[0001] La présente invention concerne un absorbeur métallique de radiations nucléaires,
plus particulièrement un absorbeur comprenant un alliage métallique à base de cuivre
contenant de 0,05 à 50% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.
[0002] L'utilisation de plus en plus répandue de l'énergie nucléaire dans le monde et le
développement des techniques nucléaires en général nécessitent des solutions de protection
contre les radiations nucléaires (centrales nucléaires, transport et stockage des
déchets radioactifs, machines nucléaires...). Il est alors de première importance
et de première nécessité de concevoir et fabriquer des absorbeurs de radiations efficaces
et compétitifs.
[0003] Les matériaux d'absorption doivent répondre aux critères suivants:
- En premier lieu, posséder des propriétés nucléaires spécifiques: grande section
efficace de capture neutronique, faible émission de rayonnement secondaire, bonne
stabilité dans le temps par rapport aux rayonnements.
- Avoir un point de fusion élevé pour supporter l'échauffement engendré par l'absorption
des rayonnements, et notamment des flux neutroniques.
- Etre bon conducteur de la chaleur pour faciliter le refroidissement vers l'extérieur.
- Chaleur résiduelle pas trop importante (se dégageant sous forme de rayonnement après
l'arrêt).
- Résistance mécanique suffisamment grande.
- Résistance à la corrosion par rapport au réfrigérant ou dans l'atmosphère de travail.
- Présenter une bonne stabilité par rapport à la chaleur et au rayonnement.
- Coût compétitif, tant sur le plan de la matière première que dans la mise en oeuvre.
[0004] Tous les éléments absorbent plus ou moins les radiations nucléaires, mais ceux qui
ont les propriétés neutrophages les plus marquantes sont: le cadmium, le bore, l'europium,
le hafnium, le gadolinium, le samarium et le dysprosium.
[0005] Le cadmium a l'inconvénient d'être un produit très toxique pour l'organisme humain
et son utilisation est strictement interdite dans de nombreux pays. De plus, son point
de fusion (321°) et sa température d'ébullition (761°C) sont très bas: sa résistance
à la corrosion en milieu aqueux est très mauvaise.
[0006] L'europium et le dysprosium, bien qu'ayant une grande section efficace de capture,
donnent lieu à des applications très limitées étant donné leur prix très élevé.
[0007] Le hafnium a des propriétés d'absorption très inférieures au bore pour les neutrons
thermiques et épithermiques, son coût est élevé et sa mise en oeuvre délicate à cause
de son oxydabilité.
[0008] Le gadolinium présente dans le spectre de neutrons thermiques la section efficace
de capture la plus élevée de tous les absorbeurs connus. On peut observer que, par
exemple, pour des neutrons d'énergie initiale de 10⁻¹ à 10⁻³ Electronvolts, sa section
efficace de capture est environ 100 fois plus élevée que celle du bore. Malheureusement,
dans la zone des neutrons épithermiques et des neutrons lents (énergie de 0,3 à 10²
Electronvolts), les propriétés d'absorption sont très diminuées comparativement au
bore.
[0009] L'oxyde de gadolinium est déjà utilisé depuis de nombreuses années dans diverses
installations nucléaires où, mélangé au combustible, il joue le rôle de modérateur.
Mais son application à la confection d'absorbeurs de radiations pose des problèmes.
En effet, l'oxyde, généralement disponible sous forme de poudre, doit être mélangé
à d'autres produits en utilisant des technologies très complexes, et les mauvaises
propriétés mécaniques rendent son application, lors de la réalisation d'absorbeurs
