[0001] L'invention concerne les dispositifs d'ancrage des câbles composés de brins multiples,
chaque brin pouvant être lui-même constitué par un fil ou par un toron de fils torsadés,
lesdits câbles étant destinés à être tendus, notamment en vue d'assurer la précontrainte
d'un corps en béton ou la suspension d'un ouvrage tel qu'un pont (haubans).
[0002] Elle vise également les procédés pour établir les dispositifs du genre en question.
[0003] Elle concerne plus particulièrement, parmi ces dispositifs, ceux dans lesquels les
différents brins du câble sont ancrés individuellement sur un même bloc par serrage
radial autour de chacun de ces brins d'un mors tronconique fendu entourant ce brin
et logé dans un évidement complémentaire du bloc, le serrage en question étant assuré
au moins en partie par application d'une poussée axiale sur la grande base dudit mors.
[0004] Avec les modes de réalisation connus des dispositifs d'ancrage considérés, les poussées
axiales appliquées sur les différents mors sont engendrées individuellement.
[0005] En effet, il n'est guère possible d'assurer à l'aide d'un seul organe de poussée
des serrages d'intensités identiques pour les différents mors et brins d'un même câble
lorsque le nombre de ces brins est supérieur à trois, comme c'est le cas le plus général
dans la pratique, ledit nombre dépassant généralement dix et pouvant atteindre, ou
même dépasser, la centaine : un tel organe unique ne peut en effet s'appliquer initialement,
c'est-à-dire avant de commencer à exercer véritablement sa poussée, qu'au maximum
sur les trois mors qui font le plus saillie axialement sur le bloc d'ancrage, mors
qui définissent le plan de départ du serrage.
[0006] Par conséquent, même si les autres mors sont tous atteints dans la suite par l'organe
de poussée, leurs courses axiales totales de serrage sont inférieures à celles des
trois premiers mors et il en est de même des forces de serrage résultantes.
[0007] L'invention a pour but, surtout, de remédier à cet inconvénient en permettant d'obtenir
très simplement à partir d'un organe de poussée unique des serrages d'intensité identique
sur les différents brins.
[0008] A cet effet, les dispositifs d'ancrage selon l'invention sont caractérisés en ce
qu'ils comprennent un organe de poussée unique disposé axialement en regard des différents
mors et une pluralité d'entretoises interposées axialement chacune entre ledit organe
et un mors autour du bout de brin serré par ce mors, lesdites entretoises étant identiques
entre elles, constituées en un métal ou alliage dont la caractéristique déformation/contrainte
présente un long palier d'écoulement plastique et dimensionnées de façon telle qu'à
la fin de la poussée la déformation de chacune d'elles ait atteint, mais non dépassé,
le stade de son écoulement plastique.
[0009] Dans les modes de réalisation préférés, on a recours en outre à l'une et/ou à l'autre
des dispositions suivantes :
- les entretoises sont des bagues,
- les bagues sont des tronçons tubulaires,
- les entretoises sont constituées en acier doux,
- à la fin de la poussée une butée liée rigidement au bloc d'ancrage est maintenue
appliquée contre l'organe de poussée, lui-même appliqué contre les entretoises, afin
de l'empêcher de s'écarter dudit bloc.
- la butée selonl'alinéa précédent est un anneau fileté extérieurement vissé dans
un manchon fileté intérieurement contenant l'organe de poussée et solidaire du bloc
d'ancrage.
[0010] L'invention pourra de toute façon être bien comprise à l'aide du complément de description
qui suit ain. si que du dessin ci-annexé, lesquels complément et dessin ne présentent
aucun caractère limitatif.
Les figures 1 et 2, de ce dessin, montrent schématiquement un dispositif d'ancrage
d'un câble à brins multiples établi conformément à l'invention, respectivement au
cours de son établissement et après celui-ci.
Les figures 3 et 4 montrent, à plus grande échelle,un détail de ce dispositif d'ancrage,
dans respectivement les mêmes situations que les figures 1 et 2.
La figure 5 est un graphique faisant apparaître une propriété exploitée selon l'invention.
