[0001] La présente invention a pour objet un procédé de décontamination de matériaux solides
contaminés.
[0002] Elle s'applique en particulier à la décontamination radioactive de pièces métalliques
portant des dépôts de particules colloïdales radioactives, constituées par exemple
par des nodules de métaux précieux ou d'alliages de métaux précieux insolubles en
solution nitrique. On trouve en particulier des pièces métalliques contaminées par
de tels dépôts dans les installations de retraitement de combustibles nucléaires irradiés.
[0003] En effet, au premier stade du retraitement des combustibles nucléaires irradiés,
la pratique habituelle est de dissoudre ces combustibles dans une solution d'acide
nitrique, mais certains produits de fission présents dans les combustibles, comme
le ruthénium 106 sous forme métallique ou sous forme d'alliage ne sont pas solubles
dans de telles solutions et ils restent donc sous la forme de particules colloïdales
ou de boues insolubles qui peuvent se déposer sur certaines pièces de l'installation.
[0004] Aussi, il est nécessaire de disposer de procédés de décontamination permettant d'éliminer
dans de bonnes conditions ces dépôts d'éléments radioactifs qui comprennent généralement
des éléments métalliques du groupe du platine.
[0005] Ceci pose des problèmes car ces dépôts sont insolubles dans la plupart des solutions
de réactifs mis en oeuvre pour la décontamination. Aussi, jusqu'à présent, on a réalisé
la décontamination de matériaux solides contaminés par des dépôts de ce type en utilisant
des réactifs suffisamment agressifs pour décaper le matériau à décontaminer et enlever
ainsi simultanément les particules radioactives déposées sur sa surface. Ce mode de
décontamination qui suppose un décapage de la pièce contaminée, présente de nombreux
inconvénients.
[0006] En effet, il peut prendre beaucoup de temps. Par ailleurs, il nécessite l'utilisation
de réactifs de décapage constitués généralement de mélanges d'acides comprenant généralement
un acide halogéné en proportion notable, qui sont d'un emploi mal commode lorsqu'ils
sont liquides et qui sont difficiles à incorporer dans des matrices pâteuses en raison
de leur agressivité. De plus, lorsqu'on utilise ces réactifs pour réaliser des décontaminations
à l'échelle industrielle, on obtient en fin d'opération des effluents agressifs dont
le traitement pose des problèmes supplémentaires tout en entraînant des frais importants.
[0007] La présente invention a précisément pour objet un procédé de décontamination de matériaux
solides contaminés, qui permet justement d'éviter cet inconvénient.
[0008] Le procédé, selon l'invention, de décontamination de matériaux solides contaminés
par un ou plusieurs éléments radioactifs contaminants de la mine du platine se caractérise
en ce qu'il consiste à appliquer sur ledit matériau un réactif constitué par une solution
d'hydroxyde de métal alcalin et de peroxydisulfate de métal alcalin, de façon à dissoudre
sélectivement le ou lesdits éléments contaminants sans attaquer de façon appréciable
le matériau solide à décontaminer.
[0009] Dans le procédé de l'invention, on utilise ainsi une solution basique contenant un
agent oxydant pour dissoudre directement les éléments contaminants de la mine du platine.
[0010] Généralement, ces éléments contaminants sont constitués par des métaux du groupe
du platine, par des alliages d'un métal du groupe du platine ou par des composés de
métaux du groupe du platine. Les métaux du groupe du platine sont par exemple le ruthénium,
le rhodium, le palladium, l'osmium, l'irridium et le platine, en particulier le ruthénium
106.
[0011] Le choix, dans le procédé de l'invention, d'un agent oxydant constitué par un peroxydisulfate
de métal alcalin, permet d'obtenir directement la dissolution de l'élément contaminant
dans la solution basique.
[0012] En revanche, si l'on utilisait d'autres agents oxydants puissants, on ne pourrait
parvenir à ce résultat. Un oxydant puissant bien connu est le permanganate de potassium.
