[0001] La présente invention concerne un dispositif de stabilisation pour un projectile,
destiné à être tiré à partir d'un tube rayé, et présentant un faible moment d'inertie
longitudinal, par exemple un projectile autopropulsé comprenant un pénétrateur en
matériau lourd, tel le tungstène, et une enveloppe en matériau léger, de type composite.
[0002] Les projectiles autopropulsés sont connus depuis déjà quelques années. On peut distinguer
deux modes d'autopropulsion:
[0003] La propulsion fusée, dans laquelle le projectile porte une charge propulsive, de
type propergol solide composite ou homogène, générant une pression de gaz à sa partie
arrière. Ce premier mode d'autopropulsion est utilisé par exemple pour les roquettes
et également dans certains obus d'artillerie (voir brevet FR2522134) ; il permet alors
d'accroître notablement la portée.
[0004] La propulsion par statoréacteur utilise une charge propulsive de type propergol solide
ablatable ou autopyrolisable disposée à l'intérieur d'une enveloppe comportant une
ouverture d'admission d'air à l'avant du projectile et une tuyère de sortie. L'air
admis aux grandes vitesses de vol est ralenti dans un diffuseur d'entrée et pénètre
sous forme d'air comprimé dans la chambre de combustion. La combustion du mélange
de l'air (oxydant) avec le gaz (réducteur) obtenu par autopyrolyse ou ablation du
bloc de propergol apporte de l'énergie qui est transformée en force propulsive dans
la tuyère de poussée.
[0005] Ce type d'autopropulsion présente un certain nombre d'avantages par rapport au mode
d'autopropulsion fusée.
[0006] Il permet en particulier (à portée égale) de minimiser la masse de propergol embarquée
; en, effet l'oxydant sera constitué par l'air admis dans la chambre de combustion.
[0007] A performances égales, les pressions développées dans la chambre de combustion sont
plus faibles (3.10⁶ à 6.10⁶ Pa pour le statoréacteur contre 7.10⁶ à 25.10⁶ Pa pour
le propulseur fusée), ce qui permet de simplifier la conception mécanique du projectile.
[0008] La consommation en combustible du statoréacteur aux vitesses supersoniques est réduite
ce qui autorise de longues durées de vol.
[0009] Le brevet US2989922 décrit un projectile à statoréacteur destiné à être tiré par
un canon. Ce projectile comporte une charge militaire entourée par une composition
propulsive, elle même disposée à l'intérieur d'une enveloppe tubulaire portant une
ceinture. Ce projectile est gyrostabilisé de façon conventionnelle, la ceinture prenant
les rayures du tube de l'arme. Un tel mode de stabilisation est possible en raison
des moments d'inertie longitudinaux important de la charge militaire et de l'enveloppe.
[0010] Les blindages modernes pouvant être acquis par les projectiles à énergie cinétique
(tel les projectiles flèches), il serait particulièrement intéressant de doter de
tels projectiles d'une autopropulsion afin d'accroître leur portée et leur efficacité
terminale tout en diminuant le temps de vol.
[0011] Le brevet US4573412 montre un tel projectile comportant un pénétrateur maintenu dans
une enveloppe en matériau composite du type fibre de verre.
[0012] Ce projectile est destiné à être tiré à partir d'un tube léger et à vitesse initiale
réduite. Afin de limiter la quantité de propergol nécessaire et donc les dimensions
du projectile, la masse du pénétrateur est ici inférieure à celle des pénétrateurs
de type flèche utilisés en artillerie, il s'en suit une diminution des performances
de perforation.
[0013] Il serait tentant de pouvoir tirer un tel projectile à partir d'un canon d'artillerie;
ainsi, la masse de charge propulsive pourrait être réduite en raison de la grande
vitesse initiale communiquée par le canon. Malheureusement, si l'association d'une
enveloppe composite et d'un pénétrateur de diamètre réduit permet de fournir un projectile
dont la masse totale correspond sensiblement à la masse utile du perforateur, le moment
d'inertie longitudinal d'un tel projectile devient trop faible pour qu'il soit possible
de le gyrostabiliser (stabilisation par vitesse de rotation rapide de l'ordre de 450
tours/seconde obtenue par un tir dans un tube rayé).