[0011] On se propose d'ancrer sur un bloc métallique 1 les brins multiples parallèles 2,
de nombre supérieur à trois composant un câble lui-même destiné à être tendu en vue
de constituer par exemple une armature de précontrainte pour un corps en béton ou
un hauban de suspension de pont.
[0012] D'une façon connue en soi, l'ancrage de chaque brin sur le bloc est assuré à l'aide
d'un mors tronconique fendu entourant ce brin et dont la portion la plus étroite est
logée dans l'extrémité évasée complémentaire 4 d'un trou 5 évidé dans le bloc et traversé
de part en part par le brin.
[0013] L'extrémité la plus large de chaque mors 3 fait alors axialement saillie sur la face
A, du bloc 1, où débouchent les extrémités évasées 4, et les bouts des brins 2 entourés
par les mors font eux-mêmes axialement saillie sur ces extrémités les plus larges.
[0014] Le serrage radial de chaque mors autour du brin qu'il entoure est assuré par un effet
de coin en sollicitant ce mors à l'enfoncement axial dans son logement.
[0015] Dans les réalisations habituelles, cette sollicitation axiale est engendrée par la
tension même du brin du fait du frottement qui existe entre ce brin et la face interne
du mors.
[0016] Dans le cas présent, la tension du câble peut contribuer à la sollicitation axiale
du mors, mais elle n'en est pas la cause essentielle et cette tension peut même être
nulle lors de l'établissement de l'ancrage selon la présente invention, le câble n'étant
mis sous tension que lors d'une phase ultérieure.
[0017] Une telle mesure permet de dissocier la solidité de l'ancrage et la tension du câble,
ce qui est précieux dans les cas où ladite tension peut être fortement amoindrie,
voire annulée, au cours du service même du câble : une telle situation se produit
par exemple lors de la réception d'un choc par un hauban de pont suspendu, choc par
exemple provoqué par un séisme, par une tornade ou par la perte de contrôle d'un véhicule
poids lourd.
[0018] Ici la sollicitation de chaque mors à l'enfoncement axial est obtenueen exerçant
une poussée axiale sur ce mors et l'invention permet d'assurer les poussées correspondant
aux différents mors à l'aide d'un organe de poussée unique 6, même si le nombre de
ces mors est supérieur à trois, ce qui est le cas le plus général, seul envisagé ici.
[0019] Vu les différences inévitables qui existent entre les cotes des brins 2, mors 3 et
logements 4, les hauteurs correspondant aux saillies axiales respectives des différents
mors 3 sur la face A sont différentes.
[0020] Si donc l'organe de poussée 6 était appliqué directement sur ces différents mors
3, il ne pourrait atteindre au maximum, parmi ces mors, avant de commencer à exercer
véritablement sa poussée, que les trois mors faisan le plus saillie sur la face A.
[0021] Les course axiales alors imposées à ces trois mors par l'organe 6 seraient plus longues
que celles imposées aux autres mors, les intensités des serrages réalisés sur les
différents brins ne seraient donc pas identiques entre elles et la tension globale
exercée sur le câble composé de ces brins au cours de son service ne pourrait pas
être répartie uniformément entre ces brins, de sorte que certains d'entre eux risqueraient
d'être trop sollicités à la tension alors que d'autres, au contraire, seraient exploités
au-dessous de leur capacité.
[0022] Pour remédier à cet inconvénient, on exploite ici les propriétés que présentent certains
métaux ou alliages, tels que l'acier doux,les alliages d'aluminium ou de cuivre, de
présenter un long palier d'écoulement plastique 7 (fig.5) dans la courbe qui représente
leur déformation en compression d (déformation exprimée en pourcentages de raccourcissement)
en fonction de la contrainte c appliquée sur eux.
[0023] En d'autres termes, si l'on augmente progressi- vement ladite contrainte c, la déformation
d est d'abord très faible 'et proportionnelle à la contrainte (portion 8 de la courbe).
