[0001] La présente invention concerne le conditionnement d'une matière riche en carbone,
notamment du charbon, en vue d'obtenir un produit, aisément transportable en conduite
et facile à stocker sur de longues périodes.
[0002] L'invention s'applique de préférence, mais non exclusivement, à l'injection de combustible
auxiliaire aux tuyères d'un haut fourneau sidérurgique.
[0003] L'injection de combustible auxiliaire aux tuyères d'un haut fourneau est une pratique
connue de longue date pour ce qui concerne l'utilisation d'un hydrocarbure, tel que
du fuel. On sait qu'un effort de Recherche Développement est entrepris de nos jours
afin de pouvoir remplacer, partiellement au moins, le fuel par du charbon finement
broyé.
[0004] En l'état actuel des connaissances, deux techniques paraissent être en mesure de
rencontrer une sanction industrielle à l'échéance de quelques années.
[0005] La première consiste à insuffler à sec des particules de charbon véhiculées depuis
une trémie de stockage jusqu'aux tuyères par un gaz porteur. Cette technique, qui
fait application particulière du transport pneumatique de poudres en phase dense,
peut donc être considérée comme bien maitrisable, sinon déjà maltrisée. Elle présente
cependant quelques handicaps qui, sans être prohibitifs, semblent néanmoins de nature
à pénaliser un développement large et rapide du procédé.
[0006] L'un de ces handicaps, probablement le principal, tient au conditionnement du charbon
lui-même en fines particules. Des précautions sévères doivent en effet être prises
pour éviter les risques d'explosions qui pourraient résulter de la mise en suspension
des particules dans l'atmosphère et ceci tout du long du processus qui va du broyage
au stockage puis au transport. Par ailleurs, au stade du broyage lui-même, qui s'opère
par voie sèche, il est nécessaire de sécher le produit initial, ce qui correspond
à une dépense énergétique.
[0007] La seconde technique consiste à conditionner le charbon finement broyé par mise en
suspension dans une phase liquide (généralement de l'eau), pour former un mélange
charbon-eau à haute concentration en charbon et que l'on appelle habituellement "pulpe".
L'idée parait à priori très attrayante, car une pulpe de ce type est normalement un
produit présentant des prédispositions au transport analogues à celles d'un liquide,
ce qui autorise en principe l'usage des circuits éventuellement préexistants de transport
du fuel, sans modifications trop importantes.
[0008] L'idée semble également séduisante du fait de l'enrichissement en hydrogène du gaz
récupéré au gueulard de l'appareil par dissociation de l'eau injectée. Toutefois,
cet aspect de valorisation du gaz de gueulard ne peut avoir qu'une importance secondaire
car des considérations économiques démontrent un intérêt du procédé qu'à des valeurs
élevées de la concentration du charbon dans la pulpe oue l'on peut chiffrer à 70 %
et au-delà (en poids). Or, les études menées à ce jour sémblent indiquer que les possibilités
à ce niveau sont vite limitées en raison de l'augmentation très rapide de la viscosité
de la pulpe au-delà de 75 % en poids de charbon, qui la rend alors difficilement apte
au pompage et à la circulation en conduite à l'aide des moyens dont on dispose habituellement
à cet effet.
[0009] Un autre inconvénient peut résider, au niveau du stockage, en raison de la tendance
à la sédimentation de la poudre de carbone sur des périodes plus au moins prolongées.
[0010] La présente invention a pour but de pallier les inconvénients des conditionnements
connus précités tout en cumulant leurs avantages respectifs.
[0011] A cet effet, l'invention a pour objet un conditionnement de matière riche en carbone,
notamment du charbon à l'état de particules solides, finement divisées caractérisé
en ce qu'il est constitué par un mélange formé à partir de matière carbonée, d'un
liquide de mise en suspension des particules (de l'eau de préférence) et d'un adjuvant
tensio-actif à propriétés moussantes, selon les proportions pondérales suivantes :
- 70 % au moins de matière carbonée,
- entre 0,1 et 5 % d'adjuvant tensio-actif par rapport au poids de matière carbonée,
- le reste étant le liquide de suspension.
[0012] Dans une forme de réalisation, l'adjuvant est un laurysulfate de métal alcalin ou
alcalino-terreux - tel que du sodium ou du calcium - et de préférence basé sur 'un
alcool à chaîne carbonée, par exemple en C12 ou C14.
[0013] Conformément à une mise en oeuvre préférée, la proportion pondérale d'adjuvant dans
le mélange est comprise entre 0,5 et 1,5 % par rapport au poids de matière carbonée.
