[0001] L'invention concerne un lanceur de projectile monoéclat à grande vitesse ou hypervitesse,
c'est-à-dire à quelques kilomètres par seconde. De tels lanceurs sont utilisés principalement
à des fins de simulation d'impacts de petits corps célestes tels que des météorites
et d'éclats produits par la fragmentation de projectiles explosifs.
[0002] Des raisons technologiques expliquent qu'il est difficile de parvenir à des vitesses
suffisamment importantes. Dans un article intitulé "Acceleration of projectiles with
the sequenced high explosive impulse launcher" de W.E. Fogg et C.W. Fleischer faisant
partie des comptes-rendus du Quatrième Congrès "Hypervelocity impact" tenu en avril
1960 aux Etats-Unis, on décrit ainsi un lanceur constitué d'une chambre et d'un canon
tubulaire dont l'âme débouche dans cette chambre et qui est par ailleurs équipé d'un
étage accélérateur constitué par une cartouche d'explosif détonant. La chambre est
remplie de poudre dont la déflagration provoque l'accélération du projectile contenu
dans l'âme du canon ; un détecteur à ionisation surveille le passage du projectile
juste en aval de l'accélérateur, et l'explosif constituant ce dernier est alors mis
à feu à son tour. Le projectile est donc soumis à une seconde impulsion.
[0003] La conception de ce lanceur appelle des critiques. Il n'est tout d'abord guère possible
de détecter avec une bonne précision la position du projectile en aval de l'accélérateur,
si bien que la charge de l'accélérateur a toutes les chances d'être amorcée à un mauvais
moment. En effet, les sondes à ionisation sont sujettes à un délai de réponse et ne
détectent pas forcément le projectile lui-même mais éventuellement des gaz ionisés
qui précèdent le projectile. De plus, le choix de poudre, c'est-à-dire d'explosif
présentant une déflagration relativement lente, permet au dire des auteurs d'obtenir
des vitesses de sortie connues à quelques pour cent, mais qui n'en sont pas moins
relativement faibles et qui sont liées à une incertitude de position car la mise en
vitesse du projectile est relativement lente au début et ne peut être connue avec
précision.
[0004] Pour un projectile d'acier, on a estimé la vitesse à environ 2,2 km/sec en amont
de l'accélérateur et 2,85 km/sec environ en aval, ce qui reste relativement faible.
[0005] Un lanceur plus récent est décrit dans un article de W.H. Holt, W.F. Soper et W.
Mock, Jr., dans "International Journal of Impact Engineering", vol. 5, pp. 357-362,
publié par Pergamon Journals Ltd en 1987. Ce lanceur est dépourvu d'accélérateur et
comprend simplement une chambre cylindro-conique créant un confinement des gaz d'explosion
et au sommet de laquelle l'âme du canon débouche. La partie conique de la chambre
est en fait un convergent qui permet de guider les gaz d'explosion. La charge occupe
la partie cylindrique de la chambre et est constituée d'un explosif détonant dont
la mise à feu est beaucoup plus rapide que celle de la poudre. On obtient des ondes
de choc beaucoup plus violentes qui permettent donc d'imprimer des accélérations et
des vitesses plus importantes au projectile. Le lanceur est endommagé à la première
utilisation, ce que l'on peut toutefois accepter en raison de sa grande simplicité.
Par contre, l'inventeur du présent lanceur a constaté que l'onde de choc communiquée
au lanceur qui précède le projectile du fait de la grande vitesse de propagation des
ondes dans le métal, tend à contracter le tube du canon devant le projectile et à
le faire imploser, ce qui provoque la destruction du projectile ou même son arrêt
dans le tube du canon. C'est probablement pour éviter ce phénomène que la réalisation
de ce second lanceur de l'art antérieur utilise une charge qui n'occupe qu'une partie
relativement faible de la chambre et qui est amorcée au centre, ce qui conduit à des
énergies moins importantes et à une action plus faible sur le tube.
[0006] Quoique le confinement rigide de la charge et l'emploi d'explosif détonant soient
bénéfiques en eux-mêmes, on ne peut ainsi toujours pas obtenir ds vitesses très importantes
: on a mesuré une vitesse de 3,2 km/sec pour une bille d'acier, et on peut espérer
obtenir une vitesse de 4,5 km/sec environ pour une bille d'aluminium à cause de sa
densité plus faible.
