(19)
(11) EP 0 247 933 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
02.12.1987  Bulletin  1987/49

(21) Numéro de dépôt: 87401159.6

(22) Date de dépôt:  22.05.1987
(51) Int. Cl.4G21F 9/30
(84) Etats contractants désignés:
BE DE GB

(30) Priorité: 27.05.1986 FR 8607569

(71) Demandeur: COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE
75015 Paris Cédex (FR)

(72) Inventeurs:
  • Chazot, René
    F-95410 Groslay (FR)
  • Dolle, Lucien
    F-91120 Palaiseau (FR)

(74) Mandataire: Mongrédien, André (FR) et al
Les Séquoias 34, rue de Marnes
F-92410 Ville d'Avray
F-92410 Ville d'Avray (FR)


(56) Documents cités: : 
   
       


    (54) Procédé de décontamination de matériaux solides contaminés par des éléments contaminants, en particulier par des éléments radioactifs tels que le ruthénium


    (57) L'invention concerne la décontamination de matériaux solides contaminés par des éléments tels que les éléments métalliques de la mine du platine, par exemple le ruthénium -106.
    Pour réaliser cette décontamination, on applique sur le matériau un réactif constitué par une solution d'hydroxyde de métal alcalin et de peroxydisulfate de métal alcalin, de façon à dissoudre sélectivement le ou lesdits éléments contaminants sans attaquer de façon appréciable le matériau solide à décontaminer. De préférence, aprés cette application, on soumet le matériau à un rinçage, par exemple au moyen d'acide sulfurique dilué.


    Description


    [0001] La présente invention a pour objet un procédé de décontamination de matériaux solides contaminés.

    [0002] Elle s'applique en particulier à la décontamination radioactive de pièces métalliques portant des dépôts de particules colloïdales radioactives, constituées par exemple par des nodules de métaux précieux ou d'alliages de métaux précieux insolubles en solution nitrique. On trouve en particulier des pièces métalliques contaminées par de tels dépôts dans les installations de retraitement de combustibles nucléaires irradiés.

    [0003] En effet, au premier stade du retraitement des combustibles nucléaires irradiés, la pratique habituelle est de dissoudre ces combustibles dans une solution d'acide nitrique, mais certains produits de fission présents dans les combustibles, comme le ruthénium 106 sous forme métallique ou sous forme d'alliage ne sont pas solubles dans de telles solutions et ils restent donc sous la forme de particules colloïdales ou de boues insolubles qui peuvent se déposer sur certaines pièces de l'installation.

    [0004] Aussi, il est nécessaire de disposer de procédés de décontamination permettant d'éliminer dans de bonnes conditions ces dépôts d'éléments radioactifs qui comprennent généralement des éléments métalliques du groupe du platine.

    [0005] Ceci pose des problèmes car ces dépôts sont insolubles dans la plupart des solutions de réactifs mis en oeuvre pour la décontamination. Aussi, jusqu'à présent, on a réalisé la décontamination de matériaux solides contaminés par des dépôts de ce type en utilisant des réactifs suffisamment agressifs pour décaper le matériau à décontaminer et enlever ainsi simultanément les particules radioactives déposées sur sa surface. Ce mode de décontamination qui suppose un décapage de la pièce contaminée, présente de nombreux inconvénients.

    [0006] En effet, il peut prendre beaucoup de temps. Par ailleurs, il nécessite l'utilisation de réactifs de décapage constitués généralement de mélanges d'acides comprenant généralement un acide halogéné en proportion notable, qui sont d'un emploi mal commode lorsqu'ils sont liquides et qui sont difficiles à incorporer dans des matrices pâteuses en raison de leur agressivité. De plus, lorsqu'on utilise ces réactifs pour réaliser des décontaminations à l'échelle industrielle, on obtient en fin d'opération des effluents agressifs dont le traitement pose des problèmes supplémentaires tout en entraînant des frais importants.

    [0007] La présente invention a précisément pour objet un procédé de décontamination de matériaux solides contaminés, qui permet justement d'éviter cet inconvénient.

    [0008] Le procédé, selon l'invention, de décontamination de matériaux solides contaminés par un ou plusieurs éléments radioactifs contaminants de la mine du platine se caractérise en ce qu'il consiste à appliquer sur ledit matériau un réactif constitué par une solution d'hydroxyde de métal alcalin et de peroxydisulfate de métal alcalin, de façon à dissoudre sélectivement le ou lesdits éléments contaminants sans attaquer de façon appréciable le matériau solide à décontaminer.

