[0001] La présente invention a pour objet un procédé de fabrication d'une cathode imprégnée
et une cathode obtenue par ce procédé. Elle trouve une application dans la réalisation
de cathodes pour tubes électroniques, tubes hyperfréquences, tubes caméra, tubes de
visualisation, etc.
[0002] Une cathode imprégnée est constituée d'un corps poreux en métal réfractaire comme
le tungstène, imprégné d'un mélange d'oxyde alcalin ou alcalino-terreux capable de
fournir, à la surface de la cathode, des métaux libres alcalins ou alcalino-terreux.
[0003] Le corps en métal réfractaire des cathodes imprégnées peut être réalisé en comprimant
une poudre finement divisée du métal à l'aide d'une presse isostatique ou d'une presse
uniaxe. Les corps compacts obtenus sont ensuite chauffés sous hydrogène à température
élevée, afin de fritter les particules les unes aux autres et augmenter la densité
du corps poreux.
[0004] Pour faciliter l'usinage du corps poreux, celui-ci est infiltré avec du cuivre ou
du plastique, puis usiné à la forme désirée. Par la suite, le cuivre ou le plastique
sont retirés par chauffage ou dissolution dans un acide.
[0005] Afin de réduire la procédure de fabrication, il est également possible de presser
la cathode en forme dès le premier stade, en tenant compte des modifications de volume
qui ont lieu au cours du frittage.
[0006] L'émissivité électronique de ces cathodes peut encore être améliorée si les corps
poreux sont fabriqués, soit à partir d'un mélange de tungstène avec de l'osmium ou
avec d'autres éléments de la mine du platine, soit à partir d'un mélange de tungstène
et d'oxyde de scandium Sc₂O₃ ou d'oxydes d'autres terres rares.
[0007] Le corps poreux ainsi obtenu est brasé sur une jupe en molybdène qui sert à maintenir,
d'un côté, la pastille émissive et, de l'autre, un filament potté dans de l'alumine
et qui permet le chauffage de la cathode.
[0008] Les pores du corps poreux peuvent alors être remplis avec des aluminates de baryum
et de calcium. Pour cette opération, le corps poreux est maintenu en contact étroit
avec une composition d'aluminate portée, sous atmosphère réductrice, à une température
supérieure à son point de fusion. Le contact est assuré, soit en immergeant le corps
poreux dans l'aluminate, soit en plaçant l'aluminate sur le corps poreux. Au moment
de la fusion, l'aluminate diffuse par capillarité ou par écoulement à l'intérieur
des pores ouverts et les remplit complètement. Après refroidissement, le corps poreux
est en général occupé à 90 ou 100% par l'aluminate solidifié. Puis la cathode est
nettoyée mécaniquement et chimiquement, afin d'éliminer les résidus d'aluminates qui
sont restés collés sur les surfaces.
[0009] La cathode est ensuite montée dans un système sous vide. Elle est alors activée à
une température à laquelle l'aluminate de baryum et de calcium libère de l'oxyde de
baryum. Du baryum métallique est produit dans les zones où l'aluminate est en contact
avec le métal réfractaire et par réduction de la vapeur d'oxyde de baryum à la surface
du tungstène. Le baryum métallique atteint l'extrémité des pores et diffuse sur toute
la surface émissive où il forme avec l'oxygène une monocouche superficielle qui favorise
l'émissivité électronique en abaissant le travail de sortie des électrons.
[0010] Par ailleurs, le dépôt, sur la surface émissive de ces cathodes imprégnées, d'un
film d'osmium, d'iridium, de ruthénium ou d'un alliage de ces corps, ce film ayant
une épaisseur de quelques milliers d'Angströms, peut améliorer l'émissivité d'un facteur
3 environ.
[0011] La durée de vie d'une cathode imprégnée de ce type est conditionnée par l'approvisionnement
en baryum de la surface à partir de l'intérieur des pores, tout au long du fonctionnement
de la cathode. Cet approvisionnement est cependant contrarié par les résidus de réactions
qui, en se formant progressivement, obstruent les pores et limitent la formation de
baryum libre et sa migration vers la surface. A la fin de vie de ces cathodes, on
constate que seule une partie des réserves en baryum contenues dans le corps poreux
a été utilisée.
[0012] Cet inconvénient est lié aux procédures traditionnelles d'imprégnation qui entraînent
un remplissage compact par les aluminates de la totalité des pores ouverts, du fond
jusqu'à la surface du corps poreux. Par ailleurs, la composition exacte de l'imprégnant
qui occupe les pores n'est pas connue avec précision et elle reste très sensible aux
conditions d'imprégnation.
