[0001] L'invention concerne un procédé pour la préparation de pâtes papetières chimiques
en vue de leur blanchiment.
[0002] Comme on le sait, la délignification est une opération qui consiste à enlever le
maximum de la lignine contenue dans les fibres. Pour enlever la lignine résiduelle
et/ou dégradée par ce traitement, il faut préparer la pâte en vue du blanchiment proprement
dit.
[0003] A ce jour, essentiellement, trois types de procédés ont été proposés.
[0004] Dans un premier type de procédé, on a suggéré de traiter la pâte par du chlore. Ce
procédé ne permet pas malheureusement de recycler les effluents dans les circuits
de l'usine, du fait de leur teneur élevée en chlorures. En outre, l'augmentation de
la température du traitement par le chlore, inévitable en cas de recyclage intensif,
provoquerait une dégradation important de la cellulose (voir la publication "Pulp
and Paper Magazine of Canada, Juin 1974 - Vol.75 N° 6 - pages 67 et suivantes).
[0005] Un second type de procédé consiste à traiter la pâte au moyen d'oxygène en milieu
alcalin. Toutefois, si ce procédé permet de recycler les effluents, en revanche, en
pratique, on ne dépasse guère un taux d'extraction de la lignine voisin de 50 %, afin
d'éviter l'oxydation et donc la dégradation de la cellulose par l'oxygène. (voir TAPPI-Juin
1981 Vol.64 N° 6- pages 91 et suivantes).
[0006] Dans un troisième type de procédé, on a suggéré de traiter La pâte au moyen de peroxydes,
notamment de peroxyde d'hydrogène. Toutefois, en pratique, ce procédé n'est efficace
qu'à des températures supérieures à l00°Ç, notamment au voisinage de 120°C. Malheureusement
comme on le sait, par ces conditions de température, on provoque une dégradation importante
de la pâte.
[0007] Dans le brevet français FR-A-2 018 562, on a proposé de traiter la pâte tout d'abord
à l'aide d'une suspension aqueuse de chlore, puis ensuite avec de l'oxygène gazeux
en milieu alcalin à une pression supérieure à la pression atmosphérique. Dans une
forme de réalisation avantageuse, la pâte traitée en suspension aqueuse a une consistance
comprise entre 3 et 6 %, à une température ambiante, avec 2 à 8 % de chlore actif
en poids par rapport à la pâte, notamment sous forme d'hypochlorite, puis à traiter
cette suspension aqueuse à une consistance de 3 à 12 % avec de l'oxygène, notamment
sous forme peroxyde en milieu alcalin à une pression d'au moins deux bars. On obtient
ainsi une pâte conduisant à de bonnes caractéristiques papetières. Malheureusement,
du fait de la grande quantité d'hypochlorite introduite, les effluents ne peuvent
pas être recyclés. De la sorte, ce procédé ne s'est guère développé.
[0008] Bref, toutes les solutions proposées jusqu'à ce jour pour préparer les pâtes papetières
chimiques en vue de leur blanchiment présentent l'inconvénient soit d'entraîner une
dégradation importante de la cellulose, soit de ne pas permettre le recyclage des
effluents sauf à faire appel à des stades additionnels de traitement.
[0009] L'invention pallie ces inconvénients. Elle vise un procédé perfectionné pour la préparation
en vue du blanchiment au moyen d'un composé contenant du chlore actif puis au moyen
d'un composé contenant de l'oxygène, qui soit plus économique à mettre en oeuvre,
et qui permette d'atteindre un taux de délignification et une blancheur améliorés.
[0010] Ce procédé de traitement des pâtes papetières chimiques en plusieurs stades, du type
dans lequel ladite pâte est traitée tout d'abord par du chlore actif puis ensuite
au moyen d'un composé oxygéné, se caractérise en ce que le traitement au chlore actif
est effectué :
- à une température comprise entre 50 et 100°C, de préférence entre 70 et 80°C ;
- sur une pâte dont la consistance est comprise entre 5 et 15 %, de préférence entre
8 et 12 % ;
- et enfin, à une concentration en chlore actif comprise entre 0,5 et 2 %, de préférence
au voisinage de 1 à 1,5 % en poids par rapport au poids de la pâte.
