(19)
(11) EP 0 210 082 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
28.01.1987  Bulletin  1987/05

(21) Numéro de dépôt: 86401123.4

(22) Date de dépôt:  27.05.1986
(51) Int. Cl.4C06D 3/00, C06B 27/00
(84) Etats contractants désignés:
BE DE GB IT NL SE

(30) Priorité: 07.06.1985 FR 8508603

(71) Demandeur: ETAT-FRANCAIS représenté par le DELEGUE GENERAL POUR L'ARMEMENT (DPAG)
F-75996 Paris Armées (FR)

(72) Inventeurs:
  • Vega, Jean-François
    F-18000 Bourges (FR)
  • Morand, Philippe
    F-18500 Mehun/Yevre (FR)


(56) Documents cités: : 
   
       


    (54) Compositions fumigènes coulables efficaces dans l'infra-rouge


    (57) L'invention concerne une composition pyrotechnique coulable destinée à la production de fumée opaque pour interdi­re la transmission du rayonnement infrarouge d'une cible vers un capteur, du type comportant un composé générateur de parti­cules de carbone dont les dimensions sont comprises entre 1 et 14 µm.
    Elle comprend un composé carboné condensé halogéné fusible entre 75 et 120°C dont le taux d'halogénation est supérieur à 3, tel le naphtalène chloré, un composé carboné fluoré, tel le polyfluorure de vinylidène, et une poudre métal­lique, tel le magnésium, réagissant ensemble à une température de l'ordre de 1500°C.
    Application au camouflage de cibles émettant un rayonnement infrarouge.


    Description


    [0001] Le secteur technique de la présente invention est celui des compositions pyrotechniques fumigènes fusibles per­mettant de camoufler une cible quelconque en empêchant la transmission du rayonnement infrarouge émis par celle-ci.

    [0002] Il existe actuellement peu de publications relatives à la production d'un écran de fumée obscurcissant, à large spectre, c'est-à-dire efficace dans tout le domaine du visible et jusqu'à l'infrarouge lointain de 0,4 à 14 µm.

    [0003] Les compositions pyrotechniques fumigènes à base d'hexachloréthane (oxydant) et d'oxyde de zinc (réducteur) sont bien connues de l'homme de l'art et on pourra à titre d'illustration se référer au brevet US-A-2 939 779. Ce genre de composition produit un écran blanc inefficace vis-à-vis des capteurs infrarouges travaillant dans les fenêtres de transpa­rence de l'atmosphère qui sont 3-5 µm et 7-14 µm.

    [0004] L'utilisation d'un aérosol composé de fines goutte­lettes ou de particules solides a déjà été proposé pour arrê­ter le rayonnement infrarouge ; toutefois, les écrans formés sont très sensibles aux conditions atmosphériques (vent et hu­midité relative dans le cas des chlorures métalliques) et l'efficacité est peu durable. A titre indicatif, on pourra se reporter aux brevets FR-A-2 299 617 et 2 309 828.

    [0005] On connaît également le brevet FR-A-2 560 186 qui propose une composition pyrotechnique destinée à la production d'une fumée opaque aux rayonnements infrarouges d'une cible vers un capteur thermique, caractérisée en ce qu'elle comprend un composé générateur, par décomposition thermique, de parti­cules de carbone dont la dimension est comprise entre 1 et 14 µm, un système oxydo-réducteur réagissant à une température supérieure à 1000°C et un liant.

    [0006] Ce type de compositions peut comprendre le système ternaire suivant :
    - 15 à 25 parties en poids de poudre métallique, par exemple le magnésium,
    - 50 à 85 parties en poids d'hexachlorobenzène ou d'hexachloréthane (oxydant),
    - 0 à 30 parties de naphtalène (générateur de carbone).

    [0007] Si l'on excepte le phosphore qui est coulé au moment de sa mise en oeuvre, mais est inefficace dans l'infrarouge, les compositions fumigènes sont la plupart du temps des mélan­ges pulvérulents mis en oeuvre par compression. Ces matériaux ne présentent pas toujours des propriétés mécaniques optima­les, sont difficilement usinables pour de faibles taux de com­pression et sont fabriqués unitairement. La fabrication exige des moyens lourds tels que malaxeurs, mélangeurs, séchoirs, presses qui interdisent la fabrication de produits de grandes dimensions. Le synoptique de fabrication est complexe et le prix unitaire élevé.

