[0001] Le secteur technique de la présente invention est celui des compositions pyrotechniques
fumigènes fusibles permettant de camoufler une cible quelconque en empêchant la transmission
du rayonnement infrarouge émis par celle-ci.
[0002] Il existe actuellement peu de publications relatives à la production d'un écran de
fumée obscurcissant, à large spectre, c'est-à-dire efficace dans tout le domaine du
visible et jusqu'à l'infrarouge lointain de 0,4 à 14 µm.
[0003] Les compositions pyrotechniques fumigènes à base d'hexachloréthane (oxydant) et d'oxyde
de zinc (réducteur) sont bien connues de l'homme de l'art et on pourra à titre d'illustration
se référer au brevet US-A-2 939 779. Ce genre de composition produit un écran blanc
inefficace vis-à-vis des capteurs infrarouges travaillant dans les fenêtres de transparence
de l'atmosphère qui sont 3-5 µm et 7-14 µm.
[0004] L'utilisation d'un aérosol composé de fines gouttelettes ou de particules solides
a déjà été proposé pour arrêter le rayonnement infrarouge ; toutefois, les écrans
formés sont très sensibles aux conditions atmosphériques (vent et humidité relative
dans le cas des chlorures métalliques) et l'efficacité est peu durable. A titre indicatif,
on pourra se reporter aux brevets FR-A-2 299 617 et 2 309 828.
[0005] On connaît également le brevet FR-A-2 560 186 qui propose une composition pyrotechnique
destinée à la production d'une fumée opaque aux rayonnements infrarouges d'une cible
vers un capteur thermique, caractérisée en ce qu'elle comprend un composé générateur,
par décomposition thermique, de particules de carbone dont la dimension est comprise
entre 1 et 14 µm, un système oxydo-réducteur réagissant à une température supérieure
à 1000°C et un liant.
[0006] Ce type de compositions peut comprendre le système ternaire suivant :
- 15 à 25 parties en poids de poudre métallique, par exemple le magnésium,
- 50 à 85 parties en poids d'hexachlorobenzène ou d'hexachloréthane (oxydant),
- 0 à 30 parties de naphtalène (générateur de carbone).
[0007] Si l'on excepte le phosphore qui est coulé au moment de sa mise en oeuvre, mais est
inefficace dans l'infrarouge, les compositions fumigènes sont la plupart du temps
des mélanges pulvérulents mis en oeuvre par compression. Ces matériaux ne présentent
pas toujours des propriétés mécaniques optimales, sont difficilement usinables pour
de faibles taux de compression et sont fabriqués unitairement. La fabrication exige
des moyens lourds tels que malaxeurs, mélangeurs, séchoirs, presses qui interdisent
la fabrication de produits de grandes dimensions. Le synoptique de fabrication est
complexe et le prix unitaire élevé.
[0008] De plus, les compositions pyrotechniques fumigènes destinées à la production d'un
écran de fumée interdisant la transmission du rayonnement infrarouge comportent les
composants suivants :
- un réducteur (poudre de magnésium le plus généralement)
- un oxydant (hexachloroéthane ou hexachlorobenzène)
- un liant générateur de carbone (naphtalène, anthracène)
- un liant fluoré (Polyfluorure de vinylidène).
[0009] Ces compositions présentent deux inconvénients :
- l'hexachlorobenzène n'est plus, pour des raisons de toxicité, commercialement disponible
sur les marchés européens,
- outre les problèmes de mise en oeuvre industrielle mentionées ci-avant, elles nécessitent
le mélange d'au moins quatre composants.
[0010] Le but de la présente invention est de fournir une composition pyrotechnique produisant
un écran constitué de particules de carbone pour rendre indétectable une cible par
un récepteur ou un capteur de missile, mais qui peut être réalisée par simple coulée.
[0011] L'invention a donc pour objet une composition pyrotechnique coulable destinée à la
production de fumée opaque pour interdire la transmission du rayonnement infrarouge
d'une cible vers un capteur, du type comportant un composé gé nérateur de particules
de carbone dont les dimensions sont comprises entre 1 et 14 µm, caractérisée en ce
qu'elle comprend un composé carboné condensé halogéné fusible entre 75 et 120°C dont
le taux d'halogénation est supérieur à 3, un composé carboné chloré et une poudre
métallique, réagissant ensemble à une température de l'ordre de 1500°C.
[0012] Avantageusement, le composé carboné peut être représenté par le naphtalène chloré,
le composé fluoré par le polyfluorure de vinylidène et la poudre métallique par le
magnésium.
[0013] La composition peut renfermer 50 à 90 parties en poids de composé carboné, 8 à 10
parties en poids de polyfluorure de vinylidène et 15 à 25 parties en poids de poudre
métallique.
[0014] La composition pyrotechnique selon l'invention répond aux trois critères suivants
:
- un régime de combustion élevé,
- un milieu de combustion sous-oxygéné,
- la présence dans la composition d'un composé à noyaux condensés.