[0011] Ainsi, le choix de ces conditions opératoires spécifiques permet, de manière tout
à fait inattendue, de pouvoir recycler les effluents, ce que ne permettait pas les
traitements proposés jusqu'alors tout en obtenant d'aussi bons résultats de blancheur
et sans dégrader la cellulose.
[0012] Avantageusement, en pratique :
- le prétraitement au chlore actif est effectué par du chlore gazeux pendant une durée
comprise entre cinq et trente minutes, de préférence entre dix et vingt minutes ;
- le traitement ultérieur à l'oxygène est effectué par du peroxyde d'hydrogène à une
température supérieure à 100°C, avantageusement voisine de 120°C.
[0013] Ainsi, le prétraitement au chlore inhibe la dégradation qui se produit normalement
lors du blanchiment au peroxyde. Ainsi, de manière tout à fait inattendue, le procédé
selon l'invention permet d'atteindre un excellent degré de préblanchiment sans toutefois
dégrader la cellulose.
[0014] On a observé que si la concentration en chlore était inférieure à 0,5 % en poids
du poids de la pâte, l'effet inhibiteur devenait insuffisant. De même, si cette concentration
excédait 1,5 %, cela entraînerait une consommation inutile de chlore et surtout une
plus grande difficulté du recyclage des effluents. Comme déjà dit, en pratique, la
concentration en chlore doit être comprise entre 0,8 et 1,5 % en poids du poids de
la pâte.
[0015] De même, si la température du prétraitement au chlore était inférieure à 50°C, cela
poserait des problèmes sur le plan pratique, notamment pour faire appel aux effluents
de recyclage qui se trouvent au moins à cette température. De même, si cette température
excédait 100°C, il faudrait faire appel à des appareils spéciaux et à un apport de
calories, ce qui rendrait le prétraitement difficile à réaliser.
[0016] Comme déjà dit, avantageusement en pratique, la température de ce prétraitement au
chlore doit être comprise entre 70 et 90°C. Si la température dépasse 90°C, on a tendance
à dégrader la cellulose sans améliorer notablement le préblanchiment. Si cette température
est inférieure à 70°C, le traitement perd de son efficacité.
[0017] En ce qui concerne la consistance .de la pâte, on a observé que si cette consistance
était inférieure à 5%, cela entraînerait la manipulation d'une grande quantité d'eau,
ce qui rendrait peu économique le recyclage des effluents. De même, si la consistance
était supérieure à 15 %, la manipulation de la pâte deviendrait plus difficile.
[0018] Comme déjà dit, le procédé selon l'invention réside essentiellement dans une sélection
particulière des conditions opératoires d'un procédé connu de traitement en plusieurs
phases, l'une au chlore, l'autre à l'aide d'un composé oxygéné. Grâce à cette sélection
dans les conditions opératoires, ce préblanchiment assure de manière inattendue la
protection de la cellulose tout en permettant le recyclage des effluents après le
traitement par le composé oxygène. Le stade de chloration étant réalisé à chaud, le
recyclage de ces effluents contenant très peu de chlorures au lavage de la pâte écrue,
ne pose en effet aucun problème.
[0019] Le brevet FR-A-2 018 562 déjà cité, qui enseignait le traitement en deux phases au
moyen tout d'abord d'une suspension aqueuse de chlore et ensuite au moyen d'oxygène
gazeux en milieu alcalin, faisait appel à des quantités de chlore importantes, d'au
moins 2 %, ce qui rendait le recyclage des effluents impossible.De plus, l'augmentation
de la température de la chloration qui en résulterait entraînerait une dégradation
de'la cellulose. De la sorte,il fallait opérer à froid.
[0020] Le procédé selon l'invention a vaincu ce préjugé car on ne pouvait s'attendre à ce
qu'en utilisant une concentration en chlore voisine mais différente sur une pâte ayant
une consistance particulière et à une température appropriée, on observe plus les
phénomènes de dégradation provoqués à la fois par la chloration et l'oxydation par
le composé oxygéné.