[0007] L'invention a pour objet en évitant ces inconvénients, d'accélérer un projectile
jusqu'à des vitesses inconnues auparavant, de l'ordre de 10 km/sec environ. Elle y
parvient à l'aide d'un lanceur comprenant une chambre dans laquelle on place une charge
d'explosif détonant et dans laquelle débouche un canon rectiligne dans lequel le projectile
est accéléré et dont le tube présente des rainures circonférentielles qui permettent
d'atténuer considérablement l'intensité de l'onde de choc longitudinale. De nombreuses
constructions particulières de ces rainures peuvent être proposées, mais il est avantageux
qu'elles se situent principalement sur la partie du canon proche de la chambre, qu'elles
soient profondes, c'est-à-dire qu'elles ne laissent subsister qu'une faible épaisseur
du tube et qu'elles soient situées à l'extérieur du tube de manière à conserver une
âme parfaitement lisse et cylindrique, car le projectile est à l'état plastique et
serait détruit par expansion dans des élargissements de l'âme.
[0008] Dans ces conditions, il n'y a plus à redouter de pincement ou de contraction du canon
et on peut soumettre le dispositif à une onde de choc beaucoup plus importante, qui
peut être produite par une augmentation de la quantité d'explosif à proximité immédiate
du canon et par un placement du ou des détonateurs sur les régions de l'explosif les
plus éloignées du tube cu canon.
[0009] Les performances d'un tel lanceur sont supérieures à celles du lanceur du second
article cité quoique l'on ne recherche pas à confiner les gaz d'explosion. Le lanceur
peut ainsi être dépourvu d'une culasse arrière.
[0010] Un autre avantage de l'utilisation d'explosif consiste à pouvoir prédire avec une
précision beaucoup plus grande les temps de passage du projectile dans le canon, si
bien qu'on peut interposer, comme dans le premier article cité mais avec une efficacité
beaucoup plus grande, un accélérateur constitué d'une deuxième charge d'explosif.
Il est inutile de chercher à repérer le passage du projectile par un instrument dont
les indications ne peuvent jamais être suffisamment précises ou fiables ; au lieu
de cela, on prévoit de faire exploser la charge de l'accélérateur avec un retard déterminé
par rapport à la charge contenue dans la chambre.
[0011] D'autres accélérateurs disposés en série peuvent également être prévus sans sortir
du cadre de l'invention, mais un seul semble toutefois suffisant pour satisfaire aux
exigences actuelles des essais de simulation.
[0012] Dans une réalisation envisagée, la chambre est cylindro-conique et la partie conique
correspond à un convergent débouchant dans le canon. L'explosif emplit alors partiellement
ce convergent.
[0013] L'accélérateur que l'on a évoqué plus haut peut consister avantageusement en une
charge cylindrique d'explosif détonant, placée coaxialement à l'âme et évidée à l'emplacement
de l'âme, que l'on amorce simultanément à partir de plusieurs régions de la périphérie
extérieure du cylindre et angulairement réparties de façon régulière.
[0014] On va à présent décrire l'invention plus en détail à l'aide des dessins suivants
annexés à titre illustratif et non limitatif :
- la figure 1 représente une vue générale d'un lanceur selon l'invention, et
- les figures 2 et 3 représentent deux variantes possibles de réalisation de la chambre
contenant l'explosif.
[0015] La chambre comprend donc une partie cylindrique 1 et une partie conique ou convergent
2 délimitées par une paroi 3 qui se prolonge, à son extrémité du côté du convergent
2, par une couronne 4 circonférentielle destinée à placer et centrer le canon 5.
[0016] Le canon 5, soudé à la couronne 4 ou simplement maintenu par collage, comprend un
tube 6 qui entoure une âme 7 lisse et cylindrique pour empêcher des déformations excessives
du projectile qui est porté à l'état plastique pendant la détonation. Le tube 6 est
en métal, en principe en acier. L'âme 7 débouche dans le convergent 2 par un orifice
8 situé au sommet de celui-ci ; elle débouche à son autre extrémité, qui constitue
la bouche 9 du canon 5, sur l'extérieur.
[0017] Un projectile 10 est placé dans l'âme 7 à proximité du convergent 2. Il s'agit d'un
petit cylindre qui peut être avantageusement d'aluminium afin d'obtenir une vitesse
plus importante.
[0018] Un accélérateur 11 est interposé à peu près au milieu du canon 5. Cet accélérateur
11 se compose de deux flasques circulaires 12 et 13, parallèles et perpendiculaires
à l'âme 7 (mais qui peuvent être également inclinés par rapport à celle-ci), et raccordés
à leur périphérie extérieure par une paroi circulaire 14. L'ensemble formé par ces
flasques et cette paroi circulaire délimite un volume interne cylindrique et coaxial
à l'âme 7. Les flasques 12 et 13 se raccordent par ailleurs au tube 6 à leur centre.
Un deuxième convergent 15 peut être prévu pour raccorder le volume interne cylindrique
à l'âme 7 du côté de la bouche 9.
