(19)
(11) EP 0 255 484 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
03.02.1988  Bulletin  1988/05

(21) Numéro de dépôt: 87810420.7

(22) Date de dépôt:  27.07.1987
(51) Int. Cl.4C22C 9/00, G21F 1/02
(84) Etats contractants désignés:
DE ES FR GB IT

(30) Priorité: 30.07.1986 CH 3054/86

(71) Demandeur: Planchamp, Claude
F-60500 Chantilly (FR)

(72) Inventeur:
  • Planchamp, Claude
    F-60500 Chantilly (FR)

(74) Mandataire: Vuille, Roman et al
c/o KIRKER & Cie S.A. 14, rue du Mont-Blanc Case Postale 1736
1211 Genève 1
1211 Genève 1 (CH)


(56) Documents cités: : 
   
       


    (54) Absorbeur de radiations nucléaires


    (57) L'absorbeur métallique de radiations nucléaires comprend un alliage métallique à base de cuivre contenant de 0,05 à 50% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage, de préférence de 0,05 à 10% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.
    Il peut en outre contenir des éléments addition­nels tels qu'éléments neutrophages, éléments renforçateurs des propriétés physiques, mécaniques, technologiques, des fibres ou des éléments anti-corrosion.
    Il peut être notamment utilisé pour absorber des neutrons et des rayonnements γ et X.


    Description


    [0001] La présente invention concerne un absorbeur métallique de radiations nucléaires, plus particulièrement un absorbeur comprenant un alliage métallique à base de cuivre contenant de 0,05 à 50% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.

    [0002] L'utilisation de plus en plus répandue de l'éner­gie nucléaire dans le monde et le développement des techni­ques nucléaires en général nécessitent des solutions de protection contre les radiations nucléaires (centrales nucléaires, transport et stockage des déchets radioactifs, machines nucléaires...). Il est alors de première importance et de première nécessité de concevoir et fabriquer des absorbeurs de radiations efficaces et compétitifs.

    [0003] Les matériaux d'absorption doivent répondre aux critères suivants:
    - En premier lieu, posséder des propriétés nucléaires spéci­fiques: grande section efficace de capture neutronique, faible émission de rayonnement secondaire, bonne stabilité dans le temps par rapport aux rayonnements.
    - Avoir un point de fusion élevé pour supporter l'échauffe­ment engendré par l'absorption des rayonnements, et notam­ment des flux neutroniques.
    - Etre bon conducteur de la chaleur pour faciliter le refroidissement vers l'extérieur.
    - Chaleur résiduelle pas trop importante (se dégageant sous forme de rayonnement après l'arrêt).
    - Résistance mécanique suffisamment grande.
    - Résistance à la corrosion par rapport au réfrigérant ou dans l'atmosphère de travail.
    - Présenter une bonne stabilité par rapport à la chaleur et au rayonnement.
    - Coût compétitif, tant sur le plan de la matière première que dans la mise en oeuvre.

    [0004] Tous les éléments absorbent plus ou moins les radiations nucléaires, mais ceux qui ont les propriétés neutrophages les plus marquantes sont: le cadmium, le bore, l'europium, le hafnium, le gadolinium, le samarium et le dysprosium.

    [0005] Le cadmium a l'inconvénient d'être un produit très toxique pour l'organisme humain et son utilisation est strictement interdite dans de nombreux pays. De plus, son point de fusion (321°) et sa température d'ébullition (761°C) sont très bas: sa résistance à la corrosion en milieu aqueux est très mauvaise.

    [0006] L'europium et le dysprosium, bien qu'ayant une grande section efficace de capture, donnent lieu à des applications très limitées étant donné leur prix très élevé.

    [0007] Le hafnium a des propriétés d'absorption très inférieures au bore pour les neutrons thermiques et épi­thermiques, son coût est élevé et sa mise en oeuvre délicate à cause de son oxydabilité.

    [0008] Le gadolinium présente dans le spectre de neutrons thermiques la section efficace de capture la plus élevée de tous les absorbeurs connus. On peut observer que, par exem­ple, pour des neutrons d'énergie initiale de 10⁻¹ à 10⁻³ Electronvolts, sa section efficace de capture est environ 100 fois plus élevée que celle du bore. Malheureusement, dans la zone des neutrons épithermiques et des neutrons lents (énergie de 0,3 à 10² Electronvolts), les propriétés d'absorption sont très diminuées comparativement au bore.

