[0001] La présente invention concerne la détermination de spectre de masse par temps de
vol.
[0002] Dans un spectromètre de masse à temps de vol, des ions sont extraits d'une source
contenant un produit à analyser et leur masse est déterminée par mesure de leur temps
de vol jusqu'à un dispositif de détection.
[0003] La source d'ions est par exemple constituée par une surface solide d'où les ions
sont libérés par désorption. Plusieurs techniques sont utilisées à cet effet. Ainsi,
la surface solide peut être bombardée par des ions primaires accélérés par cyclotron
ou être soumise à un rayonnement à haute énergie. Il est également bien connu de faire
appel à une source radioactive
252 Cf qui émet deux fragments de fission en directions opposées, l'un étant dirigé vers
la surface solide pour libérer des ions et l'autre vers une feuille métallique pour
éjecter des électrons dont la détection fournit la référence de temps (signal de départ).
[0004] La présente invention a pour but de fournir un procédé permettant une détermination
de spectre de masse par temps de vol dans des conditions beaucoup plus simples que
celles régnant avec les procédés actuellement connus.
[0005] Ce but est atteint au moyen d'un procédé selon lequel, conformément à l'invention,
une source comprenant une surface solide est soumise à l'action d'un champ électrique
constant provoquant l'émission simultanée, d'une part, d'électrons et, d'autre part,
d'ions négatifs libérés de ladite surface par désorption spontanée, et le spectre
de masse est déterminé à partir des différences de temps de vol des électrons et des
ions négatifs entre la source et un dispositif de détection.
[0006] La présente invention est basée sur la constatation que, d'une façon inattendue,
l'application d'un champ électrique constant provoque l'émission corrélée dans le
temps d'électrons et d'ions négatifs. La réception des électrons par le dispositif
de détection fournit alors la référence de temps pour la mesure des temps de vol des
ions négatifs parvenant sur ce dispositif de détection. En plus de la simplicité de
mise en oeuvre, le procédé selon l'invention présente l'avantage d'être non destructif
vis à vis de la source d'ions.
[0007] La désorption spontanée ne nécessite pas de champ électrique d'intensité très élevée.
A titre indicatif, un champ d'intensité constante comprise entre 1 et 3MV/m peut suffire.
[0008] La présente invention a aussi pour but de fournir un spectromètre de masse à temps
de vol permettant la mise en oeuvre du procédé défini ci-avant.
[0009] Ce but est atteint grâce à un spectromètre comportant : une enceinte pouvant être
reliée à une source de vide, des moyens de libérer par désorption des ions d'une source
formée par une surface solide placée dans l'enceinte, un dispositif de détection comprenant
des moyens de détection d'ions issus de la source, et un dispositif de mesure pour
déterminer le spectre de masse recherché à partir de grandeurs représentatives de
temps de vol des ions entre la source et le dispositif de détection, spectromètre
dans lequel, conformément à l'invention, des moyens sont prévus pour établir un champ
électrique constant entre la surface solide et une électrode en forme de grille placée
devant cette surface afin de provoquer l'émission simultanée, d'une part, d'électrons
et, d'autre part d'ions négatifs libérés de ladite surface par désorption spontanée;
et le dispositif de mesure comprend des moyens pour élaborer des grandeurs représentatives
des intervalles de temps séparant la réception d'électrons et la réception d'ions
négatifs par le dispositif de détection.
[0010] D'autres particularités du procédé et du spectromètre conformes à l'invention ressortiront
à la lecture de la description faite ci-après, à titre indicatif mais non limitatif,
en référence aux dessins annexés sur lesquels :
- la figure 1 est une vue très schématique d'un mode de réalisation d'un spectromètre
de masse à temps de vol conforme à l'invention, et
- les figure 2A et 2B sont des spectres obtenus pour un même composé organique respectivement
avec le procédé conforme à l'invention et avec un procédé de l'art antérieur.
[0011] Le spectromètre représenté sur la figure 1 comprend essentiellement un tube 10 connecté
à une source de vide (non représentée) permettant d'établir un vide poussé, par exemple
10-6 à 10
-7 Torr à l'intérieur du tube 10.
[0012] Une source d'ions 11 est disposée au voisinage d'une première extrémité, ou extrémité
arrière, du tube 10, à l'intérieur de celui-ci. Dans l'exemple illustré, la source
11 est constituée par une feuille métallique mince lla, en forme de disque plan, sur
la face avant de laquelle est déposée une mince couche uniforme llb d'un composé à
analyser en masse, notamment un composé organique. La feuille lla est par exemple
une feuille d'aluminium d'épaisseur égale à 5 microns. Le composé à analyser est déposé
sur la feuille lla, par exemple par projection électrostatique, la masse de composé
déposé étant par exemple de l'ordre de quelques microgrammes.