[0014] L'invention a également pour objet un procédé de réalisation du conditionnement défini
ci-dessus caractérisé en ce que l'on mélange de la matière carbonée à l'état de particules
solides finement divisées à un liquide tel que de l'eau, et à un adjuvant tensio-actif
à propriétés moussantes selon les proportions indiquées ci-avant et en ce que l'on
aère le mélange par brassage mécanique ou pneumatique ou par tout autre moyen approprié,
jusqu'à l'obtention d'une mousse.
[0015] L'invention réalise ainsi un produit qui se présente sous la forme d'une mousse aérée,
légère mais consistante, homogène et stable et qui se transporte aisément en conduite
par voie pneumatique ou mécanique.
[0016] A la différence des pulpes connues, qui sont des mélanges à deux phases (solide-liquide),
la mousse au carbone selon l'invention (mélange à trois phases solide-liquide-gaz)
se stocke sans difficulté pendant de très longues périodes et, se transporte en conduite
à des teneurs en carbone plus élevées que les valeurs limites (75-80 %) que l'on rencontre
avec les pulpes.
[0017] Bien entendu, en stockage prolongé, la mousse peut sécher par évaporation de l'eau.
Mais il suffit, par exemple avant utilisation, de rajouter l'eau manquante et de brasser
le mélange pour régénérer très rapidement une mousse identique à la mousse d'origine.
[0018] La préparation, d'une grande simplicité, va maintenant être décrite en prenant pour
exemple une fabrication de faible quantité telle qu'elle est réalisée au laboratoire.
La matière carbonée de base est du charbon préalablement broyé finement de manière
à obtenir une granulométrie globale inférieure à 500 µm mais dont 80 % environ de
la matière présente une granulométrie inférieure à 100 µm. Ces spécifications sont
surtout recommandées en raison de la destination du charbon (combustion dans un brûleur)
pour laquelle on a intérêt à rechercher une grande surface spécifique des particules.
[0019] 750 g de ce charbon en poudre sont placés dans un bécher dans lequel on verse ensuite
250 ml de solution aqueuse légèrement basique (à pH égal à 8 environ) titrant 1 %
de laurysulfate de sodium par rapport au poids de solide. Autrement dit la quantité
de laurysulfate dans les 250 ml de solution est de 7,5 g environ. L'ajustement du
pH a une valeur basique correspond aux indications du fournisseur du laurysulfate
pour faciliter sa mise en solution.
[0020] Le laurysulfate de sodium utilisé ici, basé sur un acool en C12, est commercialisé
sous la dénomination "Empicol LX 28". Il se présente à l'état liquide avec un peu
de formol comme agent de conservation. Sa nature chimique peut être représentée par
la formule générale suivante CH
3(CH
2)
nCH
2OSO
3Na. Ces empicols sont des tensio-actifs anioniques à propriété moussante qui servent
également d'agents mouillants et émulsifiants. Ils sont habituellement utilisés dans
la fabrication de shampooings pour tapis, d'élastomères ou de mousses de latex.
[0021] Le contenu du bécher est ensuite homogénéisé et aéré par brassage mécanique à l'aide
d'une palette rotative montée en bout d'une tige motorisée. L'opération de brassage
dure quelques minutes au terme desquelles on obtient la mousse au carbone recherchée.
Cette mousse présente un volume de 2 litres environ. Le charbon y est présent a raison
de 75 % en teneur pondérale et à raison de 375 g par litre de mousse.
[0022] Bien entendu, il est possible d'ajouter l'eau et le tensio-actif moussant séparément.
[0023] De même, le brassage peut être réalisé par voie mécanique (agitateur, turbine, malaxeur
à mouvement planétaire, etc.) ou par voie pneumatique (bullage, nébulisation gazeuse
etc.) ou par tout autre moyen permettant l'aération du mélange de manière à y incorporer
des micro-bulles gazeuses qui se fixent aux extrémités polaires de l'adjuvant tensio-actif
et moussant.
[0024] De même encore, on peut obtenir la mousse au carbone selon l'invention à partir d'autres
adjuvants qu'un laurysulfate de sodium, mais possédant des propriétés tensio-actives
pour favoriser le mouillage de la phase liquide sur les particules de charbon et des
propriétés moussantes, à savoir une partie polaire hydrophobe pour fixer la phase
gazeuse sous forme de micro-bulles.
[0025] Ainsi, il est possible d'utiliser des adjuvants tels que des laurysulfates de calcium
ou d'autres métaux alcalin ou alcalino-terreux, des sulfonates, des laurysulfonates
ou phénysulfonates de Na ou Ca, des alkyls sulfonates ou des esters sulfoniques, etc.
[0026] De même le liquide de mise en suspension n'est pas nécessairement de l'eau, mais
peut fort bien consister par exemple en un hydrocarbure, tel que du fuel ou un mélange
fuel-eau, ce qui procure au besoin une augmentation du pouvoir calorifique de la mousse.
