[0001] L'invention se rapporte à un procédé d'obtention d'un équivalent de peau et à l'équivalent
de peau ainsi obtenu.
[0002] On sait que l'on cherche à obtenir in vitro des structures cellulaires comparables
à la peau animale ou humaine, notamment pour pouvoir les utiliser pour des greffes
à pratiquer sur des blessés tels que des grands brûlés. On cherche, bien entendu,
des structures ayant des similitudes aussi grandes que possible avec la structure
de la peau humaine pour écarter les risques de rejet de la greffe. En outre, il est
possible d'utiliser un tel matériau pour étudier les effets pharmacologiques ou cosmétiques
de divers produits et une telle étude donne des résultats d'autant plus fiables que
les ressemblances du matériau avec la peau sont plus fortes.
[0003] L'invention se propose donc de décrire un procédé qui permet d'obtenir un équivalent
de peau ayant avec la peau des ressemblances structurales plus importantes que celles
présentées par les matériaux de ce type actuellement connus.
[0004] La capacité de culture des kératinocytes dans un milieu nutritif approprié est connue.
Plus précisément, l'article de F.K. Noser (publié dans "The Journal of Investigative
Dermatology",
87, 485-488, 1986) montre la capacité de culture des kératinocytes de la gaine d'un
follicule de cheveu humain. En outre, l'article de A.J.M. Vermorken (publié dans
"Molec. Biol. Rep."
10, 205-213, 1985) indique que la culture des kératinocytes de la gaine d'un follicule
pileux peut conduire à la formation d'une nappe cellulaire comportant une pluralité
de couches qui présentent une certaine différenciation, d'une façon quelque peu analogue
à ce que l'on constate dans un épiderme animal ou humain. Il est suggéré que cette
fabrication de nappe cellulaire pourrait être effectuée en utilisant comme support
un équivalent de derme de type connu mais aucune précision n'est fournie à cet égard.
Au surplus, la culture en immersion, qui est décrite, conduit à une structure de
nappe cellulaire présentant encore des différences sensibles avec celle d'un épiderme
animal ou humain.
[0005] La demande internationale PCT publiée sous le numéro WO 86/02273 décrit un procédé
d'obtention d'un équivalent de peau qui utilise la capacité de culture des kératinocytes
et emploie, comme source de kératinocytes, des biopsies de peau. Selon ce procédé
on obtient, par extraction acide douce, par exemple à partir de tendons de queue de
rat, du collagène de type I que l'on maintient en solution dans un environnement légèrement
acide. On cultive, d'autre part, sur un milieu de culture, des fibroblastes obtenus,
par exemple, à partir de tissus humains. La solution de collagène est neutralisée
par une base et additionnée d'éléments nutritifs. Les fibroblastes y sont ajoutés.
On a alors formation d'un gel qui se contracte suite aux interactions entre les fibroblastes
et les molécules de collagène, en expulsant le milieu nutrititf pour former un équivalent
de derme. Avant que ce gel ne se contracte, on y insère une biopsie de peau de 2 mm
de diamètre environ, que l'on positionne de façon que l'épiderme de la biopsie affleure
la surface du gel. On observe alors une migration et une multiplication des kératinocytes
issus de la biopsie à la surface de l'équivalent de derme ; les phases de différenciation
des kératinocytes conduisent finalement à la formation des différentes couches d'un
équivalent d'épiderme.
[0006] Un tel procédé présente cependant des inconvénients. On peut citer, par exemple,
le fait que l'on n'obtient pas un équivalent de peau globalement homogène , puisque
la biopsie, y compris sa partie dermique, reste insérée dans l'équivalent de derme.
Un autre inconvénient réside dans le mode même de prélèvement de la biopsie, puisqu'elle
doit être réalisée par un médecin, qu'elle peut être douloureuse et que des cicatrices
visibles peuvent en résulter. De plus, le risque de contamination du manipulateur
par des agents infectieux tels que les virus est non négligeable. Enfin, la surface
d'équivalent d'épiderme que l'on peut espérer obtenir est limitée par le nombre de
biopsies que l'on peut prélever sur un même être humain par exemple.
