[0001] La présente invention a pour objet de nouveaux inhibiteurs de combustion pour propergol
à double base comprenant un élastomère polyuréthanne comportant sous forme combinée
chimiquement un constituant aliphatique, polyesterpolyol ou polyétherpolyol ou un
mélange des deux contenant 2 à 6 groupements hydroxyles par molécule, un constituant
polyisocyannate aliphatique, éventuellement un polyol de bas poids moléculaire en
tant qu'extenseur de chaines l'inhibiteur comprenant éventuellement une charge organique
gazéifiable et/ou un plastifiant aliphatique.
[0002] Les inhibiteurs de combustion sont des matériaux qui recouvrent la surface d'un bloc
de propergol, mise à part la surface de la zone de combustion, et qui protège celle-ci
de toute mise à feu involontaire qui pourrait se produire par exemple sous l'action
des gaz chauds provenant de la combustion.
[0003] Une des principales fonctions des inhibiteurs de combustion est donc de réguler la
combustion d'un bloc de propergol en permettant de conserver une zone de combustion
régulière pendant la durée de celle-ci.
[0004] Pour les missiles dits "tactiques" actuels et des générations à venir, une des exigences
essentielles réside dans leur capacité à être guidés du poste de tir quel qu'il soit.
Ceci implique que la combustion du bloc propulsif permettant le déplacement de l'engin
ne dégage pas de gaz qui obscurciraient la zone arrière de l'engin et empêcheraient
son repérage et son guidage par le poste de tir. Ceci nous amène à la notion de "discrétion"
comprise dans le sens de transparence vis a vis des ondes de guidage (infrarouge,
visible).
[0005] Les propergols à double base sont par nature "discrets" c'est à dire que leur gaz
de combustion ne gênent pas le guidage de l'engin.
[0006] Les inhibiteurs, par contre, sont la principale cause des phénomènes d'opacité qui
se produisent lors de la combustion étant donné que les couches superficielles au
contact du bloc de propergol émettent des fumées qui gênent le guidage.
[0007] Ce phénomène est encore accentué par le fait que la nitroglycérine, présente dans
le propergol à double base, a tendance à migrer dans l'inhibiteur, quand celui-ci
présente certaines affinités avec elle, ce qui augmente encore la combustion de celui-ci
et donc l'émission de fumée. La migration de la nitroglycérine présente en outre l'inconvénient
de décoller l'inhibiteur du bloc de propergol ce qui provoque lors du tir des irrégularités
de combustion préjudiciables.
[0008] Un inhibiteur de combustion doit donc satisfaire notamment les exigences suivantes
:
- résistance à la migration de la nitroglycérine
- non émission de fumées obscurcissantes lors de la combustion
- bon collage sur le bloc de propergol
[0009] Une première solution consiste à utiliser un matériau qui s'ablate lors de la combustion
en dégageant des gaz transparents. Cette solution fait donc appel à des matériaux
"gazéifiables" sous l'effet des gaz chauds. L'invention se rapporte à ce type de matériaux
et cela lui permet de se différencier de l'autre solution également proposée et qui
consiste à utiliser des matériaux ayant une excellente tenue thermique comme les silicones
ou les polymères aromatiques et qui à l'inverse des précédents ne s'ablatent pas et
ne dégagent donc pas de gaz obscurcissants.
[0010] Pour réaliser les inhibiteurs selon la première solution, il est déjà connu que les
polymères constituant le matériau ne doivent pratiquement pas contenir de groupements
aromatiques.
[0011] Le brevet français n° 2 275 425 illustre une réalisation dans laquelle le matériau
inhibiteur est constitué d'un polyuréthanne aliphatique à base d'un polyol et d'un
polyisocyanate aliphatique et d'une charge refroidissante.
[0012] Toutefois, il est nécessaire, compte-tenu de l'affinité du polyuréthanne aliphatique
pour la nitroglycérine d'interposer entre le matériau inhibiteur et le bloc de propergol
une couche barrière à base de triisocyanate. Du fait de la réticulation à l'humidité,
celle-ci forme une couche ayant un réseau de mailles extrêmement serré ce qui empêche
les molécules de nitroglycérine de passer au travers.
[0013] Afin de remédier à cet inconvénient, il a été proposé dans la demande du brevet n°
2 444 689 d'augmenter le degré de réticulation du matériau polyuréthanne en utilisant
des polyols de bas poids moléculaire.
[0014] La présente invention a pour objet d'apporter une amélioration sensible par rapport
aux précédents matériaux inhibiteurs dont il vient d'être discuté en ce qui concerne
la migration de plastifiant (notamment nitroglycérine), la discrétion.
[0015] L'invention est caractérisée en ce que l'inhibiteur de combustion comporte également
0,1 à 10 parties (en poids) de fibres minérales ou organiques thermostables de longueur
comprise entre 0,1 mm et 15 mm pour 100 parties d'inhibiteur.
[0016] La présence de fibres réfractaires est nouvelle en ce qui concerne ce type d'inhibiteur
pour propergol à double base et elle est de plus non évidente.
