[0001] L'invention concerne un générateur de neutrons à haut flux avec une cible frappée
par un faisceau d'ions isotopes de l'hydrogène, ladite cible étant constituée par
une structure comportant une couche métallique à coefficient d'absorption élevé vis
à vis de l'hydrogène, élaborée sur une couche de support réalisée en un métal à grand
coefficient de thermoconductibilité et à faible degré de volatilisation.
[0002] De tels générateurs sont utilisés par exemple dans les techniques d'examen de la
matière par neutrons rapides, thermiques, épithermiques ou froids.
[0003] Les neutrons sont engendrés par des réactions entre noyaux des isotopes lourds de
l'hydrogène : le deutérium et le tritium. Ces réactions se produisent du fait qu'une
cible, contenant du deutérium et du tritium, est soumise au bombardement d'un faisceau
d'ions de deutérium et d'ions de tritium accélérés sous une différence de potentiel
élevée. Les ions de deutérium et les ions de tritium sont formés dans une source d'ions
dans laquelle un mélange gazeux de deutérium et de tritium est ionisé. La collision
entre un noyau de deutérium et un noyau de tritium fournit un neutron nanti d'une
énergie de 14 MeV, et une particule -α nantie d'une énergie de 3,6 MeV.
[0004] Pour obtenir le rendement de réaction maximum, il convient notamment d'avoir la densité
de noyaux cibles la plus élevée possible. Un moyen couramment utilisé pour réaliser
de telles cibles avec les isotopes de l'hydrogène consiste à fixer les noyaux dans
le réseau cristallin d'un matériau hydrurable.
[0005] Parmi ces matériaux, le titane est souvent utilisé en raison de son plus faible pouvoir
d'arrêt, ce qui a pour résultat un meilleur rendement neutronique. En revanche, ces
matériaux présentent l'inconvénient d'une tenue mécanique insuffisante dès lors que
la concentration en hydrogène est élevée et le matériau en "couche épaisse" (phénomène
de délitement entraînant la dispersion de particules métalliques, ce qui est préjudiciable
à la tenue en tension des dispositifs d'accélération du faisceau ionique).
[0006] En conséquence, ces matériaux doivent être utilisés en couches minces sur un support
ou un substrat qui doit présenter un faible coefficient d'absorption et de diffusion
vis à vis de l'hydrogène, une bonne conductibilité thermique permettant l'évacuation
de l'énergie dissipée et une bonne résistance à la corrosion vis à vis du fluide
de refroidissement. Un support en cuivre par exemple répond partiellement à ces critères
mais présente un coefficient de pulvérisation élevé. Une cible de bonne tenue mécanique
est difficilement réalisable avec ce support du fait que le coefficient de dilatation
linéaire du titane est très différent de celui du cuivre. De plus, dans le cas d'un
faisceau à densité d'énergie non uniforme, la durée de vie de la cible serait très
limitée du fait qu'après érosion de la couche de titane aux endroits de forte densité
du faisceau d'ions, le cuivre du support se trouverait rapidement pulvérisé sur la
surface de titane environnante et ralentirait considérablement l'énergie des ions
et par suite le rendement en neutrons ; on aboutirait simultanément au percement
de la couche de support.
[0007] Un moyen d'éviter ce phénomène consiste à élaborer entre la couche support et la
couche métallique superficielle absorbant l'hydrogène, une couche intermédiaire d'un
matériau tel que le molybdène plus résistant à l'érosion ionique et moins perméable
à l'hydrogène et à ses isotopes. Ainsi la concentration en ions hydrogène de la couche
superficielle augmente rapidement jusqu'à l'établissement d'un état d'équilibre dans
lequel la quantité d'hydrogène qui pénètre dans ladite couche superficielle est égale
à celle qui en sort par diffusion. On atteint alors le maximum de concentration d'atomes
de tritium dans la mince couche de titane et par conséquent le rendement neutronique
le plus élevé.
[0008] Dans le brevet français n° 2 438 153, l'élaboration d'une deuxième couche intermédiaire
en un matériau tel que le vanadium dont le coefficient de dilatation linéaire est
situé entre ceux de la couche support et de la première couche intermédiaire, permet
une meilleure adhérence des surfaces en contact.
[0009] Les améliorations successives apportées à l'élaboration de la cible dans les réalisations
précitées visaient à prolonger sa durée de vie en ralentissant le processus d'érosion
du substrat sous l'effet du bombardement ionique, étant entendu par ailleurs que le
faisceau est constitué d'un mélange équimoléculaire deutérium-tritium de telle sorte
que les ions extraits de la source et implantés dans la cible après accélération ne
conduisent pas à un appauvrissement des noyaux cible au profit des noyaux du faisceau.
[0010] A ce stade, l'implantation ionique du faisceau s'effectue dans des couches des matériaux
supports dont le pouvoir d'arrêt, beaucoup plus élevé que dans la couche active,
fait chuter fortement l'émission neutronique entraînant la fin de vie opérationnelle
du tube.