[0007] Le procédé selon l'invention remédie à ces inconvénients, en utilisant de façon particulière
et originale la capacité de culture des kératinocytes contenus dans la gaine d'un
follicule pileux. Selon l'invention, on remplace la biopsie utilisée dans le document
WO 86/02273 par un follicule pileux entouré de sa gaine et implanté sensiblement perpendiculairement
à la surface libre de l'équivalent de derme en cours d'élaboration. On obtient alors
des résultats tout à fait surprenants pour l'homme de métier en ce qui concerne la
différenciation des kératinocytes ; on obtient en effet un équivalent d'épiderme,
dont les ressemblances avec un épiderme humain sont absolument inattendues. Ainsi,
bien que les kératinocytes soient, dans le document WO 86/02273 comme dans le procédé
selon l'invention, la source de la formation d'un équivalent d'épiderme, l'insertion
d'un follicule pileux perpendiculairement à la surface libre de l'équivalent de derme
en cours d'élaboration, n'est pas équivalente à celle d'une biopsie de la peau quant
aux résultats obtenus et améliore ces derniers de façon notable. En outre, la structure
de la nappe cellulaire, qui constitue l'équivalent d'épiderme obtenu, présente, vis
à vis de la structure de la peau, des ressemblances beaucoup plus importantes que
celles de la nappe cellulaire que l'on obtenait en culti vant différemment les mêmes
cellules de la gaine d'un follicule pileux (article de A.J.M. Vermorken précité).
Enfin la liaison entre les nappes constituées par l'équivalent de derme et l'équivalent
d'épiderme est satisfaisante et permet un maniement aisé de l'équivalent de peau.
[0008] L'équivalent de peau selon l'invention ainsi constitué est bien différencié, bien
organisé. Il est aussi étanche et globalement homogène : en effet, on peut, en cours
de procédé, retirer de l'équivalent de derme le (ou les) follicule(s) pileux et le
(ou les) trou(s) ainsi formé(s) dans l'équivalent de peau se rebouche(nt).
[0009] La différenciation atteinte in vitro par le procédé suivant l'invention est très
proche de ce que l'on observe in vivo. On détecte, notamment, la filaggrine dans la
couche granuleuse de l'épiderme, comme dans le cas de la peau normale, et l'on peut
observer, par électrophorèse, que la filaggrine a bien été obtenue par coupure de
la profilaggrine au niveau des ponts oligopeptidiques. D'autre part on retrouve une
disposition palissadique des cellules basales qui est notamment la conséquence de
l'implantation des follicules pileux perpendiculairement à la surface de l'équivalent
de derme en cours d'élaboration.
[0010] On obtient en implantant un follicule pileux une surface d'équivalent de peau sensiblement
de même importance que celle obtenue avec une biopsie ; mais on peut prélever un
grand nombre de ces follicules et obtenir ainsi avec un même donneur une très grande
surface, ce qui n'est pas le cas avec des biopsies.
[0011] L'équivalent de peau ainsi obtenu, peut être utilisé, notamment, pour le traitement
des blessures par greffe de cet équivalent de peau. Dans ce cas, le receveur et le
donneur peuvent être des êtres humains et le donneur du follicule pileux peut être
le même que le receveur de l'équivalent de peau.