[0019] Le tube 6 est entaillé de profondes rainures circonférentielles 16 situées, pour
la plupart d'entre elles, à proximité de la paroi 3 de la chambre. Les rainures 16
sont établies sur l'extérieur du tube 6 et ont une grande profondeur de manière à
ne laisser subsister qu'une faible partie de l'épaisseur du tube 6 autour de l'âme
7 (au plus la moitié et de préférence quelques dixièmes de l'épaisseur ailleurs).
Les rainures 16 peuvent être fines et n'avoir que quelques millimètres de largeur.
[0020] D'autres rainures 16 ont été prévues aux jonctions des flasques 12 et 13 avec le
tube 6 ainsi que près du second convergent 15.
[0021] Une charge d'explosif détonant 10 est introduite dans la chambre par la partie opposée
à l'orifice 8. La charge 20 emplit la quasi-totalité de la partie cylindrique 1 de
la chambre et la majeure partie du convergent 2 de la paroi duquel elle n'est séparée
que par un faible jeu. On réalise ainsi un excellent remplissage de la chambre et
notamment de sa partie proche du projectile 10, qui permet d'obtenir des ondes de
choc beaucoup plus violentes et d'imprimer au projectile 10 des accélérations beaucoup
plus importantes. Un certain éloignement de la charge 20 du projectile 10 reste cependant
nécessaire pour éviter sa désintégration lors des premiers instants de sa mise en
vitesse.
[0022] Un détonateur 21 est placé sur une culasse 22 qui s'ajuste sur une ouverture de la
chambre à l'opposé de l'orifice 8. Le détonateur 21 est donc au contact de la charge
20 à l'opposé du projectile 10. Ceci permet également d'obtenir une onde de choc plus
violente sur le projectile 10.
[0023] La culasse 22 est d'épaisseur relativement faible et n'est pas prévue pour confiner
les gaz d'explosion ; sa destruction est rapide à la mise à feu. Elle est simplement
mise en place sur la paroi 3 par des vis 23 radiales.
[0024] Une autre charge d'explosif détonant 24 est placée dans le volume interne de l'accélérateur
11. Il s'agit ici d'une cartouche cylindrique évidée autour de son axe de manière
à délimiter un passage 25 dans le prolongement de l'âme 7 et avec un diamètre un peu
plus important. Une couronne de détonateurs 26 est également prévue sur la paroi circulaire
14. Ces détonateurs sont ici au nombre de huit et espacés angulairement de 45°. Selon
le même principe que pour l'autre charge d'explosif 20, le volume creux est donc presque
entièrement rempli d'explosif et la mise à feu s'effectue à partir des points les
plus éloignés du projectile 10.
[0025] Le lanceur est complété par un dispositif de mise à feu 30 dont est issue une ligne
31 de mise à feu du détonateur 21 et une ligne 32 de mise à feu des détonateurs 26.
Sur cette ligne 32 un temporisateur 33 est fixé, qui retarde l'impulsion de mise à
feu d'un délai déterminé.
[0026] Le fonctionnement de ce lanceur peut être expliqué comme suit. Le détonateur 21 provoque
tout d'abord la détonation de la charge 20 ; les gaz de compression sont propulsés
contre le projectile 10 à une vitesse proche de celle de l'onde de détonation. Une
fraction de l'énergie cinétique des gaz est communiquée au projectile 10 qui est ainsi
vivement accéléré. Cependant, une onde de choc est communiquée à la paroi 3 puis au
canon 5 à une vitesse supérieure ou voisine de celle du son dans le matériau considéré,
c'est-à-dire 5,7 km/sec dans le cas de l'acier. Cette onde de choc précède donc le
projectile 10 durant la phase de mise en vitesse du projectile et l'expérience prouve
qu'elle a pour effet, dans le cas d'un canon tubulaire régulier, de l'imploser. Le
projectile 10 serait alors désintégré. Mais les rainures 16 s'opposent à ce phénomène
en permettant de filtrer la majeure partie de l'énergie de l'onde de choc. Le projectile
10 circule alors sans entrave dans l'âme 7 jusqu' à l'accélérateur 11.
[0027] Cette charge 20 peut toutefois présenter d'autres formes. Le bon fonctionnement de
cet étage nécessite cependant l'implosion de produits de détonation sur l'axe du canon
de manière à ce que la surpression des gaz sur l'axe s'accompagne d'une vitesse d'éjection
des gaz vers le projectile beaucoup plus grande que celle de ce dernier avant le fonctionnement
de cet étage.
[0028] Cette vitesse d'éjection des gaz de combustion dans la direction du projectile peut
être à loisir accrue en augmentant les dimensions extérieures et latérales de cette
charge. Il n'est en outre pas absolument nécessaire de disposer les détonateurs à
la périphérie de la charge pour réaliser cette implosion.