    [0009] Dans le procédé de l'invention, on utilise ainsi une solution basique contenant un agent oxydant pour dissoudre directement les éléments contaminants de la mine du platine.

    [0010] Généralement, ces éléments contaminants sont constitués par des métaux du groupe du platine, par des alliages d'un métal du groupe du platine ou par des composés de métaux du groupe du platine. Les métaux du groupe du platine sont par exemple le ruthénium, le rhodium, le palladium, l'osmium, l'irridium et le platine, en particulier le ruthénium 106.

    [0011] Le choix, dans le procédé de l'invention, d'un agent oxydant constitué par un peroxydisulfate de métal alcalin, permet d'obtenir directement la dissolution de l'élément contaminant dans la solution basique.

    [0012] En revanche, si l'on utilisait d'autres agents oxydants puissants, on ne pourrait parvenir à ce résultat. Un oxydant puissant bien connu est le permanganate de potassium. Cependant, il est pratiquement impossible d'obtenir une dissolution significative du ruthénium dans une solution de soude contenant du permanganate de potassium. En effet, si l'on opère à une température de 30°C, la quantité de ruthénium dissoute est inférieure à 0,01%, c'est-à-dire insignifiante. Par ailleurs, le permanganate de potassium a l'inconvénient de précipiter rapidement du bioxyde de manganèse. De même, un autre oxydant courant, l'eau oxygénée, n'a pas permis d'obtenir de dissolution appréciable du ruthénium colloïdal.

    [0013] On connaît par le brevet européen EP-A 0 164 988 et le brevet japonais JP-A- 76/92 736, des procédés pour éliminer des dépôts difficilement solubles, dans lesquels on utilise tout d'abord un agent oxydant tel qu'un hypohalogénite ou un persulfate d'ammonium afin d'oxyder l'élément à dissoudre pour le solubiliser ensuite dans un deuxième réactif constitué par une solution acide. Les mécanismes utilisés dans ces derniers procédés sont donc différents de ceux de l'invention puisque, dans ce cas, on n'obtient pas une dissolution directe des éléments contaminants dans la solution basique de l'agent oxydant.

    [0014] Dans l'invention, on obtient en revanche une dissolution directe des éléments difficilement solubles de la mine du platine grâce au choix de l'agent oxydant.

    [0015] Les agents oxydants utilisés dans l'invention sont des peroxydisulfates de métaux alcalins comme le peroxydisulfate de potassium. Dans ce cas, la solution est de préférence une solution fortement basique et elle peut être constituée par une solution de soude.

    [0016] Les concentrations en peroxydisulfate de la solution sont choisies de façon à obtenir un bon taux de dissolution du métal noble en utilisant des durées d'application relativement brèves. Généralement, la concentration en peroxydisulfate de métal alcalin est de à 10 à 25 g/l, mais on peut utiliser des quantités inférieures 10 g/l. Par contre, des concentrations supérieures à 25 g/l comporteraient des consommations excessives de réactif. De même, on préfère utiliser une solution fortement basique, par exemple une solution d'hydroxyde de métal alcalin dont la concentration est de préférence de 6 à 8 N.

    [0017] A titre d'exemple, de bons résultats sont obtenus lorsque le réactif est constitué par une solution de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium.

    [0018] De préférence, le réactif de dissolution des éléments contaminants est préparé seulement au moment de l'emploi car le peroxydisulfate de potassium présente une stabilité modérée dans la solution aqueuse de soude. Aussi, pour conserver une activité suffisante du réactif, il est préférable de le préparer au dernier moment.

    [0019] Après avoir appliqué le réactif sur la pièce pour dissoudre sélectivement le ou les éléments contaminants, on soumet de préférence le matériau solide à un lavage. Ce lavage a notamment pour but de favoriser l'enlèvement total du réactif contenant les éléments contaminants en solution, qui pourrait rester sur la pièce après la première application.

