[0001] La présente invention concerne les brais, en particulier les brais de goudrons de
houille, sans toutefois être limitée à ces derniers.
[0002] Les brais de goudrons de houille sont constitués par le concentrat de la distillation
des goudrons de houille. Les brais sont des mélanges complexes :
1) de molécules polyaromatiques, éventuellement porteuses de courtes chaînes aliphatiques
;
2) de molécules polaires à caractère acide ou basique (phénols, naphtols, carbazole,
bases pyridiniques, etc.) ;
3) éventuellement, de particules insolubles en suspension (particules de type noir
de carbone, cénosphères ou particules de coke polluées plus ou moins par des impuretés
minérales).
[0003] On caractérise les brais et les goudrons par leur taux de substances insolubles dans
les différents solvants ; ainsi, il est d'usage de considérer les trois fractions
suivantes :
1) les résines α, constituées par la fraction insoluble dans la quinoléine ;
2) les résines β, constituées par la fraction insoluble dans le toluène et soluble
dans la quinoléine ; et,
3) les résines γ, constituées par la fraction soluble dans le toluène.
[0004] On peut alors distinguer les goudrons servant à la préparation de brais selon leur
teneur en résines α ; on appellera goudrons «bas α», les goudrons renfermant moins
de 2% en poids de résines α.
[0005] La distillation des goudrons de houille permet d'obtenir, en des quantités sensiblement
égales, d'une part, des huiles (benzène, toluène, xylène, les produits correspondants
phénoliques et méthylés, naphtalène, huiles moyennes, anthracène, chrysène, etc.),
et, d'autre part, le concentrat ou brai.
[0006] Parmi les applications des brais, on peut mentionner notamment leur utilisation en
tant que liants dans la fabrication des électrodes de carbone ou de graphite, lesquelles
sont utilisées pour la production d'aluminium et de métaux ferreux ou non ferreux.
[0007] Les brais sont caractérisés par différentes données analytiques, dont la connaissance
permet d'apprécier leur valeur d'usage pour l'application choisie ; on donnera ci-après
une définition des différentes caractéristiques des brais qui seront évoquées dans
le présent mémoire descriptif:
- le point de ramollissement C.I.A. (Cube In Air), exprimé en °C, grandeur déterminée
selon la norme ASTM D 3104-77 ;
- la teneur en résines α et la teneur en résines α+β (ou fraction insoluble dans le
toluène) (exprimées en % en poids) obtenues par les modes opératoires indiqués dans
les normes respectivement ISO 6791 et ISO 6376 ;
- la teneur en carbone fixe (exprimée en % en poids), qui traduit le rendement en
coke ou le pouvoir en carbone du brai, cette teneur étant calculée selon la norme
ISO 6998 ;
- l'affinité brai-coke mesurée selon le test de pénétration décrit par P. Couderc,
P. Hyvernat et G.L. Lemarchand dans la revue «FUEL, 1986, Vol. 65, 2, 281-287» ; ce
test permet de caractériser les propriétés de pénétration et d'écoulement des brais
dans un lit de coke (écoulement rapide ou retardé ; pénétration complète ou incomplète).
Les courbes d'écoulement obtenues permettent d'obtenir deux températures caractéristiques
:
- T₂ : température finale de pénétration
- T₁ : température obtenue par extrapolation du début de la courbe d'écoulement ;
- la mesure, par analyse calorimétrique différentielle (effectuée dans les conditions
suivantes : un échantillon de 20 mg de brai est porté à 140°C, puis refroidi en 3
minutes jusqu'à -100°C, puis réchauffé à la vitesse de 30°C par minute),de la température
et du domaine de transition vitreuse : Tg et ΔTg.
[0008] Un brai-liant jugé satisfaisant pour la fabrication d'une électrode de carbone ou
de graphite, respecte généralement les spécifications suivantes :
- un point de ramollissement C.I.A. de l'ordre de 100 à 130°C ;
- une teneur en résines α de l'ordre de 8 à 15% en poids;
- une teneur en résines α + β de l'ordre de 28 à 35% en poids ;
- une teneur en carbone fixe de l'ordre de 54 à 62% en poids ; et
- une bonne affinité brai-coke (écoulement rapide ou peu retardé, pénétration complète).
[0009] Lorsque l'on part d'un goudron contenant plus de 4% de résines α, on obtient, par
simple distillation, des brais répondant à ces spécifications. Par analyse thermique
différentielle, on constate que ces brais ont toujours un domaine de transition vitreuse
ΔTg de l'ordre de 55°C.
