[0001] La présente invention a pour objet un procédé de fabrication d'une couche ayant une
forte anisotropie magnétique plane dans un grenat ferrimagnétique. Elle s'applique
en particulier dans le domaine de l'élaboration des mémoires à bulles magnétiques
et notamment dans l'élaboration des mémoires à bulles à disques non implantés, mais
aussi dans le domaine de l'élaboration de matériau semi-conducteur ou magnéto-optique.
[0002] De façon générale, l'élaboration d'une mémoire à bullés consiste, tout d'abord, à
é
pitaxier une couche de grenat ferrimagnétique à anisotropie de croissance perpendiculaire
à la couche sur un substrat amagnétique, principalement un grenat. On rappelle que
les bulles magnétiques sont des petits domaines magnétiques dont l'aimantation, dirigée
perpendiculairement à sa surface, est inversée par rapport à celle du matériau contenant
les bulles. Ensuite, on implante des ions dans la couche épitaxiée.
[0003] Cette implantation ionique permet la création en surface de la couche de grenat ferrimagnétique,
d'une couche à aimantation plane, c'est-à-dire, d'une couche dont l'aimantation est
parallèle à la surface de ladite couche. Cette couche à aimantation plane a notamment
pour but d'augmenter la stabilité des bulles magnétiques. Cette implantation ionique
permet de réaliser des couches à aimantation plane sur une épaisseur de l'ordre de
0,5 µm.
[0004] En utilisant un masque d'implantation approprié, on peut par ailleurs définir, dans
le cas de mémoires à bulles à motifs non implantés, les motifs de propagation, qui
sont des motifs contigus, ayant la forme de disque, de losange, etc. ; étant donné
que l'implantation ionique n'est effectuée qu'autour de ces motifs, ces motifs sont
appelés des motifs non implantés.
[0005] Dans le cas de mémoires à bulles à motifs à base de fer et de nickel, l'implantation
ionique sert, en plus de la formation de la couche superficielle à aimantation plane,
à supprimer les bulles "dures", c'est-à-dire les bulles ayant des structures de parois
complexes.
[0006] La propagation des bulles magnétiques le long des motifs de propagation est réalisée
en appliquant un champ continu tournant suivant une direction parallèle à la surface
de la couche ferrimagnétique. Les bulles se trouvant au-dessous de la couche Superficielle
à aimantation plane sont collées aux motifs de propagation non implantés par l'intermédiaire
d'un puits de potentiel dû au champ des contraintes entre les zones implantées et
non implantées.
[0007] Le déplacement des bulles magnétiques le long. des motifs de propagation provient
de l'action du champ tournant qui crée une paroi chargée mobile entraînant les bulles.
[0008] Pendant longtemps, on a utilisé les propriétés de magnétostriction des couches de
grenat ferrimagnétique pour obtenir cette anisotropie magnétique de la couche superficielle.
En effet, le bombardement ionique crée à la surface de la couche de grenat épitaxiée
des défauts entraînant ainsi une déformation du paramètre de maille dans la direction
perpendiculaire à ladite couche de grenat ferrimagnétique. Ces défauts introduisent
dans la couche de grenat de fortes contraintes mécaniques, orientées parallèlement
à la surface de ladite couche ; il a été prouvé qu'une dilatation du paramètre de
maille ne pouvait se faire parallèlement à la surface de la couche ferrimagnétique.
[0009] Les couches de grenat ferrimagnétique sont fabriquées de manière à présenter un coefficient
de magnétostriction négatif. Dans ce cas, une contrainte en compression, obtenue par
l'implantation ionique, induit une anisotropie magnétique dans le plan de la couche
superficielle implantée qui est supérieure à l'anisotropie de croissance du matériau
de départ, c'est-à-dire du matériau non implanté.
[0010] Malheureusement, ce mécanisme de magnétostriction a ses limites qui dépendent de
l'importance de l'anisotropie de croissance du matériau (croissance par épitaxie)
ainsi que de son coefficient négatif de magnétostriction. En effet, on ne peut pas
augmenter la dose d'ions implantés indéfiniment, car au-delà d'un certain seuil de
défauts, le magnétisme de la couche superficielle implantée s'annule et on ne peut
plus déplacer les bulles le long des motifs de propagation notamment non implantés.
