[0001] L'invention concerne un nouveau traitement à l'hypochlorite des pâtes papetières
chimiques.
[0002] Dans la suite de la description, l'expression "pâtes chimiques" désigne principalement
des pâtes de cellulose non blanchies ou éclaircies, c'est-à-dire contenant encore
de la lignine, obtenues par des procédés divers, par exemple au sulfite acide, neutre
ou alcalin, au sulfate (procédé Kraft), à la soude, au carbonate ou à l'oxygène, en
présence ou non d'un catalyseur de délignification.
[0003] Comme on le sait, le blanchiment des pâtes cellulosiques est le traitement qui consiste
à éliminer par action de réactifs chimiques, la matière colorante associée aux fibres
de cellulose, dont une grande partie est constituée de lignine dans un état très condensé
et pro- dondément modifiée lors des réactions de cuisson. Le blanchiment des pâtes
chimiques se fait la plupart du temps au moyen d'agents chlorés, comme le chlore,
le bioxyde de chlore ou l'hypochlorite de sodium.
[0004] De façon conventionnelle, on effectue le blanchiment par des séquences du type CE
1D
1E
2D
2, c'est-à-dire tout d'abord un traitement au chlore (C), puis une première extraction
à la soude (E
l), ensuite un premier traitement au bioxyde de chlore (D
1), suivi par une seconde extraction à la soude (E
2) et enfin un second traitement au bioxyde de chlore (D 2).
[0005] On a cherché à réduire le coût du blanchiment en réduisant le nombre de stades de
la séquence et/ou en faisant appel à d'autres réactifs chimiques. On a proposé par
exemple d'introduire un agent oxydant dans les stades d'extraction alcaline (E) ou
d'ajouter un stade mettant en oeuvre un tel agent immédiatement après une extraction
alcaline ; cet agent pouvait être l'oxygène. Toutefois, ce procédé fait apoel à de
l'oxygène gazeux qui est peu soluble dans les liqueurs alcalines, ce qui nécessite
de faire appel à des systèmes de mélange coûteux. En outre, l'effet de l'oxygène n'est
sensible que dans le premier stade d'extraction alcaline (E
1), et est pratiquement nul dans le second (E
2).
[0006] Parallèlement, on a déjà proposé d'introduire dans les extractions alcalines, soit
de l'hypochlorite de sodium, soit du peroxyde d'hydrogène. Les évaluations actuelles
montrent que le premier composé présente des avantages importants sur le plan économique
(voir publication:TAPPI Journal - Août 1983 - Volume 66, n° 8, pages 77 et suivantes).
Aussi, pour ces raisons économiques, le traitement à l'hypochlorite de sodium (H)
dans les séquences de blanchiment, reprend de l'intérêt. Toutefois, il importe de
contrôler parfaitement le pH de la réaction, ainsi que la quantité d'hypochlorite
introduite et la température de traitement pour éviter la dégradation de la cellulose
par l'hypochlorite.
[0007] par ailleurs, dans le brevet français FR-A-2 255 418, on a proposé de traiter la
pâte chimique à l'aide d'un mélange d'hypochlorite et de peroxyde d'hydrogène. Les
deux réactifs mis en présence réagissent alors immédiatement l'un sur l'autre pour
donner de l'cxygène singulet, qui est un agent oxydant très puissant, mais aussi très
dégradant, de sorte que ce traitement est en fait une oxydation de la pâte par l'oxygène
singulet.
[0008] L'invention pallie ces inconvénients. Elle vise un procédé qui améliore l'efficacité
des stades de traitement alcalin des séquences de blanchiment des pâtes chimiques,
mais qui soit plus facile et plus économique à mettre en oeuvre et ce sans dégradation
de la cellulose, tout en améliorant la blancheur des pâtes ainsi traitées, sans détérioration
notable des propriétés mécaniques.
