées :

[0020] Le détentionnement des contraintes peut être effectué après trempe par déformation
plastique de traction ou de compression et le revenu est, de préférence, pratiqué
dans le domaine de température allant de 130 à 170°C pour des durées comprises entre
7 et 15 heures pour les alliages type 7075 et entre 10 et 30h pour les alliages du
type 2214.
[0021] L'invention sera mieux comprise et illustrée par les exemples et figures suivants.
La figure 1 représente les courbes de refroidissement comparées d'un produit de 60
mm d'épaisseur lors d'une trempe étagée classique et suivant l'invention.
Les figures 2 et 3 représentent les conditions d'interruption optimales du traitement
de trempe (rappelées ci-dessus).
[0022] La figure 1 représente l'évolution thermique d'une plaque de 60 mm d'épaisseur en
alliage 2214 trempée à partir de 500°C, d'une part, suivant la méthode de l'invention
par arrosage pendant 9 sec. à l'eau froide, arrêt de l'arrosage,vers = 220/230°C,
durant 370 sec.(T), et reprise de l'arrosage, et, d'autre part, suivant la méthode
de trempe étagée classique dans un bain de sel chauffé à 250°C.
[0023] On peut constater l'allure très différente des courbes en surface (S) ou à coeur
du produit (C) dans les cas 1 selon l'invention ou 2 selon la méthode antérieure.
[0024] On a également reporté à la figure 1 les valeurs de temps (T,t) et de la température
(8) définies ci-dessus.
EXEMPLE 1
[0025] Des tôles en 2214 (selon les spécifications de l'A.A) de 60 mm d'épaisseur ont été
traitées, d'une part suivant la méthode habituelle avec trempe directe à l'eau froide
et revenu (état T6), d'autre part, selon l'invention, par trempe à l'eau froide à
partir de 505°C avec interruption de :
- 5 minutes à 225-230°C
- 8 minutes à 225-230°C
- 10 minutes à 205-210°C et revenu de 24h à 150°C.
[0026] Les résultats de caractéristiques mécaniques de traction (dans le sens long, travers
long et travers court), de corrosion sous tension (sens travers court) déterminée
suivant la norme AIR 9048, de conductivité et de contraintes résiduelles dans le sens
long (valeur de Rs) sont reportées dans le tableau I.
[0027] Dans cet exemple, on obtient donc un produit présentant simultanément :
- une bonne résistance à la corrosion sous tension,
- des propriétés mécaniques de traction voisines du T6 classique,
- une diminution de moitié du niveau de contraintes résiduelles.
[0028] Des essais de corrosion ont été réalisés sur des plaquettes d'alliage 2214 de dimensions
40 x 80 x 5 mm. La plus grande dimension est parallèle au sens du laminage. Après
mise en solution à 505°C, les plaquettes ont été refroidies jusqu'à la température
du palier à une vitesse de 26°Clsec. Différentes températures et durées d'interruption
ont été appliquées puis les éprouvettes ont subi un revenu de 24h à 150°C. Sur ces
échantillons, ainsi que sur un échantillon témoin trempé de façon classique et traité
T6, on a mesuré les duretés Vickers ainsi que le degré de corrosion feuilletante.
Les résultats correspondant à ces essais sont reportés sur la figure 2. Au-dessus
de chaque point expérimental, figure le rapport de la dureté Vickers de l'essai sur
la dureté Vickers de l'état T6 habituel. Au-dessous de chaque point, on donne l'indice
de corrosion dont la signification est la suivante :
I = corrosion intergranulaire )
P = corrosion par piqûres suivant norme AIR 9050 C
[0029] On peut constater que le domaine DEGH correspond à des duretés presque égales ou
supérieures à l'état T6 et à l'immunité contre la corrosion intergranulaire.
EXEMPLE 2
[0030] Une tôle de 7475 (selon les spécifications de lA.A.) de 60 mm d'épaisseur a été traitée,
d'une part, suivant le procédé classique de trempe à l'eau froide et revenu (états
T6 et T73) et, d'autre part, suivant l'invention, par trempe à l'eau froide à partir
de 470°C et interruption pendant 6 minutes à 185°C et revenu 8h à 160°C. Les résultats
sont reportés dans le tableau II.
[0031] Dans cet exemple, on obtient un produit présentant à la fois :
- des propriétés mécaniques de traction supérieures à l'état T73,
- une résistance à la corrosion sous tension identique à l'état T73.