[0012] L'invention se rapporte donc d'abord à un procédé d'obtention d'un équivalent de
peau, dans lequel :
1°) on prépare un équivalent de derme en mélangeant :
a) des cellules contractiles récoltées, par exemple, à partir de cultures monocouches
réalisées sur un milieu nutritif ensemencé par des fragments de tissue animal ou
humain
avec
b) un milieu nutritif (MN1) additionné de composants de la matrice extracellulaire
du derme,
ledit mélange formant un gel qui se contracte en expulsant le milieu nutritif pour
former l'équivalent de derme
2°) on utilise l'équivalent de derme obtenu selon 1°) comme substrat pour un équivalent
d'épiderme obtenu par ensemencement dudit substrat avec les kératinocytes d'un explant
animal ou humain et par maintien de conditions permettant la multiplication des kératinocytes
à la surface dudit substrat, le développement de cette culture de kératinocytes étant
favorisé par l'utilisation d'au moins un milieu (MN1, MN2) au contact desdits kératinocytes,
caractérisé par le fait que l'on ensemence le substrat au moyen d'au moins un follicule
pileux ou un tronçon de follicule pileux extrait d'une peau animale ou humaine par
arrachement, ledit follicule ou tronçon comportant au moins partiellement sa gaine
cellulaire et étant implanté dans le substrat de façon que sa ligne longitudinale
moyenne soit sensiblement perpendiculaire à la surface libre du substrat.
[0013] On peut utiliser comme cellule contractile, des fibroblastes ; on utilise, avantageusement,
comme cellules contractiles, des fibroblastes dermiques obtenus à partir de donneurs
humains sains et récoltées, à partir des cultures monocouches, par trypsinisation
ménagée.
[0014] On utilise, de préférence, comme milieu nutritif pour les cultures de cellules contractiles,
du milieu essentiel minimum (MEM) ; on utilise avantageusement, comme milieu de culture
contenant des composants de la matrice extracellulaire du derme, un milieu contenant
au moins du collagène, notamment de type I.
[0015] Selon un mode préféré de réalisation, on prépare l'équivalent de derme par les étapes
suivantes :
a) on obtient une solution faiblement acide de collagène par extraction acide douce
à partir d'une source animale ou humaine ; ce collagène peut aussi être d'origine
commerciale, vendu, par exemple, par la société "BIOETICA.
b) on mélange la solution de l'étape a) avec les cellules contractiles et un milieu
nutritif (MN1), on neutralise par addition d'une base et on coule le mélange dans
un réceptacle plat;
c) on laisse le gel ainsi obtenu se contracter pendant plusieurs jours.
[0016] On utilise, de préférence, pour le milieu nutritif (MN1), la formulation suivante
:
- de 80 % à 100% en volume d'un milieu essentiel minimum (MEM);
- de 0 % à 20 % en volume de sérum de veau foetal;
- de 0 % à 20 % en volume de sérum humain de group AB ;
- de 0 % à 1 % en poids de produit(s) anti-fongique(s);
- de 0 % à 10 % en poids d'antibiotique(s) ;
- de 0 % à 2 % en poids de composé(s) énergétisants;
- de 0 % à 2 % en poids d'acides aminés non-essentiels.
[0017] On peut enfoncer l'implant dans le substrat à partir de la surface libre du substrat
d'une distance comprise entre 0,1 et 2 mm. De préférence, on obtient l'implant en
coupant le follicule pileux arraché, sensiblement perpendiculairement à sa ligne
longitudinale moyenne, dans la zone où il est entouré de sa gaine cellulaire, pour
conserver une longueur comprise entre 0,5 et 5 mm environ. Avantageusement, on coupe
le follicule pileux au voisinage de sa base pour éliminer le bulbe. De préférence,
on insère l'implant dans le substrat dès le début de la contraction du gel, qui constitue
le substrat.
[0018] Avantageusement, après l'ensemencement du substrat, on maintient pendant un temps
T₁ le substrat implanté en immersion dans le milieu nutritif (MN1), qui recouvre le
(ou les) implant(s), et on peut choisir un temps T1 d'environ cinq à six jours.