[0009] Ce procédé pour le blanchiment des pâtes papetières chimiques à l'aide d'une solution
alcaline d'hypochlorite puis de peroxyde d'hydrogène est caractérisé en ce que, sans
lavage préalable de la pâte traitée, le peroxyde d'hydrogène est ajouté lorsque 85
% à 95 % environ de l'hypochlorite est consommé.
[0010] Si l'addition du peroxyde d'hydrogène est effectuée lorsque moins de 85 % de l'hypochlorite
est consommé, on retrouve le risque indiqué plus haut d'oxydation dégradante de la
pâte par formation d'oxygène singulet.
[0011] Si l'addition du peroxyde d'hydrogène est effectuée lorsque plus de 95 % de l'hypochlorite
a réagi, on retrouve les inconvénients intrinsèques déjà signalés du traitement à
l'hypochlorite seul pratiquement poussé à son terme.
[0012] En pratique le peroxyde d'hydrogène est préférentiellement ajouté quand 90 % environ
de l'hypochlorite a été consommé ; cette addition est effectuée au cours même du traitement
alcalin. On obtient alors non seulement une meilleure extraction de la lignine, mais
également un blanchiment plus important de la pâte, sans nuire à la qualité de celle-ci.
[0013] Toujours dans un mode préféré de réalisation de l'invention, le peroxyde d'hydrogène
est ajouté à raison de 0,1 à 2 %, avantageusement 0,2 à 0,5 % en poids du poids de
la pâte comptée en sec, addt- tionné d'une quantité d'hydroxyde de sodium inférieure
à 2 % en poids du poids de la pâte comptée en sec, sans modification de la température
de traitement, l'hypochlorite étant l'hypochlortte de sodium ou de calcium et la pâte
traitée étant une pâte Kraft ou une pâte au sulfite.
[0014] Dans ce qui suit, les taux de réactifs sont exprimés, comme ci-dessus, en pourcent
(%) en poids du poids de la pâte comptée en sec.
[0015] Comme déjà dit, les pâtes traitées de la sorte non seulement conservent toutes leurs
propriétés mécaniques, mais présentent une blancheur remarquable, et ce sans avoir
à faire appel à une succession coûteuse de phases de traitement.
[0016] Il est surprenant qu'en ajoutant du peroxyde d'hydrogène, éventuellement additionné
d' hydroxyde de sodium, dans le milieu réactionnel contenant l'hypochlorite et la
pâte ayant déjà réagi, du moins d'une façon prépondérante, et ce sans aucun lavage,
ni aucune modt- fication notable des conditions opératoires, on puisse poursuivre
de façon significative la délignification et le blanchiment de la pâte et ce, sans
la dégrader. En effet, les enseignements de l'art antérieur amenaient à penser que
l'on obtiendrait un effet inverse, puisque :
- on devait s'attendre à une dégradation de la pâte par l'oxygène singulet ainsi produit
;
- l'action préférentielle du peroxyde sur les produits ligneux solubilisés par l'hypochlorite
devait entraîner une consommation de peroxyde par ces produits ;
- le traitement s'effectue à une température relativement basse (40°C environ), à
laquelle le peroxyde est généralement considéré comme étant peu efficace ;
- enfin, une partie du peroxyde introduit devrait être décomposé par l'hypochlorite
ou l'acide hypochloreux résiduel,
[0017] Comme déjà dit, on ajoute le peroxyde d'hydrogène lorsque 85 % à 95 %, préférentiellement
90 % environ de l'hypochlortte a été consommé, ce qui peut être considéré comme atteint
après un temps de réaction représentant les trois quarts environ du temps de réaction
total habituellement appliqué.
[0018] La manière dont l'invention peut être réalisée et les avantages qui en découlent
ressortiront mieux des exemples de réalisation qui suivent, donnés à titre indicatif
et non limitatif.