[0017] En effet, le brevet français 2 275 425 déjà cité mentionne l'utilisation, pour améliorer
la tenue thermique, des charges minérales (amiante, mica, quartz) sous forme de poudre.
[0018] Le brevet français 2 290 825 cite une composition d'inhibiteur pour propergol à double
base constituée d'un élastomère et d'une matière de charge pulvérulente constituant
au moins 50
% de la composition totale. Il est également indiqué que, de préférence, les particules
de la matière présente dans le matériau inhibant la combustion ont moins d'un micron.
On voit bien que ce document loin de proposer l'incorporation de fibres à l'homme
de métier l'en dissuaderait plutôt.
[0019] Il faut enfin noter le brevet français n° 2 150 552 qui décrit une composition à
base d'élastomère polyuréthanne aromatique et de 5 à 65% de matière fibreuse fonctionne
selon le concept du matériau non ablatable (voir la deuxième solution décrite plus
haut).
[0020] Il y a une grande différence entre les deux familles d'inhibiteurs. Celle décrite
dans le brevet français n° 2 150 552 émet une très forte quantité de fumée lors de
la combustion. L'addition d'une quantité importante de fibres est nécéssitée par le
fait que la totalité de l'inhibiteur doit être conservée tout le long de la combustion
car autrement la matière ablatée sous l'effet des gaz chauds produirait de la fumée.
Ceci est confirmé par le dernier paragraphe du brevet français 2 150 552.
[0021] Par contre, dans le cas des inhibiteurs selon l'invention, les fibres n'ont pas pour
fonction d'empêcher l'ablation de l'inhibiteur mais au contraire de permettre à la
matière de se gazéifier sur place en assurant une meilleure tenue mécanique à la matière
superficielle en train de se gazéifier.
[0022] Par polyuréthannes aliphatiques on entend des polyuréthannes qui ne contiennent sensiblemment
pas de motifs aromatiques. Cela n'exclut évidemment pas qu'une petite proportion des
motifs soit aromatique, mais cette proportion ne doit pas dépasser 10%.
[0023] Ces polyuréthannes doivent être oxygénés, et sont constitués de préférence par la
réaction d'addition entre des polyisocyanates aliphatiques et des polyesters polyol
ou polyéthers polyol comportant 2 à 6 groupements hydroxyles par molécule ou un mélange
de ces polyesters ou polyéthers polyol. De préférence dans ces polyols le rapport
entre le nombre de carbone et le nombre d'oxygène est inférieur à 5.
[0024] Les compositions polyuréthannes conduisant à l'élastomère polyuréthanne doivent être
coulables de préférence bien qu'une mise en forme selon les méthodes des caoutchoutiers
ne soit pas exclue pour les compositions qui le nécessitent.
[0025] Les polyols ont de préférence un poids moléculaire compris entre 400 et 5 000 et
avantageusement compris entre 500 et 3 000.
[0026] Les polyesters qui conviennent comprennent ceux dérivés d'acides dicarboxyliques
comme les acides adipique, succinique ou sébacique et de glycols à bas poids moléculaire
comme l'éthylène glycol, le propylène glycol, le diéthylène glycol, le 1,4 butanediol
et le 1,6 hexa- nediol.
[0027] Ils comprennent également les polymères de lactone. Ce sont des polymères formés
à partir d'initiateurs polyfonctionnels par décy- clisation successive de monomères
de lactone.
[0028] De façon générale les lactones convenant pour l'invention répondent à la formule
:

n étant inférieur ou égal à 4.
[0029] Parmi les polyesters de ce type on peut citer la poly- E-caprolactone ou la poly-γ-butyrolactone.
[0030] On peut également utiliser les adducts de ces polyesters sur des polyols à bas poids
moléculaire.
[0031] Les polyéthers qui conviennent sont notamment le polyéthylène glycol, le polypropylène
glycol, le polypropylène éthylène glycol, le polypropylène glycol, le polytétraméthylène
glycol et les adducts de ces polyesters sur des polyols à bas poids moléculaire comme
le triméthy- lolpropane, le glycérol, le pentaérythritol, le sorbitol.
[0032] Il est également possible d'ajouter à ces compositions des extenseurs de chaîne bien
connus comme les glycols de bas poids moléculaire (butanediol-1,4 par exemple) ou
des diamines.
[0033] Le rapport NCO : OH est de préférence égal à 1 ou voisin de 1.
[0034] La réticulation s'effectue en présence de catalyseurs bien connus comme par exemple
ceux à base d'étain tel que le diacétate de dibutyl étain.
[0035] Pour des raisons de propriétés mécaniques on préférera utiliser des polyéthers polyol.
Mais il est également très avantageux d'utiliser ces polyéthers polyol en mélange
avec une polylactone notamment l'E
- polycaprolactone.
[0036] Il est, en outre, avantageux de manière connue d'ajouter un plastifiant aliphatique
à la composition polyuréthanne comme par exemple le triacétate de glycérol ou le citrate
d'acétyltri-n-butyle.