[0014] Le mode de stabilisation proposé par le brevet US4573412 comprend un empennage conventionnel
dont un bord d'attaque est disposé en regard de la sortie des gaz propulsifs, ce qui
permet de donner au projectile la vitesse de rotation réduite (de l'ordre de quelques
tours par seconde) nécessaire à la stabilité de la trajectoire.
[0015] Un tel projectile ne peut donc pas être tiré à partir d'une arme d'artillerie comportant
un tube rayé, la vitesse de rotation qui lui serait communiquée risquerait en outre
de détruire l'empennage par suite de l'inertie.
[0016] Une autre solution permettant de tirer un projectile à moment d'inertie longitudinal
faible à partir d'un tube rayé consiste à le munir d'une ceinture dérapante (comme
celle décrite par le brevet FR8616066), le dispositif de stabilisation étant alors
constitué par un empennage conventionnel.
[0017] Une telle solution présente néanmoins des inconvénients. En effet les calculs aérodynamiques
montrent que la stabilisation d'un projectile de calibre 105 mm et dont l'inertie
longitudinale est de l'ordre de 10-² kg.m² nécessite la présence d'ailettes stabilisatrices,
la surface totale de l'ensemble des ailettes étant de l'ordre de 3000 cm² pour un
angle d'ouverture d'ailettes de 30°!!. Une telle surface impose la conception d'un
dispositif de déploiement complexe et oblige à utiliser une partie du volume intérieur
du projectile pour abriter ailettes et dispositif de déploiement, cela au détriment
de la quantité totale de charge propulsive embarquée. De plus un tel empennage aura
pour effet d'augmenter la traînée du projectile et donc de diminuer la portée.
[0018] On connaît encore le brevet US-A-3 081 703 décrivant un dispositif de stabilisation
pour un projectile tournant, comprenant un cône maintenu en position repliée lorsque
le projectile se trouve à l'intérieur du tube de lan cement et se déployant à la
sortie de ce tube. Cependant, le projectile décrit est du type roquette autopropulsée,
la rotation étant obtenue au moyen de déflecteurs de gaz. Le tube de lancement est
ainsi un tube de guidage lisse et le projectile n'est donc pas soumis à une ambiance
canon. Les ailettes comportent un moyen de maintien en position repliée qui est une
étoile combustible; cette étoile est brûlée par les gaz éjectés par le projectile.
On conçoit qu'un tel projectile ne puisse pas être tiré à partir d'un canon, car les
gaz de propulsion développés dans la chambre de ce dernier provoqueraient la combustion
quasi instantanée de l'étoile de maintien et donc la libération et la détérioration
de la jupe à l'intérieur du tube de l'arme. Ces gaz de propulsion provoqueraient
également la combustion anticipée de la charge propulsive portée par le projectile
ce qui diminuerait sa portée.
[0019] Le but de la présente invention est de proposer un dispositif de stabilisation pour
projectile associant un pénétrateur en matériau lourd et une enveloppe légère tiré
à partir d'une arme d'artillerie conventionlle comportant un tube rayé, dans lequel
la jupe de stabilisation est protégée en position repliée pendant la phase canon.
[0020] L'invention a donc pour objet un dispositif de stabilisation pour un projectile
(1) autopropulsé à faible moment d'inertie longitudinal et destiné à être tiré par
un tube rayé, et en particulier pour un projectile comprenant un pénétrateur en matériau
lourd, tel le tungstène, et une enveloppe en matériau léger de type composite, dispositif
comprenant une jupe de forme générale sensiblement tronconique, l'axe du tronc de
cône coïncidant avec l'axe du projectile, la jupe étant solidaire de l'enveloppe au
niveau de la partie arrière du projectile, caractérisé en ce que la jupe est constituée
d'un ensemble de languettes maintenues dans une position repliée par un moyen de liaison
lorsque le projectile est dans le tube de l'arme, qui se déploient à la sortie dudit
tube, le moyen de liaison étant constitué par un sabot lié en rotation à l'enveloppe
et recevant la pression des gaz à sa partie arrière de façon à pousser le projectile
dans le tube.