[0010] En revanche, lorsque l'on distille un goudron «bas α», on obtient, pour le même point
de ramollissement, un brai dont la teneur en résines α est au plus égale à 5% en poids,
la teneur en résines α + β est de l'ordre de 25% en poids, et la teneur en carbone
fixe est inférieure à 54% en poids. Ce brai, bien qu'ayant une bonne affinité envers
le coke, est considéré comme trop pauvre en carbone. Pour pallier à cette déficience,
il est possible de réaliser un traitement thermique à des températures supérieures
à 350°C. Dans ces conditions, les brais obtenus présentent des teneurs en carbone
fixe et en résines α + β acceptables. En revanche,leur affinité envers le coke est
difficilement contrôlable. De plus, on note une nette augmentation du domaine de transition
vitreuse ΔTg.
[0011] Par ailleurs, l'expérience montre que de tels traitements, lorsqu'ils sont effectués
dans des conditions industrielles, s'accompagnent de phénomènes de cokéfaction et
craquages liés à l'existence de gradients thermiques au voisinage de la paroi du four.
[0012] La présente invention est basée sur la constatation que la qualité d'un brai liant
pour électrode peut être encore améliorée lorsqu'il présente en outre un domaine de
transition vitreuse ΔTg nettement plus restreint que ceux connus jusqu'alors. Comme
on vient de l'indiquer, aucun procédé de fabrication ne permettait toutefois d'atteindre
ce résultat jusqu'à présent.
[0013] La Société déposante a maintenant découvert qu'il est possible de réaliser une maturation
du brai au moyen d'un traitement par ondes haute fréquence. Ce traitement permet d'augmenter
la teneur en carbone fixe du brai, tout en lui conservant une bonne affinité envers
le coke et tout en diminuant significativement son domaine de transition vitreuse.
[0014] La présente invention a donc d'abord pour objet un brai liant pour électrode, possédant
:
- un point de ramollissement C.I.A. compris entre 80°C et 150°C,
- une teneur en substances insolubles dans la quinoléine supérieure ou égale à 4%
en poids,
- une teneur en résines α+β comprise entre 28 et 40% en poids, et
- une teneur en carbone fixe, déterminée selon la norme ISO 6998, au moins égale à
51% en poids,
caractérisé en ce que son domaine de transition vitreuse ΔTg, déterminé par analyse
calorimétrique différentielle, est inférieur ou égal à 50°C.
[0015] De manière plus particulièrement préférée, le brai selon l'invention possède un domaine
ΔTg inférieur ou égal à 40°C.
[0016] Outre les caractéristiques précitées, le brai selon l'invention pourra avantageusement
posséder l'une ou l'autre des propriétés d'écoulement suivantes, déterminées selon
le test de pénétration précité (en utilisant une granulométrie moyenne du lit de coke
de 120 µm environ et une vitesse de chauffe de 20°C par heure) :
- un retard à l'écoulement T₂- T₁ au plus égal à 15°C ;
- une température finale de pénétration T₂ au plus égale à 180°C.
[0017] La présente invention a également pour objet un procédé de fabrication d'un brai
tel que défini ci-dessus, procédé suivant lequel on soumet un brai présentant une
teneur en substances insolubles dans la quinoléine inférieure à 4% en poids environ
à un traitement par ondes ayant une fréquence comprise entre 0,9 et 300 GHz.
[0018] Le traitement par ondes haute fréquence consiste à convertir de l'énergie électrique
en chaleur dans des matériaux diélectriques (isolants) contenant des molécules polaires.
Les molécules polaires, soumises au champ électromagnétique, s'éloignent ou se rapprochent
violemment, provoquant par collision un dégagement de chaleur.
[0019] De manière avantageuse, on utilise une fréquence classique de 2,45 GHz environ.
[0020] Conformément à la présente invention, on effectue le traitement en principe à la
pression atmosphérique ; cependant, on peut sans inconvénient opérer sous une pression
pouvant aller jusqu'à 20 bars.
[0021] La température à laquelle on effectue le traitement est contrôlée par la quantité
d'énergie électrique fournie au système (magnétron). Elle est, de préférence, comprise
entre 350 et 450°C, en particulier entre 380 et 420°C.
[0022] La durée du traitement est, de préférence, comprise entre 1 et 1200 minutes. Elle
est d'autant plus courte que la température est plus élevée.
[0023] De plus, après le traitement selon l'invention, on pourra procéder, comme on le fait
d'habitude, à une distillation complémentaire, par exemple sous pression réduite,
pour atteindre le point de ramollissement C.I.A. désiré.
[0024] Par ailleurs, le procédé de la présente invention peut être mis en oeuvre en continu
ou en discontinu.