[0019] Quand le temps T₁ est expiré, on remplace avantageusement le milieu (MN1) par un
milieu (MN2) que l'on fait affleurer à un niveau situé dans l'épaisseur de l'équivalent
de derme. De préférence, pour assurer l'affleurement du milieu (MN²) au niveau désiré,
on place l'équivalent de derme sur une grille-support surélevée par rapport au fond
du réceptacle et on ajuste le niveau du milieu (MN₂), pour que la grille-support soit
juste recouverte mais que le milieu (MN²) ne recouvre pas la face supérieure de l'équivalent
de peau en cours d'élaboration.
[0020] On peut utiliser, comme milieu (MN2), la formulation suivante :
- de 80 % à 100 % en volume de milieu essentiel minimum(MEM);
- de 0 % à 10 % en poids d'antibiotique(s) et/ou anti-fongique(s) ;
- de 0 % à 20 % en volume de sérum animal ou humain ;
- de 0% à 0,05% en poids de facteur(s) de croissance.
[0021] De préférence, on extrait l'implant du substrat par arrachement à un temps T2 après
l'implantation. On peut choisir un temps T2 d'environ 8 à 13 jours et on peut maintenir
l'équivalent de peau en contact avec le milieu de culture jusqu'à un temps T3 après
l'implantation dans l'équivalent de derme. On choisit avantageusement un temps T3
supérieur à T2 et permettant un recouvrement total du substrat par les kératinocytes
développés sur ledit substrat et une différenciation appréciable desdits kératinocytes.
[0022] On peut ensemencer le substrat par des implants régulièrement répartis et espacés
les uns des autres d'environ 0,5 à 2,5 cm et l'on choisit de préférence un temps T3
d'environ 15 jours à plusieurs mois.
[0023] L'invention se rapporte également à un équivalent de peau constitué d'un équivalent
de derme recouvert d'un équivalent d'épiderme, l'équivalent de derme étant un film
formé d'un gel de collagène de type I renfermant des fibroblastes répartis tridimensionnellement
dans ledit film, caractérisé par le fait que l'équivalent d'épiderme comporte:
a) un équivalent de membrane basale constitué par un dépôt en couche de laminine,de
fibronectine, de collagène de type IV et d'antigène de la pemphigoïde bulleuse;
b) des cellules de couche basale en disposition palissadique reliées à l'équivalent
de membrane selon a) par des hémidesmosomes;
c) des cellules de couches suprabasales, qui, dès la première couche suprabasale,
contiennent de la kératine basique de 67 kDa et de la kératine acide de 56,5 kDa;
d) des cellules granuleuses qui contiennent des grains de kératohyaline, de l'involucrine,
de la transglutaminase et de la filaggrine;
e) des cellules aplaties et kératinisées disposées au voisinage de la surface libre,
donnant, après extraction au dodécyl sulfate de sodium et au 2-mercapto éthanol, des
enveloppes cornées, caractéristiques des cornéocytes, les cellules des différentes
couches étant reliées entre elles par des desmosomes.
[0024] L'invention se rapporte enfin à un équivalent de peau, caractérisé par le fait qu'il
est obtenu par le procédé ci-dessus décrit.
[0025] Afin de mieux faire comprendre l'objet de l'invention, on va en décrire ci-après,
à titre d'exemple purement illustratif et non limitatif, un mode de mise en oeuvre
représenté sur le dessin annexé.
[0026] Sur ce dessin :
- la figure 1 est une coupe partielle d'un échantillon de peau (notamment de cuir
chevelu) dans lequel est planté un follicule pileux (notamment un cheveu) ;
- la figure 2 représente le cheveu de la figure 1 arraché hors de l'échantillon de
cuir chevelu ;
- la figure 3 montre un équivalent de peau en cours d'élaboration, immergé dans un
milieu nutritif;
- la figure 4 montre l'équivalent de peau de la figure 3 mis au contact de l'air dans
une phase ultérieure ˙
- la figure 5 est une coupe partielle de l'équivalent d'épiderme d'un équivalent de
peau selon l'invention.