    [0008] De plus, les compositions pyrotechniques fumigènes destinées à la production d'un écran de fumée interdisant la transmission du rayonnement infrarouge comportent les compo­sants suivants :
    - un réducteur (poudre de magnésium le plus généralement)
    - un oxydant (hexachloroéthane ou hexachlorobenzène)
    - un liant générateur de carbone (naphtalène, anthracène)
    - un liant fluoré (Polyfluorure de vinylidène).

    [0009] Ces compositions présentent deux inconvénients :
    - l'hexachlorobenzène n'est plus, pour des raisons de toxicité, commercialement disponible sur les marchés européens,
    - outre les problèmes de mise en oeuvre industrielle mentionées ci-avant, elles nécessitent le mélange d'au moins quatre composants.

    [0010] Le but de la présente invention est de fournir une composition pyrotechnique produisant un écran constitué de par­ticules de carbone pour rendre indétectable une cible par un récepteur ou un capteur de missile, mais qui peut être réalisée par simple coulée.

    [0011] L'invention a donc pour objet une composition pyrotechnique coulable destinée à la production de fumée opa­que pour interdire la transmission du rayonnement infrarouge d'une cible vers un capteur, du type comportant un composé gé­ nérateur de particules de carbone dont les dimensions sont comprises entre 1 et 14 µm, caractérisée en ce qu'elle comprend un composé carboné condensé halogéné fusible entre 75 et 120°C dont le taux d'halogénation est supérieur à 3, un composé car­boné chloré et une poudre métallique, réagissant ensemble à une température de l'ordre de 1500°C.

    [0012] Avantageusement, le composé carboné peut être repré­senté par le naphtalène chloré, le composé fluoré par le poly­fluorure de vinylidène et la poudre métallique par le magnésium.

    [0013] La composition peut renfermer 50 à 90 parties en poids de composé carboné, 8 à 10 parties en poids de polyfluo­rure de vinylidène et 15 à 25 parties en poids de poudre métal­lique.

    [0014] La composition pyrotechnique selon l'invention répond aux trois critères suivants :
    - un régime de combustion élevé,
    - un milieu de combustion sous-oxygéné,
    - la présence dans la composition d'un composé à noyaux condensés.

    [0015] Les noyaux condensés peuvent être, avantageusement, porteurs d'atomes d'halogènes (fluor, chlore) et/ou présenter un rapport nombre d'atomes de carbone/nombre d'atomes d'hydrogène le plus grand possible. On profite alors de la présence de ces noyaux condensés, associée aux deux premiers critères, pour générer du carbone formant un écran de parti­cules à large spectre. En effet, la présence d'oxygène ainsi qu'un rapport C/H défavorable provoqueraient la formation de molécules gazeuses (CO₂ et H₂O) transparentes dans le visible et l'infrarouge.

    [0016] Dans la composition pyrotechnique, l'oxydant est alors le chlore ou le fluor, porté par une autre molécule, gé­nérateur d'acide qui, en se condensant sur la vapeur d'eau at­mosphérique, forme un aérosol de particules solides, efficace dans le spectre visible contre les capteurs.

    [0017] Le composé oxydant générateur de particules de car­bone peut être un naphtalène chloré industriel appelé clonaci­re dont le taux de substitution en chlore varie entre 3,4, et 3,6. Deux clonacires sont commercialisées : la clonacire 90 et la clonacire 115 dont les points de fusion sont respectivement 90 et 115°C. La dimension des particules de carbone est com­prise entre 1 et 14 µm.

    [0018] Un avantage de la composition pyrotechnique et de la munition fumigène selon l'invention réside dans le fait que le nuage de fumée opaque à l'infrarouge est constitué de fines particules de carbone générées par voie chimique de façon ho­mogène avec un débit suffisant.