[0021] Chaque languette peut être reliée à un moyen de blocage en position constitué par
un verrou centrifuge engagé dans un logement radial ménagé dans l'enveloppe.
[0022] Le verrou centrifuge peut être constitué par une tige épaulée.
[0023] Les languettes présentent chacune un embrêvement au niveau de leur arêtes longitudinales
de façon à réaliser un recouvrement au niveau de leur jonction.
[0024] Le sabot porte au moins un trou faisant communiquer la partie interne du projectile
avec l'extérieur.
[0025] Le sabot porte en regard des trous et au niveau de la partie interne du projectile,
un élément pyrotechnique d'allumage.
[0026] Le sabot est rendu solidaire du projectile au niveau du pénétrateur.
[0027] Le demi-angle au sommet du tronc de cône de la jupe est compris entre 5° et 15° lorsque
cette dernière est en position déployée, et le rapport du diamètre extérieur de l'enveloppe
sur le diamètre (D) du plus grand cercle de base du tronc de cône de la jupe est supérieur
ou égal à 70 %.
[0028] Les languettes sont solidaires à une extrêmité de l'enveloppe au niveau d'une génératrice
circulaire de l'enveloppe et sont régulièrement réparties le long de cette génératrice,
le nombre N et la largeur des languettes étant tels que dans leur position déployée
leurs extrêmités libres couvrent au moins 70 % du plus grand cercle de base du tronc
du cône de la jupe.
[0029] Un avantage de la présente invention réside dans le fait que les languettes sont
maintenues en position repliée pendant toute la phase canon.
[0030] Un autre avantage réside dans l'isolation des languettes par le sabot vis-à-vis
des gaz de propulsion dans le canon.
[0031] Un autre avantage réside dans le déploiement automatique des languettes en position
déployée.
[0032] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description qui va suivre d'un
mode particulier de réalisation, description faite en regard des dessins annexés dans
lesquels:
La Figure 1 est une représentation en coupe axiale d'un projectile comprenant un mode
particulier de réalisation du dispositif de stabilisation selon l'invention.
Les Figures 2, 3, 4, 5 sont des coupes de la précédente suivant respectivement les
plans A-A, B-B, C-C, D-D.
La Figure 4a montre un détail agrandi de la Figure 4.
La Figure 6 représente la partie arrière du projectile pendant le vol.
[0033] La figure 1 montre la partie avant et la partie arrière d'un projectile 1 du type
autopropulsé à statoréacteur. Ce projectile comprend une enveloppe 2, en matériau
léger de type composite, (par exemple un carbone-époxy), et un pénétrateur 3 en matériau
lourd tel le tungstène.
[0034] Le pénétrateur 3 est disposé coaxialement à l'enveloppe 2, et il en est rendu solidaire
par un élément tubulaire 26, (voir Figure 2), réalisé également en carbone-époxy,
et qui s'étend sur sensiblement toute la longueur de l'enveloppe. Cet élément comprend
un tube externe 27, collé sur la surface interne de l'enveloppe, et un tube interne
28 collé sur le pénétrateur, ces deux tubes étant reliés par des nervures 7, ici au
nombre de quatre (voir Figure 2), qui délimitent ainsi, entre le pénétrateur et l'enveloppe,
quatre chambres. Une charge propulsive 5 est disposée à l'intérieur des chambres.
Cette charge est du type propergol ablatable. Un espace annulaire 25 est ménagé entre
la charge propulsive et le pénétrateur, cela afin de permettre l'écoulement de l'air
à l'intérieur du statoréacteur.
[0035] Les nervures n'ont qu'une fonction de soutien du pénétrateur et elles pourront comporter
des ouvertures (non représentées) faisant communiquer les chambres entre elles, cela
dans le but de régulariser la combustion de la charge propulsive 5.