[0029] Quand le projectile 10 a franchi le passage 25 et le second convergent 15 pour se
retrouver de nouveau dans l'âme 7, l'impulsion de mise à feu qui avait jusqu'à présent
été retenue par le temporisateur 33 achève de circuler dans la ligne 32 et est communiquée
aux détonateurs 26 qui entourent l'âme 7. L'autre charge 24 est alors mise à feu à
son tour, et une partie des gaz de combustion engendre sur l'axe un jet excessivement
rapide qui s'écoule dans l'âme 7 et accélère de nouveau le projectile 10, d'autant
plus que l'onde de détonation est centripète. Les rainures 16 en aval de l'accélérateur
11 servent de même à empêcher l'implosion du canon 5.
[0030] Avec ces dispositions avantageuses, on espère accélérer le projectile 10 jusqu'à
environ 8 km à la seconde sans accélérateur 11 et au-delà de 10 km à la seconde avec
un accélérateur. Dans une construction en vue d'essais, le projectile 10 est un cylindre
d'aluminium de 4 mm de hauteur et 4 mm de diamètre et l'explosif est de l'Octolite,
la charge 20 ayant environ 80 mm de longueur et 40 mm de diamètre dans sa partie cylindrique,
et la charge 24 ayant environ 40 mm de longueur et 140 mm de diamètre. Le tube 6 a
40 mm de diamètre extérieur et les rainures 16 ont 5 mm de largeur et s'étendent jusqu'à
3 mm de l'âme 7.
[0031] Deux aménagements peuvent permettre d'obtenir éventuellement des performances encore
meilleures. Sur la figure 2, on voit que la forme de la chambre peut être modifiée
de telle sorte que le convergent 2 se raccorde à une partie cylindrique 101 de plus
grand diamètre mais n'enveloppant pas totalement la charge d'explosif 120 par une
face plane 102. La charge d'explosif 120 a donc un diamètre plus important ce qui
permet d'accroître notablement la masse de l'explosif. Aucune culasse n'existe ici.
[0032] La vitesse du projectile 10 doit être de ce fait plus élevée si le projectile 10
est suffisamment éloigné de la charge de manière à éviter sa désintégration initiale.
[0033] D'après la figure 3, on peut remplacer la chambre cylindro-conique par une chambre
purement conique 202. La charge 220 est également conique avec une face arrière sphérique,
et il est avantageux de dédoubler la ligne 31 pour permettre à plusieurs détonateurs
21 placés à intervalles réguliers sur la face de la charge 220 éloignée du projectile
10 d'être mis à feu en même temps. L'écoulement de gaz produit par l'explosion converge
alors vers l'orifice 8 et accroît ici encore la surpression qui s'exerce sur le projectile
10. Il n'existe pas, ici encore, de culasse arrière.
1. Lanceur de projectile (10) à grande vitesse comprenant une chambre (1, 2, 101,
102, 202) dans laquelle on place une charge d'explosif détonant (20, 120, 220), un
canon tubulaire (5) débouchant dans la chambre (2) par une extrémité (8) et comprenant
une âme (7) dans laquelle on place le projectile (10), caractérisé en ce que le canon
(5) est entaillé de rainures circonférientielles (16) sur sa surface extérieure.
2. Lanceur de projectile à grande vitesse suivant la revendication 1, caractérisé
en ce que la charge (20) est amorcée (21) à partir d'une région de la chambre opposée
au canon (5).
3. Lanceur de projectile à grande vitesse suivant l'une quelconque des revendications
1 ou 2, dans lequel le canon (5) débouche au sommet d'une partie conique (2) de la
chambre, caractérisé en ce que la charge (20) emplit partiellement la partie conique.
4. Lanceur de projectile à grande vitesse suivant l'une quelconque des revendications
2 ou 3, caractérisé en ce que la chambre (202) est évasée en s'éloignant du canon
et en ce que la charge (220) est amorcée simultanément en plusieurs régions opposées
au canon et équidistantes du canon.
5. Lanceur de projectile à grande vitesse suivant l'une quelconque des revendications
1 à 4, dans lequel le canon est muni d'un accélérateur (11) formé d'une charge cylindrique
(24) d'explosif détonant évidée (25) autour de l'âme (7), caractérisé en ce que la
charge de l'accélérateur est amorcée (26) à partir de plusieurs régions éloignées
de l'âme, et situées autour de l'âme.
6. Lanceur de projectile à grande vitesse suivant la revendication suivant la revendication
5, caractérisé en ce que la charge de l'accélérateur (24) est amorcée avec un retard
déterminé (33) par rapport à la charge de la chambre (20, 120, 220).