[0027] Toutefois, l'intérêt principal de l'invention demeure dans le choix de l'eau, car
c'est dans ce cas que les pulpes connues posent des problèmes de transport en conduite
pour des hautes teneurs en carbone, problèmes qui ne se retrouvent plus avec la mousse
selon l'invention dont les caractéristiques à ce sujet sont pratiquement constantes
quelle que soit la proportion de carbone.
[0028] La mousse au carbon selon l'invention présente bien d'autres avantages parmi lesquels
on pourra retenir ou rappeler les suivants :
- une facilité de stockage pendant des durées très longues sans risque de sédimentation
ou de décantation des particules solides,
- pas ou peu de ségrégation granulométrique au cours du stockage,
- une parfaite neutralité chimique à l'égard des moyens de stockage habituels,
- une préparation simple et très rapide, ce qui rend possible notamment une fabrication
"en continu" au moment de l'utilisation,
- une faible abrasion des moyens de transport (pompes, conduites, etc...)
- une sécurité pratiquement totale à l'égard des risques d'explosions puisque la mise
en oeuvre de l'invention n'est jamais génératrice de poussières,
- par ailleurs, le broyage préalable du charbon peut s'effectuer dans l'eau sans nécessiter
de séchage ultérieur,
- une utilisation par les installations d'injection de fluides actuelles moyennant
peu ou pas de transformations selon les cas.
[0029] Bien entendu l'invention ne se limite pas aux exemples décrits mais s'étend à de
multiples variantes ou équivalents dans la mesure où sont respectées les caractéristiques
des revendications jointes.
[0030] Ainsi, la mousse au carbone selon l'invention peut être obtenue à partir des différentes
variétés de charbons connues. Quelque soit leur qualité (charbons maigres ou gras)
ou plus généralement à partir de toute autre matière carbonée (bien entendu de préférence
riche en carbone) susceptible de pouvoir être finement divisée en particules solides
(lignite, tourbe, brai de houille, etc...).
[0031] De même, le domaine d'application de l'invention ne se limite pas à l'injection de
combustibles aux tuyères d'un haut fourneau sidérurgique, mais s'étend à d'autres
utilisations, par exemple, dans le secteur des fours industriels, des centrales thermiques
ou celui du transport du charbon sur longue distance, et de manière plus générale
partout où l'injection et le transport d'un mélange charbon-eau présentent un intérêt.
1) Conditionnement de matière riche en carbone, à l'état de particules solides finement
divisées, caractérisé en ce qu'il est constitué par un mélange aéré formé à partir
de ladite matière, d'un liquide de mise en suspension des particules solides et d'un
adjuvant tensio-actif à propriétés moussantes, selon les proportions pondérales suivantes
:
- 70 % au moins de matière carbonée,
- entre 0,1 et 5 % environ d'adjuvant moussant par rapport au poids de matière carbonée,
- le reste étant constitué par le liquide.
2) Conditionnement selon la revendication 1 caractérisé en ce que la matière riche
en carbone est du charbon.
3) Conditionnement selon les revendications 1 ou 2 caractérisé en ce que le liquide
est de l'eau.
4) Conditionnement selon les revendications 1, 2 ou 3 caractérisé en ce que l'adjuvant
est un sulfonate de métal alcalin ou alcalino-terreux.
5) Conditionnement selon la revendication 4 caractérisé en ce que l'adjuvant est un
sulfonate de métal alcalin ou alcalino-terreux choisi dans le groupe formé par "les
laurysulfates, les laurysulfonates, les phenylsulfonates, les alkyls sulfonates ou
les esters sulfoniques".
6) Conditionnement selon les revendications 1 et 5 caractérisé en ce que l'adjuvant
est un laurylsulfate de sodium basé sur un alcool, de formule générale CH3-(CH2)n-CH2OSO3Na et en ce que sa proportion pondérale dans le mélange, par rapport au poids de matière
carbonée est comprise entre 0,5 et 1,5 % et de préférence de 1 S environ.
7) Procédé de réalisation d'un conditionnement de matière riche en carbone caractérisé
en ce que l'on mélange de la matière carbonée à l'état de particules solides finement
divisées à une solution aqueuse et à un adjuvant tensio-actif à propriétés moussantes
selon les proportions pondérales indiquées dans la revendication 1 et en ce que l'on
homogénéise et l'on aère le mélange par brassage jusqu'à l'obtention d'une mousse.
8) Mousse au carbone obtenue selon le procédé de la revendication 7.
9) Application de la mousse selon l'une quelconque des revendications 1 à 6 et 8,
ou obtenue selon la revendication 7, caractérisée en ce que on l'utilise en tant que
combustible auxiliaire Oinjectable aux tuyères d'un haut fourneau sidérurgique.