[0001] La présente invention est relative à une fonte à haute teneur en phosphore destinée
notamment à la fabrication de dispositifs de freinage par friction, offrant une
bonne résistance à l'usure et composée des constituants suivants :
85 à 95 % en poids de fer
2 à 10 % en poids de phosphore
moins de 6 % du poids total de carbone et silicium
moins de 5 % du poids total des métaux suivants : manganèse, cobalt, nickel, vanadium,
tungstène et molybdène,
et présentant une dureté Brinell inférieure à 270 HB. La fonte conforme à l'invention
est utilisable dans les dispositifs faisant intervenir des pièces en fonte coulée
soumises à une usure par frottement, notamment des sabots de freins à friction destinés
à équiper le matériel de chemins de fer.
[0002] On connaît par le brevet belge n° 717.428, des alliages fer/phosphore qui, grâce
à leur résistance à l'usure, sont utilisables dans des dispositifs de freinage par
friction. L'ajout d'au moins 2 % en poids de phosphore permet de réduire l'usure par
friction par rapport à celle de la fonte grise classique ainsi que de réduire l'émission
d'étincelles lors du freinage.
[0003] Ce phosphore est généralement ajouté à la fonte sous forme de ferro-phosphore. L'incorporation
est effectuée au cours d'une seconde fusion dans un cubilot dans lequel des charges
alternées de coke et d'un mélange de fer et de ferro-phosphore sont préalablement
mises en place. Selon le brevet belge susdit, la fonte ainsi obtenue possède une dureté
Brinell comprise entre 207 et 255 HB, alors que la teneur en ferrite de l'alliage
n'est pas précisée.
[0004] Des mesures de la dureté effectuées par le déposant selon la norme DIN 50 35l démontrent
cependant que la dureté Brinell des alliages fer/phosphore ayant la composition décrite
dans le brevet belge n° 717.428 ont une dureté bien supérieure à celle mentionnée
ci-dessus, du moins si aucune précaution particulière n'est prise. Des valeurs de
dureté Brinell comprises entre 250 et 350 HB ont été relevées lorsque la fonte est
préparée de manière classique par affinage au cubilot. L'obtention dans les fontes
au phosphore d'une dureté Brinell élevée s'explique aisément par l'influence que joue
le phosphore sur la fonte de seconde fusion, qui a généralement une teneur en carbone
supérieure à 2 % en poids.
[0005] Le phosphore favorise la ségrégation du graphite et donne lieu à la formation d'un
eutectique ternaire, la steadite, qui présente une dureté Brinell d'environ 440 HB.
Son point de fusion se situe vers 950°C. La steadite a une dureté bien supérieure
à celle de la ferrite ou même de la perlite.
[0006] Ainsi, la ferrite a une dureté Brinell d'environ 125 HB et la perlite une dureté
Brinell d'environ 220 HB.
[0007] Il est aisé de comprendre qu'une diminution de dureté Brinell ne peut être obtenue
qu'à condition de favoriser la formation d'une structure ferritique.
[0008] Sachant que l'ajout à une fonte grise de seconde fusion contenant environ 2 % en
poids de carbone, d'environ 3 % en poids de phosphore, entraîne la formation d'environ
30 % en poids de steadite, on peut donc affirmer que l'alliage ferreux qui en résulte,
devrait contenir au moins 20 % en poids de ferrite pour présenter une dureté Brinell
inférieure à 225 HB, telle que mentionnée dans le Brevet belge n° 717.428.
[0009] Or, la plupart des réseaux de chemins de fer des états européens établissent des
cahiers de charge extrêmement sévères pour la réalisation de sabots de frein. Les
exigences les plus marquantes consistent dans le fait que la dureté Brinell de la
fonte ne peut pas dépasser 270 HB pour une teneur en ferrite inférieure à 8 % en
volume.
[0010] Les exigences de dureté maximale et de teneur en ferrite inférieure à un niveau déterminé
semblent incompatibles et irréalisables simultanément.
[0011] Pour une fonte de seconde fusion, deux solutions seulement sont susceptibles d'être
retenues à ce jour pour diminuer la dureté. Ces solutions sont les suivantes :
1. Forçage de la teneur en carbone de la fonte de seconde fusion par ajout au cubilot
de carbure de silicium, de manière à atteindre des valeurs de 3 à 3,3 % en poids
de carbone. Le silicium, en formant du siliciure de fer plus stable que la cémentite,
provo que la ségrégation du carbone. Or, les lamelles de graphite se comportent pratiquement
comme des zones de dureté nulle, qui permettent d'abaisser la dureté Brinell de la
fonte traitée:
2. Incorporation de manganèse à la fonte de seconde fusion, en vue de favoriser une
structure perlitique.