[0027] Sur la figure 1 on voit un échantillon de peau, notamment de cuir chevelu, référencé
1 dans son ensemble dans lequel est planté un follicule pileux 2. Le follicule se
développe à partir de l'épiderme désigné par 3 dans son ensemble. L'épiderme est séparé
du derme désigné par 4 dans son ensemble par une membrane basale 5. On distingue
dans l'épiderme quatre niveaux, qui sont, en partant de la membrane basale vers l'extérieur
de la peau, la couche basale 6, la couche de Malpighi 7, la couche granuleuse 8 et
la couche cornée 9.
[0028] L'épiderme est constitué à 95 % de cellules nom mées kératinocytes. Ces kératinocytes
subissent une différenciation depuis la couche basale jusqu'à la couche cornée.
La couche basale 6 est constituée d'un seul niveau de kératinocytes 10, de forme sensiblement
parallélipipédique ; ces cellules ont un grand axe sensiblement perpendiculaire à
la membrane basale 5 et sont reliées à cette dernière par leur base grâce à des hemidesmosomes
39. La couche de Malpighi 7 est constituée essentiellement par un empilement de couches
de kératinocytes polyédriques 11. Entre la couche de Malpighi 7 et la couche cornée
9, se situent 2 ou 3 couches de kératinocytes aplatis 12 constituant la couche granuleuse
8. Enfin, la couche cornée 9 se compose d'un empilement de cellules sensiblement
hexagonales 13, mortes, aplaties et bien ordonnées.
[0029] Le derme 4 comporte des fibroblastes 14, noyés dans une matrice extracellulaire 15
composée de macromolécules telles que des collagènes, des mucopolysaccarides, des
glycoaminoglycanes ou de la fibronectine.
[0030] le cheveu 2 se compose d'un corps 16, dont la partie plantée dans l'épiderme se termine
par un bulbe 17. Le bulbe 17 présente, à sa base, une cavité 18 qui contient des papilles
dermiques 19, et qui s'ouvre sur le derme par un orifice 20. Une partie de la membrane
basale 5 de l'épiderme enveloppe partiellement le corps 16 du cheveu 2, ainsi que
le bulbe 17 et se lie à ce dernier en laissant ouvert l'orifice 20. Cette partie
de la membrane basale constitue ainsi une gaine 21 délimitée extérieurement par des
kératinocytes 10 de la couche basale et renfermant entre cette couche et le cheveu,
des kératinocytes polyédriques 11 de la couche de Malpighi.
[0031] Une des étapes du procédé consiste à préparer un implant constitué d'une partie
du cheveu 2. Cette préparation s'effectue comme suit : le cheveu est prélevé facilement
sans douleur et sans risque d'infection à l'aide d'une pince par exemple. Cette opération
ne nécessite aucune qua lification médicale ; un tel cheveu arraché est représenté
sur la figure 2.
[0032] Lors de cette extraction de l'implant, la gaine 21 se sépare de la couche basale
environnante par rupture de ladite couche. Deux cas peuvent alors se produire : ou
bien, lors de l'extraction, la couche basale se rompt au niveau du bulbe et l'on extrait
alors uniquement le corps 16 du cheveu, la gaine 21 restant dans l'épiderme 3 ; ou
bien la membrane basale se rompt au-dessus du bulbe, notamment au niveau de la jonction
derme/épiderme, et l'on obtient alors un cheveu, dont la partie inférieure est enveloppée
dans la gaine 21. Seule cette deuxième éventualité est retenue dans l'étape de préparation
de l'implant ; les cheveux ou les poils arrachés sans gaine ne sont pas utilisés.
Si les papilles dermiques sont restées dans l'épiderme 3 lors de l'extraction, le
cheveu 2, une fois prélevé, ne contient ni fibroblaste ni contaminant dermique quelconque,
ces derniers étant en fait des éléments gênants dans une culture . Par ailleurs, les
papilles dermiques pourront éventuellement redonner naissance à un cheveu et recréer
une gaine 21 contenant des kératinocytes 10 et 11. Le follicule pileux représente
donc une source pratiquement infinie de kératinocytes.