    [0009] L'oxyde de gadolinium est déjà utilisé depuis de nombreuses années dans diverses installations nucléaires où, mélangé au combustible, il joue le rôle de modérateur. Mais son application à la confection d'absorbeurs de radiations pose des problèmes. En effet, l'oxyde, généralement dispo­nible sous forme de poudre, doit être mélangé à d'autres produits en utilisant des technologies très complexes, et les mauvaises propriétés mécaniques rendent son application, lors de la réalisation d'absorbeurs de forme complexe, à la fois délicate et coûteuse. De plus, cet oxyde a une mauvaise conductibilité thermique et sa capacité d'absorption est relativement réduite par rapport à celle du gadolinium élé­mentaire.

    [0010] Le samarium présente des propriétés neutrophages intéressantes, intermédiaires entre le bore et le gadolinium pour les neutrons thermiques, supérieures au bore et au gadolinium pour les neutrons intermédiaires et rapides. Toutefois, deux zones de faiblesse d'absorption subsistent par rapport au bore, la première entre 1 et 5eY et la deuxième entre 30 et 40 eV.

    [0011] Le matériau absorbeur le plus répandu et le plus connu pour les calculs de criticité est sans conteste possible le bore, qui est utilisé sous différentes formes: bore élémentaire, borures (d'aluminium, de chrome, de hafnium, de molybdène, de niobium, de tantale, de titane, de tungstène, de vanadium, de zirconium...), de carbures de bore, oxyde de bore B₂O₃, de nitrure de bore, d'acide bori­que, de borax, etc. La mise en oeuvre de tous les matériaux actuellement disponibles sur le marché à base de bore est délicate: le bore élémentaire a de mauvaises propriétés mécaniques, sa conductibilité thermique est faible (32 W/m°K); il est hautement oxydable à haute température et sa résistance à la corrosion est mauvaise; il faut alors l'insérer sous forme de composés chimiques définis dans diverses matrices, et ces matériaux composites posent des problèmes d'homogénéité et sont délicats de mise en oeuvre.

    [0012] C'est pourquoi le demandeur, conscient de l'inté­rêt de l'élément bore pour l'absorption des radiations nucléaires, et notamment des neutrons, mais aussi des pro­blèmes engendrés par les matériaux à base de bore existants sur le marché, a cherché et trouvé des moyens de l'allier à une autre matière métallique pour en faire un absorbeur de radiations nucléaires présentant toutes les qualités citées en introduction.

    [0013] Ce nouvel absorbeur est caractérisé essentielle­ment par le fait qu'il comprend un alliage métallique à base de cuivre, avec des teneurs en bore pouvant aller de 0,05% en poids à 50% en poids par rapport au poids total de l'alliage. Au-dessous de 0,05% en poids de bore, l'effet neutrophage s'avère trop réduit, et au-delà de 50% de bore, la mise en oeuvre est très difficile et les propriétés mécaniques médiocres. De préférence, on se situera dans une fourchette allant de 0,05% à 10% de bore en poids. Cette fourchette, sans être exclusive, présente les meilleurs compromis de propriétés technologiques et de mise en oeuvre.

    [0014] Dans le bore à l'état naturel, coexistent deux isotopes: le bore 10 et le bore 11. La proportion naturelle de bore 10 dans le bore naturel est de 18,6% en poids (19,6% en pourcentage atomique), et seul l'isotope 10 capte les neutrons. Or, on trouve sur le marché du bore enrichi en isotope 10 (le pourcentage d'enrichissement peut aller jus­qu'à 96%), et les deux isotopes (10 et 11) ont exactement les mêmes propriétés chimiques; ceci revient à dire que l'on pourra utiliser de la même façon, pour la fabrication de barrières neutroniques faisant l'objet du présent brevet, du bore enrichi (à n'importe quel taux d'enrichissement) ou du bore naturel.

    [0015] Dans ces absorbeurs cuivre-bore, les propriétés d'absorption seront définies par la masse relative de bore naturel et plus spécialement de bore 10 présent dans l'alliage; en effet, la capacité d'absorption d'un élément est définie par sa section efficace de capture neutronique, exprimée en BARN. A partir de cette section efficace

    , on peut obtenir un coefficient d'absorption µ grâce à la relation:
    µ = PN


    µ est exprimé en cm⁻¹
    P est la masse volumique du matériau en g/cm3
    N est la masse atomique en g


    est la section efficace de capture en cm2
    A est le nombre d'Avogadro.

