[0001] L'invention est relative à un procédé de filage du lin. Elle trouvera notamment son
application dans l'indutrie textile pour la réalisation de bobines de fil de lin pur
ou en mélange avec d'autres fibres naturelles, artificielles ou synthétiques.
[0002] Depuis la plus haute antiquité, le lin est cultivé pour ses fibres textiles et sa
graine qui fournit une huile siccative. Il réclame des terres profondes, fertiles
et riches en humus, ce qui a localisé sa culture dans certaines régions du monde en
particulier, l'URSS, la Chine et l'Europe du Nord.
[0003] La récolte du lin à filasse se fait durant l'été. On arrache les tiges et on leur
fait subir les opérations de rouissage et de teillage.
[0004] Dans la tige, les fibres élémentaires d'une longueur moyenne de 2 à 3 cm et d'un
diamètre moyen de 13 à 15 microns, sont agglutinées les unes aux autres par un complexe
pecto-ligneux, pour constituer les faisceaux fibreux. Ceux-ci se situent à la périphérie
de la tige, dans la zone libérienne et, à maturité, sont fortement adhérents au tronc
ligneux central.
[0005] Le rouissage est une opération biologique dont l'objet essentiel est de désolidariser
les faisceaux fibreux du tronc ligneux. Il existe le rouissage à terre et le rouissage
à l'eau. Lors du rouissage à terre, au moment de l'arrachage, les tiges sont étalées
à même le sol et elles y demeurent pendant 3 à 6 semaines. Sous l'effet de l'humidité
et de la température, des champignons saprophytes présents sur la plante au moment
de l'arrachage, prolifèrent et secrètent des enzymes qui dissolvent partiellement
les ciments pectiques soudant les fibres au bois.
[0006] Le teillage a pour rôle essentiel de séparer les fibres du bois. Pour cela, les tiges
subissent l'opération de broyage qui casse le bois tout en laissant les fibres intactes,
puis elles sont battues pour en faire tomber les anas ou débris ligneux. Le produit
utile est le lin teillé ou filasse ; mais un des sous-produits a également une valeur
textile : ce sont les étoupes de teillage, fibres plus ou moins courtes, séparées
du lin teillé au moment du battage.
[0007] Le lin teillé dont la longueur apparente est généralemant comprise entre 70 cm et
1 mètre, est constitué de faisceaux adhérant entre eux longitudinalement et transversalement.
En fait, le lin teillé livré au filateur, correspond à toute la couronne fibreuse
de la zone libérienne dans laquelle les fibres élémentaires cellulosiques ne représentent
que 70 % en poids, le reste étant des substances non-cellulosiques se décomposant
en hémicelluloses, matières pectiques, lignines et éléments minéraux.
[0008] C'est cette morphologie fibreuse particulière qui rend le travail du lin très spécifique
et pour le moins difficile et coûteux au regard de celui des autres fibres bien connues
telles que le coton, la laine et les fibres synthétiques.
[0009] Parmi les procédés de filage connus, le lin teillé subit l'opération de peignage
dont le rôle est triple : nettoyer la filasse en la débarrassant des dernières traces
d'anas; séparer les faisceaux liés entre eux par l'écorce et le parenchyme cortical
et par là même, affiner les fibres techniques; éliminer les fibres courtes de pied
et de tête que sont les étoupes de peignage.
[0010] Cette opération déjà particulièrement onéreuse, présente au surplus, l'inconvénient
d'être réalisée sur une machine lourde, peu productive et de conception presque centenaire.
Cette machine connue sous le nom de grande peigneuse est très onéreuse à l'achat puisque
de dimension imposante et effectuant des opérations alternatives répétées.
[0011] Le lin peigné résultant est étalé et la nappe ainsi obtenue est étirée pour fournir
un ruban continu.
[0012] Celui-ci est étiré et doublé successivement sur 5 machines appelées bancs d'étirage
dont le rôle est triple : améliorer le plus possible la régularité de masse du ruban;
réduire progressivement sa masse linéique (ou titre) ; affiner les fibres techniques
en clivant les faisceaux fibreux. Cette troisième fonction qui est fondamentale pour
permettre une filabilité convenable, est obtenue en étirant le ruban dans un champ
d'aiguilles de plus en plus fines au moyen d'un train étireur (acier-bois) travaillant
en couche mince.
[0013] Cette opération dans les procédés connus est réalisée sur un matériel très spécifique
d'un prix d'achat particulièrement élevé.
[0014] Le ruban sortant du dernier passage est ensuite étiré sur un banc-à-broches, lui
aussi très spécifique et très coûteux, dans le but d'obtenir une mèche légèrement
tordue destinée à être travaillée sur métier à filer.