Puis à partir de l'instant où la contrainte c atteint un seuil E donné, ou limite
d'élasticité, la déformation d croît très rapidement pour des augmentations insignifiantes
de la contrainte c (palier 7) et ce jusqu'à atteinte d'un nouveau seuil E', ou limite
d'écoulement plastique, au-delà duquel il faut à nouveau accroître sensiblement la
contrainte c pour augmenter la déformation d (portion 9 de la courbe).
[0024] Cette propriété est exploitée selon l'invention en interposant entre l'organe de
poussée 6 et les différents mors 3 des entretoises 10 constituées en un tel métal
ou alliage, ces entretoises étant choisies de façon telle qu'à la fin de la poussée
exercée par l'organe 6, la déformation de chacune d'elles ait atteint, mais non dépassé,
le stade de l'écoulement plastique.
[0025] Ce résultat suppose qu'à la fin de la poussée :
- le raccourcissement de l'entretoise placée contre le mors faisant initialement le
plus saillie sur la face A soit inférieur à celui correspondant à la limite plastique
E',
- et que le raccourcissement de l'entretoise placée contre le mors faisant initialement
le moins saillie sur la face A soit supérieur à celui correspondant à la limite élastique
E.
[0026] On est sûr alors que les forces de poussée axiales p appliquées respectivement sur
les différents mors 3 sont pratiquement identiques entre elles et que, par conséquent,
tous les brins 2 sont ancrés dans le bloc 1 avec la même force de serrage.
[0027] Chacune de ces poussées p est en effet égale à la différence entre la poussée P exercée
par l'organe 6 sur chaque entretoise 10 et la portion E, de cette poussée P, nécessaire
pour écraser partiellement ladite entretoise : or chacune des deux valeurs P et E
est la même pour toutes les entretoises.
[0028] Dans le mode de réalisation préféré, chaque entretoise 10 est constituée par une
bague et de préférence par un tronçon de tube et sa déformation plastique a pour effet
de la gonfler radialement comme visible sur les figures 2 et 4.
[0029] Il est à noter que chaque force de poussée axiale p exercée sur un mors 3 est rigoureusement
indépendante de la force de tension exercée sur le brin 2 correspondant et de la résistance
de ce brin.
[0030] En particulier cette force de poussée p peut être choisie supérieure à la valeur
maximale de la force de tension susceptible d'être exercée en cours de service sur
le brin 2, l'entretoise correspondante 10 étant alors bien entendu dimensionnée en
conséquence : on est alors sûr que l'ancrage du brin sera assuré quelle que soit l'étendue
des fluctuations de la tension exercée sur ce brin en cours de service, même si cette
tension s'annule.
[0031] Il convient de maintenir l'organe de poussée 6 en sa position de fin de poussée pour
s'opposer au retour élastique des déformations engendrées dans les entretoises 10
par ladite poussée et pour conserver la valeur élevée et l'identité des forces d'ancrage
réalisées entre les différents brins 2 et le bloc 1.
[0032] A cet effet, on loge avantageusement cet organe 6, - qui est de préférence constitué
par une plaque épaisse, percée de part en part ou partiellement de trous 12 pour livrer
passage aux bouts des brins 2 de façon telle que ces bouts ne viennent pas buter contre
cette plaque -, à l'intérieur d'un manchon 11 fileté intérieurement solidaire du bloc
1 et on verrouille ledit organe 6 en cette position à l'aide d'un anneau 13 (fig.
2) fileté extérieurement, prenant appui axialement sur cet organe et vissé dans le
manchon 11.
[0033] L'effort nécessaire pour assurer ledit maintien en place est très faible par rapport
à celui nécessaire pour exercer la poussée P ci-dessus.
[0034] L'ensemble des éléments 1, 3, 6, 10, 11 et 13 forme une tête d'ancrage monobloc dans
laquelle les différents brins 2 sont tous ancrés solidement avec des résistances identiques
à l'arrachement : c'est cette tête qui sera ensuite ancrée elle-même dans les portions
d'ouvrages à équiper, ce pour quoi elle présente toutes portées 14 appropriées.