[0013] Au voisinage de sa deuxième extrémité, ou extrémité avant, le tube 10 renferme un
dispositif de détection 12 qui est formé de détecteurs à galettes à micro-canaux et
qui est relié à un dispositif de mesure 13 à l'extérieur du tube.
[0014] Selon une caractéristique essentielle de l'invention une émission simultanée d'électrons
et d'ions négatifs à partir de la source 10 est provoquée en soumettant celle-ci à
l'action d'un champ électrique constant. A cet effet, une électrode 15 en forme de
grille est placée devant la feuille lla, parallèlement à cette feuille et espacée
de celle-ci, et une différence de potentiel est établie entre la feuille métallique
lla et la grille 15. Par exemple, la grille 15 est portée au potentiel de référence
(masse) tandis qu'une tension négative constante V- fournie par un générateur de tension
16 est appliquée à la feuille lla au moyen d'un conducteur traversant la paroi du
tube 10.
[0015] Les électrons et ions négatifs émis sous l'action du champ électrique sont accélérés
par celui-ci et "volent" jusqu'au dispositif de détection 12 en passant à travers
l'électrode 15 qui est formée de préférence par une grille très fine avec un taux
de transparence élevé (par exemple 90%).
[0016] Les électrons et les ions sont émis simultanément et reçus successivement dans l'ordre
de masse croissante. A chaque électron ou ion reçu, le dispositif de détection 12
produit un signal électrique sd qui est appliqué au dispositif de mesure 13. Puisqu'il
y a corrélation temporelle entre émission des électrons et émission des ions, et que
le temps de vol d'un électron est connu, la réception d'un électron par le dispositif
de détection peut être utilisée comme référence de temps pour la mesure des temps
de vol des ions négatifs reçus ensuite.
[0017] Le dispositif de mesure 13 comprend un circuit discriminateur de fraction constante
21, un convertisseur temps-numérique 22 et un circuit d'acquisition de données 23.
[0018] Le circuit 21 transforme chaque signal sd en une impulsion calibrée à un niveau compatible
avec les circuits utilisés en aval. Un tel circuit discriminateur de fraction constante
est connu en soi; on pourra notamment utiliser le circuit commercialisé sous la référence
7174 par la société française ENERTEC (SCHLUMBERGER).
[0019] La sortie du circuit 21 est, d'une part, reliée directement à une entrée de commande
de démarrage 22d du convertisseur temps-numérique 22 et, d'autre part, reliée par
un circuit à retard constant 24 à une entrée 22s de commande d'arrêt de ce même convertisseur.
Pour le convertisseur 22, on pourra utiliser par exemple le circuit dont le principe
est décrit par E. Festa et R. Sellem dans la publication des Etats-Unis d'Amérique
"Nuclear Instruments and Methods" n° 188 (1981) page 99. Après avoir reçu un signal
de départ, un tel convertisseur peut accepter, dans un intervalle de temps limité
prédéterminé (par exemple 16 ou 32 microsecondes) plusieurs signaux d'arrêt (par exemple
32) et fournit, en réponse à chaque signal d'arrêt, un mot numérique représentant
le temps écoulé entre la réception du signal de départ et la réception de ce signal
d'arrêt. Ces mots numériques sont enregistrés par l'intermédiaire du circuit 23 d'acquisition
de données branché en sortie du convertisseur 22.
[0020] Un cycle de fonctionnement du convertisseur 22 est, pratiquement dans tous les cas,
déclenché en réponse à la réception d'un électron. Le même signal, retardé par le
circuit 24 fournit un premier résultat de comptage, ce qui permet, d'une part, une
visualisation et une comptabilisation des électrons reçus et, d'autre part de disposer
d'une référence précise pour la mesure des temps de réception des ions négatifs puisque
les signaux correspondants sont acheminés également vers l'entrée de commande d'arrêt
22s à travers le circuit à retard 24.
[0021] Les résultats ou comptes obtenus aux mêmes instants relatifs de cycles successifs
de fonctionnement du convertisseur 22, au cours d'une période d'observation, sont
cumulés pour fournir le spectre de masse recherché. A titre indicatif, la durée d'une
période d'observation est de quelques minutes.
[0022] La figure 2A montre le spectre de masse du composé organique valine (de poids moléculaire
117) obtenu au moyen d'un spectromètre tel que celui de la figure 1, le tube 10 ayant
une longueur de 0,3m et un diamètre de 0,1m. Une tension de -9kV était appliquée à
la feuille lla, la grille 15 étant distante de celle-ci de 5mm.