[0037] On peut ajouter jusqu'à 40 parties de plastifiant pour 100 parties de polyuréthanne.
[0038] Certaines charges organiques gazéifiables ayant une température de fusion égale ou
supérieure à celle du polyuréthanne peuvent être avantageusement ajoutées.
[0039] Il sera possible d'ajouter jusqu'à 300 parties de ces charges, pour 100 parties de
polyuréthannes, la seule limite résidant dans la "coulabilité" de la composition et
dans les propriétés mécaniques minimales que doit présenter un inhibiteur de combustion.
[0040] On peut citer à titre indicatif les charges suivantes : l'oxamide, l'oxalate d'ammonium,
le carbonate d'ammonium, le polyoxyéthylène, le polyoxypropylène, le polyoxyméthylène.
[0041] Ces charges doivent être de préférence non hygroscopiques parce que la présence d'eau
gêne la réticulation.
[0042] On préférera utiliser des charges organiques oxygénées présentant un rapport nombre
d'atomes de carbone : nombre d'atomes d'oxygène voisin de 1, de manière à favoriser
les réactions d'oxydations par rapport aux réactions de polymérisation et de préférence
en granulométrie fine.
[0043] La présence d'oxygène a, en effet, une influence positive au niveau de l'absence
de formation de scories.
[0044] On utilisera avantageusement l'oxamide à cause de son point de fusion très élevé
(environ 400°C).
[0045] Le constituant polyisocyanate aliphatique est constitué de préférence de diisocyanate
aliphatique ou cycloaliphatique.
[0046] En ce qui concerne les fibres objet de l'invention, on peut citer parmi celles qui
conviennent les fibres de verre, de carbone, de carbure de silicium, d'amiante et
les fibres de polyphénylène téré- phtalamide commercialisées par la société Dupont
de Nemours sous la marque "Kevlar".
[0047] L'inhibiteur de combustion comprendra avantageusement 0,3 à 8 parties (en poids)
de fibres de longueur comprise entre 0,1 et 6 mm et de préférence 0,5 à 4 parties
en poids pour 100 parties d'inhibiteur.
[0048] La mise en oeuvre de l'invention peut s'effectuer de la manière suivante :
On dispose concentriquement un bloc de propergol à double base dans un moule cylindrique
de manière à ce qu'il y ait un interstice régulier entre la surface du bloc et la
paroi interne du moule.
[0049] Dans un pot approprié on mélange au moyen d'un malaxeur les constituants du polyuréthanne,
éventuellement la charge refroidissante, le plastifiant, et les fibres.
[0050] Une fois que le mélange est homogène on procède à l'inhibage proprement dit, le plus
souvent par un procédé d'injection.
[0051] Les exemples ci-dessous illustrent l'invention.
[0052] Les essais sont effectués avec la composition de propergol suivante, exprimée en
pourcentage en poids :

I - Mesure de la migration de la nitroglycérine
[0053] On mesure l'augmentation de poids de l'inhibiteur à intervalle régulier par immersion
d'un échantillon dudit inhibiteur dans la nitroglycérine et on suit l'augmentation
de poids.
[0054] Les compositions d'inhibiteur suivantes, exprimées en parties en poids, ont été testées.
Composition 1
[0055]

[0056] Le taux d'absorption est de :
- 1 % après 24 h
- 2,2 % après 1 semaine
- 5 % après 6 semaines
Composition 2
[0057] Même composition que 1 mis a part que l'on remplace les fibres de carbone par des
fibres de Kevlar (R) de 0,5 mm de long commercialisées par Dupont de Nemours.
[0058] Le taux d'absorption est de :
- 1,1 % après 24 h
- 2,5 % après 1 semaine
- 5,2 % après 6 semaines
Composition 3
[0059] Même composition que 1 mis a part qu'on utilise comme diisocyanate le 1,6 diisocyanate-2,2',3-triméthyl
hexane.
[0060] Le taux d'absorption est de :
- 1 % après 24 h
- 2,8 % après 1 semaine
- 7,1 % après 1 mois
Composition 4
[0061]

[0062] Le taux d'absorption est de :
- 1,4 % après 24 h
- 3 % après 1 semaine
- 8 % après 6 semaines
Composition 5 - Essai comparatif
[0063] La composition 1 a été testée sans fibres :
- 1,8 % après 24 h
- 3,2 % après 1 semaine
- 9 % après 1 mois
- 14 % après 6 semaines
II - Mesure de tir
[0064] Des blocs cylindriques (h = 200 mm, Ø 90 mm) de propergols à double base revêtus
d'un inhibiteur d'épaisseur 5 mm, obtenus comme décrit précédemment, sont mis à feu.
[0065] Deux séries de mesures sont effectuées.
1) par un dispositif expérimental qui permet d'évaluer la transparence transversale
et longitudinale ; on obtient ainsi une appréciation chiffrée de la discrétion,
2) par vérification de l'état de la poche après le tir ; son poids avant et après
le tir permet de connaître le taux d'ablation (pourcentage pondéral de matière éjectée
sous forme gazeuse au cours du tir).