[0036] La partie avant (ou carène) 8 de l'enveloppe 2, (qui est réalisée en carbone-époxy),
prend appui par quatre autre nervures (voir Figure 3), sur un nez 4 solidaire de la
partie avant du pénétrateur, (par exemple par collage).
[0037] Le nez 4 et la carène 8 définissent une ouverture annulaire 17 d'admission de l'air.
[0038] La forme particulière du nez 4 se terminant en une pointe 22 est conçue (de façon
connue) de telle sorte que l'onde de choc provenant de la pointe au cours du vol du
projectile à une vitesse supersonique ait pour effet d'accroître la pression de l'air
pénétrant dans l'ouverture annulaire 17.
[0039] La partie arrière interne de l'enveloppe 2 constituera une tuyère 16 d'éjection des
gaz.
[0040] Le projectile 1 porte au niveau de sa partie arrière un sabot 6 qui est rendu solidaire
du pénétrateur 3 au moyen d'une vis de liaison 14, un logement conique 23 assurant
un positionnement correct du sabot et du pénétrateur. La vis de liaison est dimensionnée
de façon à se rompre lorsque, à la sortie du projectile du tube de l'arme, la pression
s'exerçant sur le sabot au niveau de la tuyère 16, devient supérieure à celle qui
s'exerce à l'arrière du sabot.
[0041] Le sabot 6 porte sur sa surface cylindrique externe une ceinture 11, qui est destinée
à venir prendre les rayures du tube de l'arme et à réaliser ainsi l'étanchéité et
la mise en rotation du projectile d'une façon tout à fait conventionnelle.
[0042] Le sabot 6 est percé de deux trous 12 qui font communiquer la partie interne du projectile
avec l'extérieur, il porte également, en regard des trous 12, des éléments d'allumage
13, qui comprendront par exemple une composition pyrotechnique d'allumage associée
à une composition à retard (ces compositions étant de type connu). Ici ces éléments
d'allumage sont vissés dans des lamages 21 ayant même axe que les trous 12. La fonction
de ces éléments sera précisée plus loin.
[0043] Le sabot 6 réalise l'entraînement en rotation de l'enveloppe au moyen de quatre crabots
24 venant coopérer avec des encoches 29 (voir figure 6) ayant une forme complémentaire
et réalisées au niveau de la partie arrière de l'enveloppe 2 du projectile.
[0044] La partie arrière de l'enveloppe porte trente languettes 9 (voir Figure 4), qui sont
rendues solidaires de la surface latérale de l'enveloppe 2, par une de leurs extrémités,
au moyen de vis 18. Ces languettes sont fixées au niveau d'une génératrice circulaire
de l'enveloppe et sont régulièrement réparties sur cette génératrice.
[0045] Elles sont susceptibles d'occuper deux positions: une position repliée lorsque le
projectile est dans le tube de l'arme et porte le sabot 6, et une position déployée
à la sortie du tube de l'arme après désolidarisation du sabot et du projectile. Dans
la position déployée chaque languette fait avec l'axe du projectile un angle α. A
titre indicatif la figure 1 montre une languette en position repliée et une languette
en position déployée.
[0046] L'ensemble des languettes forme une jupe 31 sensiblement conique, le demi-angle au
sommet de ce cône étant égal à α et l'axe du cône coïncidant avec celui du projectile.
Les extrémités libres des languettes se trouvent régulièrement réparties sur le grand
cercle de base de ce cône, cercle dont le diamètre est D (voir Figure 6).
[0047] Les languettes sont maintenues en position repliée par une surface cylindrique interne
15 du sabot 6 (voir figure 5), elles ne sont donc pas en saillie relativement à la
surface externe de l'enveloppe. Elles ne risquent pas alors d'être détériorées par
un contact éventuel avec le tube de l'arme au cours de la phase canon.
[0048] Chaque languette porte deux embrèvements 30 (voir Figure 4a) dont les formes et les
dispositions relatives sont telles qu'il y a un recouvrement total de chaque languette
par une de ses voisines en position repliée et recouvrement partiel en position déployée.