[0035] Comme il va de soi, et comme il résulte d'ailleurs déjà de ce qui précède, l'invention
ne se limite nullement à ceux de ses modes d'application et de réalisation qui ont
été plus particulièrement envisagés ; elle en embrasse, au contraire, toutes les variantes,
notamment :
- celles où l'on établirait un pré-ancrage entre chaque brin 2 et le bloc 1, en sollicitant
axialement chaque mors 3 à l'enfoncement dans son logement 4 par l'exercice d'une
tension préalable sur le brin correspondant, les ancrages assurés par poussée axiale
sur les différents mors conformément à la présente invention n'étant plus alors que
des compléments d'ancrage exécutés notamment à des fins de sécurité, la pièce de butée
13 ci-dessus devenant alors inutile puisqu'il n'y a plus alors de risque de retour
en arrière des mors en fin de serrage,
- celles où le bloc dans lequel sont ancrés les différents brins 2 du câble ne serait
pas constitué par un élément unique mais par plusieurs éléments superposés conformément
aux enseignements du brevet FR. 80 25 757 de la demanderesse.
1 - Dispositif d'ancrage pour un câble à brins multiples (2) comportant un bloc (1)
dans lequel ces brins sont ancrés individuellement par serrage radial autour de chaque
brin d'un mors tronconique fendu (3) entourant ce brin et logé dans un évidement complémentaire
(4) du bloc, caractérisé en ce qu'il comprend un organe de poussée unique ( 6) disposé
axialement en regard des différents mors (3). et une pluralité d'entretoises (10)
interposées axialement chacune entre ledit organe (6) et un mors (3) autour du bout
de brin (2) serré par ce mors, lesdites entretoises (10) étant identiques entre elles,
constituées en un métal ou alliage dont la caractéristique déformation/ contrainte
présente un long palier d'écoulement plastique, et dimensionnées de façon telle qu'à
la fin de la poussée la déformation de chacune d'elles ait atteint, mais non dépassé,
le stade de son écoulement plastique.
2 - Dispositif d'ancrage selon la revendication 1 caractérisé en ce que les entretoises
(10) sont des bagues.
3 - Dispositif d'ancrage selon la revendication 2 caractérisé en ce que les bagues
(10) sont des tronçons tubulaires.
4 - Dispositif selon l'une quelconque des précédentes revendications, caractérisé
en ce que les entretoises (10) sont constituées en acier doux.
5 - Dispositif d'ancrage selon l'une quelconque des précédentes revendications, caractérisé
en ce qu'une butée (13) liée rigidement au bloc d'ancrage (1) est maintenue appliquée
contre l'organe de poussée (6) lui-même appliqué contre les entretoises (10), afin
de l'empêcher de s'écarter dudit bloc.
6 - Dispositif selon la revendication 5, caractérisé en ce que la butée (13) est un
anneau fileté extérieurement vissé dans un manchon fileté intérieurement (11) contenant
l'organe de poussée (6) et solidaire du bloc d'ancrage (1).
7 - Procédé pour établir un dispositif d'ancrage selon l'une quelconque des précédentes
revendications, caractérisé par la suite des étapes suivantes :
- on place axialement en regard de chaque mors (3) une entretoise métallique (10)
du genre défini ci-dessus, autour du bout de brin (12) faisant saillie au-delà de
ce mors,
- puis on place axialement un organe de poussée (6) en regard de la totalité desentretoises
(10)
- et enfin on applique sur l'organe (6) la poussée d'ancrage (P).
8 - Procédé selon la revendication 7, caractérisé en ce qu'après avoir exercé la poussée
d'ancrage (P) sur l'organe (6), on bloque ce dernier en sa position de fin de course.
9 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 7 et 8, caractérisé en ce que
l'on donne à la poussée d'ancrage (P) une valeur telle que la poussée axiale (p) exercée
sur chaque mors (3) soit supérieure à la tension maximale susceptible d'être exercée
sur le brin correspondant (2) en cours de service.
10 - Procédé selon l'une quelconque des revendications 7 à 9, caractérisé en ce que,
avant d'exercer la poussée (P) sur les entretoises (10), on établit un pré-ancrage
entre chaque brin (2) et le bloc (1) en sollicitant axialement chaque mors (3) à l'enfoncement
dans son logement (4) par l'exercice d'une tension préalable sur le brin correspondant.