    [0019] Un autre avantage réside dans le fait qu'il est pos­sible de maitriser les facteurs essentiels :
    - la vitesse de combustion de la composition, ce qui permet d'obtenir un débit massique suffisant,
    - la température de combustion qui doit être élevée et qui conditionne la bonne répartition granulométrique des particules de carbone;

    [0020] Un autre avantage réside dans le fait que ces compo­sitions sont coulables ou extrudables. En effet, en proposant une famille de compositions fusibles entre 75 et 120°C, on at­teint un double objectif : économique par l'amélioration des coûts de revient, et technologique par le remplissage de formes géométriques compliquées. Ces compositions se prêtent mieux à une industrialisation moderne et leurs intérêts sont évidents:
    - suppression de la compression comme moyen de mise en oeuvre (ces compositions peuvent toutefois être mises en oeuvre par compression),
    - la possibilité de couler des pains de grand diamé­tre pour alimenter des générateurs destinés à la défense de zone, ce qui est impossible avec des compositions comprimées,
    - densité optimale,
    - bonne usinabilité,
    - bonne tenue au choc.

    [0021] Le comportement mécanique de ces compositions est particulièrement intéressant; on constate un fluage sous pres­se qui empêche une décohésion de la matière. Ceci est dû à la présence des clonacires, produits cireux qui confèrent à ces compositions un comportement visco-élastique que l'on ne retrouve pas dans les compositions décrites dansele brevet FR-A-2 560 186.

    [0022] Un autre avantage est que l'on peut y incorporer des fibres d'origine chimique à squelette carboné dont la pyrolyse à haute température génèrera des particules de carbone opacifiantes.

    [0023] Enfin, la composition globale peut être obtenue par le mélange de seulement 3 composants :
    réducteur - naphtalène chloré - polyfluorure de vi­nylidène.

    [0024] Pour préparer les compositions pyrotechniques selon l'invention on s'y prend de la manière suivante :

    [0025] La poudre métallique est d'abord soumise à un étuva­ge à 50°C environ pendant 24 heures.

    [0026] On introduit alors dans le réacteur le composé car­boné fusible et on chauffe en agitant jusqu'à une température supérieure de 15°C au palier de fusion. On ajoute alors suc­cessivement le polyfluorure de vinylidène et le réducteur et on maintient à la température de fusion pendant une dizaine de minutes en agitant pour bien homogénéiser le mélange. La cou­lée peut ensuite s'effectuer. Les pains obtenus sont ensuite repris par usinage afin d'éliminer la retassure. Un canal cen­tral ayant été ménagé au moment de la coulée, ils sont alors chargeables en artifices.

    [0027] Pour chacune des compositions indiquées ci-après, on a mesuré la vitesse de combustion, la tenue mécanique, le pou­voir d'occultation et le coefficient d'absorption.

    [0028] La vitesse de combustion est mesurée sur une éprou­vette cylindrique de 3cm de long et de 3cm de diamètre réali­sée par compression de 6.10⁷ Pa.

    [0029] Le pouvoir d'occultation est mesuré à l'aide de deux caméras thermiques travaillant dans les bandes 3-5 et 8-12 um disposées à 4,5 m d'un émetteur constitué par une source éten­due de 20 cm de côte portée à 200°C dans un tunnel. Le pouvoir d'occultation de la fumée peut être défini comme le temps pen­dant lequel l'image de la source étendue est partiellement ou totalement effacée par le passage de cette fumée entre la ca­méra et la source étendue.

    [0030] Le coefficient d'absorption AΔλ (m⁻¹) est mesuré sur deux bandes de longueur d'onde de 7,65 à 13,2 µm et de 3,3 à 4,2 µm par application de la loi de Beer.

    [0031] Dans le tableau 1, on a rassemblé les résultats des mesures de vitesse de combustion et de tenue mécanique défi­nies ci-après :
    - combustion : on mesure la vitesse de combustion à l'air libre V (1 atm) et la vitesse de combustion sous la pression régant à l'intérieur d'une munition fumigène V (P) prête à l'emploi, c'est-à-dire constituée d'un pot fumigène de 36 cm de long et de 8 cm de diamètre,
    - tenue mécanique : on mesure l'effort maximum à la compression Smc (en Pa), l'écrasement emc à cet effort, et le module de young (Ec),
    - coefficients de sensibilité à la friction (CsF) et à l'impact (Csi) selon les modes opératoires connus utilisés dans ce domaine technique.

    [0032] On réalise à titre d'exemples les diverses composi­tions suivantes sous forme de pains selon les indications pré­cédentes que l'on teste comme précisé ci-dessus, en même temps qu'une composition de référence décrite selon l'exemple I du brevet FR-A-2 560 186.