[0032] Des essais de corrosion ont été effectués sur des échantillons identiques à ceux
de l'exemple 1 et traités de façon analogue, sauf en ce qui concerne le revenu final
pratiqué à 160°C pendant 8h.
[0033] Ces échantillons ont été soumis à une essai de dureté Vickers et de corrosion feuilletante
suivant la norme ASTM G34/78.
[0034] Les résultats correspondants à ces essais sont reportés sur la figure 3. Au-dessus
de chaque point expérimental figure le rapport de la dureté Vickers de l'essai à la
dureté Vickers du témoin correspondant à l'état T6. Au-dessous de chaque point, on
a indiqué l'indice de corrosion feuilletante (EM : corrosion feuilletante modérée
- EI : corrosion feuilletante intermédiaire).
[0035] On peut constater la diminution sensible de la corrosion feuilletante pour une perte
négligeable des caractéristiques mécaniques de résistance dans le domaine considéré.
[0036] Le procédé suivant l'invention s'applique à la trempe de tous les alliages à base
d'aluminium à durcissement structural, en particulier aux alliages des séries 2000,
6000 et 7000 (suivant la nomenclature de l'Aluminium Association).

1. Procédé de traitement thermique d'alliages d'A1 à durcissement structural comportant
une mise en solution, une trempe, éventuellement une déformation plastique, et un
(ou plusieurs) revenu(s) caractérisé en ce que la trempe est effectuée dans les conditions
suivantes :
a) refroidissement du produit à une vitesse moyenne supérieure à 3°C/sec. entre la
température de mise en solution et le domaine 150°C-260°C dans un milieu ou avec un
agent de refroidissement dont la température est inférieure à la température ( θ)
définie en b).
b) arrêt du refroidissement de manière à obtenir une température ( θ) du produit sensiblement
uniforme et comprise dans le domaine 1500 - 260°C pendant une durée allant de quelques secondes à quelques dizaines de minutes.
c) reprise du refroidissement du produit jusqu'à la température ambiante à une vitesse
moyenne supérieure à 60°C/min. entre la température atteinte à la fin de l'étape b)
et 100°C.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le refroidissement de l'étape
a) est obtenu par un refroidissement à l'eau et celui de l'étape c) par un refroidissement
à l'eau.
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le refroidissement de l'étape
a) est obtenu par un refroidissement à l'eau et celui de l'étape c) par un refroidissement
à l'air.
4. Procédé selon les revendications 2 ou 3, caractérisé en ce que l'eau est froide
(température inférieure à 40°C).
5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que les produits
trempés subissent ultérieurement une traction ou une compression contrôlée et/ou un
revenu.
6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que pour les alliages
du type 2214, les durées (t) et températures (θ) d'interruption de trempe (étape b)
sont situées à l'intérieur du périmètre ABCDEF de la figure 2.
7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que les durées (t) et les températures
( θ) sont situées à l'intérieur du périmètre CDEGH de la figure 2.
8. Procédé selon les revendications 6 ou 7, caractérisé en ce que les produits subissent
ultérieurement un revenu entre 10h et 30h dans un domaine de température compris entre
130°C et 170°C.
9. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que pour les alliages
du type 7075, les durées (t) et températures ( θ) d'interruption de trempe sont situées
à l'intérieur du périmètre ABCDEG de la figure 3.
10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que les durées (t) et les
températures ( θ) sont situées à l'intérieur du périmètre CDEF de la figure 3.
11. Procédé selon l'une des revendications 9 ou 10 caractérisé en ce que les produits
subissent ultérieurement un revenu entre 7h et 15h dans un domaine de température
compris entre í30°C et 170°C.
12. Produit obtenu par le procédé de l'une des revendications 1 à 5 et 9 à 11, caractérisé
en ce qu'il comprend essentiellement de l'aluminium, de 4 à 8% de zinc, de 1,5 à 3,5%
de magnésium, de 1 à 2,5% de cuivre, et au moins un élément tel que le chrome, manganèse
ou zirconium, de 0,05 à 0,30% possédant une résistance à la corrosion sous tension
identique à celle de l'état T73 et une résistance mécanique voisine de l'état T6.
13. Produit obtenu par le procédé de l'une des revendications 1 à 8, caractérisé en
ce qu'il comprend essentiellement de l'aluminium, de 2 à 5% de cuivre, de 0,2 à 2,0%
de magnésium, de 0,2 à 1,0 de manganèse et de 0,1 à 1,0% de silicium possédant une
résistance à la corrosion sous tension nettement amélioré par rapport à celle de l'état
T6, pour une résistance mécanique équivalente.