Cependant, il est pratiquement impossible d'obtenir une dissolution significative
du ruthénium dans une solution de soude contenant du permanganate de potassium. En
effet, si l'on opère à une température de 30°C, la quantité de ruthénium dissoute
est inférieure à 0,01%, c'est-à-dire insignifiante. Par ailleurs, le permanganate
de potassium a l'inconvénient de précipiter rapidement du bioxyde de manganèse. De
même, un autre oxydant courant, l'eau oxygénée, n'a pas permis d'obtenir de dissolution
appréciable du ruthénium colloïdal.
[0013] On connaît par le brevet européen EP-A 0 164 988 et le brevet japonais JP-A- 76/92
736, des procédés pour éliminer des dépôts difficilement solubles, dans lesquels on
utilise tout d'abord un agent oxydant tel qu'un hypohalogénite ou un persulfate d'ammonium
afin d'oxyder l'élément à dissoudre pour le solubiliser ensuite dans un deuxième réactif
constitué par une solution acide. Les mécanismes utilisés dans ces derniers procédés
sont donc différents de ceux de l'invention puisque, dans ce cas, on n'obtient pas
une dissolution directe des éléments contaminants dans la solution basique de l'agent
oxydant.
[0014] Dans l'invention, on obtient en revanche une dissolution directe des éléments difficilement
solubles de la mine du platine grâce au choix de l'agent oxydant.
[0015] Les agents oxydants utilisés dans l'invention sont des peroxydisulfates de métaux
alcalins comme le peroxydisulfate de potassium. Dans ce cas, la solution est de préférence
une solution fortement basique et elle peut être constituée par une solution de soude.
[0016] Les concentrations en peroxydisulfate de la solution sont choisies de façon à obtenir
un bon taux de dissolution du métal noble en utilisant des durées d'application relativement
brèves. Généralement, la concentration en peroxydisulfate de métal alcalin est de
à 10 à 25 g/l, mais on peut utiliser des quantités inférieures 10 g/l. Par contre,
des concentrations supérieures à 25 g/l comporteraient des consommations excessives
de réactif. De même, on préfère utiliser une solution fortement basique, par exemple
une solution d'hydroxyde de métal alcalin dont la concentration est de préférence
de 6 à 8 N.
[0017] A titre d'exemple, de bons résultats sont obtenus lorsque le réactif est constitué
par une solution de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium.
[0018] De préférence, le réactif de dissolution des éléments contaminants est préparé seulement
au moment de l'emploi car le peroxydisulfate de potassium présente une stabilité modérée
dans la solution aqueuse de soude. Aussi, pour conserver une activité suffisante du
réactif, il est préférable de le préparer au dernier moment.
[0019] Après avoir appliqué le réactif sur la pièce pour dissoudre sélectivement le ou les
éléments contaminants, on soumet de préférence le matériau solide à un lavage. Ce
lavage a notamment pour but de favoriser l'enlèvement total du réactif contenant les
éléments contaminants en solution, qui pourrait rester sur la pièce après la première
application.
[0020] En effet, lorsqu'on utilise du peroxydisulfate de potassium, qui a une stabilité
réduite dans les solutions basiques, on obtient généralement, en fin d'opération un
voile d'aspect amorphe contenant encore des éléments contaminants, qui est constitué
par un résidu soufré provenant de la décomposition du peroxydisulfate de potassium.
Aussi, la solution utilisée pour le lavage doit être capable de dissoudre ce résidu
de décomposition.
[0021] Lorsque l'agent oxydant est le peroxydisulfate de potassium, on utilise avantageusement
de l'acide sulfurique dilué, par exemple de l'acide sulfurique 1N.
[0022] Pour mettre en oeuvre le procédé de l'invention, on peut appliquer le réactif sur
la pièce par les techniques classiques habituellement utilisées. Ainsi, on peut appliquer
le réactif sur la surface de la pièce à la brosse, mais lorsqu'il s'agit de décontaminer
des pièces de petites dimensions, on peut les tremper dans le réactif. On peut aussi
effectuer cette décontamination en pulvérisant le réactif sur les pièces par des moyens
appropriés pour favoriser un temps de contact suffisant et on peut répéter plusieurs
fois ces opérations.