[0015] Pour réaliser un fil fin, il est indispensable que les éléments fibreux constitutifs
soient eux-mêmes très fins et proches de la fibre élémentaire. Or, les éléments fibreux
composant la mèche écrue, ont une longueur moyenne comprise entre 15 et 20 cm et comportent
souvent entre 3 et 10 fibres élémentaires en section. Il est donc nécessaire de dissocier
les fibres élémentaires au cours de l'opération de filage ou avant celle-ci.
[0016] Pour ce faire, on a longtemps filé la mèche écrue au mouillé en la faisant passer
dans un bac d'eau portée à une température de 70 °C environ et en l'étirant dans un
train de laminage à rouleaux cannelés, à forte pression et à écartement compris entre
65 et 80 mm. Mais cette façon de procéder conduit à des conditions de travail très
pénibles et ne permet pas l'obtention de fils plus fins que Nm 21 (48 tex) valablement
commercialisables.
[0017] Depuis deux décennies, la filature industrielle du lin au mouillé est réalisée à
partir de mèches ayant subi un traitement chimique de lessivage ou de blanchiment.
Les fibres élémentaires ainsi traitées chimiquement, sont partiellement désolidarisées
et il est alors possible de filer à l'eau froide et de réaliser des fils plus fins,
plus réguliers et plus forts. Cependant, à côté de ses avantages, un tel traitement
présente un certain nombre d'inconvénients : il est coûteux, occasionne une perte
en matière de l'ordre de 10 % et ne permet pas toujours l'obtention d'un nuance constante.
[0018] Par ailleurs, la production de fils mélangés est plutôt le fait de la filature au
sec, laquelle ne permet pas aisément la production de fils fins majoritaires en lin
surtout dans les fibres courtes.
[0019] En bref, tous les procédés actuels de filature de lin utilisés industriellement,
présentent de sérieux handicaps : ou bien ils sont très limités en filabilité et ne
permettent pas la production de fils fins, ou bien l'obtention de fils fins de qualité
n'est possible qu'en mettant en oeuvre des procédés de transformation onéreux à productivité
réduite.
[0020] Le but principal de la présente invention est de présenter un procédé de filage du
lin très économique. Les gains substantiels qui peuvent être réalisés le sont au niveau
de la main d'oeuvre réduite et également au niveau des investissements en matériel.
[0021] En effet, selon l'invention, un grand nombre de manutentions peuvent être supprimées
grâce à l'emploi de machines hautement productives telles qu'on les rencontre dans
d'autres secteurs d'activités textiles, comme celui de la fibre courte.
[0022] Des économies en matériel peuvent également être réalisées étant donné que l'invention
permet de s'affranchir des besoins en machines spécifiques au lin (peignage et préparation).
[0023] Un autre but de la présente invention est de présenter un procédé de filage du lin
qui permette d'obtenir un fil de lin pur ou en mélange d'une propreté jusqu'alors
inégalée industriellement, tout en conservant l'aspect du lin traditionnel.
[0024] La matière première mise en oeuvre est de la fibre technique de lin très raccourcie
de longueur variable et très affinée mécaniquement par exemple en utilisant une ouvreuse
(sans aucun traitement chimique ou physico-chimique) dont la longueur et la finesse
sont assez proches des caractéristiques de la fibre élémentaire.
[0025] Le raccourcissement préalable est réalisé sur des longueurs de l'ordre de 5 à 6 cm
puis la matière est affinée c'est-à-dire que le faisceau qui comprenait au départ
dix à quarante fibres élémentaires en section est ramené à un élément fibreux beaucoup
plus fin et ne comprenant plus que quelques fibres élémentaires.
[0026] Dans le cas de réalisation de fils mélanges, on met aussi en oeuvre une autre fibre
naturelle ou de la fibre artificielle ou synthétique, le mélange intime se faisant
en tout début de préparation.
[0027] La préparation c'est-à-dire les différentes opérations physiques avant la filature,
est dérivée de celle utilisée pour d'autres fibres courtes comme le coton ou d'autres
fibres artificielles de même dimension : carde, deux passages d'étirage et banc-à-broches.
[0028] La filature selon l'invention, qui est réalisée après la préparation physique, est
dérivée de la filature classique du lin au mouillé : trempage de la mèche à la continue
dans de l'eau qui peut être froide ; laminage comportant un système de contrôle d'étirage.
[0029] La fibre de lin n'a subi aucun traitement chimique ou physico-chimique, elle est
écrue et de ce fait, a conservé une bonne partie de ses constituants non-cellulosiques
: hémi-celluloses et substances pectiques.