EXEMPLE 1
[0019] On réalise un témoin en opérant de la manière suivante,
[0020] On traite par chlorosodation conventionnelle une pâte Kraft écrue commerciale de
bois résineux d'indice Kappa 31 (norme AFNOR NF-T-12018) et de degré de polymérisation
(DP) 1 650 (norme TAPPI-T-230 of 76) ayant une blancheur de 27 (norme AFNOR NF-O-03039).
Les conditions de ce traitement sont les suivantes ;
[0021] . Stade de chloration (
C)
: 6 % de chlore, à 20° C pendant 45 minutes, avec une concentration en pâte de 3,5
% ;
[0022] . Stade d'extraction alcaline (E) par de la soude à raison de 3 %, à 70° C, pendant
60 minutes, avec une concentration en pâte de 10 %.
[0023] Après chlorosodation, (CE), la pâte subit une seconde extraction alcaline réalisée
cette fois en présence d'hypochlorite (H) de sodium (NaCIO), à raison de 2 %, à 40°
C, pendant deux heures, avec une concentration en pâte de 10 %.
[0024] Après la séquence CEH, la pâte présente une blancheur de 56,5 et un DP de 1620.
[0025] Dans une première variante, on augmente le taux d'hypochlorite à 3 % au lieu de 2
% et la durée de traitement à 2 heures 30 au lieu de 2 heures. La pâte obtenue a une
blancheur de 69,5 pour un DP de 1 330, ce qui illustre l'effet dégradant de l'hypochlorite.
[0026] Dans une autre variante, on augmente encore le taux d'hypochlorite de sodium à 3,5
%. La pâte traitée a une blancheur de 71,0 et un DP de 1 150. Cela illustre parfaitement
les limites du traitement à l'hypochlorite de sodium. Certes, ce traitement améliore
notablement la blancheur, mais au détriment de la qualité de la pâte. Aussi, si l'on
envisage de réduire le coût du blanchiment en remplaçant la séquence CEDED par une
séquence CEHDED, ou plus simplement CEHD, le taux d'hypochlorite mis en oeuvre, et
donc la réduction du taux de bioxyde de chlore, sont limités.
Exemple 2
[0027] La pâte de l'exemple 1 subit les deux stades de chlorosodation (CE) de l'exemple
1, puis est traitée avec 2 % d'hypochlorite dans les conditions de l'exemple 1. Toutefois,
après 90 minutes de réaction, le dosage par iodométrie de l'effluent de traitement
indique que 92 % de l'hypochlorite de sodium a été consommé.
[0028] On ajoute alors au milieu réactionnel 0,5 % de peroxyde d'hydrogène additionné de
1 % de NaOH . Ces deux composés sont additionnés avec un minimum d'eau, afin de ne
pas modifier sensiblement les conditions de traitement, particulièrement la température
, qui reste voisine de 40° C.
[0029] Après 60 minutes, on arrête le traitement (qui dure ainsi 2 heures 30). Le degré
de blàncheur obtenu est de 72,0 et le degré de polymérisation (DP) s'est maintenu
à 1 560.
[0030] Ainsi, non seulement on améliore la blancheur, mais surtout on ne dégrade pas de
manière sensible la cellulose. Un tel résultat,qui ne peut être atteint par un seul
traitement conventionnel à l'hypochlorite, l'est néanmoins , en un seul stade, par
l'addition de peroxyde d'hydrogène selon l'invention en fin de traitement à l'hypochlorite.
Exemple 3
[0031] A titre de témoin, on blanchit de manière conventionnelle une pâte au bisulfite de
magnésium écrue de bois résineux, d'indice Kappa 18,7, de DP 1 500, par une séquence
PD
1ED
2 (P étant un stade au peroxyde), dans les conditions suivantes :
. P : 1 % H202 additionné de 1,5 % de soude, à 90° C, pendant 90 minutes, avec une concentration
en pâte de 12 % ;
. D1 : 1 % de dioxyde de chlore à 78° C, pendant 90 minutes avec une concentration en pâte
de 9,5 % ;
. E : 1 % de soude à 60° C pendant 40 minutes avec une concentration en pâte de 10
% ;
. D2 : 0,2 % de dioxyde de chlore à 78 ° C pendant 180 minutes avec une concentration en
pâte de 9,5 %.