[0023] Le lavage de la pièce peut être réalisé par les mêmes techniques. Lorsque la solution
de lavage est constituée par de l'acide sulfurique dilué, on peut aussi appliquer
celui-ci en mélange avec une matrice pâteuse comme du gel de silice, ce qui permet
de limiter le volume d'acide tout en augmentant la concentration de celui-ci à plusieurs
fois la quantité contenue dans une solution normale.
[0024] La durée d'application du réactif sur la pièce est choisie en fonction de la nature
des pièces à traiter et de leur contamination. Généralement des durées de contact
d'une heur sont à suffisantes à la température ambiante. On peut également opérer
à des températures supérieures à la température ambiante pour accélérer le processus
de dissolution des éléments contaminants.
[0025] Les pièces susceptibles d'être décontaminées par le procédé de l'invention peuvent
être réalisées en différents matériaux et la surface à décontaminer peut être constituée
en ce matériau ou être formée éventuellement par un revêtement déposé sur la pièce.
[0026] A titre d'exemple, il peut s'agir de pièces en acier inoxydable qui est un matériau
largement utilisé dans les installations de retraitement de combustibles nucléaires
irradiés.
[0027] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture
des exemples suivants donnés bien entendu à titre illustratif et non limitatif.
[0028] Les exemples 1 à 7 décrivent les résultats obtenus avec différents réactifs pour
dissoudre du ruthénium. Parmi ces exemples, seuls les exemples 1, 5, 6 et 7 utilisent
le réactif de l'invention.
Exemples 1 à 5.
[0029] Dans ces exemples, on teste les propriétés de différents réactifs pour dissoudre
une suspension colloïdale aqueuse d'hydroxyde de ruthénium Ru(OH)₃ provenant de l'hydrolyse
du trichlorure de ruthénium RuCl₃. Ce colloïde ne se dissout pas dans une solution
nitrique de nitrate d'uranyle, ni à 30°C, ni à 102°C.
Dans l'exemple 1, on utilise pour réaliser cette dissolution un réactif selon l'invention,
qui est constitué de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium mélangés
seulement au moment de l'utilisation. Pour réaliser la dissolution, on introduit 4,8
mg de la suspension colloïdale aqueuse de Ru(OH)₃ dans 200 cm³ du réactif, et l'on
opère à 30°C. Au bout d'une heure, on détermine la quantité de suspension colloïdale
aqueuse de Ru(OH)₃ qui a été solubilisée dans la solution. Les résultats obtenus sont
donnés dans le tableau I annexé.
Dans l'exemple 2, on utilise comme réactif de dissolution une solution aqueuse de
peroxydisulfate de potassium à 25 g/l et l'on réalise la dissolution dans les mêmes
conditions. Les résultats obtenus sont donnés également dans le tableau I.
Dans l'exemple 3, on utilise un mélange fluonitrique d'acide fluorhydrique 6N et d'acide
nitrique 6N et on réalise la dissolution dans les mêmes conditions. Les résultats
obtenus sont donnés dans le tableau I.
Dans l'exemple 4, on utilise de la soude 8N et on réalise la dissolution dans les
mêmes conditions. Les résultats sont donnés également dans le tableau I.
Dans l'exemple 5, on utilise une solution de permanganate de potassium à 0,1% dans
de la soude 0,01N et on réalise la dissolution dans les mêmes conditions.
[0030] Au vu des résultats des exemples 1 à 5, on constate que seul le réactif de l'invention
permet d'obtenir une dissolution satisfaisante du ruthénium. En revanche, chacun des
constituants du réactif de l'invention, pris isolément, n'a pratiquement pas d'action
sur la dissolution du ruthénium. De même, le mélange fluonitrique, bien que très agressif,
ne dissout nullement le ruthénium en quantité appréciable. Il en est de même avec
MnO₄K dans NaOH.