[0033] On coupe ensuite le cheveu arraché, sensiblement perpendiculairement à sa ligne longitudinale
moyenne, dans la zone où il est entouré de sa gaine 21, aux endroits A et B repérés
sur la figure 2, tels que B se trouve au-dessus du bulbe et A au-dessus de B, pour
conserver une longueur AB comprise entre 0,5 et 5 mm environ.
[0034] On élimine ainsi le bulbe 17 car, d'une part, l'extrémité molle pourrait être gênante
dans la suite du procédé comme explicité ci-après, et, d'autre part, on élimine ainsi
tout risque de contamination par des papilles dermiques qui seraient restées au niveau
du bulbe. On obtient alors un implant 22 prêt à être utilisé.
[0035] Parallèlement à cette préparation de l'implant 22, une autre étape du procédé consiste
en la préparation d'une structure équivalente au derme 4 que l'on nommera dans la
suite un équivalent de derme. Cette préparation se réalise, de façon connue, comme
indiqué ci-après.
[0036] On prélève sur des donneurs humains des fragments de tissu cutané comprenant du
derme et de l'épiderme. Ces fragments sont disposés dans une boîte dans un milieu
de culture qui est du "Milieu Essentiel Minimum" (MEM) vendu, par exemple, par la
Société SEROMED, et dont une composition classique est donnée dans le tableau I ci-après.

[0037] Les fibroblastes du derme quittent alors le tissu cutané et se multiplient en monocouche
sur le fond de la boîte.
[0038] On prépare, d'autre part, une solution faiblement acide de collagène de type I, obtenue
par extraction acide douce à partir de tendons de queue de rat.
[0039] On mélange ensuite cette solution faiblement acide de collagène avec des fibroblastes,
cultivés en monocouche comme indiqué précédemment et récoltés par trypsinisation ménagée
à partir de cultures subconfluentes ou confluentes, en présence d'un milieu nutritif
(MN1), ayant la composition suivante :
-85à90% en volume de MEM ;
- 10% en volume de sérum de veau foetal ou 10 % en volume de sérum humain AB ;
- 1 % en poids d'acides aminés non-essentiels (indiqués dans le tableau II ci-après).

- 100 U/ml de pénicilline
- 100µg/ml de streptomycine
- 2,5µg/ml d'amphotéricine B
- 1 mM de pyruvate de sodium
[0040] On neutralise le mélange avec de la soude 0,1 N et on le coule dans un réceptacle
plat 23 comme représenté sur la figure 3. Le mélange prend en gel très rapidement.
[0041] Suite aux interactions entre les fibroblastes, qui sont des cellules contractiles,
et les fibres de collagène contenues dans le milieu nutritif gélifié, le volume du
gel diminue, le milieu nutritif est expulsé et un équivalent de derme 24 se forme.
On laisse cette contraction du gel s'effectuer pendant quelques jours ; le volume
du gel se réduit d'au moins vingt fois.
[0042] Les fibroblastes ne constituent pas les seules cellules contractiles utilisables.
On pourrait aussi utiliser, par exemple, les cellules des muscles lisses, les cellules
des muscles striés ainsi que celles du muscle cardiaque ; on peut aussi citer les
plaquettes sanguines.
[0043] De même, si l'on a utilisé, dans cet exemple, une solution de collagène de type I
comme composant de la matrice extracellulaire de derme, il existe cependant plusieurs
collagènes, qui conviennent pour la reconstitution d'un équivalent de derme ; ces
collagènes doivent, de préférence, être faits de molécules complètes possédant encore
leurs télopeptides. Le collagène de type I fait partie de ce groupe mais on peut citer
également le collagène humain extrait du placenta après digestion enzymatique partielle.