[0030] Elle présente donc plusieurs avantages :
- elle n'a pas subi de perte de matière non récupérable importante et conséquemment,
son coût est limité,
- elle est très accessible à l'eau en raison de sa grande finesse et de sa faible
longueur et ne nécessite pas de traitement chimique préalable à la filature,
- elle apporte les ciments pectiques qui, après ramollissement et séchage, contribuent
à donner plus de cohésion entre les fibres dans le fil.
[0031] Le fil ainsi obtenu a un véritable "aspect lin" même lorsqu'il est réalisé en mélange
avec des fibres artificielles ou synthétiques. Cela est dû au fait que la fibre de
lin est restée écrue et qu'elle a été filée à l'état mouillé.
[0032] Cela confère au fil une haute plus-value technologique et commerciale par rapport
au même fil réalisé à l'état sec, car l'aspect du fil obtenu par le procédé de l'invention
ressemble beaucoup aux fils de lin traditionnels.
[0033] La filature au mouillé et le séchage subséquent évitent le fixage par vaporisage
à chaud qui doit souvent être effectué lorsqu'un fil mélange est réalisé à l'état
sec.
[0034] Parmi les avantages du procédé, on peut citer :
- l'aspect du fil et sa régularité sont très proches des mêmes caractéristiques du
fil classique lin ; en propreté, le fil relevant de l'invention est même supérieur
car il ne comporte aucun gros défaut,
- le prix du fil se situe entre celui du fil de lin classique et celui du fil de coton,
mais cependant plus proche de celui du fil de coton.
[0035] D'autres buts et avantages de la présente invention apparaitront au cours de la description
qui va suivre qui n'est cependant donnée qu'à titre indicatif et qui n'a pas pour
but de la limiter.
[0036] Selon la présente invention, le procédé de filage du lin pur ou en mélange, destiné
à l'industrie textile pour la formation d'un fil par torsion des fibres de lin à partir
de faisceaux de fibres longues teillées et agglomérées par des pectines est caractérisé
en ce que :
- on réduit mécaniquement par un traitement approprié la longueur des fibres suivie
d'une autre opération mécanique de façon à n'obtenir que des fibres courtes et excessivement
fines,
- on carde les fibres courtes pour former un ruban que l'on étire afin d'en réguler
la masse linéique,
- on étire et on tord le ruban pour former une mèche,
- on mouille la mèche,
- on étire la mèche mouillée et on lui donne une torsion pour former le fil.
[0037] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description suivante accompagnée
d'un dessin en annexe qui schématise le train d'étirage du métier à filer de la présente
invention.
[0038] La présente invention vise un procédé de filage du lin pur ou en mélange.
[0039] Elle trouvera notamment son application dans l'industrie textile pour la formation
d'un fil réalisé par torsion de fibres de lin enchevêtrées.
[0040] La présente invention comporte un grand nombre d'avantages parmi lesquels on peut
citer :
[0041] Le coût de transformation est fortement réduit par rapport à celui du procédé traditionnel,
au point d'approcher celui de la filature type fibres courtes.
[0042] Le matériel de peignage et de préparation spécifique au lin, excessivement coûteux
à l'achat, consommant beaucoup d'énergie, exigeant énormément d'entretien et nécessitant
une main d'oeuvre importante, est exclu du circuit relevant de l'invention. Il est
remplacé par un matériel plus léger, fabriqué en grande série et nécessitant une main
d'oeuvre et un entretien réduits.
[0043] La matière première mise en oeuvre est de la fibre courte, affinée mécaniquement
de préférence (sans traitement chimique ou physico-chimique) dont la longueur et la
finesse sont assez proches des caractéristiques de la fibre élémentaire. Elle est
écrue et de ce fait, n'a pas subi une perte importante et a conservé une bonne partie
de ses constituants non-cellulosiques. Conséquemment, son coût est limité; elle est
très accessible à l'eau en raison de sa grande finesse et de sa faible longueur et
ne nécessite pas de traitement chimique préalable à la filature; elle apporte les
ciments pectiques qui, après ramollissement et séchage, contribuent à donner plus
de cohésion entre les fibres dans le fil.
[0044] Le type de préparation utilisé permet de réaliser n'importe quel mélange lin et autres
fibres sans aucune difficulté et le mélange fibreux est très homogène.