[0021] La manière dont l'invention peut être réalisée et les avantages qui en découlent
ressortiront mieux des exemples de réalisation qui suivent, donnés à titre indicatif
mais non limitatif.
[0022] Dans la suite, les taux de réactifs indiqués seront exprimés en pour cent (%) en
poids par rapport au poids de la pâte comptée en sec.
Exemple 1 :
[0023] On réalise un témoin en opérant de la manière suivante.
[0024] On traite une pâte kraft commerciale, de bois résineux d'indice Kappa 30 (norme NF-T-12018)
dont le degré de polymérisation de la cellulose (DP) est de 1600 (TAPPI-T-230 of 76)
par de l'oxygène en milieu alcalin dans les conditions conventionnelles et industrielles
suivantes :
0,5 % de sulfate de magnésium ont été introduits comme protecteur de la cellulose.
[0025] Après lavage dans des conditions usuelles, l'indice Kappa est ramené à 14,0 et le
DP à 1400.
[0026] Comme on le sait, on ne peut augmenter l'action délignifiante de l'oxygène sans dégrader
parallèlement la cellulose. Ainsi, si au lieu d'utiliser 2 % de soude, on en utilisait
3, puis 4 %, l'indice Kappa tomberait respectivement à 12,1, puis à 10,2 et le DP
chuterait parallèlement à 1280, puis 1130.
Exemple 2 :
[0027] On utilise la même pâte kraft qu'à l'exemple 1. On traite celle-ci, préalablement
au traitement à l'oxygène, par 1 % de chlore gazeux, à 70°C,pendant dix minutes, la
concentration en pâte étant de 10 %.
[0028] Après lavage, le traitement à l'oxygène est réalisé avec une solution de soude à
3 %, les autres conditions restant celles de l'exemple 1. L'indice
\Kappa obtenu est de 9,7 et le DP, au lieu de chuter à 128 comme à l'exemple 1, se
maintient à 1350.
[0029] Ainsi, bien que la délignification obtenue soit plus importante (indice Kappa inférieur),
le degré de polymérisation de la cellulose reste à un bon niveau, ce qui permet de
conserver les propriétés mécaniques de la pâte.
Exemple 3
[0030] On répète l'exemple 2 en modifiant simplement la température du prétraitement par
le chlore qui est portée à 90°C. L'indice Kappa obtenu est de 8,5 et le DP de 1450.
[0031] Cet exemple illustre parfaitement l'effet favorable de l'augmentation de la température
du prétraitement.
Exemple 4 :
[0032] On répète l'exemple 2 en augmentant à 4 % le taux de soude lors du traitement à l'oxygène.
[0033] L'indice Kappa obtenu est de 7,9 et le DP chute seulement à 1300.
[0034] A titre indicatif, les indices Kappa obtenus dans les exemples 3 et 4 sont du même
niveau que ceux obtenus par le procédé conventionnel de chlorosodation (CE) dans lequel
on utilise environ 6 % de chlore.
Exemple 5 :
[0035] On répète l'exemple 2 en supprimant l'oxygène.
[0036] L'indice Kappa initialement de 30, au lieu d'être ramené à 9,7 comme dans l'exemple
2, est seulement de 24.
[0037] Cela illustre parfaitement l'action délignifiante de l'oxygène dans le procédé selon
l'invention.
[0038] Dans l'exemple 5, on a décrit l'utilisation de l'oxygène comme agent du traitement
de délignification. On peut également utiliser d'autres composés oxygénés, tels que
le peroxyde d'hydrogène.
Exemple 6
[0039] On délignifie la pâte kraft de l'exemple 1 (indice Kappa 30, DP 1600) dans les conditions
suivantes.

[0040] Après lavage, l'indice Kappa est ramené à 17,1 et le DP à 1250.
Exemple 7 :
[0041] On répète l'exemple 6 en faisant subir à la -pâte un prétraitement par le chlore
dans les conditions suivantes :

[0042] Après le traitement au peroxyde dans les mêmes conditions qu'à l'exemple 6, l'indice
Kappa est ramené à 13 au lieu de 17,1 mais le DP ne chute qu'à 1470 au lieu de 1250.