[0015] Les noyaux condensés peuvent être, avantageusement, porteurs d'atomes d'halogènes
(fluor, chlore) et/ou présenter un rapport nombre d'atomes de carbone/nombre d'atomes
d'hydrogène le plus grand possible. On profite alors de la présence de ces noyaux
condensés, associée aux deux premiers critères, pour générer du carbone formant un
écran de particules à large spectre. En effet, la présence d'oxygène ainsi qu'un
rapport C/H défavorable provoqueraient la formation de molécules gazeuses (CO₂ et
H₂O) transparentes dans le visible et l'infrarouge.
[0016] Dans la composition pyrotechnique, l'oxydant est alors le chlore ou le fluor, porté
par une autre molécule, générateur d'acide qui, en se condensant sur la vapeur d'eau
atmosphérique, forme un aérosol de particules solides, efficace dans le spectre visible
contre les capteurs.
[0017] Le composé oxydant générateur de particules de carbone peut être un naphtalène chloré
industriel appelé clonacire dont le taux de substitution en chlore varie entre 3,4,
et 3,6. Deux clonacires sont commercialisées : la clonacire 90 et la clonacire 115
dont les points de fusion sont respectivement 90 et 115°C. La dimension des particules
de carbone est comprise entre 1 et 14 µm.
[0018] Un avantage de la composition pyrotechnique et de la munition fumigène selon l'invention
réside dans le fait que le nuage de fumée opaque à l'infrarouge est constitué de fines
particules de carbone générées par voie chimique de façon homogène avec un débit
suffisant.
[0019] Un autre avantage réside dans le fait qu'il est possible de maitriser les facteurs
essentiels :
- la vitesse de combustion de la composition, ce qui permet d'obtenir un débit massique
suffisant,
- la température de combustion qui doit être élevée et qui conditionne la bonne répartition
granulométrique des particules de carbone;
[0020] Un autre avantage réside dans le fait que ces compositions sont coulables ou extrudables.
En effet, en proposant une famille de compositions fusibles entre 75 et 120°C, on
atteint un double objectif : économique par l'amélioration des coûts de revient,
et technologique par le remplissage de formes géométriques compliquées. Ces compositions
se prêtent mieux à une industrialisation moderne et leurs intérêts sont évidents:
- suppression de la compression comme moyen de mise en oeuvre (ces compositions peuvent
toutefois être mises en oeuvre par compression),
- la possibilité de couler des pains de grand diamétre pour alimenter des générateurs
destinés à la défense de zone, ce qui est impossible avec des compositions comprimées,
- densité optimale,
- bonne usinabilité,
- bonne tenue au choc.
[0021] Le comportement mécanique de ces compositions est particulièrement intéressant; on
constate un fluage sous presse qui empêche une décohésion de la matière. Ceci est
dû à la présence des clonacires, produits cireux qui confèrent à ces compositions
un comportement visco-élastique que l'on ne retrouve pas dans les compositions décrites
dansele brevet FR-A-2 560 186.
[0022] Un autre avantage est que l'on peut y incorporer des fibres d'origine chimique à
squelette carboné dont la pyrolyse à haute température génèrera des particules de
carbone opacifiantes.
[0023] Enfin, la composition globale peut être obtenue par le mélange de seulement 3 composants
:
réducteur - naphtalène chloré - polyfluorure de vinylidène.
[0024] Pour préparer les compositions pyrotechniques selon l'invention on s'y prend de la
manière suivante :
[0025] La poudre métallique est d'abord soumise à un étuvage à 50°C environ pendant 24
heures.
[0026] On introduit alors dans le réacteur le composé carboné fusible et on chauffe en
agitant jusqu'à une température supérieure de 15°C au palier de fusion. On ajoute
alors successivement le polyfluorure de vinylidène et le réducteur et on maintient
à la température de fusion pendant une dizaine de minutes en agitant pour bien homogénéiser
le mélange. La coulée peut ensuite s'effectuer. Les pains obtenus sont ensuite repris
par usinage afin d'éliminer la retassure. Un canal central ayant été ménagé au moment
de la coulée, ils sont alors chargeables en artifices.
[0027] Pour chacune des compositions indiquées ci-après, on a mesuré la vitesse de combustion,
la tenue mécanique, le pouvoir d'occultation et le coefficient d'absorption.
[0028] La vitesse de combustion est mesurée sur une éprouvette cylindrique de 3cm de long
et de 3cm de diamètre réalisée par compression de 6.10⁷ Pa.
[0029] Le pouvoir d'occultation est mesuré à l'aide de deux caméras thermiques travaillant
dans les bandes 3-5 et 8-12 um disposées à 4,5 m d'un émetteur constitué par une source
étendue de 20 cm de côte portée à 200°C dans un tunnel. Le pouvoir d'occultation
de la fumée peut être défini comme le temps pendant lequel l'image de la source étendue
est partiellement ou totalement effacée par le passage de cette fumée entre la caméra
et la source étendue.