de forme complexe, à la fois délicate et coûteuse. De plus, cet oxyde a une mauvaise
conductibilité thermique et sa capacité d'absorption est relativement réduite par
rapport à celle du gadolinium élémentaire.
[0010] Le samarium présente des propriétés neutrophages intéressantes, intermédiaires entre
le bore et le gadolinium pour les neutrons thermiques, supérieures au bore et au gadolinium
pour les neutrons intermédiaires et rapides. Toutefois, deux zones de faiblesse d'absorption
subsistent par rapport au bore, la première entre 1 et 5eY et la deuxième entre 30
et 40 eV.
[0011] Le matériau absorbeur le plus répandu et le plus connu pour les calculs de criticité
est sans conteste possible le bore, qui est utilisé sous différentes formes: bore
élémentaire, borures (d'aluminium, de chrome, de hafnium, de molybdène, de niobium,
de tantale, de titane, de tungstène, de vanadium, de zirconium...), de carbures de
bore, oxyde de bore B₂O₃, de nitrure de bore, d'acide borique, de borax, etc. La
mise en oeuvre de tous les matériaux actuellement disponibles sur le marché à base
de bore est délicate: le bore élémentaire a de mauvaises propriétés mécaniques, sa
conductibilité thermique est faible (32 W/m°K); il est hautement oxydable à haute
température et sa résistance à la corrosion est mauvaise; il faut alors l'insérer
sous forme de composés chimiques définis dans diverses matrices, et ces matériaux
composites posent des problèmes d'homogénéité et sont délicats de mise en oeuvre.
[0012] C'est pourquoi le demandeur, conscient de l'intérêt de l'élément bore pour l'absorption
des radiations nucléaires, et notamment des neutrons, mais aussi des problèmes engendrés
par les matériaux à base de bore existants sur le marché, a cherché et trouvé des
moyens de l'allier à une autre matière métallique pour en faire un absorbeur de radiations
nucléaires présentant toutes les qualités citées en introduction.
[0013] Ce nouvel absorbeur est caractérisé essentiellement par le fait qu'il comprend un
alliage métallique à base de cuivre, avec des teneurs en bore pouvant aller de 0,05%
en poids à 50% en poids par rapport au poids total de l'alliage. Au-dessous de 0,05%
en poids de bore, l'effet neutrophage s'avère trop réduit, et au-delà de 50% de bore,
la mise en oeuvre est très difficile et les propriétés mécaniques médiocres. De préférence,
on se situera dans une fourchette allant de 0,05% à 10% de bore en poids. Cette fourchette,
sans être exclusive, présente les meilleurs compromis de propriétés technologiques
et de mise en oeuvre.
[0014] Dans le bore à l'état naturel, coexistent deux isotopes: le bore 10 et le bore 11.
La proportion naturelle de bore 10 dans le bore naturel est de 18,6% en poids (19,6%
en pourcentage atomique), et seul l'isotope 10 capte les neutrons. Or, on trouve sur
le marché du bore enrichi en isotope 10 (le pourcentage d'enrichissement peut aller
jusqu'à 96%), et les deux isotopes (10 et 11) ont exactement les mêmes propriétés
chimiques; ceci revient à dire que l'on pourra utiliser de la même façon, pour la
fabrication de barrières neutroniques faisant l'objet du présent brevet, du bore enrichi
(à n'importe quel taux d'enrichissement) ou du bore naturel.
[0015] Dans ces absorbeurs cuivre-bore, les propriétés d'absorption seront définies par
la masse relative de bore naturel et plus spécialement de bore 10 présent dans l'alliage;
en effet, la capacité d'absorption d'un élément est définie par sa section efficace
de capture neutronique, exprimée en BARN. A partir de cette section efficace