[0043] Ces deux exemples 6 et 7 illustrent également,parfaitement l'effet favorable du prétraitement
au chlore sur l'efficacité de la délignification et sur sa sélectivité.
[0044] Les résultats de ces exemples 1 à 7 sont rassemblés par commodité dans le tableau
annexé.
[0045] Si l'on examine ce tableau, notamment les valeurs obtenues par les procédés connus,
c'est-à-dire dans lesquels on effectue un traitement à l'oxygène (exemple 1) ou un
traitement au chlore (exemple 5), on voit nettement le progrés réalisé par l'invention
(exemples 2,3 et 4). En effet, il est bien connu que le traitement délignifiant à
l'oxygène et le traitement par le chlore à chaud sont deux traitements qui dégradent
la cellulose.Il n'était donc nullement évident qu'en combinant ces deux traitements
connus séparément et dans des conditions particulières,la délignification par l'oxygène
deviendrait aussi sélective, puisqu'elle ne toucherait que la lignine sans provoquer
de dépolymérisation de la cellulose. En d'autres termes, il est surprenant que la
combinaison de deux traitements connus pour dégrader la cellulose conduisent à une
opération qui non seulement ne dégrade pas la cellulose, mais améliore la délignification.
[0046] En outre, le procédé selon l'invention nécessite une faible consommation de réactif.
En effet, la comparaison avec le traitement conventionnel de chlorosodation (CE) (voir
publication "Pulp and Paper Magazine of Canada" Juin 1974, vol. 75 N° 6, pages 67
et suivantes, rappelée dans le préambule), montre qu'à performances pratiquement identiques,
le taux de chlore utilisé dans le procédé selon l'invention ne représente que le quart,
voire le sixième de celui de ce traitement (CE). Certes, la consommation d'oxygène
dans le procédé selon l'invention (2 à 3 % maximum) est notable, mais le coût de cette
consommation est faible par rapport à l'économie réalisée sur le chlore, de sorte
que le bilan économique du procédé est largement positif.
[0047] D'autres avantages du procédé selon l'invention proviennent de ce que l'on utilise
de très faibles quantités de chlore. La-quantité de produits organiques chlorés formés
lors du prétraitement par le chlore est donc très faible, ce qui réduit considérablement
le problème de la pollution posé par ces produits dont le caractère mutagène est connu.
Par ailleurs, le taux de chlorures dans l'effluent de chloration ou de délignification
par l'oxygène est également très faible, ce qui permet d'envisager favorablement le
recyclage de ces effluents dans les circuits de régénération. Il en résulte donc une
réduction importante de la pollution aqueuse provoquée par les effluents de blanchiment,
réduction supérieure à celle qu'autorise la délignification conventionnelle à l'oxygène.
[0048] Le procédé de délignification selon l'invention est applicable à tout type de pâte
chimique papetière quel que soit le végétal de départ (bois résineux ou feuillus,
plantes annuelles, etc.).

1/ Procédé pour la préparation des pâtes papetières chimiques en vue de leur blanchiment,
du type dans lequel ladite pâte est traitée avec du chlore, puis ensuite .au moyen
d'un composé oxygéné, caractérisé en ce que le prétraitement au chlore est effectué
sur une pâte ayant une consistance comprise entre 5 et 15 %, à une température comprise
entre 50 et 100°C, avec une concentration en chlore comprise entre 0,5 et2 %.
2/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le prétraitement au chlore
est effectué à une température comprise entre 70 et 90°C.
3/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la durée du prétraitement
au chlore est comprise entre cinq et trente minutes, de préférence entre dix et vingt
minutes.
4/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la concentration en chlore
pendant le prétraitement est comprise entre 0,8 et 1,5 % en poids par rapport au poids
de la pâte.
5/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que pendant le prétraitement
au chlore, la consistance de la pâte est comprise entre 8 et 12 %.
6/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le composé oxygéné est
de l'oxygène.
7/ Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le composé oxygèné est
du peroxyde d'hydrogène que l'on fait réagir à une température voisine de 120°C.