[0011] Or, étant donné que les nouvelles générations de mémoires à bulles magnétiques et
en particulier de mémoires à motifs non implantés, tendent à mémoriser des densités
d'informations de plus en plus élevées, il est nécessaire que les bulles magnétiques
soient de plus en plus petites, ce qui ne peut être réalisé qu'au moyen d'un matériau
ayant une grande anisotropie de croissance. Malheureusement, avec de tels matériaux,
il n'est plus possible d'obtenir une aimantation plane dans la couche implantée par
un simple mécanisme de magnétostriction.
[0012] Afin d'augmenter l'anisotropie magnétique de la couche implantée et ce, quelle que
soit l'anisotropie de croissance du matériau de départ, il a été récemment envisagé
d'effectuer dans cette couche implantée une pulvérisation inverse,d'ions d'argon.
Celle-ci est réalisée en soumettant l'échantillon et à un chauffage supérieur à 100°C.
Ce procédé a été décrit dans un article intitulé "Magnetic and crystalline properties
of ion-implanted garnet fibers with plasma exposure" de K. Betsui et al., paru à la
Conférence "Intermag" Hambourg (1984).
[0013] La présente invention a justement pour objet un autre procédé de fabrication d'une
couche ayant une forte anisotropie magnétique plane dans un grenat ferrimagnétique
permettant de remédier aux différents inconvénients donnés précédemment.
[0014] De façon plus précise, l'invention a pour objet un procédé de fabrication d'une couche
de grenat ferrimagnétique, présentant une forte anisotropie plane magnétique, sur
un substrat amagnétique, se caractérisant en ce qu'il comprend les étapes suivantes
:'
- formation d'au moins une couche de grenat ferrimagnétique par épitaxie à partir
du substrat amagnétique,
- implantation d'ions à forte dose dans la couche de grenat ferrimagnétique afin de
créer des défauts dans ladite couche, et
- chauffage de l'ensemble, en présence d'un agent réducteur, à une température comprise
entre 250 et 450°C.
[0015] Conformément à l'invention, l'étape de chauffage de l'ensemble de la structure, en
présence d'un agent réducteur, permet d'augmenter très fortement l'anisotropie magnétique
de la couche de grenat ferrimagnétique.
[0016] Cette augmentation de l'anisotropie magnétique peut semble-t-il s'expliquer par une
réduction en surface de la couche ferrimagnétique implantée.
[0017] Selon un mode préféré de mise en oeuvre du procédé selon l'invention, l'agent réducteur
est un gaz. De préférence, ce gaz est de l'hydrogène.
[0018] Selon un autre mode préféré de mise en oeuvre du procédé selon l'invention, les ions
implantés sont des ions de néon.
[0019] Le procédé de fabrication d'une couche de grenat ferrimagnétique de forte anisotropie
magnétique plane conformément à l'invention s'applique avantageusement à la fabrication
d'une mémoire à bulles à motifs de propagation non implantés.
[0020] Dans une telle application, le procédé selon l'invention comprend les étapes suivantes
:
- formation d'une couche de grenat ferrimagnétique par épitaxie à partir du substrat
amagnétique,
- implantation d'ions dans la partie supérieure de la couche de grenat ferrimagnétique
afin de créer des défauts dans ladite partie et de former les motifs de propagation,
et
- chauffage de l'ensemble, en présence d'un agent réducteur, à une température comprise
entre 250 et 450°C.
[0021] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention ressortiront mieux de la description
qui va suivre, donnée à titre illustratif mais nullement limitatif.
[0022] Cette description est faite dans le cadre de la fabrication des mémoires à bulles
à disques non implantés, mais bien entendu, comme on l'a indiqué plus haut, l'invention
est d'application beaucoup plus générale.
[0023] La première étape du procédé consiste à former de façon connue par épitaxie sur un
substrat amagnétique, tel que du gallate de gadolinium (Gd
3 Ga
5 0
12) une couche de grenat ferrimagnétique dont le vecteur aimantation est orienté perpendiculairement
à la surface de ladite couche. Dans cette couche ferrima- gnéti
que,d'une épaisseur de l'ordre de 1 000 nm, pourront exister des bulles magnétiques,
en présence d'un champ polarisant.