[0045] Le procédé de filage du lin, grâce au système d'étirage, permet de filer non seulement
le lin pur, mais aussi tout type de mélange lin et autres fibres. Le fil ainsi obtenu
a un véritable "aspect lin" de même que la toile ou le tricot fait de ce fil. Cela
est dû au fait que la fibre de lin est restée naturelle et qu'elle a été filée à l'état
mouillé. Cela confère au fil une haute plus-value technologique et commerciale par
rapport au même fil réalisé à l'état sec. Par ailleurs, le fil obtenu ne comporte
aucun gros défaut par opposition au fil de lin traditionnel.
[0046] La filature au mouillé et le séchage subséquent évitent le fixage par vaporisage
à chaud qui est souvent effectué lorsqu'un fil mélange est réalisé à l'état sec.
[0047] Selon le procédé de filage du lin de la présente invention, on part d'une matière
première composée de faisceaux de fibres de lin teillées.
[0048] Il s'agit de lin ayant été cultivé dans des conditions traditionnelles, qui a subi
un rouissage puis un teillage. Les faisceaux de fibres longues sont alors agglomérés
par des pectines.
[0049] La première opération que doivent subir ces fibres consiste en une réduction de leur
longueur associée à un affinage. Il faut en effet réduire par traitements appropriés
la longueur des fibres qui initialement est de l'ordre de 70 cm à 1 m, à une longueur
de fibres courtes c'est-à-dire sensiblement de l'ordre de 2 à 5 cm.
[0050] Cette réduction de longueur se fait mécaniquement par une coupe ou un craquage suivi
d'une ouvraison qui réalise l'affinage. Il est nécessaire d'obtenir des fibres courtes
et très fines. Cette première opération ne nécessite généralement pas une intervention
chimique ou physico-chimique. Il est en effet nécessaire que la fibre garde ses qualités
naturelles afin que le fil résultant possède le "caractère lin" du point de vue de
son aspect et de son toucher.
[0051] Le raccourcissement préalable est réalisé sur des longueurs de l'ordre de 5 à 6 cm
puis la matière est affinée c'est-à-dire que le faisceau qui comprenait au départ
dix à quarante fibres élémentaires en section est ramené à un élément fibreux beaucoup
plus fin et ne comprenant plus que quelques fibres élémentaires.
[0052] Il est ensuite nécessaire de parfaire le nettoyage des fibres, de les paralléliser
et d'en produire un voile puis un ruban. Selon le procédé de la présente invention,
cela est réalisé sur une carde à haute productivité dérivée de celles utilisées en
fibres courtes. L'alimentation et la décharge de la machine sont automatiques ce qui
minimise les frais de main d'oeuvre, contrastant ainsi avec le coût élevé du peignage
pratiqué en filature traditionnelle.
[0053] Le ruban cardé obtenu est ensuite regroupé avec d'autres rubans puis l'ensemble est
étiré pour former un nouveau ruban dont la régularité est améliorée. De plus, un ou
plusieurs passages peuvent être réalisés pour obtenir un ruban de densité linéaire
sensiblement constante.
[0054] Le ruban est ensuite étiré puis légèrement tordu pour former une mèche. Cette phase
du procédé peut être réalisée sur bancs à broches.
[0055] L'une des caractéristiques de l'invention est de filer à l'état mouillé cette mèche
de fibres courtes. Pour ce faire, la mèche passe d'abord dans un bac d'eau qui peut
être froide, intégré au métier à filer, puis elle est étirée dans un train de laminage
conçu pour travailler au mieux ce type de matériau.
[0056] Comme cela a été décrit précédemment, le travail du lin en fibres courtes sur métier
à filer requiert quelques précautions. En particulier, le contrôle des fibres courtes
est nécessaire durant leur passage dans le train d'étirage du métier à filer.
[0057] La figure 1 schématise un train d'étirage de métier à filer. Une bobine 1 de mèche
de banc à broches sert à l'alimentation du train d'étirage 2 qui délivre un fil 3
qui s'enroule autour d'un fuseau 4.
[0058] Selon l'invention, le contrôle des fibres courtes est réalisé grâce à l'utilisation
d'un train d'étirage 2 à manchon 5. Le train d'étirage à manchon permet en effet d'assurer
le guidage des fibres courtes.
[0059] La mèche subit un pré-étirage entre les cylindres d'alimentation 6 et les manchons
5 puis un étirage proprement dit entre les manchons 5 et les cylindres délivreurs
7.
[0060] Pour améliorer le contrôle des fibres, le parcours de celles-ci dans le train d'étirage
2 se réalise selon un arc de cercle.
[0061] Naturellement, d'autres mises en oeuvre de la présente invention, à la portée de
l'Homme de l'Art, auraient également pu être envisagées sans pour autant sortir du
cadre de celle-ci.