[0044] La préparation du gel, qui forme l'équivalent de derme 24, étant achevée, on entame
alors l'étape suivante du procédé, qui est l'épidermisation de cet équivalent de derme.
[0045] L'implant 22, obtenu comme indiqué précédemment, est inséré dans le gel pendant les
premières minutes de contraction, de façon que sa ligne longitudinale moyenne soit
sensiblement perpendiculaire à la surface libre du gel. C'est dans cette phase d'insertion
de l'implant 22 que le bulbe du follicule pileux peut être gênant car sa partie molle
ne facilite pas l'insertion. C'est pourquoi il est préférable de couper le bulbe
dans la préparation de l'implant.
[0046] Durant la phase de contraction du gel, qui va donner naissance à l'équivalent de
derme 24, l'implant 22 se retrouve solidement tenu en place dans le gel. On a représenté
sur la figure 3 un équivalent de derme 24 dans lequel sont insérés plusieurs implants
22. En effet il est possible d'ensemencer l'équivalent de derme en cours d'élaboration
par des implants régulièrement répartis et espacés par exemple les uns des autres
d'environ 0,5 à 2,5 cm. Après cet ensemencement, on maintient pendant 5 à 6 jours
l'équivalent de derme 24 en immersion dans le milieu nutritif 25 (MN1). Ce milieu
de culture 25 recouvre les implants comme représenté sur la figure 3. Pendant cette
phase, la multiplication des kératinocytes des gaines 21 des implants débute, et on
assiste alors, à partir des implants, à un mouvement radial et vertical des kératinocytes
à la surface de l'équivalent de derme 24.
[0047] Cette migration des kératinocytes va conduire, au terme de l'épidermisation, à la
formation sur l'équivalent de derme d'un équivalent d'épiderme 26.
[0048] L'ensemble (équivalent de derme 24/équivalent d'épiderme 26) va donc constituer un
équivalent de peau 27.
[0049] A la fin de cette période de 5 à 6 jours, on remplace le milieu (MN1) par un milieu
29 (MN2) ayant la formulation suivante :
- 85à90% en volume de Milieu Essentiel Minimum (MEM)
- 0 à 10% en poids d'antibiotiques (penicilline, streptomycine, amphotéricine
B)
- 10 % en volume de sérum animal ou humain
-0à0,05% en poids de facteurs de croissance (facteur de croissance épidermique,
hydrocortisone, toxine cholérique).
[0050] Dans le même temps, l'équivalent de peau 27 est disposé sur une grille d'acier inoxydable
28 reposant sur le fond du réceptacle 23. La grille maintient l'équivalent de peau
surélevé dans la boîte de culture 23, au voisinage de l'interface air-liquide, tel
que représenté sur la figure 4. Le niveau du milieu MN2 est ajusté de telle sorte
que la grille-support 28 soit juste recouverte mais que le milieu MN 2 ne recouvre
pas la face supérieure de l'équivalent de peau 27 en cours d'élaboration. Le fait
de placer ainsi l'équivalent de peau en cours d'élaboration au contact de l'air et
d'assurer l'alimentation des kératinocytes par l'équivalent de derme, favorise la
différenciation des kératinocytes et donc la formation d'un équivalent d'épiderme
bien structuré .
[0051] Après 8 à 13 jours, les implants sont retirés tandis que l'équivalent d'épiderme
en formation reste sur l'équivalent de derme. Le diamètre des implants étant très
faible, de l'ordre de 0,5 mm environ, les trous résultant de l'extraction des implants
hors de l'équivalent de peau se rebouchent et on obtient donc un équivalent de peau
globalement homogène, sans trou, et étanche.