[0049] De plus, une languette sur deux porte un verrou 10, constitué par une tige épaulée
19 apte à coulisser dans un logement radial 20, aménagé sur l'enveloppe, jusqu'au
contact avec un lamage réalisé dans ce logement.
[0050] Ainsi, en position déployée les languettes munies de verrous sont immobilisées par
ces derniers, et elles immobilisent elles même les languettes dépourvues de verrous
par l'intermédiaire des embrèvements 30.
[0051] On peut dire ainsi que chaque languette est immobilisée en position déployée par
un moyen de blocage qui est ici soit le verrou 10, soit l'embrèvement 30 porté par
la languette voisine.
[0052] Il aurait été possible de munir chaque languette d'un verrou, mais la disposition
adoptée ici permet de réduire l'encombrement du dispositif de stabilisation selon
l'invention.
[0053] Languettes et verrous sont réalisés par exemple en acier et sont dimensionnées de
façon à garantir une bonne tenue mécanique ainsi que le maintien de la position angulaire
déployée au cours du vol (vitesse du projectile de l'ordre de 1500 m/s, accélérations
de l'ordre de 34000 g).
[0054] Après leur libération, les forces d'inertie centrifuge leur font prendre leur position
déployée (voir figure 6). Toutes les languettes font alors avec l'axe du projectile
1 un angle α de l'ordre de 10°. Les forces d'inertie ayant tendance à les écarter
davantage de la surface latérale de l'enveloppe, toutes les tiges épaulées 19 sont
alors en butée dans leur logement radial 20, ce qui assure une symétrie de l'ensemble
des languettes, (symétrie de rotation d'ordre trente autour de l'axe du projectile).
[0055] Les différentes phases du fonctionnement d'un tel projectile sont les suivantes:
[0056] Le projectile est mis en place dans la chambre d'une arme et est tiré de façon conventionnelle,
la pression des gaz qui s'exerce sur la partie arrière du sabot 6 pousse le projectile
dans le tube; la ceinture 11 prend les rayures, réalise l'étanchéité et communique
une vitesse de rotation qui sera de l'ordre de 500 tours/seconde à la sortie du tube
de l'arme. Pendant toute cette phase canon, la pression qui s'exerce à l'arrière du
sabot 6 est supérieure à celle qui s'exerce sur lui au niveau de la partie interne
du projectile. A la sortie du tube, c'est la pression interne qui devient prépondérante,
provoquant la rupture de la vis de liaison 14. On dimensionnera cette dernière de
telle manière que cette rupture intervienne dans les 100 premiers mètres parcourus
par le projectile.
[0057] Pendant la phase canon les gaz ont pu pénétrer par les trous 12 à l'intérieur de
l'enveloppe et provoquer l'initiation des éléments pyrotechniques d'allumage 13, ces
éléments permettront de réaliser l'allumage de la charge propulsive 5. En jouant sur
les caractéristiques de la composition à retard et de la composition d'allumage il
est possible de réaliser cet allumage à un instant totalement maîtrisé (de préférence
dans le dixième de seconde suivant le tir).
[0058] Après la séparation du sabot et du projectile, les languettes prennent leur position
déployée.
[0059] L'inertie d'un tel projectile relativement à son axe est de l'ordre de 10-² kg.m²
(pour un calibre de 105 mm, pénétrateur en Tungstène, enveloppe en carbone-époxy),
et elle est trop faible pour assurer une gyrostabilisation (à titre de comparaison
un obus explosif de même calibre a une inertie de l'ordre de 0,25 kg.m²). L'emploi
d'un empennage conventionnel est rendu impossible en raison de la vitesse de rotation
très élevée communiquée par le tube du canon (de l'ordre de 500 tours/seconde), qui
provoquerait sa rupture.