[0030] Le coefficient d'absorption AΔλ (m⁻¹) est mesuré sur deux bandes de longueur d'onde
de 7,65 à 13,2 µm et de 3,3 à 4,2 µm par application de la loi de Beer.
[0031] Dans le tableau 1, on a rassemblé les résultats des mesures de vitesse de combustion
et de tenue mécanique définies ci-après :
- combustion : on mesure la vitesse de combustion à l'air libre V (1 atm) et la vitesse
de combustion sous la pression régant à l'intérieur d'une munition fumigène V (P)
prête à l'emploi, c'est-à-dire constituée d'un pot fumigène de 36 cm de long et de
8 cm de diamètre,
- tenue mécanique : on mesure l'effort maximum à la compression Smc (en Pa), l'écrasement
emc à cet effort, et le module de young (Ec),
- coefficients de sensibilité à la friction (CsF) et à l'impact (Csi) selon les modes
opératoires connus utilisés dans ce domaine technique.
[0032] On réalise à titre d'exemples les diverses compositions suivantes sous forme de
pains selon les indications précédentes que l'on teste comme précisé ci-dessus, en
même temps qu'une composition de référence décrite selon l'exemple I du brevet FR-A-2
560 186.
COMPOSITION 1 :
[0033] - 25 parties de magnésium,
- 70 parties de clonacire 90,
- 15 parties de polyfluorure de vinylidène.
COMPOSITION 2 :
[0034] - 25 parties de magnésium,
- 70 parties de clonacire 115,
- 15 parties de polyfluorure de vinylidène.
COMPOSITION 3 :
[0035] - 25 parties de magnésium,
- 70 parties de clonacire 115,
- 15 parties de polyfluorure de vinylidène,
- 2 parties de fibres de carbone.
COMPOSITION 4 :
[0036] - 17 parties de magnésium,
- 70 parties de clonacire 115,
- 13 parties de polyfluorure de vinylidène.

[0037] On observe un fluage sans contrainte qui montre que les compositions 1 et 2 ne sont
pas sensibles à la fissuration. On obtient des résultats analogues avec les compositions
3 et 4.
[0038] Les résultats données ci-après dans les tableaux 3 et 4 sont obtenus dans les mêmes
conditions expérimentales, dans un tunnel figurant un écoulement laminaire des fumées
générées.
- masse de composition fumigène 1,5 à 1,7 Kg
- diamètre de l'artifice 80 mm
- vent 1,20 m/s
- fumée générée à 21 de l'axe de mesure
- section de la veine de fumée 1 m2
- trajet optique d = 1m
[0039] Le pouvoir d'occultation résulte du traitement couleur d'une image thermique et
est exprimée en secondes.
[0040] C'est le temps pendant lequel l'atténuation du signal est supérieure à un pourcentage
dans la bande considérée. Le coefficient d'absorption AΔλ, obtenu grace au spectroradiomètre,
traduit la capacité d'une fumée à occulter pendant un temps très court mais n'est
pas représentatif du pouvoir anti-infrarouge dans le temps.

[0041] On voit que la composition 4 a d'excellentes capacités anti-infrarouge. Sa densité
optimale et sa faible vitesse de combustion la rendent apte à la réalisation de fumigène
de gros calibre supérieur à 120 mm.
1 - Composition pyrotechnique coulable destinée à la production de fumée opaque pour
interdire la transmission du rayonnement infrarouge d'une cible vers un capteur, du
type comportant un composé générateur de particules de carbone dont les dimensions
sont comprises entre 1 et 14 um, caractérisée en ce qu'elle comprend un composé carboné
condensé halogéné fusible entre 75 et 120°C dont le taux d'halogénation est supérieur
à 3, un composé carboné fluoré, et une poudre métallique, réagissant ensemble à une
température de l'ordre de 1500°C.
2 - Composition pyrotechnique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le
composé carboné est représenté par le naphtalène chloré, le composé fluoré par le
polyfluorure de vinylidène et la poudre métallique par le magnésium.
3 - Composition pyrotechnique selon la revendication 1, caractérisée en ce quelle
renferme 50 à 90 parties en poids de composé carboné, 8 à 20 parties de polyfluorure
de vinylidène et 15 à 25 parties en poids de poudre métallique.
4 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle
comprend :
- 25 parties en poids de magnésium,
- 70 parties en poids de naphtalène chloré,
- 15 parties en poids de polyfluorure de vinylidène.
5 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle
comprend :
- 17 parties en poids de magnésium,
- 70 parties en poids de naphtalène chloré,
- 13 parties en poids de polyfluorure de vinylidène.
6 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle
comprend de plus des fibres à squelette carboné.
7 - Composition pyrotechnique selon la revendication 6, caractérisée en ce que les
fibres sont choisies parmi les polyamides, le nylon ou le carbone.
8 - Composition pyrotechnique selon la revendication 7, caractérisée en ce qu'elle
comprend :
- 25 parties en poids de magnésium,
- 70 parties en poids de naphtalène chloré,
- 15 parties en poids de polyfluorure de vinylidène,
- 2 parties en poids de fibres de carbone.