    [0016] Pour un élément qui comporte plusieurs isotopes stables d'abondances relatives ϑ, on utilise alors la formula:



    [0017] Pour calculer le coefficient d'absorption d'un alliage, il faut tenir compte de tous les éléments d'addi­tion présents et utiliser alors la formule:



    [0018] Dans le cas des alliages cuivre-bore, le coeffi­cient d'absorption sera directement fonction du pourcentage pondéral de bore 10. Ce pourcentage sera défini dans la pratique en fonction des propriétés d'absorption recher­chées.

    [0019] Pour en revenir aux alliages cuivre-bore en eux-­mêmes, il faut signaler que le cuivre utilisé peut être pur ou allié avec n'importe quels autres éléments d'addition qui vont permettre de renforcer les propriétés mécaniques des absorbeurs ou de modifier leurs propriétés technologiques (facilité de mise en oeuvre, résistance à la corrosion, usinabilité, soudabilité...). De même, parmi tous les élé­ments d'addition autres que le cuivre et le bore, pourront être ajoutés d'autres éléments neutrophages tels que le gadolinium, le samarium, l'europium, le hafnium, le cadmium, le lithium, le dysprosium... où pourront être insérées des fibres (en alumine, en carbure de Si, en bore, en car­bone...).

    [0020] Les alliages cuivre-bore, contrairement à la majorité des produits borés actuellement disponibles, présentent une très bonne facilité de mise en oeuvre par l'un au moins des procédés de fabrication choisis parmi le moulage, que ce soit en sable, en coquille, sous basse ou haute pression, le laminage à chaud ou à froid, l'extrusion, le forgeage, le formage sous vide...

    [0021] Ces alliages donnent des structures parfaitement homogènes avec des sections efficaces de capture neutroni­ ques très régulières. La densité des mélanges va varier en fonction de la teneur en bore. Le tableau 1 donne des valeurs estimées de densité pour différentes compositions:



    [0022] En ce qui concerne la conductibilité thermique, elle va être très variable en fonction des alliages finalement retenus pour la fabrication des absorbeurs: la conductibilité thermique du cuivre pur est de 394 W/m°K, celle du bore de 32 W/m°K. La conductibilité thermique du cuivre va être influencée par la teneur en bore et par les autres éléments d'addition qui seront introduits pour l'amélioration éventuelle des propriétés mécaniques, tech­nologiques ou d'absorption. Cette notion de conductibilité thermique est importante et va fortement influencer le choix de la composition optimale recherchée pour le matériau absorbeur, car toute absorption de radiation (et spéciale­ment la capture neutronique) s'accompagne d'un dégagement de chaleur qu'il faudra évacuer des parties chaudes vers les parties froides aussi rapidement que possible. On remarquera que de ce point de vue la matrice cuivre est particulière­ment bien placée.

    [0023] La masse atomique du cuivre (63,5g) est élevée, et les absorbeurs cuivre-bore seront particulièrement effi­caces contre les radiations γ et X, le bore, lui, captant très bien les neutrons, mais peu les autres radiations.

    [0024] Le point de début de fusion des alliages Cu-B se situe à 1013 degrés Celsius. Cette température élevée permet aux alliages de supporter sans problème l'échauffement pro­voqué par l'absorption des neutrons ou d'autres rayonne­ments. L'intervalle de solidification est variable en fonction de la composition, comme l'indique le tableau 2.



    [0025] La résistance à la corrosion, d'une manière générale, n'est pas ou peu affectée par la présence du bore jusqu'à 10% en poids, et les propriétés de corrosion vont essentiellement dépendre de la matrice cuivre utilisée. La tenue à la corrosion de cette matrice sera améliorée par des additions d'éléments tels que le chrome, le nickel, l'alumi­nium, l'étain, etc.

    [0026] A haute température, la matrice cuivre peut poser des problèmes car le cuivre s'oxyde à partir de 250°C, et l'oxyde de cuivre est soluble dans le cuivre. Pour les hautes températures, il est donc nécessaire d'utiliser un élément d'addition supplémentaire qui va donner à la matrice une bonne tenue à l'oxydation. Ce sera par exemple le chrome, le nickel, l'aluminium...

    [0027] Aux basses températures, les alliages cuivre-bore ne présentent aucun signe de fragilisation.

    [0028] Les absorbeurs de radiations, comme nous l'avons dit en introduction, doivent présenter des propriétés mécaniques élevées et aussi stables que possible à hautes températures. Un bon compromis devra être trouvé entre les valeurs de résistance mécanique, de conductibilité thermi­ que, des caractéristiques nucléaires et des possibilités de mise en oeuvre. A titre d'exemple, le tableau 3 montre les propriétés mécaniques d'un alliage à 0,5% de chrome et à 2% de bore.



