[0001] La présente invention a pour objet des compositions de superalliages base nickel,
plus particulièrement destinées à la fabrication de disques de turbomachines, dont
l'utilisation peut-être étendue jusqu'à 750°C de manière à répondre à l'évolution
des cycles thermodynamiques des turbomachines à très hauts rendement et puissance
spécifique. Ces disques nécessitent l'emploi de matériaux de densité modérée présentant
un ensemble particulier de propriétés mécaniques à chaud telles que :
- tenue en traction jusqu'à 750°C : limite d'élasticité et allongement,
- tenue en fluage jusqu'à 750°C : résistance élevée et absence de sensibilité à l'entaille,
- tenue en fatigue oligocyclique,
- vitesses de propagation de fissure aussi faible que possible même compte tenu des
effets de l'environnement et des temps de maintien prolongés sous charge dont on sait
qu'ils deviennent critiques dans la plage de température visée ; l'importance de cette
propriété est attestée par l'introduction d'exigences de tolérance au dommage comme,
par exemple, dans l'édition de Novembre 1984 de la norme MIL-STD-17-83 de l'USAF.
[0002] Les matériaux élaborés par métallurgie des poudres sont aujourd'hui les plus aptes
à répondre à ces exigences techniques et dans l'état actuel de l'art on utilise :
- soit des matériaux qui présentent une bonne résistance à la fissuration avec une
faible sensibilité à l'environnement mais dont la limite d'élasticité et la résistance
au fluage sont insuffisantes à haute température ; US 3.147.155 fournit des exemples
de compositions de superalliages de ce type (voir alliage A au tableau 1 ci-après).
- soit des matériaux qui présentent une limite d'élasticité élevée mais dont la sensibilité
à l'entaille en fluage, la tenue à la fissuration et la sensibilité à l'environnement
ne sont pas satisfaisantes; US 3.061.426 et FR-A 2.244.827 fournissent également des
exemples de compositions de superalliages de ce type (voir alliages R et I au tableau
1 qui figure plus loin.)
[0003] Quelques exemples de ces compositions d'alliages connus sont donnés dans le tableau
1.
[0004] L'amélioration de certaines propriétés mécaniques (résistance à la fissuration par
exemple) peut être obtenue en réalisant des microstructures particulières (gros grains,
structure collier). Ces améliorations se font toutefois au détriment d'autres caractéristiques
(limite élastique par exemple) et l'objet de la présente invention est de parvenir
à un ensemble optimal des propriétés citées ci-dessus par de nouvelles compositions
d'alliages.
[0005] La présente invention se rapporte à une nouvelle famille de superalliages base nickel
présentant les propriétés notées ci-dessus, caractérisés en ce que la composition
chimique en pourcentages pondéraux, appartient au domaine suivant :

le reste étant essentiellement du nickel.
[0006] Avantageusement des teneurs préférentielles ci-après sont retenues :
Co : 14 à 17 %
C : O à 200 ppm
B : O à 200 ppm.
[0007] Deux exemples d'alliages appartenant à la présente invention sont donnés ci-dessous
(N 14 et N 16) :

