[0001] Les matériaux neutrophages, qui sont couramment utilisés dans l'industrie nucléaire,
ont pour fonction d'absorber les neutrons produits au cours de réactions atomiques
et d'assurer une protection du personnel et de l'environnement contre ces rayonnements.
[0002] On utilise généralement le bore pour réaliser ces matériaux neutrophages. Il est
souhaitable que la quantité de ce métal utilisée ne soit pas excessivement importante
étant donné son prix élevé.
[0003] En outre, un matériau neutrophage devrait présenter une grande légèreté afin de ne
pas alourdir les structures, particulièrement si celles-ci sont transportables, comme
un château de protection qui doit circuler par la route ou par voie ferrée.
[0004] Enfin, un matériau neutrophage devrait présenter une bonne résistance à la corrosion
étant donné que pour certaines applications, comme les dissolveurs chimiques utilisés
pour le retraitement de combustibles irradiés, les matériaux neutrophages sont en
contact avec de l'acide nitrique bouillant.
[0005] L'invention concerne précisément un matériau composite neutrophage constitué d'une
matrice, par exemple métallique, à l'intérieur de laquelle on a dispersé un élément
dispersoïde présentant de bonnes propriétés d'absorption des neutrons.
[0006] On connaît déjà des procédés permettant de réaliser un matériau composite par frittage.
[0007] A titre d'exemple, l'article "The mechanism of mechanical alloying" (J.S. Benjamin
et T.E. Volin) paru dans la revue Metallurgical Transactions, vol. 5, août 1974, pp.
1929-1934 décrit un procédé d'incrustation qui permet de produire un matériau composite
par la dispersion d'une phase insoluble constituée par exemple d'oxydes réfractaires
et l'addition d'éléments tels que l'aluminium et le titane. La dispersion des éléments
se produit par des soudures à froid et des fractures répétées des particules de poudre
libre. Afin d'obtenir une faible distance entre les particules, la granulométrie de
la poudre est choisie dans un intervalle de très faible granulométrie (diamètre inférieur
à 50 microns). Cette technique permet ainsi d'incorporer des particules durcissantes
microniques au sein des grains de poudre avant frittage. Cette technique permet en
particulier de stabiliser l'homogénéité du mélange avant toute manipulation des lots
de poudre.
[0008] Toutefois, dans le cas de l'élaboration d'un matériau neutrophage composite par frittage,
les propriétés de résistance au fluage et les caractéristiques de fatigue ne sont
pas essentielles. La réalisation d'un réseau de phase dispersée avec une maille de
diamètre compris entre 100 et 1000 microns est suffisante pour cette application.
Par suite, le procédé exposé ci-dessus est inutilement complexe et coûteux.
[0009] On connaît par ailleurs (FR-A-2 359 665 - C.E.A.-) un procédé de fabrication de pièces
en nickel ou en alliage de nickel par métallurgie des poudres. On dépose une couche
de Ni₃P sur une poudre de nickel ou d'alliage de nickel, on fritte sous charge la
poudre ainsi revêtue à une température comprise entre 1000 et 1200°C sous une pression
supérieure à 300 bars pendant une durée au plus égale à une heure de manière à obtenir
une structure dite "en collier" correspondant à une structure hétérogène du matériau
présentant de gros grains entourés et soudés entre eux par des grains finement cristallisés
de dimensions inférieures.
[0010] Cependant, ce procédé n'est pas destiné à la réalisation d'un matériau neutrophage.
Il n'utilise pas de particules de B₄C, qui présentent des propriétés particulièrement
intéressantes du point de vue de l'absorption des neutrons, l'un des problèmes techniques
à résoudre, selon l'invention, étant de faire tenir les particules de B₄C sur le matériau
constituant la matrice. En outre, ce procédé ne permet pas de réaliser un matériau
résistant à une atmosphère corrosive.
[0011] La présente invention a précisément pour objet un procédé de réalisation par frittage
d'un matériau composite, qui permet d'obtenir de manière simple, rapide et peu coûteuse
un réseau de phase dispersée présentant des caractéristiques mécaniques et chimiques
qui le rendent particulièrement apte à être utilisé en tant que matériau neutrophage,
en particulier dans l'industrie nucléaire. En outre, ce matériau doit présenter une
bonne résistance à la corrosion.