    [0029] L'usinage et le soudage des alliages Cu-B alliés ou non à d'autre éléments conventionnels ne posent pas de problèmes particuliers, et toutes les techniques couramment utilisées pour ce type de matrices métalliques conviennent.

    [0030] A titre d'exemples d'application, on peut citer: les paniers de transport et de stockage de déchets nucléai­res, les racks de piscine pour le stockage des éléments combustibles de réacteurs nucléaires, le blindage d'instal­lations de décontamination, les abris anti-atomiques et les protections nucléaires en général, les éléments de réacteurs nucléaires, le blindage d'appareils de contrôle utilisant des rayonnements ou des sources radioactives, le blindage de boîtiers électroniques, etc.

    Préparation d'un alliage absorbeur de radiations nucléaires Cu-B 1,2-Cr 0,6



    [0031] Le bore étant un métal fortement réducteur et très réactif vis-à-vis de l'oxygène de l'air, il convient de prendre des précautions particulières lors de la préparation de tels alliages.

    [0032] L'une des possibilités recommandées est définie comme suit: on utilise du bore métallique en morceaux, du cuivre pur sous forme de lingot et du chrome pur sous forme de grenaille. Les morceaux de bore métallique (120 grammes) sont placés dans un creuset de graphite, puis on y ajoute le chrome (60 grammes) et le cuivre (9820 grammes) et l'on place le creuset dans un four à chauffage électrique ou à chauffage par induction. On place ensuite, au-dessus de la masse de cuivre, un biscuit de graphite dont le diamètre est légèrement inférieur au diamètre interne du creuset.

    [0033] Le mélange est premièrement chauffé à 600°C durant 1 heure, sous un vide de l à 2 millibars, afin de sécher l'enceinte du four et les éléments métalliques introduits dans ce creuset. La température est ensuite portée à 1220°C, toujours sous un vide de 1-2 millibars. Lorsque les lingots de cuivre ont fondu, les morceaux de bore solide dont la densité est nettement inférieure à celle du cuivre, ont tendance à aller à la surface du bain de cuivre liquide. Sous l'effet du biscuit de graphite flottant à la surface du bain métallique liquide, les morceaux de bore métallique restent immergés et se dissolvent d'autant plus rapidement dans la masse de cuivre liquide. La température de 1220°C est maintenue durant 3 à 4 heures, jusqu'à dissolution complète du bore.

    [0034] Le four est ensuite ouvert, le biscuit de graphite ôté et la surface du bain métallique liquide débarrassée des produits surnageant. Le contenu du creuset est alors versé dans un moule, tel un moule métallique, un moule de sable, un moule en céramique ou un moule à lingot. L'aptitude à la coulée d'un tel alliage est remarquable.

    [0035] Une fois la préforme obtenue par moulage ou la mise en lingot, l'alliage obtenu peut être mis dans sa forme définitive à l'aide des techniques de transformation usuel­les, telles l'usinage, le forgeage, le laminage ou l'extru­sion.


    Revendications

    1. Absorbeur métallique de radiations nucléaires, caractérisé en ce qu'il comprend un alliage métallique à base de cuivre contenant de 0,05 à 50% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.
     
    2. Absorbeur métallique selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient de 0,05 à 10% en poids de bore par rapport au poids total de l'alliage.
     
    3. Absorbeur métallique selon l'une des revendi­cations 1 et 2, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient du bore naturel ou du bore enrichi en isotope 10.
     
    4. Absorbeur métallique selon l'une des revendi­cations 1 à 3, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient du cuivre pur ou du cuivre allié à un ou plusieurs éléments métalliques additionnels destinés à renforcer ou améliorer les propriétés mécaniques, physiques ou techno­logiques de l'absorbeur.
     
    5. Absorbeur métallique selon l'une des revendi­cations 1 à 4, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient un ou plusieurs éléments métalliques neutrophages additionnels.
     
    6. Absorbeur métallique selon l'une des revendi­cations 1 à 5, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient des fibres, telles des fibres d'alumine, de carbure de silicium, de bore ou de carbone par exemple.
     
    7. Absorbeur métallique selon l'une des revendi­cations 1 à 6, caractérisé en ce que l'alliage métallique contient un ou plusieurs éléments métalliques additionnels destinés à renforcer ou améliorer la résistance à la corro­sion de l'absorbeur.
     
    8. Utilisation de l'absorbeur métallique selon l'une des revendications 1 à 7 pour l'absorption de radia­tions nucléaires, en particulier les neutrons et les rayonnements γ et X.
     





    Rapport de recherche