[0008] Avantageusement, ces superalliages selon l'invention sont susceptibles d'être mis
en oeuvre par des techniques de métallurgie des poudres et les disques de turbomachine
en constituent une application intéressante.
[0009] Les superalliages base nickel présentent généralement une structure essentiellement
biphasée avec :
- une phase γ de Ni, Co durcie principalement par des éléments en solution solide
(W, Cr, Mo)
- une phase durcissante γʹdu type A₃ B dans laquelle A est principalement formée de
Ni, Co, Cr et B de Al, Ti Nb, Ta, Hf, V, Ta.
[0010] L'obtention des propriétés mécaniques visées est réalisée en intervenant respectivement
sur les deux modes de durcissement ce qui conduit à spécifier d'une part les teneurs
en Al, Ti, Nb, Hf, V, Ta et d'autre part en W, Mo, et Cr.
[0011] L'invention sera mieux comprise et les avantages précisés à l'aide de la description
qui va suivre de la justification des principaux choix et des exemples de réalisation,
en référence à la figure unique qui montre l'influence du rapport Mo/W sur les durées
de vie en fluage rupture.
Spécification en Nb, Al, Ti, Hf et V :
[0012] Il est connu que l'introduction de Nb et de Ta contribue fortement à l'augmentation
de la limite d'élasticité et de la tenue en fluage lisse, mais le tableau 2 ci-après
montre que cet effet bénéfique est acquis au détriment de la sensibilité à l'entaille
et de la résistance à la fissuration en fatigue-fluage à partir de 650°C (voir en
particulier les exemples d'alliages R et N 13 pour l'influence de Nb et les exemples
d'alliages NA10 et NA9 pour l'influence de Ta).
Le tantale a de plus, vis à vis du niobium, l'inconvénient d'augmenter plus fortement
la densité. Pour ces raisons, les alliages de la présente invention ne renferment
pas de Ta et sont limités à 1,5 % de Nb.
[0013] Du fait de cette limitation il est nécessaire, pour obtenir des propriétés dans le
domaine de température visée, de disposer d'une fraction volumique de γʹ d'au moins
50 %, acquise par adjonction d'Al et de Ti qui n'entraine pas les inconvénients précédents.
L'invention prévoit des teneurs en Al et Ti telles que leur rapport soit voisin de
1 car, s'il est connu que le Ti est un élément plus favorable que Al pour le durcissement
de la phase γʹ au delà de 650°C, il augmente très rapidement la température de remise
en solution solide de cette phase, rendant la mise en oeuvre de l'alliage difficile.
Pour cette même raison la somme des éléments Al + Ti est limitée à 10 % en poids.
[0014] Un durcissement complémentaire peut-être obtenu par l'addition de Hf, dans la limite
de 1% pour des raisons de mise en oeuvre (diminution du solidus et accroissement du
solvus γʹ).
[0015] De même, s'il est connu qu'un incrément de durcissement peut-être obtenu par addition
de vanadium, il est constaté que les vitesses de fissuration en fatigue-fluage à 650°C
sont alors excessives. Pour cette raison les alliages de la présente invention ne
comportent pas de vanadium.
Spécifications en Mo, W et Cr
[0016] Compte tenu des limitations exposées ci-dessus, il est nécessaire de durcir fortement
la phase en solution solide γ. Pour ce faire l'on utilise les éléments W et Mo qui
sont connus comme durcisseurs efficaces de la matrice. Le durcissement par Mo est,
dans la présente invention, préféré à celui par W car :
- le rapport de la concentration du Mo dans la phase γ à sa concentration dans la
phase γʹ est 2 à 3 fois plus élevé que le rapport correspondant pour le W,
- la figure 1 montre que la substitution du Mo au W diminue la sensibilité à l'entaille
au fluage à 650°C pour une tenue en fluage sur éprouvette lisse légèrement inférieure.
Sur la figure 1, t
R en ordonnées et en échelle logarithmique représente la durée de vie en heures, en
fluage-rupture, à 650°C sous charge de 1000MPa et en abscisses sont reportées les
teneurs en Mo et W en pourcentages atomiques; la courbe en trait plein représente
les résultats de fluage, effectués sur éprouvette avec entaille et la courbe en trait
tireté, des résultats en fluage sur éprouvette lisse.
- la pénalisation en densité est moindre avec l'élément Mo qu'avec W.
[0017] La présente invention préconise une teneur en Mo comprise entre 6 et 8 % en poids
qui, comme le montre le tableau 2 (voir en particulier les exemples d'alliages selon
l'invention N 14 et N 16), aboutit aux hautes valeurs de résistance en traction
et fluage, l'alliage conservant néanmoins des vitesses de fissuration en fatigue-fluage
particulièrement basses.
[0018] Il est connu que l'addition de chrome est nécessaire pour la résistance à l'oxydation
et participe au durcissement de l'alliage. Cependant, pour des teneurs en Al, Ti et
Mo atteignant les niveaux préconisés par l'invention, les travaux qui ont abouti à
l'invention ont montré qu'une concentration de chrome supérieure à 13 % en poids provoque
une précipitation abondante de carbures intergranulaires qui entraîne une détérioration
des propriétés de ductilité, sensibilité à l'entaille et fissuration, comme le montrent
les résultats de l'alliage N 17 reportés sur le tableau 2 représenté plus loin.
[0019] Pour cette raison l'invention préconise une teneur en chrome comprise entre 11 et
13 % en poids.
Autres spécifications
[0020] Il est reconnu qu'une teneur d'au moins 8% en poids de cobalt est nécessaire pour
la résistance au fluage. Cet élément abaisse par ailleurs la température de solvus
de la phase γʹ et, en raison des fortes valeurs de Al et de Ti de la présente invention
une teneur en cobalt d'au moins 14 % en poids est retenue par l'invention de façon
à faciliter la mise en oeuvre du matériau. Cette teneur doit être limitée en oeuvre
du matériau. Cette teneur doit être limitée supérieurement à 17% pour maintenir une
fraction volumique de γʹ suffisante aux températures d'emploi considérées.
[0021] Le bore et le carbone sont des éléments connus pouvant améliorer la résistance au
fluage, mais compte tenu des teneurs en chrome et en molybdène de l'invention, et
afin d'éviter la formation excessive de carbures et borures, l'invention limite leur
concentration pondérale à 500 ppm.
[0022] Le zirconium peut-être utile pour fixer d'éventuelles traces fragilisantes de soufre,
mais l'invention limite cependant sa teneur à 500 ppm en poids pour éviter la formation
de phases à bas point de fusion.
[0023] D'autres éléments tels que Mg, Ca, Si, Y etc... souvent utilisés pour l'élaboration
de l'alliage, peuvent rester présents au niveau de traces sans nuire aux propriétés
des alliages selon l'invention.
[0024] A titre d'exemple, il a été étudié plus particulièrement deux alliages (exemples
N14 et N16) de la famille conformes à l'invention. Leur composition est donnée dans
le tableau 1 ci-après où les teneurs de chaque élément sont exprimées en concentration
pondérale.