, on peut obtenir un coefficient d'absorption µ grâce à la relation:
µ = PN

µ est exprimé en cm⁻¹
P est la masse volumique du matériau en g/cm3
N est la masse atomique en g

est la section efficace de capture en cm2
A est le nombre d'Avogadro.
[0016] Pour un élément qui comporte plusieurs isotopes stables d'abondances relatives ϑ,
on utilise alors la formula:

[0017] Pour calculer le coefficient d'absorption d'un alliage, il faut tenir compte de tous
les éléments d'addition présents et utiliser alors la formule:

[0018] Dans le cas des alliages cuivre-bore, le coefficient d'absorption sera directement
fonction du pourcentage pondéral de
bore 10. Ce pourcentage sera défini dans la pratique en fonction des propriétés d'absorption
recherchées.
[0019] Pour en revenir aux alliages cuivre-bore en eux-mêmes, il faut signaler que le cuivre
utilisé peut être pur ou allié avec n'importe quels autres éléments d'addition qui
vont permettre de renforcer les propriétés mécaniques des absorbeurs ou de modifier
leurs propriétés technologiques (facilité de mise en oeuvre, résistance à la corrosion,
usinabilité, soudabilité...). De même, parmi tous les éléments d'addition autres
que le cuivre et le bore, pourront être ajoutés d'autres éléments neutrophages tels
que le gadolinium, le samarium, l'europium, le hafnium, le cadmium, le lithium, le
dysprosium... où pourront être insérées des fibres (en alumine, en carbure de Si,
en bore, en carbone...).
[0020] Les alliages cuivre-bore, contrairement à la majorité des produits borés actuellement
disponibles, présentent une très bonne facilité de mise en oeuvre par l'un au moins
des procédés de fabrication choisis parmi le moulage, que ce soit en sable, en coquille,
sous basse ou haute pression, le laminage à chaud ou à froid, l'extrusion, le forgeage,
le formage sous vide...
[0021] Ces alliages donnent des structures parfaitement homogènes avec des sections efficaces
de capture neutroni ques très régulières. La densité des mélanges va varier en fonction
de la teneur en bore. Le tableau 1 donne des valeurs estimées de densité pour différentes
compositions:

[0022] En ce qui concerne la conductibilité thermique, elle va être très variable en fonction
des alliages finalement retenus pour la fabrication des absorbeurs: la conductibilité
thermique du cuivre pur est de 394 W/m°K, celle du bore de 32 W/m°K. La conductibilité
thermique du cuivre va être influencée par la teneur en bore et par les autres éléments
d'addition qui seront introduits pour l'amélioration éventuelle des propriétés mécaniques,
technologiques ou d'absorption. Cette notion de conductibilité thermique est importante
et va fortement influencer le choix de la composition optimale recherchée pour le
matériau absorbeur, car toute absorption de radiation (et spécialement la capture
neutronique) s'accompagne d'un dégagement de chaleur qu'il faudra évacuer des parties
chaudes vers les parties froides aussi rapidement que possible. On remarquera que
de ce point de vue la matrice cuivre est particulièrement bien placée.
[0023] La masse atomique du cuivre (63,5g) est élevée, et les absorbeurs cuivre-bore seront
particulièrement efficaces contre les radiations γ et X, le bore, lui, captant très
bien les neutrons, mais peu les autres radiations.
[0024] Le point de début de fusion des alliages Cu-B se situe à 1013 degrés Celsius. Cette
température élevée permet aux alliages de supporter sans problème l'échauffement provoqué
par l'absorption des neutrons ou d'autres rayonnements. L'intervalle de solidification
est variable en fonction de la composition, comme l'indique le tableau 2.

[0025] La résistance à la corrosion, d'une manière générale, n'est pas ou peu affectée par
la présence du bore jusqu'à 10% en poids, et les propriétés de corrosion vont essentiellement
dépendre de la matrice cuivre utilisée. La tenue à la corrosion de cette matrice sera
améliorée par des additions d'éléments tels que le chrome, le nickel, l'aluminium,
l'étain, etc.
[0026] A haute température, la matrice cuivre peut poser des problèmes car le cuivre s'oxyde
à partir de 250°C, et l'oxyde de cuivre est soluble dans le cuivre. Pour les hautes
températures, il est donc nécessaire d'utiliser un élément d'addition supplémentaire
qui va donner à la matrice une bonne tenue à l'oxydation. Ce sera par exemple le chrome,
le nickel, l'aluminium...
[0027] Aux basses températures, les alliages cuivre-bore ne présentent aucun signe de fragilisation.
[0028] Les absorbeurs de radiations, comme nous l'avons dit en introduction, doivent présenter
des propriétés mécaniques élevées et aussi stables que possible à hautes températures.
Un bon compromis devra être trouvé entre les valeurs de résistance mécanique, de conductibilité
thermi que, des caractéristiques nucléaires et des possibilités de mise en oeuvre.
A titre d'exemple, le tableau 3 montre les propriétés mécaniques d'un alliage à 0,5%
de chrome et à 2% de bore.