[0012] Plus précisément, l'invention concerne un procédé de fabrication d'un matériau composite
constitué d'un métal ou d'un alliage de ce métal constituant une matrice et d'un élément
dispersoïde ou d'un composé dispersoïde combiné à ladite matrice par une dispersion
de l'élément ou du composé à l'intérieur de la matrice, caractérisé en ce que :
- on conditionne le matériau de la matrice sous forme de particules sphériques d'un
diamètre supérieur à 300 microns ;
- on dépose les particules de l'élément ou du composé dispersoïde sur les particules
du matériau constituant la matrice, par voie humide en mélangeant la poudre de la
matrice et la poudre de l'élément dispersoïde avec une quantité d'un liant organique,
- on introduit les particules de matériau constituant la matrice revêtues des particules
du composé dispersoïde dans un moule présentant une cavité de forme intérieure correspondant
à une forme de pièce à obtenir, la paroi interne de cette cavité étant revêtue d'une
couche de verre de faible épaisseur,
- on soumet les particules du matériau constituant la matrice enrobée à un frittage
par compression isostatique à chaud.
[0013] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront encore à la lecture
de la description qui suit d'un exemple de réalisation donné à titre illustratif et
nullement limitatif en référence aux figures annexées, sur lesquelles :
- la figure 1 illustre l'étape d'enrobage des particules selon le procédé de l'invention,
- la figure 2 est une vue en coupe d'un moule dans lequel les particules enrobées
sont introduites,
- la figure 3 montre la déformation des particules sphériques au cours de l'opération
de frittage.
[0014] Le matériau composite réalisé selon le procédé de l'invention est préparé à partir
de particules métalliques 2 d'un diamètre relativement important, à savoir supérieur
à 300 microns. Ces particules sont réalisées en un métal, ou un alliage d'un métal
et sont destinées à constituer la matrice du composite. Elles sont revêtues par un
dépôt constitué de particules de la phase à disperser, cette phase devant être insoluble
dans la matrice dans les conditions de pression et de température d'utilisation du
matériau. Ces particules encore appelées éléments dispersoïdes sont un élément simple
ou un composé. Elles sont préparées sous la forme de particules sphériques 4 de diamètre
beaucoup plus faible que les particules de la matrice. Ce diamètre est de l'ordre
du micron. Pour la réalisation d'un matériau composite neutrophage, on utilisera de
préférence le B₄C en raison de ses bonnes propriétés d'absorption des neutrons.
[0015] Le dépôt peut être obtenu par tout procédé connu à la portée de l'homme de l'art,
en particulier par voie sèche ou par voie humide.
[0016] On peut par exemple, comme illustré sur la figure 1, déposer les particules de B₄C
sur les particules de titane par dragéification par voie humide en mélangeant les
particules de B₄C, les particules de titane avec un liant organique tel que de l'huile
de vaseline.
[0017] Les particules enrobées sont ensuite introduites dans un moule 6 (voir figure 2)
présentant une cavité interne reproduisant la forme de la ou des pièces à obtenir.
L'empilage compact des particules revêtues est ensuite fritté et densifié en compression
isostatique à chaud sous une pression très élevée, par exemple 1000 bars. Les pièces
ainsi obtenues sont ensuite retirées du moule, et séparées l'une de l'autre. Pour
obtenir un matériau neutrophage ou non destiné à être mis en contact, lors de leur
utilisation, avec un milieu extérieur corrosif, la compression isostatique à chaud
est avantageusement réalisée à l'aide d'un moule 6 céramique dont la paroi interne
11 est en verre d'épaisseur faible. A chaud, le verre plastique épouse parfaitement
la forme en cours de densification. Après refroidissement, la couche de verre se détache
du moule et reste au moins partiellement solidaire de la pièce de matériau composite
; cette couche constitue ainsi une barrière efficace contre une corrosion ultérieure
ou une attaque chimique due à un milieu extérieur agressif.
[0018] Les avantages du procédé de l'invention qui vient d'être décrit sont les suivants
:
[0019] Les particules de grand diamètre qui sont utilisées sont faciles à revêtir étant
donné qu'elles présentent une surface spécifique réduite. En d'autres termes, la surface
de ces particules rapportée à leur volume est plus faible que pour des particules
de diamètre plus faible comme celles que l'on utilise dans les procédés de l'art antérieur.
[0020] Les particules revêtues, assemblées dans un moule présentant la forme de la pièce
à réaliser, forment un empilagge compact laissant à vert (à cru) une forte porosité,
de l'ordre de 30 à 50% de la densité théorique.
[0021] La présence d'un liant organique permet de conserver une distribution homogène de
la phase dispersée dans la pièce composite durant toutes les opérations de manipulation
des poudres sans rique de ségrégation, c'est-à-dire sans risque de voir apparaître
des zones dans lesquelles les particules de titane se séparent des particules de B₄C
comme cela pourrait en effet se produire pendant la période de remplissage du moule,
ce qui conduirait à l'obtention d'un matériau composite présentant des zones de fragilité.