[0025] Pour chaque nuance d'alliage, des essais mécaniques ont été réalisés d'une part sur
des éprouvettes dont l'élaboration conduit à une structure à gros grains (supérieurs
ou égaux à 50µm)ou à "collier" et d'autre part sur des éprouvettes dont l'élaboration
conduit à une structure à petits grains (inférieurs ou égaux à 10µm). Chaque éprouvette
élaborée est soumise à une séquence de traitements thermiques avant essai de manière
à optimiser les propriétés de l'alliages.
[0026] Ces essais de caractérisation comportent :
- des essais en traction pour lesquels sont notés les limites élastiques RO,2 en MPa
à 650°C et à 750°C et les allongements A% à 750°C,
- des essais de fluage à 750°C à l'air sous charge de 600 MPa pour lesquels sont notés
les temps à rupture sur éprouvette lisse tRL en heures et le rapport τ entre le temps
à rupture sur éprouvette entaillée / temps à rupture sur éprouvette lisse.
- des essais de fissuration cycliques à 650°C à l'air pour lesquels sont notées les
valeurs de vitesse de fissuration da/dN :
avec amplitude de facteur d'intensité de contrainte
ΔK = 30 Mpa

et ΔK = 60 Mpa

temps de maintien sous charge de traction maximale t
m = 300s
[0027] Les résultats obtenus sont rassemblés sur le tableau 2 ci-après qui regroupe également
les résultats comparatifs obtenus avec des alliages connus de l'état de la technique
dont les compositions correspondantes sont également données dans le tableau 1 ci-dessus.
Ces résultats sont obtenus en appliquant sur éprouvettes d'essai une vitesse de refroidissement
de 100°C par minute après remise en solution de la phase γʹ. Cette vitesse correspond
à une vitesse de refroidissement à coeur de pièces susceptibles d'être réalisées en
un alliage conforme à l'invention.
[0028] Ces résultats montrent que les superalliages de l'invention permettent de parvenir
à l'ensemble optimal recherché des propriétés mécaniques à chaud conciliant de bons
résultats en résistance à la fissuration avec de bons résultats également en traction
et en fluage jusqu'à 750°C.

[0029] La mise en oeuvre des superalliages conformes à l'invention peut faire appel à tout
procédé comme évitant l'apparition de ségrégations majeures du genre de celles qui
apparaissent lorsque de tels alliages sont mis en oeuvre selon des procédés de fonderie
classiques. Ainsi l'élaboration des superalliages selon l'invention peut notamment
être obtenue par les techniques connues de métallurgie des poudres et des pièces réalisées
en ces alliages telles que des disques de rotor de turbomachine peuvent par exemple
être fabriquées par des procédés connus de compaction isostatique à chaud.
1 - Superalliage à matrice à base de nickel présentant de bonnes propriétés mécaniques
à chaud de tenue en traction, en fluage, en fatigue oligocyclique et de résistance
à la fissuration, caractérisé en ce que la composition chimique en pourcentages pondéraux
appartient au domaine suivant :
Cr 11 à 13
Co 8 à 17
Mo 6 à 8
Nb inférieur ou égal à 1,5
Ti 4 à 5
Al 4 à 5
Hf inférieur ou égal à 1
C,B,Zr chacun inférieur ou égal à 500 ppm
Ni complément à 100
2 - Superalliage à matrice à base de nickel selon la revendication 1 caractérisé par
les teneurs particulières ci-après, en pourcentages pondéraux :
Co 14 à 17
C 0 à 200 ppm
B 0 à 200 ppm
3 - Superalliage à matrice à base de nickel selon la revendication 2 caractérisé par
la composition chimique suivante, en pourcentages pondéraux :
Cr 11,9
Co 15,8
Mo 6
Nb 1,4
Ti 4
Al 4,3
Hf 0,32
C 150 ppm
B 150 ppm
Zr 500 ppm
Ni complément à 100
4 - Superalliage à matrice à base de nickel selon la revendication 2 caractérisé par
la composition chimique suivante, en pourcentages pondéraux :
Cr 12
Co 15,7
Mo 6,8
Nb 0
Ti 4,35
Al 4,35
Hf 0,48
C 150 ppm
B 150 ppm
Zr 300 ppm
Ni Complément à 100
5 - Superalliage à matrice à base de nickel selon l'une quelconque des revendications
précédentes caractérisé en ce qu'il est élaboré à l'aide de techniques de mise en
oeuvre à partir de poudres.
6 - Disque de rotor de turbomachine caractérisé en ce qu'il est constitué en superalliage
à matrice à base de nickel selon l'une quelconque des revendications 1 à 4.
7 - Disque de rotor de turbomachine selon la revendication 6 caractérisé en ce que
l'élaboration du superalliage à matrice à base de nickel le constituant est effectuée
à l'aide de techniques mettant en oeuvre des poudres.