[0052] Une fois les implants 22 retirés, on laisse l'équivalent de peau 27 en cours d'élaboration
au contact du milieu MN2 pendant un temps permettant un recouvrement total de l'équivalent
de derme par les kératinocytes développés sur ce dernier. La croissance de l'équivalent
d'épiderme est mesurée en colorant la couverture épithéliale au bleu du Nil en solution
aqueuse à 1/10000 et en mesurant la surface de l'équivalent d'épiderme.
[0053] La surface d'un équivalent de peau 27 varie en fonction du nombre d'implants insérés
dans l'équivalent de derme et en fonction de la surface de celui-ci. Ainsi, avec un
seul implant, d'un diamètre d'environ 0,5 mm, on obtient un équivalent de peau d'une
surface d'environ 1 cm² au bout de 10 à 12 jours . On peut bien entendu obtenir une
surface beaucoup plus grande en ensemençant l'équivalent de derme par des implants
régulièrement répartis et espacés les uns des autres d'environ 0,5 à 2,5 cm par exemple.
[0054] Lorsque cette phase d'épidermisation est terminée, on obtient l'équivalent de peau
27, dont on a représenté sur la figure 5 une coupe partielle de l'équivalent d'épiderme
26. Classiquement, cette coupe a été faite après coloration à l'hémalun - phloxine
- safran.
[0055] L'équivalent de peau 27 obtenu suivant le mode de réalisation décrit ci-dessus, est
donc constitué d'un équivalent de derme recouvert d'un équivalent d'épiderme 26,
l'équivalent de derme étant un film formé d'un gel de collagène de type I renfermant
des fibroblastes répartis tridimensionnellement dans le film. L'équivalent d'épiderme
26, représenté sur la figure 5, comporte un équivalent de membrane basale 5ª, constitué
par un dépôt en couche de laminine, de fibronectine, de collagène de type IV et d'antigène
de la pemphigoïde bulleuse. Au-dessus de cet équivalent de membrane basale, on trouve
des kératinocytes 10ª en disposition palissadique reliés à l'équivalent de membrane
par des hémidesmosomes 39 : on retrouve donc un équivalent de couche basale 6ª. On
observe également des cellules progressivement différenciées depuis les cellules 10ª
de la couche basale 6ª jusqu'à des cellules aplaties 13ª disposées au voisinage de
la surface libre, les cellules des différentes couches étant reliées entre elles par
des desmosomes 30. L'équivalent de couche cornée 9ª ainsi que les équivalents des
couches de Malpighi 7ª et granuleuse 8ª, sont très semblables aux couches réelles
de la peau humaine.
[0056] On trouve, d'autre part, dans les kératinocytes de l'équivalent d'épiderme 26, des
fibres de kératine 31 et l'on constate que la kératine basique de 67 kDa, qui est
un marqueur de différenciation terminale normalement absent dans les cultures de l'état
de la technique et dans les follicules de cheveu fraîchement prélevés, est synthétisée
de façon normale dans les couches suprabasales 7ª et 8ª de même que son partenaire,
la kératine acide de 56,5 kDa. De plus, cette kératine de 67 kDa est détectée dès
la première couche suprabasale 7ª comme dans une peau normale.
[0057] La filaggrine est aussi présente dans l'équivalent d'épiderme 26 ; on la détecte
dans l'équivalent de couche granuleuse 8ª ; elle résulte de la maturation protéolytique
de son précurseur, la profilaggrine. Par électrophorèse par exemple, on peut voir
que cette filaggrine est convenablement coupée au niveau des ponts oligopeptidiques
de la profilaggrine. Le procédé selon l'invention, permet donc la maturation de la
profilaggrine dans des kératinocytes humains.
[0058] L'équivalent d'épiderme 26 ainsi reconstitué est donc bien différencié et bien organisé.
Il est également uniforme du point de vue de l'épaisseur et de l'état de différenciation.
[0059] Enfin, l'adhérence équivalent de derme/équivalent d'épiderme est excellente. Elle
permet donc une manipulation aisée de l'équivalent de peau 27 ainsi formé.