[0029] L'usinage et le soudage des alliages Cu-B alliés ou non à d'autre éléments conventionnels
ne posent pas de problèmes particuliers, et toutes les techniques couramment utilisées
pour ce type de matrices métalliques conviennent.
[0030] A titre d'exemples d'application, on peut citer: les paniers de transport et de stockage
de déchets nucléaires, les racks de piscine pour le stockage des éléments combustibles
de réacteurs nucléaires, le blindage d'installations de décontamination, les abris
anti-atomiques et les protections nucléaires en général, les éléments de réacteurs
nucléaires, le blindage d'appareils de contrôle utilisant des rayonnements ou des
sources radioactives, le blindage de boîtiers électroniques, etc.
Préparation d'un alliage absorbeur de radiations nucléaires Cu-B 1,2-Cr 0,6
[0031] Le bore étant un métal fortement réducteur et très réactif vis-à-vis de l'oxygène
de l'air, il convient de prendre des précautions particulières lors de la préparation
de tels alliages.
[0032] L'une des possibilités recommandées est définie comme suit: on utilise du bore métallique
en morceaux, du cuivre pur sous forme de lingot et du chrome pur sous forme de grenaille.
Les morceaux de bore métallique (120 grammes) sont placés dans un creuset de graphite,
puis on y ajoute le chrome (60 grammes) et le cuivre (9820 grammes) et l'on place
le creuset dans un four à chauffage électrique ou à chauffage par induction. On place
ensuite, au-dessus de la masse de cuivre, un biscuit de graphite dont le diamètre
est légèrement inférieur au diamètre interne du creuset.
[0033] Le mélange est premièrement chauffé à 600°C durant 1 heure, sous un vide de l à 2
millibars, afin de sécher l'enceinte du four et les éléments métalliques introduits
dans ce creuset. La température est ensuite portée à 1220°C, toujours sous un vide
de 1-2 millibars. Lorsque les lingots de cuivre ont fondu, les morceaux de bore solide
dont la densité est nettement inférieure à celle du cuivre, ont tendance à aller à
la surface du bain de cuivre liquide. Sous l'effet du biscuit de graphite flottant
à la surface du bain métallique liquide, les morceaux de bore métallique restent immergés
et se dissolvent d'autant plus rapidement dans la masse de cuivre liquide. La température
de 1220°C est maintenue durant 3 à 4 heures, jusqu'à dissolution complète du bore.
[0034] Le four est ensuite ouvert, le biscuit de graphite ôté et la surface du bain métallique
liquide débarrassée des produits surnageant. Le contenu du creuset est alors versé
dans un moule, tel un moule métallique, un moule de sable, un moule en céramique ou
un moule à lingot. L'aptitude à la coulée d'un tel alliage est remarquable.
[0035] Une fois la préforme obtenue par moulage ou la mise en lingot, l'alliage obtenu peut
être mis dans sa forme définitive à l'aide des techniques de transformation usuelles,
telles l'usinage, le forgeage, le laminage ou l'extrusion.
1. Absorbeur métallique de radiations nucléaires, caractérisé en ce qu'il comprend
un alliage métallique à base de cuivre contenant de 0,05 à 50% en poids de bore par
rapport au poids total de l'alliage.
2. Absorbeur métallique selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'alliage
métallique contient de 0,05 à 10% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.
3. Absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce
que l'alliage métallique contient du bore naturel ou du bore enrichi en isotope 10.
4. Absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
l'alliage métallique contient du cuivre pur ou du cuivre allié à un ou plusieurs éléments
métalliques additionnels destinés à renforcer ou améliorer les propriétés mécaniques,
physiques ou technologiques de l'absorbeur.
5. Absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que
l'alliage métallique contient un ou plusieurs éléments métalliques neutrophages additionnels.
6. Absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que
l'alliage métallique contient des fibres, telles des fibres d'alumine, de carbure
de silicium, de bore ou de carbone par exemple.
7. Absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que
l'alliage métallique contient un ou plusieurs éléments métalliques additionnels destinés
à renforcer ou améliorer la résistance à la corrosion de l'absorbeur.
8. Utilisation de l'absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 7 pour
l'absorption de radiations nucléaires, en particulier les neutrons et les rayonnements
γ et X.