    [0020] En effet, lorsqu'on utilise du peroxydisulfate de potassium, qui a une stabilité réduite dans les solutions basiques, on obtient généralement, en fin d'opération un voile d'aspect amorphe contenant encore des éléments contaminants, qui est constitué par un résidu soufré provenant de la décomposition du peroxydisulfate de potassium. Aussi, la solution utilisée pour le lavage doit être capable de dissoudre ce résidu de décomposition.

    [0021] Lorsque l'agent oxydant est le peroxydisulfate de potassium, on utilise avantageusement de l'acide sulfurique dilué, par exemple de l'acide sulfurique 1N.

    [0022] Pour mettre en oeuvre le procédé de l'invention, on peut appliquer le réactif sur la pièce par les techniques classiques habituellement utilisées. Ainsi, on peut appliquer le réactif sur la surface de la pièce à la brosse, mais lorsqu'il s'agit de décontaminer des pièces de petites dimensions, on peut les tremper dans le réactif. On peut aussi effectuer cette décontamination en pulvérisant le réactif sur les pièces par des moyens appropriés pour favoriser un temps de contact suffisant et on peut répéter plusieurs fois ces opérations.

    [0023] Le lavage de la pièce peut être réalisé par les mêmes techniques. Lorsque la solution de lavage est constituée par de l'acide sulfurique dilué, on peut aussi appliquer celui-ci en mélange avec une matrice pâteuse comme du gel de silice, ce qui permet de limiter le volume d'acide tout en augmentant la concentration de celui-ci à plusieurs fois la quantité contenue dans une solution normale.

    [0024] La durée d'application du réactif sur la pièce est choisie en fonction de la nature des pièces à traiter et de leur contamination. Généralement des durées de contact d'une heur sont à suffisantes à la température ambiante. On peut également opérer à des températures supérieures à la température ambiante pour accélérer le processus de dissolution des éléments contaminants.

    [0025] Les pièces susceptibles d'être décontaminées par le procédé de l'invention peuvent être réalisées en différents matériaux et la surface à décontaminer peut être constituée en ce matériau ou être formée éventuellement par un revêtement déposé sur la pièce.

    [0026] A titre d'exemple, il peut s'agir de pièces en acier inoxydable qui est un matériau largement utilisé dans les installations de retraitement de combustibles nucléaires irradiés.

    [0027] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture des exemples suivants donnés bien entendu à titre illustratif et non limitatif.

    [0028] Les exemples 1 à 7 décrivent les résultats obtenus avec différents réactifs pour dissoudre du ruthénium. Parmi ces exemples, seuls les exemples 1, 5, 6 et 7 utilisent le réactif de l'invention.

    Exemples 1 à 5.



    [0029] Dans ces exemples, on teste les propriétés de différents réactifs pour dissoudre une suspension colloïdale aqueuse d'hydroxyde de ruthénium Ru(OH)₃ provenant de l'hydrolyse du trichlorure de ruthénium RuCl₃. Ce colloïde ne se dissout pas dans une solution nitrique de nitrate d'uranyle, ni à 30°C, ni à 102°C.

    Dans l'exemple 1, on utilise pour réaliser cette dissolution un réactif selon l'invention, qui est constitué de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium mélangés seulement au moment de l'utilisation. Pour réaliser la dissolution, on introduit 4,8 mg de la suspension colloïdale aqueuse de Ru(OH)₃ dans 200 cm³ du réactif, et l'on opère à 30°C. Au bout d'une heure, on détermine la quantité de suspension colloïdale aqueuse de Ru(OH)₃ qui a été solubilisée dans la solution. Les résultats obtenus sont donnés dans le tableau I annexé.

    Dans l'exemple 2, on utilise comme réactif de dissolution une solution aqueuse de peroxydisulfate de potassium à 25 g/l et l'on réalise la dissolution dans les mêmes conditions. Les résultats obtenus sont donnés également dans le tableau I.

    Dans l'exemple 3, on utilise un mélange fluonitrique d'acide fluorhydrique 6N et d'acide nitrique 6N et on réalise la dissolution dans les mêmes conditions. Les résultats obtenus sont donnés dans le tableau I.

    Dans l'exemple 4, on utilise de la soude 8N et on réalise la dissolution dans les mêmes conditions. Les résultats sont donnés également dans le tableau I.

    Dans l'exemple 5, on utilise une solution de permanganate de potassium à 0,1% dans de la soude 0,01N et on réalise la dissolution dans les mêmes conditions.