[0013] La présente invention a justement pour but de remédier à ces inconvénients. A cette
fin, elle préconise un processus d'imprégnation original. Selon l'invention l'aluminate
de baryum, de calcium et éventuellement de scandium est infiltré à l'état de sol ou
de suspension colloïdale stable en milieu aqueux ou solvant organique et, après mise
en oeuvre d'une procédure sol-gel, le composé tapisse ou occupe de manière lâche
les pores du corps poreux sur toute son épaisseur.
[0014] Cette répartition de l'imprégnant augmente la réserve en baryum qui peut effectivement
participer au recouvrement de la surface émissive. Les cathodes obtenues par le procédé
de l'invention voient alors leur durée de vie augmenter.
[0015] Le composé qui occupe les pores a une composition connue et uniforme à l'échelle
atomique.
[0016] On peut observer que la mise en oeuvre de la procédure sol-gel est déjà connue dans
le domaine de la fabrication des cathodes imprégnées mais dans des conditions de mise
en oeuvre totalement différentes. Il a été proposé en effet de préparer la poudre
d'aluminate de baryum et de calcium par la procédure sol-gel, à la place de la calcination
classique d'un mélange de carbonate et d'alumine. La procédure sol-gel a l'avantage
de conduire à une granulométrie très fine et à une composition très homogène. La poudre
est portée à une température supérieure à son point de fusion. L'imprégnation du corps
poreux en tungstène s'effectue alors selon la technique traditionnelle décrite plus
haut par trempage dans le mélange fondu. L'obtention de poudres par la méthode sol-gel
est décrite par exemple dans l'article de J.C. BERNIER intitulé "Sol-Gel Processing
for the Synthesis of Powders for Dielectrics" publié dans la revue "Powder Metallurgy
International" vol.18, N°3, 1986, pp. 164-168.
[0017] De façon précise, l'invention a donc pour objet un procédé de fabrication d'une cathode
imprégnée, dans lequel on réalise un corps poreux par pressage et frittage d'au moins
une poudre de métal réfractaire et dans lequel on imprègne ce corps poreux avec un
composé apte à conduire à une forte émissivité électronique, ce procédé étant caractérisé
par le fait que l'opération d'imprégnation du corps comprend les étapes suivantes
:
- on réalise une solution constituée par un mélange stable de composés organo-métalliques
appropriés à la formation d'une poudre conduisant à une émission électronique et qui
est apte à la mise en oeuvre d'une procédure sol-gel,
- on déclenche et on contrôle la procédure sol-gel par des moyens appropriés,
- on introduit le corps poreux dans la solution où on le maintient pendant une durée
appropriée,
- on élimine les solvants organiques,
- on élève la température du corps jusqu'à obtenir le grillage in situ du composé
imprégnant le corps.
[0018] L'invention a également pour objet une cathode imprégnée telle qu'on l'obtient en
mettant en oeuvre le procédé qui vient d'être défini. Cette cathode est caractérisée
par le fait que les pores du corps fritté ne sont que partiellement remplis par le
composé émissif ; ce remplissage est compris entre 10 et 50% (au lieu de 90% et plus,
comme dans l'art antérieur). Selon les conditions opératoires (taille des pores, température,
viscosité du gel, vitesse de grillage etc.) le composé émissif peut soit tapisser
les parois des pores, laissant un microcanal ouvert pour la migration des oxydes vers
la surface de la cathode, soit conduire à un volume microporeux laissant passer les
oxydes.
[0019] De toute façon, les caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux
après la description qui va suivre, d'exemples donnés à titre illustratif et nullement
limitatif. Cette description se réfère à des dessins annexés sur lesquels :
- la figure 1 représente une cathode imprégnée montée,
- la figure 2 (a et b) illustre la structure lâche du remplissage obtenu selon l'invention.
[0020] Sur la figure 1, on voit une pastille imprégnée 10 montée sur une jupe 12, par exemple
en molybdène. Un filament en tungstène-rhénium 14 recouvert d'un film isolant est
maintenu dans la jupe 12 par un corps ("potting") d'alumine 16.
[0021] Cet ensemble est réalisé de la manière suivante.
[0022] Le corps de la cathode est d'abord préparé suivant des procédures couramment utilisées.
On part d'une ou de plusieurs poudres de matériaux que l'on traite par mélange, pressage,
frittage, infiltration de cuivre ou de matériau plastique, usinage et libération des
pores. On peut aussi fritter directement des pastilles pressées en forme. La porosité
du corps ainsi obtenu peut être de l'ordre de 10 à 30% par rapport au volume du substrat
poreux.