Exemple 6.
[0031] Dans cet exemple, on reprend le même mode opératoire que dans les exemples 1 à 5,
mais en utilisant 0,112 mg de suspension colloïdale de Ru(OH)₃ dans 10 cm³ d'une solution
nitrique 4 N contenant 314 g/l de nitrate d'uranyle à 30°C, et 0,2 l de réactif constitué
par une solution de soude 8N contenant 25 g/l de peroxydisulfate de potassium. Dans
ces conditions, la fraction dissout de ruthénium est de 99%.
Exemple 7.
[0032] Dans cet exemple, on répète le mode opératoire de l'exemple 6, mais le ruthénium
provient d'une suspension de Ru(OH)₃ dans la même solution de nitrate d'uranyle qui
a été portée à 102°C pendant 40h puis refroidie. Dans ces conditions, la fraction
de ruthénium dissous est de 97,3%.
Exemple 8.
[0033] Dans cet exemple, on répète le mode opératoire de l'exemple 1, mais en utilisant
8,9 mg de ruthénium métallique en poudre. Dans ces conditions, la fraction de ruthénium
dissous est de 99,92%.
[0034] Les résultats des exemples 1, 6 et 7 montrent ainsi que seul le réactif de l'invention
permet d'obtenir une dissolution importante du ruthénium.
Exemple 9 et 10.
[0035] Dans ces exemples, on utilise le procédé de l'invention pour décontaminer des tôles
d'acier inoxydable 316L contaminées par du ruthénium en utilisant pour la dissolution
du ruthénium une solution à 25 g/l de peroxydisulfate de potassium dans de la soude
8N et en réalisant deux applications successives de ce réactif sur les tôles pendant
une durée de 1 heure. En fin de traitement, on effectue un rinçage par de l'acide
sulfurique 1N. Dans l'exemple 9, les tôles sont des tôles d'acier 316L brutes de laminage,
alors que dans l'exemple 10, il s'agit de tôles d'acier 316L décapées et passivées.
[0036] En fin de traitement, on détermine le facteur de décontamination F
D en ruthénium qui correspond au rapport des activités surfaciques du ruthénium radioactif
avant et après le traitement de décontamination ainsi que la perte d'épaisseur des
tôles en micromètres. Les résultats obtenus sont donnés dans le tableau II.
[0037] Au vu de ces résultats, on constate que l'on obtient un bon facteur de décontamination
en ruthénium sans qu'il se produise un décapage notable de la surface des pièces.

1. Procédé de décontamination d'un matériau solide contaminé par un ou plusieurs éléments
radioactifs contaminants choisis parmi les métaux du groupe du platine, les alliages
comportant un métal du groupe du platine et les composés des métaux du groupe du platine,
caractérisé en ce qu'il consiste à appliquer sur ledit matériau un réactif constitué
par une solution d'hydroxyde de métal alcalin et de peroxydisulfate de métal alcalin,
de façon à dissoudre sélectivement le ou lesdits éléments contaminants sans attaquer
de façon appréciable le matériau solide à décontaminer.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'hydroxyde de métal alcalin
est la soude.
3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que
le peroxydisulfate de métal alcalin est du peroxydisulfate de potassium.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
la concentration en peroxydisulfate de métal alcalin de la solution est de 10 à 25
g/l.
5. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que
la concentration en hydroxyde de métal alcalin de ladite solution est de 6 à 8 N.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que
l'on soumet ensuite le matériau solide à un lavage au moyen d'une solution de lavage
capable de dissoudre les résidus de décomposition du peroxydisulfate de métal alcalin.
7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que la solution de lavage est
de l'acide sulfurique dilué.
8. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que
l'élément contaminant comprend du ruthénium -106, un alliage de ruthénium -106 ou
un composé de ruthénium -106.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que
le matériau solide est un acier inoxydable.