[0025] Un avantage important du procédé selon l'invention, par rapport aux procédés traditionnels
par chauffage électrique, réside dans une diminution importante de la durée de traitement,
permettant une augmentation de la productivité. De plus, ce mode de chauffage permet
d'éviter les phénomènes de cokéfaction et de craquage évoqués plus haut. On peut donc
sans inconvénient travailler avec des températures plus élevées et des durées plus
courtes.
[0026] La présente invention a également pour objet une électrode contenant un brai liant
tel que défini ci-dessus ou obtenu par un procédé de fabrication tel que défini ci-dessus.
[0027] Dans les exemples qui suivent, on a comparé le traitement thermique de maturation
de brai en continu, d'une part, par un chauffage classique dans un four électrique
par effet Joule, et, d'autre part, par un traitement au moyen d'ondes haute fréquence
selon l'invention, dans un four à micro-ondes.
EXEMPLES 1 et 2 (COMPARATIFS)
TRAITEMENT THERMIQUE DU BRAI DANS UN FOUR ELECTRIQUE
a) Principe
[0028] On préchauffe le brai jusqu'à une température de l'ordre de 200°C dans un fondoir,
avant de l'acheminer vers un four tubulaire chauffé électriquement, fonctionnant en
continu .
b) Descriptif de l'appareillage
[0029] Le fondoir utilisé consiste en un réacteur fermé, d'une capacité de 130 litres, muni
d'une agitation mécanique, et chauffé extérieurement avec régulation, par des résistances
électriques placées dans une enveloppe en acier et pouvant délivrer une puissance
totale de 30 kW. L'enveloppe en acier constitue un «réservoir à calories» et permet
d'évacuer les calories en excès par injection d'air comprimé, si on le juge nécessaire.
Le brai peut ainsi être chauffé rapidement jusqu'à la température désirée, tout en
évitant les points de surchauffe.
[0030] Le brai ainsi préchauffé dans le fondoir, dont la viscosité est de l'ordre de 50
centipoises, est ensuite véhiculé vers le four en continu grâce à une pompe à engrenages.
Celle-ci est constituée d'un corps en acier inoxydable, muni d'une double enveloppe
de préchauffage ; elle permet d'avoir des débits de l'ordre de 2 à 20 litres par heure.
La double enveloppe et tous les tubes véhiculant le brai sont réchauffés grâce à un
bain d'huile, à une température de l'ordre de 200°C.
[0031] Le four tubulaire est en acier inoxydable et il présente une capacité de 4 litres.
Il est chauffé au moyen de résistances électriques, délivrant une puissance totale
de 4 kW et placé également dans une double enveloppe en acier ayant la même fonction
que celle équipant le fondoir. Le maintien de la température de maturation dans le
four est assuré par régulation. Au-dessus du four, est placée une tête de colonne
en pyrex qui permet de condenser les produits volatils afin d'en limiter la perte,
de tels produits jouant un rôle important dans la réaction de polycondensation.
[0032] Le brai sortant du four à la température de maturation est refroidi par le même bain
d'huile jouant le rôle d'échangeur. Des vannes de fond de cuve et de vidange sont
placées dans le système, à différents endroits, et permettent l'évacuation rapide
du brai en fin de réaction ou à tout moment. Le brai est ensuite recueilli et pesé
en continu.
c) Conditions de la maturation
[0033] Avec le dispositif précité, on a pu opérer à une température allant jusqu'à environ
405°C. Toutefois, il est très difficile de dépasser cette température, en raison du
départ très important, à la pression atmosphérique, de produits volatils lors de la
maturation, de tels départs étant favorisés par des réactions de craquage dues à des
effets thermiques au voisinage de la paroi. En effet, on observe une différence de
température entre la paroi et le coeur du four qui est de l'ordre de 20°C, à la température
de traitement précitée, pour un débit de l'ordre de 2,7 litres par heure.
[0034] Selon l'exemple 1, on soumet à traitement thermique, dans les conditions décrites
ci-dessus, à la température de 405°C et pendant 175 minutes, un brai de goudrons de
houille possédant un point de ramollissement C.I.A. de 84,7°C, une teneur en substances
insolubles dans la quinoléine (résines α) égale à 3,3% en poids, une teneur en résines
α + β égale à 24,1% en poids et une teneur en carbone fixe égale à 48,0% en poids.
Le brai liant obtenu à l'issue de ce traitement possède les caractéristiques indiquées
au tableau ci-après.
[0035] Selon l'exemple 2, on soumet le brai liant obtenu à l'exemple 1 à une distillation
éclair sous une pression de 0,145 bar de manière à éliminer 4,5% de l'huile qu'il
contient. Le brai liant obtenu à l'issue de cette distillation possède les caractéristiques
indiquées au tableau ci-après.