[0032] A l'issue de ces quatre stades de blanchiment, on obtient une pâte de blancheur 90,
dont le DP est de 1450.
Exemple 4
[0033] On réalise un second témoin en opérant de la manière suivante.
[0034] On blanchit la même pâte qu'à l'exemple 3 par une séquence PDH, les deux premiers
stades P et D étant réalisés dans les mêmes conditions qu'à l'exemple 3.
[0035] On traite ensuite par de l'hypochlorite de sodium à raison de 0,5 % (NaClO), à 36°
C pendant 180 minutes avec une concentration en pâte de 8,5 %.
[0036] La pâte ainsi traitée a une blancheur de 87,0 et un DP de 1 451.
[0037] Si on porte la quantité d'hypochlorite à 1,5 % et la durée du traitement à 210 minutes,
la blancheur est seulement améliorée de un point (88,0), mais le DP chute à 1 197.
[0038] Ainsi, le stade conventionnel à l'hypochlorite de sodium permet certes d'atteindre
un objectif satisfaisant de blancheur, mais entraîne une dégradation notable de la
pâte.
Exemple 5
[0039] On répète l'exemple précédent avec 0,5 % d'h
ypochlo- rite de sodium. Mais après 135 minutes de traitement à l'hypochlorite, on
ajoute au mélange réactionnel 0,5 % de peroxyde d'hydrogène et 0,5 % de NaOH, et ce
avec le minimum d'eau, afin de ne pas de modifier la température du bain de traitement
(38° C).
[0040] Après 75 minutes de réaction, on obtient une blancheur de 90 et un DP de 1 400.
[0041] Ainsi, si l'on compare le résultat obtenu dans cet exemple avec ceux obtenus à l'exemple
précédent, on a amélioré la blancheur de trois points et on a pu raccourcir la séquence
à trois stades sans dégrader la pâte.
[0042] En d'autres termes, la séquence traditionnelle en quatre stades PDED de l'exemple
3 peut être remplacée par une séquence comprenant seulement trois stades PD (HP),
dans laquelle (HP) est le stade alcalin conforme à l'invention.
[0043] Ainsi, le procédé selon l'invention permet aussi bien de réduire la consommation
de bioxyde de chlore dans les séquences du type CEHDED, CEDHD, que de réduire le nombre
de stades de blanchiment, comme l'illustrent les exemples 4 et 5 ci-dessus, EXEMPLES
6 et 7
[0044] L'exemple 5 est répété une première fois (exemple 6) en réduisant le temps de réaction
de l'hypochlorite de façon à n'en consommer que 80 %, une seconde fois (exemple 7)
en augmentant ce temps de réaction de façon à ce que pratiquement 98 % de l'hypochlorite
soit consommé.
[0045] La blancheur de la pâte traitée selon l'exemple 7 est pratiquement identique à celle
de la pâte de l'exemple 5, elle-même supérieure à celle de la pâte de l'exemple 6,
[0046] Surtout, dans le cas de l'exemple 6 comme dans le cas de l'exemple 7,la dégradation
de la pâte est importante,
[0047] Le procédé selon l'invention présente de nombreux avantages par rapport à ceux exploités
à ce jour. On peut citer ;
- la possibilité d'obtenir une blancheur améliorée ou à tout le moins conservée, et
ce sans entraîner de dégradation de la pâte ;
- la diminution du nombre de stades de blanchiment, puisqu'on ne fait aucun lavage
intermédiaire, ce qui se traduit par une diminution substantielle du coût du blanchiment.
[0048] Ce procédé peut être appliqué avec succès à tous types de pâtes papetières chimiques,
quel que soit le végétal de départ (bois résineux, bois feuillu, plantes annuelles,
etc...).