[0011] Le but de l'invention est de procurer un générateur de neutrons avec une cible qui
est frappée par un faisceau d'ions d'hydrogène, la durée de vie de cette cible soumise
à l'influence d'un bombardement par faisceau d'ions à grande intensité étant plus
longue que la durée de vie des cibles de générateurs de neutrons connues.
[0012] Conformément à l'invention, le générateur de neutrons du genre mentionné dans le
préambule est remarquable en ce que la couche activée à fort coefficient d'absorption
est constituée d'un empilage de couches identiques isolées les unes des autres par
une barrière de diffusion, l'épaisseur desdites couches à fort coefficient d'absorption
étant égale par exemple à la profondeur de pénétration des ions deutérium qui viennent
frapper la cible.
[0013] De cette façon, l'hydruration des couches profondes ne s'effectue que par étapes
au fur et à mesure du percement des barrières de diffusion sous l'effet de l'érosion
due au bombardement. La durée de vie des cibles connues comportant une seule couche
active peut ainsi être multipliée par le nombre de couches actives superposées dans
la cible de l'invention.
[0014] De plus, la limitation de la diffusion du tritium à l'épaisseur d'une couche permet
de ne pas diluer la concentration des noyaux cible au-delà de la zone de pénétration
du faisceau, ce qui présente le double avantage d'accélérer l'imprégnation de la
cible et d'améliorer le rendement neutronique.
[0015] Un autre avantage consiste en la réduction de la quantité totale de mélange deutérium-tritium
nécessaire au fonctionnement du tube, surtout marqué en ce qui concerne la quantité
de tritium dont on sait qu'il se décompose progressivement en He3, ce qui augmente
corrélativement la pression résiduelle dans le tube.
[0016] Le métal des couches très perméables à l'hydrogène appartient au groupe comportant
le titane, le zirconium, le scandium, l'yttrium et les lanthanides, alors que le métal
formant la couche de support appartient au groupe comportant le molybdène, le tungstène,
le tantale, le chrome et le niobium.
[0017] Les barrières de diffusion peuvent être élaborées par des moyens chimiques tels que
nitruration en plasma réactif, dépôt de couche passivée par oxydation ou par des
moyens physiques tels que dépôts de couche métallique appropriée, implantation ionique
etc...
[0018] La description suivante en regard du dessin annexé, le tout donné à titre d'exemple,
fera bien comprendre comment l'invention peut être réalisée.
La figure 1a est une coupe longitudinale schématique d'un générateur de neutrons
équipé de la cible conforme à l'invention.
La figure 1b représente à plus grande échelle une partie de la cible du générateur
représenté par la figure 1a.
[0019] Dans le générateur de neutrons que représente la figure 1a, une enveloppe 1 contient
un mélange gazeux en proportions égales de deutérium et de tritium sous une pression
de l'ordre de quelques millièmes de millimètre de mercure. Ce mélange gazeux est fourni
par l'intermédiaire d'un régulateur de pression 2. La pression gazeuse est contrôlée
à l'aide d'un manomètre d'ionisation 3. Le mélange de deutérium et de tritium est
ionisé dans la source d'ions 4 et un faisceau ionique en est extrait par l'électrode
d'accélération 5 solidaire de l'enveloppe 1 et refroidie en 6 par une circulation
d'eau. Par rapport à cette électrode 5, l'anode 7 est portée à un potentiel de très
haute tension positif (+THT).
[0020] La source d'ions 4 de type Penning comporte en outre deux cathodes 8 et 9 portées
à un même potentiel négatif de l'ordre de 5 kV par rapport à l'anode 7 et un aimant
permanent 10 créant un champ magnétique axial et dont le circuit magnétique est fermé
par la douille ferromagnétique 11 qui enveloppe la source d'ions 4. La haute tension
positive +THT est appliquée à la source par le câble 12 dont l'extrémité est entourée
par les manchons isolants 13 et 14.
[0021] Le faisceau d'ions passe par l'électrode suppresseuse 15 et frappe la cible 16 refroidie
en 17 par une circulation d'eau. Une partie de cette cible est représentée à plus
grande échelle sur la figure 1b.
[0022] La cible 16 est constituée d'un substrat en molybdène 18 formant la couche support
sur laquelle est formée une couche de titane 19. Selon l'invention on élabore successivement
une première barrière de diffusion de l'hydrogène 20 suivie d'une couche de titane
21, puis de la même façon, les barrières de diffusion 22, 24 et 26 en alternance
avec les couches de titane de même épaisseur 23, 25 et 27 respectivement.
[0023] Le choix de l'épaisseur desdites couches est en relation avec la profondeur de pénétration
des ions deutérium venant frapper la cible en titane pour y engendrer par collision
avec les ions tritium implantés, une émission neutronique de 14 MeV. On évite ainsi
l'appauvrissement de la concentration superficielle de la cible en noyaux tritium
qui résulterait de leur diffusion vers l'intérieur d'une couche plus épaisse.