[0022] Au cours de la phase de frittage, sous l'effet de la pression isostatique, les particules
sphériques se déforment et prennent la forme de polyèdres 2a, comme représenté sur
la figure 3. Cet écoulement à chaud du métal au cours du corroyage conduit à l'élimination
de la porosité mentionnée précédemment. Il brise localement le revêtement de particules
de B₄C. Les particules de titane sont ainsi mises à nu et viennent en contact les
unes avec les autres directement en certains points 12 de leur périphérie, sans interposition
de composé dispersoïde entre elles. Sous l'effet de la température et de la pression
se produit le corroyage, c'est-à-dire un soudage des particules de titane entre elles
par formation de ponts de diffusion. Ce corroyage est nécessaire à la bonne intégrité
du composite après frittage car il permet une liaison rigide des grains ou particules
de titane entre elles, ce qui conduit à obtenir un matériau présentant une bonne résistance
mécanique.
[0023] En conséquence, le composite présente une structure qui, en dépit d'une répartition
régulière des particules de composé dispersoïde entre les particules de titane, pourrait
être qualifiée d'hétérogène, dans la mesure où, à certains endroits, les particules
métalliques de la matrice sont directement liées les unes aux autres. Les ilôts de
phase dispersée sont répartis dans les joints de polyèdres résultant de la déformation
des particules métalliques sphériques.
EXEMPLE DE REALISATION
[0024] On a réalisé un matériau composite neutrophage constitué d'une matrice en alliage
de titane et d'une dispersion de B₄C.
[0025] On a mélangé pendant dix à quinze minutes 1750 g de poudre d'alliage de titane ou
de titane constituée de particules sphériques fondues ou frittées de diamètre compris
entre 300 et 1000 microns, avec 750 g de poudre micronique de B₄C et quelques gouttes
d'huile de vaseline. La concentration en liant, à savoir l'huile de vaseline, a été
réalisée de telle façon que la poudre de B₄C adhère à la surface des particules de
titane sans agrégation de ces dernières.
[0026] Les poudres ainsi revêtues sont introduites dans une enveloppe 6 métallique ou en
matériau céramique présentant une ou des cavités internes 10 reproduisant la ou les
pièces à fritter et dont la paroi interne 11 est en verre.
[0027] Dans l'exemple réalisé, des sphères composites ont été moulées dans un moule en céramique
formant un chapelet de sphères 10 de 14 mm de diamètre. Les moules 6 sont dégazés
à une température comprise entre 100 et 300°C sous vide avant d'être scellés.
[0028] La compression isostatique à chaud est réalisée à 1000°C sous une pression de 1000
bars d'argon pendant trois heures.
[0029] Après compression, le moule 6 est éliminé. On obtient des sphères de matériau composite
présentant une bonne résistance mécanique à l'écrasement. Le film de verre restant
à la surface des sphères dudit matériau composite est une barrière efficace contre
la corrosion ou contre une attaque chimique ultérieure (par exemple : acide nitrique
brouillant).
1. Procédé de fabrication d'un matériau composite constitué d'un métal ou d'un alliage
(2) de ce métal constituant une matrice et d'un élément dispersoïde (4) ou d'un composé
dispersoïde combiné à ladite matrice par une dispersion de l'élément ou du composé
à l'intérieur de la matrice, caractérisé en ce que :
- on conditionne le matériau de la matrice (2) sous forme de particules sphériques
d'un diamètre supérieur à 300 microns ;
- on dépose les particules de l'élément ou du composé dispersoïde (4) sur les particules
du matériau constituant la matrice, par voie humide en mélangeant la poudre de la
matrice et la poudre de l'élément dispersoïde avec une quantité d'un liant organique,
- on introduit les particules de matériau constituant la matrice revêtues des particules
du composé dispersoïde dans un moule (6) présentant une cavité (10) de forme intérieure
correspondant à une forme de pièce à obtenir, la paroi interne (11) de cette cavité
étant revêtue d'une couche de verre de faible épaisseur,
- on soumet les particules du matériau constituant la matrice enrobée à un frittage
par compression isostatique à chaud.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit liant organique est
de l'huile de vaseline.
3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que
la pression de frittage est de l'ordre de 1000 bars et qu'elle est maintenue pendant
trente minutes.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que
l'élément dispersoïde est constitué de particules de B₄C dont le diamètre est de l'ordre
du micron.
5. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que
le moule présentant une cavité (10) de forme intérieure correspondant à une forme
de pièces à obtenir est réalisé en céramique ou en métal.
6. Matériau composite obtenu par le procédé selon la revendication 5, caractérisé
en ce qu'un film de verre appliqué sur la surface extérieure dudit matériau constitue
une barrière efficace contre la corrosion ou contre une attaque chimique.
7. Matériau composite selon la revendication 6, caractérisé en ce qu'il est constitué
d'une matrice en alliage de titane et d'une dispersion de B₄C.