[0024] Comme grenat ferrimagnétique, on peut utiliser un matériau bien connu de l'homme
du métier, répondant à la formule suivante (YSmLuCa)
3 (
Fe
Ge)
5 012'
[0025] L'orientation des vecteurs aimantation dans la couche de grenat ferrimagnétique est
due à une anisotropie de croissance des matériaux, anisotropie obtenue par un choix
judicieux des conditions opératoires de l'épitaxie. Ces conditions opératoires sont
bien connues de l'homme du métier.
[0026] L'étape suivante du procédé consiste à réaliser une implantation ionique dans la
couche supérieure ferrimagnétique afin de former des défauts dans la partie supérieure
de ladite couche sur une épaisseur de l'ordre de 300 nm. Cette implantation ionique
peut être réalisée avec différents types d'ions tels que des ions d'hydrogène, de
néon, d'azote, d'oxygène, d'argon, etc. à une forte dose sans pour autant rendre amorphe
le matériau ferrimagnétique constituant la partie implantée de la couche épitaxiée,
c'est-à-dire démunir ce matériau de ses propriétés magnétiques. Par exemple, on peut
effectuer une implantation d'ions de néon à une dose inférieure ou égale à 10
15 atomes/cm
2 et à une énergie de 200 keV.
[0027] L'implantation ionique en plus de la création des défauts dans la partie supérieure
de la couche ferrimagnétique permet la formation dans ladite partie, en utilisant
un masque approprié, des motifs de propagation non implantés des bulles magnétiques.
[0028] Après cette implantation ionique, on soumet l'ensemble de la structure à un chauffage
en présence d'un agent réducteur. Cet agent réducteur peut être un solide, un liquide
ou un gaz. De préférence, on utilisera un réducteur gazeux tel que du sulfure d'hydrogène
(H
2S), du phosphure d'hydrogène (PH
3), de l'antimoniure d'hydrogène (SbH
3), de l'arséniure d'hydrogène (AsH
3) et de l'hydrogène. De façon avantageuse, on utilisera de l'hydrogène.
[0029] Le chauffage en présence de l'agent réducteur est effectué à une température comprise
entre 250 et 450°C. L'utilisation d'une température inférieure à 250°C entraînerait
une durée trop longue de chauffage et une température au-dessus de 450°C serait néfaste
à l'obtention d'une forte anisotropie magnétique plane dans la partie supérieure de
la couche de grenat ferrimagnétique.
[0030] En effet, une température trop élevée entraînerait la guérison des défauts créés
dans cette couche lors de l'implantation ionique.
[0031] La durée de chauffage est fonction de la température de chauffage. En effet, plus
la température de chauffage est élevée, plus la durée de ce chauffage sera courte.
[0032] Le chauffage de la structure, en présence de l'agent réducteur peut être effectué
en une ou plusieurs étapes.
[0033] La réduction de la partie implantée entraîne une forte variation d'anisotropie magnétique,
ce qui se traduit par la formation d'une couche à aimantation plane dans ladite couche
implantée. Cette couche à aimantation plane sert notamment à stabiliser les bulles
sous-jacentes.
[0034] L'exemple de mise en oeuvre du procédé de l'invention ci-dessous va permettre d'illustrer
l'augmentation obtenue de façon importante de l'aniso tropie magnétique de la partie
de la couche ferrimagnétique implantée, contenant notamment les motifs de propagation
non implantés, des bulles magnétiques,
[0035] Après avoir implanté dans une couche de grenat ferrimagnétique en (YSmLuCa)
3 (FeGe)
5 0
12, des ions de néon à une dose de 10
15 atomes/cm' et à une énergie de 200 keV, on a déterminé la variation d'anisotropie
entre l'anisotropie du matériau ferrimagnétique vierge et du matériau ferrimagnétique
implanté, par mesure de la variation du champ magnétique d'anisotropie ΔH
K (en A/m). Ensuite, on a effectué un premier chauffage de la structure en présence
d'hydrogène pendant 28 heures à une température de 292°C, dans un four, la pression
d'hydrogène étant de l'ordre de 1 atm. (10
5 Pa). On a alors effectué une seconde mesure de la variation d'anisotropie magnétique
entre l'anisotropie de la couche magnétique implantée et recuite et l'anisotropie
de la couche vierge.