[0024] La régénération des noyaux cible tritium est convenablement assurée si le mélange
deutérium-tritium à l'intérieur du tube neutronique de la figure 1a se trouve en
quantités égales.
[0025] Du fait de la répartition non uniforme en densité du faisceau ionique indiquée en
28, il y a implantation de tritium en plus grande quantité dans la zone de cible frappée
par la partie centrale du faisceau et corrélativement une érosion de plus en plus
accentuée de la première couche de titane 27, au fur et à mesure qu'on se rapproche
de cette partie centrale tel qu'indiqué en 29. Le perçage de la couche 27 se produit
donc dans cette même partie centrale suivi de l'érosion puis du perçage de la barrière
de diffusion 26. La couche de titane 25 déjà partiellement imprégnée par les ions
ayant franchi les zones érodées de la couche 27 et de la barrière 26 commence alors
à être directement imprégnée par le faisceau tandis que la barrière 24 remplit son
rôle protecteur pour limiter la diffusion des ions hydrogène et donc maintenir leur
concentration sensiblement au même niveau qu'elle avait dans la couche immédiatement
supérieure.
[0026] Ainsi de proche en proche, après chaque percement d'une barrière de diffusion, on
va imprégner la couche de titane sous-jacente tout en prévenant par la barrière suivante
la pénétration par diffusion des ions tritium vers les couches inférieures. Il en
résulte que le taux de concentration en ions hydrogène dans les couches de titane
successives et par suite le niveau d'émission neutronique sont maintenus sensiblement
constants au fur et à mesure de l'érosion de ces couches successives.
[0027] On s'est limité à la réalisation d'une cible à cinq couches actives permettant un
gain voisin de cinq sur la durée de vie, la multiplication d'un nombre de couches
supérieur à la valeur ci-dessus risquant de poser des problèmes plus complexes à
maîtriser.
[0028] La cible de l'invention peut être réalisée selon une méthode de pulvérisation cathodique
comportant les étapes suivantes :
1 - On dépose une couche de titane sur un substrat en molybdène constituant l'anode
du dispositif de pulvérisation dont la cathode est une cible en titane. Cette cible
est bombardée par les ions d'un gaz neutre et lourd tel que l'argon à coefficient
de pulvérisation élevé. Les atomes d'argon ionisés sont ensuite projetés sur le substrat
jusqu'à ce que l'épaisseur désirée soit atteinte.
2 - On évacue l'argon que l'on remplace par de l'azote, gaz moins lourd et non neutre
à partir duquel il va se déposer une couche de nitrure de titane qui constitue la
barrière de diffusion par dessus la couche précédente de titane.
3 - On évacue l'azote pour le remplacer par de l'argon afin de déposer une autre couche
de titane.
4 - Les étapes 2 et 3 sont renouvelées autant de fois qu'on le désire en introduisant
alternativement de l'argon et de l'azote dans le bâti de pulvérisation sans interrompre
nécessairement le processus de dépôt.
[0029] Cette méthode d'obtention des barrières de diffusion par nitruration en plasma réactif
n'est pas limitative. Elle n'exclut évidemment pas l'utilisation des barrières obtenues
par tout autre procédé chimique tel que l'oxydation, ou procédé physique tel que le
dépôt de couches métalliques intermédiaires ou de barrières réalisées par implantation
ionique.
1. Générateur de neutrons avec une cible frappée par un faisceau d'ions isotopes de
l'hydrogène, ladite cible étant constituée par une structure comportant une couche
métallique à coefficient d'absorption élevé vis à vis de l'hydrogène, élaborée sur
une couche de support réalisée en un métal à grand coefficient de thermoconductibilité
et à faible degré de volatilisation, caractérisé en ce que la couche active à fort
coefficient d'absorption est constituée d'un empilage de couches identiques isolées
les unes des autres par une barrière de diffusion, l'épaisseur desdites couches à
fort coefficient d'absorption étant égale par exemple à la profondeur de pénétration
des ions deutérium qui viennent frapper la cible.
2. Générateur de neutrons selon la revendication 1, caractérisé en ce que le métal
desdites couches à coefficient d'absorption élevé appartient au groupe comportant
le titane, le zirconium, le scandium, l'yttrium et les lanthanides, alors que le métal
formant ladite couche de support appartient au groupe comportant le molybdène, le
tungstène, le tantale, le chrome et le niobium.
3. Générateur de neutrons selon les revendications 1 et 2, caractérisé en ce que l'épaisseur
de chacune desdites couches à coefficient d'absorption élevé est de l'ordre de quelques
microns.
4. Générateur de neutrons selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce
que lesdites barrières de diffusion sont élaborées par des moyens chimiques tels
que nitruration en plasma réactif, dépôt de couche passivée par oxydation ou par
des moyens physiques tels que dépôts de couche métallique appropriée, implantation
ionique etc...
5. Cible, caractérisée en ce qu'elle est destinée à un générateur de neutrons selon
l'une quelconque des revendications précédentes.