[0023] Au moins l'une des poudres de départ est une poudre d'éléments connus tels que le
tungstène, le molybdène, le tantale, le rhénium ou les alliages les contenant, ou
une poudre d'un élément capable d'améliorer l'émission électronique, tels que l'osmium,
le ruthénium, l'iridium ou les alliages contenant au moins l'un de ces éléments ou,
enfin, une poudre d'oxyde de scandium ou des particules d'oxydes contenant du scandium
à raison de 2 à 50% en volume de scandium en terms d'oxyde de scandium.
[0024] A titre explicatif, on peut s'y prendre par exemple comme suit.
[0025] Un barreau de tungstène à 18% de porosité est obtenu par pressage isostatique d'une
poudre de tungstène tamisée et de granulométrie centrée autour de 7 µm, puis par frittage
à 2100°C sous hydrogène. Des pastilles (comme indiqué en 10 sur la figure 1) sont
usinées dans ce barreau de tungstène poreux qui a été au préalable infiltré d'un matériau
plastique. Après élimination du matériau plastique, la pastille usinée est brasée
sur une jupe (12 de la figure 1) sous hydrogène à 1950°C à l'aide d'une brasure Mo-Ru.
Un filament de W-Re préalablement aluminé est potté avec de l'alumine à l'intérieur
de la jupe. Cette opération se fait par frittage à 1800°C sous hydrogène d'une poudre
d'alumine déposée à l'aide d'une suspension autour du filament à l'intérieur de la
jupe.
[0026] Quant à l'imprégnation de ce corps, elle peut s'effectuer conformément à l'invention,
de la manière suivante.
[0027] La préparation de l'imprégnant de matériau à émissivité électronique est faite à
partir d'au moins un précurseur organique, soit de baryum, soit de calcium, soit d'aluminium
et soit éventuellement de scandium. Le ou les autres éléments (Ba, Ca, Al, Sc) sont
introduits sous forme d'un sel organique ou minéral soluble dans le même solvant que
le (ou les) précurseur(s) organique(s) ou dans un solvant qui lui est miscible.
[0028] Les composés de départ sont dissous séparément dans des solvants organiques tels
que des alcools, des acides ou le toluène puis mélangés ensemble. Il est ainsi obtenu
une solution stable contenant de deux à quatre sels ou complexes organo-métalliques.
Afin de réaliser l'hydrolyse de cette solution, est ajoutée une base faible (NH₄OH,
N₂H₄.H₂O, H₂O ou autre) qui a aussi un rôle complexant. Après une vigoureuse agitation,
par réaction d'hydrolyse et de polycondensation, le gel commence à se former lentement
sans qu'aucune précipitation ne soit induite si la température est maintenue entre
-10 et +10°C.
[0029] Les corps poreux brasés sur leur jupe et munis d'un filament pris dans l'alumine
sont alors trempés dans la solution, face émissive vers le bas, de telle sorte que
l'alumine soit maintenue hors contamination par le gel. La solution où le gel commence
à se former, infiltre complètement les pores des corps poreux.
[0030] La température de la solution est ensuite progressivement augmentée jusqu'à une valeur
comprise entre environ 40°C et 70°C et la formation du gel se poursuit pendant plusieurs
heures.
[0031] Après cette opération, le récipient contenant les cathodes et le gel est très progressivement
porté à 300°C environ, afin que les solvants organiques soient complètement éliminés
et que le gel soit séché. La vitesse de chauffage est lente afin d'éviter une agglomération
en fines particules et d'assurer un recouvrement régulier de la surface des pores
par le dépôt.
[0032] Les cathodes sont ensuite placées avec précaution dans un four à hydrogène et chauffées
dans une première étape à 700°C pendant 3 heures afin que les ligands organiques soient
pyrolisés. A ce stade de la préparation, l'aluminate de baryum et de calcium tapisse
en grande partie la surface des pores. Ce film superficiel est cristallisé et stabilisé
par chauffage complémentaire sous H₂ à 1000°C. Mais il peut également se produire
des micropores dans des volumes remplissant les pores.
[0033] La figure 2 illustre schématiquement deux cas extrêmes : sur la partie a, on voit
une section droite à l'échelle de quelques grains de tungstène ; ces grains 20 délimitent
des pores 22 qui sont tapissés par une couche 24 d'aluminate de baryum et de calcium.
Un microcanal 25 subsiste au centre du pore. Sur la partie b, l'aluminate de baryum
et de calcium 26 est microporeux.
[0034] Dans les deux cas, comme dans tout cas intermédiaire, le remplissage des pores n'est
que partiel, ce qui, comme expliqué plus haut, confère à la cathode une meilleure
durée de vie.
[0035] Les conditions de mises en solution et de traitements thermiques sont ajustées de
telle sorte que 10 à 50% du volume des pores soient remplis par l'aluminate de baryum
et de calcium. Par ailleurs, la procédure sol-gel donne une microhomogénéité absolue
de l'aluminate contenu dans les pores.