[0036] On a ensuite effectué un deuxième chauffage de la structure en présence d'hydrogène
à une température de 292°C pendant une durée de 95 heures, la pression d'hydrogène
étant de l'ordre de 1 atm., puis on a mesuré encore une fois la variation du champ
d'anisotropie magnétique entre le champ d'anisotropie de la couche ferrimagnétique
vierge implantée et le champ d'anisotropie de la couche ainsi traitée.
[0037] Enfin, un troisième chauffage sous vide à une température de 200°C pendant environ
1 heure, a été effectué. On a à nouveau mesuré la variation du champ d'anisotropie
magnétique ainsi que déterminé par réactions nucléaires avec des ions de bore, la
quantité d'hydrogène ayant pu diffuser à l'intérieur de la couche supérieure implantée.
[0038] Les résultats des différentes mesures sont donnés dans le tableau ci-après.
[0039] Comme le montre ce tableau, l'anisotropie magnétique de la couche ferrimagnétique
implantée, grâce au procédé de l'invention, a fait plus que doubler. Cette variation
d'anisotropie ne peut être due qu'à une réduction de la couche superficielle de la
couche implantée entraînant semble-t-il une migration vers la surface de cette couche
de l'oxygène, entrant dans la composition de cette couche, cet oxygène provenant des
défauts causés lors de l'implantation ionique. La migration de l'oxygène vers la surface
de la couche magnétique implantée provoque un appauvrissement en oxygène de celle-ci,
entraînant une réduction des ions Fe
3+ en ions Fe
2+ responsable de l'anisotropie magnétique.
[0040] Le troisième chauffage sous vide a pour but de montrer que l'augmentation de l'anisotropie
magnétique n'est pas due à une diffusion d'hydrogène à l'intérieur de la couche ferrimagnétique
supérieure. En effet, si tel était le cas, on devrait observer une diminution de la
variation d'anisotropie magnétique, lors de ce recuit sous vide ; l'hydrogène étant
très mobile à cette température sortirait partiellement de la structure. Or, on observe
plutôt une augmentation de la variation d'anisotropie magnétique, ce qui tendrait
à penser qu'une migration d'oxygène vers la surface de la couche implantée a encore
eu lieu.
[0041] Il est à noter que la partie de la couche ferrimagnétique non implantée, contenant
les bulles magnétiques, n'est nullement modifiée par les étapes de chauffage, en présence
d'un agent réducteur, de la structure.

1. Procédé de fabrication d'une couche de grenat ferrimagnétique présentant une forte
anisotropie magnétique, sur un substrat amagnétique, caractérisé en ce qu'il comprend
les étapes suivantes :
- formation d'au moins une couche de grenat ferrimagnétique par épitaxie à partir
du substrat amagnétique,
- implantation d'ions à forte dose dans la couche de grenat ferrimagnétique afin de
créer des défauts dans ladite couche, et
- chauffage de l'ensemble, en présence d'un agent réducteur, à une température comprise
entre 250 et 450°C.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'agent réducteur est un
gaz.
3. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce que l'agent réducteur est de
l'hydrogène.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
les ions implantés sont des ions de néon.
5. Procédé de fabrication d'une couche de grenat ferrimagnétique, présentant une forte
anisotropie magnétique plane sur un substrat amegnétique selon l'une quelconque des
revendications 1 à 4, appliqué à la fabrication d'une mémoire à bulles à motifs de
propagation non implantés, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes :
- formation d'une couche de grenat ferrimagnétique par épitaxie à partir du substrat
amagnétique,
- implantation d'ions dans la partie supérieure de la couche de grenat ferrimagnétique
afin de créer des défauts dans ladite partie et de former les motifs de propagation,
et
- chauffage de l'ensemble, en présence d'un agent réducteur, à une température comprise
entre 250 et 450°C.