[0012] La valeur de la dureté maximale de la fonte a été fixée pour tenir compte de la dureté
usuelle des bandages des roues du matériel roulant.
[0013] Par le document FR-A-2.145.607 sont décrits des alliages de fonte à microstructure
caractéristique comprenant du phosphore présent sous forme d'un réseau sensiblement
continu d'un eutectique de phosphore dégénéré entre de volumineux cristaux de dendrites
primaires. L'eutectique dégénéré comprend une matrice sensiblement continue de fer
en prédominance sous forme de ferrite ou de perlite. Ces alliages de fonte s'obtiennent
en faisant fondre ensemble, des déchets de fer et de ferro-phosphore dans un four
à induction et en effectuant ensuite un recuit dans un moule chauffé électriquement.
[0014] Ce procédé procure une fonte ferritique de dureté relativement faible. Pour rendre
les pièces plus dures, il est donc nécessaire d'effectuer un recuit que l'on obtient
par un chauffage prolongé pendant 1 à 6 heures des pièces coulées à une température
comprise entre 850 et 1.500°C, de préférence 910 à 920°C.
[0015] La limitation de la teneur en ferrite est liée à un phénomène de micro-soudure entre
la structure ferritique du sabot de frein et celle du bandage de roue, ce qui a pour
effet d'entraîner une usure prématurée dudit bandage de roue.
[0016] Enfin, il est connu par le document US-A-4,352,416 un sabot de frein réalisé à partir
d'un alliage de fonte contenant du soufre. Cet alliage présente la composition suivante
:
carbone : 2,5 à 3,5 % en poids;
silicium : 1,6 à 2,2 % en poids:
phosphore : plus de 2 et au maximum 10 % en poids;
sulfure et manganèse, tous deux présents dans un rapport pondéral S : (Mn/1,8) > 1.
[0017] La présence de soufre dans l'alliage de fonte est désavantageuse dans le sens qu'elle
rend les pièces fragiles et poreuses. On observe en effet que le soufre en réagissant
avec des traces de laitier, engendre des soufflures dans l'alliage. Le soufre est
généralement éliminé par l'ajout de manganèse, dans des proportions bien précises
connues de l'homme de l'art.
[0018] En vue de satisfaire aux exigences de dureté maximale et de teneur en ferrite supérieure
à un niveau déterminé dictées par les cahiers de charge pour la fabrication des sabots
de freins l'invention propose une fonte à haute teneur en phosphore destinée notamment
à la fabrication de dispositifs de freinage par friction, offrant une bonne résistance
à l'usure, et composée des constituants suivants :
85 à 95 % en poids de fer
2 à 10 % en poids de phosphore
moins de 6 % du poids total de carbone et silicium
moins de 5 % du poids total des métaux suivants : manganèse, cobalt, nickel, chrome,
tungstène et molybdène,
et présentant une dureté Brinell inférieure à 270 HB.
[0019] Cette fonte est essentiellement caractérisée en ce qu'elle comporte une structure
perlitique contenant au moins 3 % en poids de carbone, 2 % en poids de phosphore
et moins de 5 % en volume de ferrite, et une teneur en manganèse au moins égale à
celle trouvée par la formule Mn = 1.72 S + 0.30 où S est la teneur en soufre.
[0020] Selon l'invention, la fabrication d'une fonte correspondant au paragraphe précédent,
s'effectue par l'ajout de ferro-phosphore à la fonte liquide récoltée dans une poche
de coulée ou un mélangeur et non pas dans l'installation de fusion. L'incorporation
directe de ferro-phosphore dans la poche de coulée permet également d'obtenir une
meilleure précision d'analyse de la teneur en phosphore.
La formule expérimentale de Lévi :

qui régit l'équilibre entre le carbone, le phosphore et le silicium de la fonte dans
une installation de fusion, montre qu'une teneur croissante en phosphore abaisse d'autant
la teneur en carbone, pour une même teneur en silicium.