[0036] Le matériau d'émission électronique qui remplit incomplètement les pores inclut les
aluminates de baryum, de calcium et de scandium. Pour l'aluminate ternaire, les compositions
ayant les meilleures propriétés d'émission électronique sont les suivantes : 4 moles
de BaO+ 1 mole de CaO+ 1 mole de Al₂O₃ et 5 moles de BaO + 3 moles de CaO + 2 moles
d'Al₂O₃. Les composés à plus faible évaporation de baryum comme le 5-4-2 (5 moles
de BaO, 4 moles de CaO et 2 moles d'Al₂O₃) et à émissivité électrique correcte sont
également dignes d'intérêt. Pour l'aluminate quaternaire, des teneurs en scandium
comprises entre 2 et 7% en poids de la quantité totale du composé constituant la réserve
donnent de bons résultats.
[0037] La préparation du sol-gel peut être faite, dans le cas d'un aluminate de baryum et
de calcium 4-1-1, à partir des précurseurs organiques suivants : le butoxyde d'aluminium,
le propionate de baryum, le propionate de calcium. Ces organo-métalliques sont dissous
séparément de la manière suivante : le butoxyde d'aluminium avec le propanol, les
propionates de baryum et de calcium dans l'acide propionique puis mélangés ensemble
dans les proportions correspondantes après formation des aluminates à 4 BaO, 1 CaO
et 1 Al₂O₃. La température de la solution stable obtenue est maintenue à 0°C afin
de limiter la vitesse d'hydrolyse et de préparer un gel homogène. A cette solution,
est ajouté un volume égal d'une solution de base faible N₂H₄ - H₂O (0,5 mole) dans
l'éthanol ; l'ensemble est vigoureusement agité pendant 15 minutes.
[0038] La cathode obtenue selon le procédé de l'invention peut être revêtue d'un film d'épaisseur
comprise entre 10 et 30000 Å d'au moins l'un des éléments sélectionnés dans le groupe
comprenant l'osmium, le ruthénium, l'iridium et les alliages contenant au moins l'un
de ces éléments.
1. Procédé de fabrication d'une cathode imprégnée, dans lequel on réalise un corps
poreux par pressage et frittage d'au moins une poudre de métal réfractaire et dans
lequel on imprègne ce corps poreux avec un composé apte à conduire à une forte émissivité
électronique, ce procédé étant caractérisé par le fait que l'opération d'imprégnation
du corps comprend les étapes suivantes :
- on réalise une solution constituée par un mélange stable de composés organo-métalliques
appropriés à la formation d'une poudre favorable à une émission électronique et qui
est apte à la mise en oeuvre d'une procédure sol-gel,
- on déclenche et on contrôle le procédure sol-gel par des moyens appropriés,
- on introduit le corps poreux dans la solution où on le maintient pendant une durée
appropriée,
- on élimine les solvants organiques,
- on élève la température du substrat jusqu'à obtenir le grillage in situ du composé
imprégnant le corps.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé par le fait que la solution servant
à imprégner le corps poreux est obtenue à partir d'au moins un précurseur organique
de baryum, de calcium, d'aluminium ou de scandium.
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé par le fait que l'on introduit dans
la solution du baryum, du calcium, de l'aluminium ou du scandium sous forme de sel
organique ou minéral soluble dans le même solvant que le(s) précurseur(s) organique(s)
ou dans un solvant qui lui est miscible.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 2 et 3, caractérisé par le fait
que l'on réalise l'hydrolyse de la solution obtenue en lui ajoutant une base faible.
5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé par le fait que l'on agite vigoureusement
la solution en la maintenant à une température comprise entre environ -10°C et 10°C.
6. Cathode imprégnée obtenue par le procédé selon la revendication 1, cette cathode
comprenant un corps poreux (10) en métal réfractaire imprégné d'un composé approprié
à l'obtention d'une émissivité électronique élevée, cette cathode étant caractérisée
par le fait que les pores (22) du corps (10) ne sont que partiellement remplis par
ledit composé.
7. Cathode imprégnée selon la revendication 6, caractérisée par le fait que les pores
(22) du corps (10) sont remplis à une valeur comprise entre 10 et 50% de leur volume
par le composé émissif.
8. Cathode imprégnée selon la revendication 5, caractérisée par le fait que les parois
des pores (22) du corps (10) sont tapissées par le composé (24), un microcanal (25)
libre subsistant entre les parois tapissées.
9. Cathode imprégnée selon la revendication 5, caractérisée par le fait que le volume
imprégné (26) est microporeux.