[0023] Le premier pic sur la figure 2A est produit par la réception des électrons retardée
par le circuit 24. Ce premier pic fournit une origine décalée pour la mesure des temps
de vol, et son intégrale donne le nombre total d'électrons ne qui ont engendré un
signal de démarrage. Un rendement de désorption pour un ion négatif de masse n peut
être défini comme étant le rapport entre le nombre de comptes dans le pic de masse
m et le nombre ne-. Pour l'ion négatif valine- (m = 116
-), le rendement de désorption spontanée ainsi calculé est de 1% dans cet exemple.
[0024] A titre de comparaison, la figure 2B montre le spectre de masse du même composé obtenu
au moyen d'un spectromètre dans lequel une source radioactive classique de
252Cf est utilisée pour libérer les ions par désorption. On notera que le spectre obtenu
avec le spectromètre selon l'invention se distingue de celui de la figure 2B par la
présence de pics plus marqués pour les masses correspondant à C7, CH-, O
- et OH
- .
[0025] Bien que l'on ait décrit ci-avant un exemple de mise en oeuvre de l'invention pour
l'obtention d'un spectre d'un composé organique de poids moléculaire relativement
peu élevé, il est à noter que des ions moléculaires de masses allant de 2000 à 3000
ont été observés par cette technique de désorption spontanée.
[0026] Par ailleurs, l'invention n'est bien sur pas limitée à la détermination de spectres
de masse de composés organiques. Des mesures peuvent être effectuées par exemple sur
des sources métalliques constituées directement d'une feuille du métal ou alliage
à examiner portée au potentiel désiré.
[0027] L'intensité du champ électrique à établir pour réaliser la désorption spontanée d'ions
négatifs simultanémnent avec l'émission d'électrons est dans une certaine mesure choisie
en fonction de la nature du dépôt moléculaire llb et des performances du dispositif
de mesure. En effet, l'émission commence lorsque l'intensité du champ électrique dépasse
un certain seuil. Par ailleurs, comme l'émission augmente lorsque l'intensité du champ
croît, le nombre d'électrons peut devenir tel que la capacité d'acquisition du dispositif
de mesure est saturée et une partie des évènements est perdue pour des valeurs d'intensité
dépassant un certain seuil.
[0028] Dans le cas de l'exemple de mise en oeuvre de l'invention décrit plus haut, avec
un espace de 5 mm entre la feuille lla et l'électrode 15, il a été noté que l'émission
commence lorsque la tension appliquée à la feuille lla devient, en valeur absolue,
supérieure à 3 ou 4 kV. Pour une valeur de 10 kV sur 5 mm, le nombre d'électrons comptés
en une seconde est inférieur à 10.000. A la valeur de 15 kV sur 5 mm, le nombre d'électrons
est devenu tel que la capacité d'acquisition du dispositif de mesure utilisé dans
cet exemple est saturée.
[0029] D'une façon générale, une valeur de champ comprise entre 1 et 3 MV/m semble devoir
convenir, l'adaptation de cette valeur étant effectuée selon la nature du dépôt moléculaire.
On remarquera que cette valeur reste très inférieure aux niveaux qui sont utilisés
pour réaliser une désorption par effet de champ violent dans des spectromètres de
masse de type magnétique. De plus, dans le cas de la présente invention, le champ
électrique modéré est appliqué pendant toute la durée de l'observation et l'instant
de son application ne constitue pas une référence de temps.
1. Procédé de détermination de spectre de masse par temps de vol,
caractérisé en ce qu'une source comprenant une surface solide est soumise à l'action
d'un champ électrique constant provoquant l'émission simultanée, d'une part, d'électrons
et, d'autre part, d'ions négatifs libérés de ladite surface par désorption spontanée,
et le spectre de masse est déterminé à partir des différences de temps de vol des
électrons et des ions négatifs entre la source et un dispositif de détection.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le champ électrique est
produit par établissement d'une différence de potentiel entre la surface solide et
une électrode en forme de grille parallèle à celle-ci.
3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que
l'intensité du champ électrique est comprise entre 1 et 3MV/m.
4. Spectromètre de masse à temps de vol, comportant une enceinte (10) pouvant être
reliée à une source de vide, des moyens de libérer par désorption des ions d'une source
(11) formée par une surface solide placée dans l'enceinte, un dispositif de détection
(12) comprenant des moyens de détection d'ions issus de la source, et un dispositif
de mesure (13) pour déterminer le spectre de masse recherché à partir de grandeurs
représentatives de temps de vol des ions entre la source et le dispositif de détection,
caractérisé en ce que des moyens (16) sont prévus pour établir un champ électrique
constant entre la surface solide et une électrode (15) en forme de grille placée devant
cette surface afin de provoquer l'émission simultanée, d'une part, d'électrons et,
d'autre part d'ions négatifs libérés de ladite surface par désorption spontanée; et
le dispositif de mesure (13) comprend des moyens (21,22) pour élaborer des grandeurs
représentatives des intervalles de temps séparant la réception d'électrons et la réception
d'ions négatifs par le dispositif de détection (12).