[0021] Les fontes selon l'invention, à teneur en phosphore comprise entre 2 et 10 % en poids
et à teneur en carbone d'au moins 3 % en poids, respectent les exigences de dureté
et de teneur en ferrite.
[0022] Elles présentent en outre l'avantage d'amortir les bruits lors du freinage. Cette
propriété est due au fait que les lamelles de graphite, présentes en nombre plus élevé
sous une taille plus grande, sont d'excellents amortisseurs de vibrations.
[0023] Selon une particularité de l'invention, la fonte contient au moins 2,3 % en poids
de carbone sous forme de graphite lamellaire.
[0024] D'autres particularités et détails de l'invention apparaîtront au cours de la description
détaillée d'une forme de mise en oeuvre particulière du procédé selon l'invention.
[0025] La fonte a généralement une composition typique suivante :
carbone : 3 à 4 % en poids
silicium : 1 à 3 % en poids
manganèse : 0,4 à 1,0 % en poids
phosphore : 0.1 à 1,0 % en poids
soufre : 0,08 à 0,15 % en poids.
[0026] Selon les procédés connus, la fusion au cubilot est accompagnée de l'incorporation
de ferro-phosphore lorsqu'il s'agit d'obtenir un alliage ferreux résistant à l'usure.
La présente invention suggère de soumettre la fonte à un traitement différent.
[0027] Elle suggère d'amener la fonte dans une poche de coulée ou dans un mélangeur en vue
d'ajouter environ 10 % en poids de ferro-phosphore.
[0028] On a constaté que lors de l'ajout de ferro-phosphore dans la poche, la totalité
du phosphore provenant de la décomposition du ferro-phosphore se retrouvait dans la
fonte liquide, tandis qu'une proportion importante du fer présent dans le ferro-phosphore
surnageait dans la poche, sous forme de scories.
[0029] Le fer non dissous ne participe donc pas à la dilution du carbone, de sorte que
la teneur en carbone di minue dans une mesure moindre que ce qu'on aurait pu prévoir
théoriquement et qu'elle reste supérieure à 3 %.
[0030] L'ajout de ferro-phosphore est réglé de manière à amener la teneur en phosphore à
une valeur comprise entre 2,25 et 4,00 % en poids.
[0031] L'alliage a une composition correspondant typiquement à une fonte grise, sauf en
ce qui concerne la teneur élevée en phosphore, supérieure à 2 % en poids et une teneur
en ferrite inférieure à 5 % en volume.
[0032] La fonte suivant l'invention convient parfaitement à la fabrication de sabots de
frein pour matériel de chemins de fer. Elle présente une excellente résistance à
l'usure, comme décrit dans le brevet belge n° 717.428 et réduit considérablement la
formation d'étincelles. Elle permet également de réduire l'émission de bruit, puisque
les lamelles de graphite contribuent à amortir la propagation des vibrations dans
les sabots de freins.
[0033] La fonte selon l'invention présente une bonne coulabilité, due à la présence de
phosphore. Elle permet donc de réaliser avec précision des pièces relativement compliquées.
1. Fonte à haute teneur en phosphore destinée notamment à la fabrication de dispositifs
de freinage par friction, offrant une bonne résistance à l'usure, et composée des
constituants suivants :
85 à 95 % en poids de fer
2 à 10 % en poids de phosphore
moins de 6 % du poids total de carbone et silicium
moins de 5 % du poids total des métaux suivants :
manganèse, cobalt, nickel, vanadium, chrome, tungstène et molybdène,
et présentant une dureté Brinell inférieure à 270 HB, caractérisée en ce qu'elle comporte
une structure perlitique contenant au moins 3 % en poids de carbone, 2 % en poids
de phosphore, moins de 5 % en volume de ferrite et une teneur en manganèse au moins
égale à celle trouvée par la formule Mn = 1.72 S .+0.30 où S est la teneur en soufre
due aux sulfures liés par le manganèse.
2. Fonte selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'elle contient au moins 2,3
% en poids de carbone sous forme de graphite lamellaire.
3. Procédé pour produire une fonte telle que décrite dans la revendication 1 ou 2,
caractérisée en ce qu'on favorise la formation d'une structure perlitique en effectuant
l'ajout de ferro-phosphore à la fonte liquide récoltée dans une poche de coulée ou
un mélangeur.
4. Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce que la quantité de ferro-phosphore
ajoutée s'éléve à environ 10 % en poids de la fonte liquide.