EXEMPLES 3 à 5
TRAITEMENT THERMIQUE DU BRAI DANS UN FOUR A MICRO-ONDES
a) Descriptif de l'appareillage
[0036] On utilise l'appareillage décrit précédemment, en remplaçant le four électrique par
un applicateur de micro-ondes. Ce dernier est constitué par huit tronçons de guide
empilés et décalés les uns par rapport aux autres de 90°. Chacun de ces tronçons est
relié à un magnétron pouvant débiter 800 W, mais volontairement limité à 400 W pour
protéger le magnétron contre une mauvaise adaptation. Ces magnétrons fonctionnent
à la fréquence de 2,45 GHz. L'empilage de guides d'onde est traversé par un réacteur
en quartz, d'une capacité utile de 1000cm³, dans lequel circule le brai liquide. Une
gaine en quartz plonge dans le réacteur et permet, lorsque les magnétrons ne sont
pas en service, de mesurer la température au sein du liquide. A la sortie du réacteur,
un thermocouple permet la régulation en température.
b) Conditions de traitement
[0037] Contrairement au traitement thermique dans un four électrique, le traitement effectué
dans l'appareillage décrit ci-dessus permet :
- de traiter des brais, avec un débit de 2,7 l/h, à toute température allant jusqu'à
450°C ;
- de supprimer la période de préchauffage ;
- de ramener la puissance utile à 2,7 kW au lieu de 3,2 kW.
[0038] Selon l'exemple 3, on soumet au traitement par ondes hautes fréquences, dans les
conditions décrites ci-dessus, à la température de 415°C et pendant 45 minutes, le
même brai de goudrons de houille que celui décrit à l'exemple 1. Le brai liant obtenu
à l'issue de ce traitement possède les caractéristiques indiquées au tableau ci-après.
[0039] Selon les exemples 4 et 5, on soumet le brai liant obtenu à l'exemple 3 à une distillation
éclair sous une pression de 0,145 bar, de manière à éliminer respectivement 4,5% en
poids (exemple 4) et 1,3% en poids (exemple 5) de l'huile qu'il contient. Les brais
liants obtenus à l'issue de ces distillations possèdent les caractéristiques indiquées
au tableau ci-après.

1 - Brai liant pour électrode, possédant :
- un point de ramollissement C.I.A. compris entre 80°C et 150°C,
- une teneur en substances insolubles dans la quinoléine supérieure ou égale à 4%
en poids,
- une teneur en résines α+β comprise entre 28 et 40% en poids, et
- une teneur en carbone fixe, déterminée selon la morne ISO 6998, au moins égale à
51% en poids,
caractérisé en ce que son domaine de transition vitreuse ΔTg, déterminé par analyse
calorimétrique différentielle, est inférieur ou égal à 50°C.
2 - Brai selon la revendication 1, caractérisé en ce que son domaine de transition
vitreuse ΔTg est inférieur ou égal à 40°C.
3 - Brai selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce qu'il présente un
retard à l'écoulement T₂ - T₁, selon le test d'affinité brai-coke, au plus égal à
15°C.
4 - Brai selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'il présente une
température finale de pénétration T₂, selon le test d'affinité brai-coke, au plus
égale à 180°C.
5 - Procédé de fabrication d'un brai liant pour électrode tel que défini à l'une des
revendications 1 à 4, caractérisé en ce que l'on soumet un brai présentant une teneur
en substances insolubles dans la quinoléine inférieure à 4% en poids à un traitement
par ondes ayant une fréquence comprise entre 0,9 et 300 GHz.
6 - Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce qu'on utilise la fréquence
de 2,45 GHz.
7 - Procédé selon l'une des revendications 5 et 6, caractérisé en ce qu'on conduit
le traitement à la pression atmosphérique.
8 - Procédé selon l'une des revendications 5 et 6, caractérisé en ce qu'on conduit
le traitement sous une pression pouvant aller jusqu'à 20 bars.
9 - Procédé selon l'une des revendications 5 à 8, caractérisé en ce qu'on opère à
une température comprise entre 350 et 450°C.
10 - Procédé selon l'une des revendications 5 à 9, caractérisé en ce qu'on conduit
le traitement pendant une durée de 1 à 1200 minutes.
11 - Procédé selon l'une des revendications 5 à 10, caractérisé en ce que consécutivement
au traitement, on procède à une distillation complémentaire pour atteindre le point
de ramollissement C.I.A. désiré.
12 - Electrode caractérisée par le fait qu'elle contient un brai liant conforme à
l'une des revendications 1 à 4 ou obtenu selon l'une des revendications 5 à 11.