    [0030] Au vu des résultats des exemples 1 à 5, on constate que seul le réactif de l'invention permet d'obtenir une dissolution satisfaisante du ruthénium. En revanche, chacun des constituants du réactif de l'invention, pris isolément, n'a pratiquement pas d'action sur la dissolution du ruthénium. De même, le mélange fluonitrique, bien que très agressif, ne dissout nullement le ruthénium en quantité appréciable. Il en est de même avec MnO₄K dans NaOH.

    Exemple 6.



    [0031] Dans cet exemple, on reprend le même mode opératoire que dans les exemples 1 à 5, mais en utilisant 0,112 mg de suspension colloïdale de Ru(OH)₃ dans 10 cm³ d'une solution nitrique 4 N contenant 314 g/l de nitrate d'uranyle à 30°C, et 0,2 l de réactif constitué par une solution de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium. Dans ces conditions, la fraction dissout de ruthénium est de 99%.

    Exemple 7.



    [0032] Dans cet exemple, on répète le mode opératoire de l'exemple 6, mais le ruthénium provient d'une suspension de Ru(OH)₃ dans la même solution de nitrate d'uranyle qui a été portée à 102°C pendant 40h puis refroidie. Dans ces conditions, la fraction de ruthénium dissous est de 97,3%.

    Exemple 8.



    [0033] Dans cet exemple, on répète le mode opératoire de l'exemple 1, mais en utilisant 8,9 mg de ruthénium métallique en poudre. Dans ces conditions, la fraction de ruthénium dissous est de 99,92%.

    [0034] Les résultats des exemples 1, 6 et 7 montrent ainsi que seul le réactif de l'invention permet d'obtenir une dissolution importante du ruthénium.

    Exemple 9 et 10.



    [0035] Dans ces exemples, on utilise le procédé de l'invention pour décontaminer des tôles d'acier inoxydable 316L contaminées par du ruthénium en utilisant pour la dissolution du ruthénium une solution à 25 g/l de peroxydisulfate de potassium dans de la soude 8N et en réalisant deux applications successives de ce réactif sur les tôles pendant une durée de 1 heure. En fin de traitement, on effectue un rinçage par de l'acide sulfurique 1N. Dans l'exemple 9, les tôles sont des tôles d'acier 316L brutes de laminage, alors que dans l'exemple 10, il s'agit de tôles d'acier 316L décapées et passivées.

    [0036] En fin de traitement, on détermine le facteur de décontamination FD en ruthénium qui correspond au rapport des activités surfaciques du ruthénium radioactif avant et après le traitement de décontamination ainsi que la perte d'épaisseur des tôles en micromètres. Les résultats obtenus sont donnés dans le tableau II.

    [0037] Au vu de ces résultats, on constate que l'on obtient un bon facteur de décontamination en ruthénium sans qu'il se produise un décapage notable de la surface des pièces.






    Revendications

    1. Procédé de décontamination d'un matériau solide contaminé par un ou plusieurs éléments radioactifs contaminants choisis parmi les métaux du groupe du platine, les alliages comportant un métal du groupe du platine et les composés des métaux du groupe du platine, caractérisé en ce qu'il consiste à appliquer sur ledit matériau un réactif constitué par une solution d'hydroxyde de métal alcalin et de peroxydisulfate de métal alcalin, de façon à dissoudre sélectivement le ou lesdits éléments contaminants sans attaquer de façon appréciable le matériau solide à décontaminer.
     
    2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'hydroxyde de métal alcalin est la soude.
     
    3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que le peroxydisulfate de métal alcalin est du peroxydisulfate de potassium.
     
    4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que la concentration en peroxydisulfate de métal alcalin de la solution est de 10 à 25 g/l.
     
    5. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que la concentration en hydroxyde de métal alcalin de ladite solution est de 6 à 8 N.
     
    6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'on soumet ensuite le matériau solide à un lavage au moyen d'une solution de lavage capable de dissoudre les résidus de décomposition du peroxydisulfate de métal alcalin.
     
    7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que la solution de lavage est de l'acide sulfurique dilué.
     
    8. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que l'élément contaminant comprend du ruthénium -106, un alliage de ruthénium -106 ou un composé de ruthénium -106.
     
    9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que le matériau solide est un acier inoxydable.
     





    Rapport de recherche