    COMPOSITION 1 :



    [0033] - 25 parties de magnésium,
    - 70 parties de clonacire 90,
    - 15 parties de polyfluorure de vinylidène.

    COMPOSITION 2 :



    [0034] - 25 parties de magnésium,
    - 70 parties de clonacire 115,
    - 15 parties de polyfluorure de vinylidène.

    COMPOSITION 3 :



    [0035] - 25 parties de magnésium,
    - 70 parties de clonacire 115,
    - 15 parties de polyfluorure de vinylidène,
    - 2 parties de fibres de carbone.

    COMPOSITION 4 :



    [0036] - 17 parties de magnésium,
    - 70 parties de clonacire 115,
    - 13 parties de polyfluorure de vinylidène.



    [0037] On observe un fluage sans contrainte qui montre que les compositions 1 et 2 ne sont pas sensibles à la fissuration. On obtient des résultats analogues avec les compositions 3 et 4.

    [0038] Les résultats données ci-après dans les tableaux 3 et 4 sont obtenus dans les mêmes conditions expérimentales, dans un tunnel figurant un écoulement laminaire des fumées générées.
    - masse de composition fumigène 1,5 à 1,7 Kg
    - diamètre de l'artifice 80 mm
    - vent 1,20 m/s
    - fumée générée à 21 de l'axe de mesure
    - section de la veine de fumée 1 m2
    - trajet optique d = 1m

    [0039] Le pouvoir d'occultation résulte du traitement cou­leur d'une image thermique et est exprimée en secondes.

    [0040] C'est le temps pendant lequel l'atténuation du si­gnal est supérieure à un pourcentage dans la bande considérée. Le coefficient d'absorption AΔλ, obtenu grace au spectroradio­mètre, traduit la capacité d'une fumée à occulter pendant un temps très court mais n'est pas représentatif du pouvoir anti-­infrarouge dans le temps.



    [0041] On voit que la composition 4 a d'excellentes capacités anti-infrarouge. Sa densité optimale et sa faible vitesse de com­bustion la rendent apte à la réalisation de fumigène de gros cali­bre supérieur à 120 mm.


    Revendications

    1 - Composition pyrotechnique coulable destinée à la production de fumée opaque pour interdire la transmission du rayonnement infrarouge d'une cible vers un capteur, du type comportant un composé générateur de particules de carbone dont les dimensions sont comprises entre 1 et 14 um, caractérisée en ce qu'elle comprend un composé carboné condensé halogéné fusible entre 75 et 120°C dont le taux d'halogénation est su­périeur à 3, un composé carboné fluoré, et une poudre métalli­que, réagissant ensemble à une température de l'ordre de 1500°C.
     
    2 - Composition pyrotechnique selon la revendication 1, caractérisée en ce que le composé carboné est représenté par le naphtalène chloré, le composé fluoré par le polyfluorure de vinylidène et la poudre métallique par le magnésium.
     
    3 - Composition pyrotechnique selon la revendication 1, caractérisée en ce quelle renferme 50 à 90 parties en poids de composé carboné, 8 à 20 parties de polyfluorure de vinyli­dène et 15 à 25 parties en poids de poudre métallique.
     
    4 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle comprend :
    - 25 parties en poids de magnésium,
    - 70 parties en poids de naphtalène chloré,
    - 15 parties en poids de polyfluorure de vinylidène.
     
    5 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle comprend :
    - 17 parties en poids de magnésium,
    - 70 parties en poids de naphtalène chloré,
    - 13 parties en poids de polyfluorure de vinylidène.
     
    6 - Composition pyrotechnique selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle comprend de plus des fibres à squelette carboné.
     
    7 - Composition pyrotechnique selon la revendication 6, caractérisée en ce que les fibres sont choisies parmi les polyamides, le nylon ou le carbone.
     
    8 - Composition pyrotechnique selon la revendication 7, caractérisée en ce qu'elle comprend :
    - 25 parties en poids de magnésium,
    - 70 parties en poids de naphtalène chloré,
    - 15 parties en poids de polyfluorure de vinylidène,
    - 2 parties en poids de fibres de carbone.
     





    Rapport de recherche