[0060] Les trente languettes du dispositif de stabilisation selon l'invention sont équivalentes
du point de vue aérodynamique à une jupe conique disposée à l'arrière de l'enveloppe,
l'axe du cône coïncidant avec l'axe du projectile. Cette jupe va provoquer une modification
de la traînée du projectile et une diminution en valeur absolue de la marge statique
qui va permettre d'obtenir une trajectoire stable.
[0061] On rappelle que la marge statique est la distance entre le centre de gravité du projectile
et le foyer des forces aérodynamiques s'exerçant sur celui-ci.
[0062] Un projectile qui ne tourne pas sera d'autant plus stable que le foyer des forces
aérodynamiques sera plus éloigné du centre de gravité et en arrière de celui-ci (marge
statique importante, au moins égale au calibre). Par contre un projectile gyrostabilisé
sera d'autant plus stable que sa marge statique sera plus faible en valeur absolue
(le foyer des forces aérodynamiques se trouvant en avant du centre de gravité du projectile).
[0063] Pour un projectile gyrostabilisé, cette stabilité est appréciée habituellement au
moyen d'un coefficient, dit coefficient de stabilité essentielle, qui dépend de la
vitesse de rotation et de la géométrie du projectile. Un projectile est gyrostabilisé
lorsque ce coefficient est supérieur à 1,5.
[0064] Un projectile à faible inertie longitudinale (de l'ordre de 10-² kg/m²) et ne comportant
pas la jupe proposée par l'invention ne peut être gyrostabilisé. En effet, le foyer
des forces aérodynamiques se trouve alors trop éloigné du centre de gravité.
[0065] A titre d'exemple le projectile de la Figure 1 (de calibre 105 mm), sans la jupe
selon l'invention, a son foyer aérodynamique situé sur l'axe du projectile et sensiblement
à la mi-hauteur de la carène 8, c'est à dire à environ 240 mm en avant du centre de
gravité du projectile, le coefficient de stabilité essentielle est alors de l'ordre
de 0,5 et le projectile est instable.
[0066] En disposant une jupe sensiblement conique, l'axe du cône coïncidant avec l'axe du
projectile, à la partie arrière de ce dernier, on rapproche le foyer des forces aérodynamiques
du centre de gravité du projectile tout en le maintenant en avant de celui-ci et on
diminue donc la marge statique en valeur absolue.
[0067] On positionnera cette jupe de façon à assurer un coefficient de stabilité essentielle
supérieur à 1,5. De façon pratique il suffira de la positionner de telle sorte que
le cercle de base du cône coïncide pratiquement avec l'arrière de l'enveloppe.
[0068] On constate ainsi, pour un projectile de calibre 105 mm, qu'avec une jupe constituée
par trente languettes dont la longueur est de 50 mm, et faisant avec l'axe du projectile
un angle de l'ordre de 10°, le foyer des forces aérodynamiques se trouve à environ
20 mm en avant du centre de gravité, le coefficient de stabilité essentielle est alors
de 1,6 et le projectile est gyrostabilisé.
[0069] Il convient de noter que, toutes les caractéristiques dimensionnelles étant égales
par ailleurs, ce projectile équipé d'une telle jupe et tiré à partir d'un tube lisse
ne serait pas stabilisé car le foyer des forces aérodynamiques se trouve en avant
du centre de gravité.
[0070] En fait pour qu'il y ait stabilité dans ce cas il faudrait comme cela a déjà été
précisé dans le préambule, disposer un empennage de dimensions importantes qui puisse
rejeter le foyer aérodynamique à au moins un calibre en arrière du centre de gravité,
solution pénalisante du point de vue encombrement et qui en outre provoquera une augmentation
de la traînée du projectile, et donc une diminution de la portée.
[0071] Pourvu que le foyer des forces aérodynamiques se trouve en avant du centre de gravité
et à une distance suffisamment réduite pour qu'il y ait stabilité, la hauteur de la
jupe peut être quelconque, mais on peut cependant noter que, pour une valeur d'angle
constante, des jupes dont la hauteur est trop importantes vont avoir un diamètre de
base très supérieure au diamètre du projectile ce qui va entraîner une augmentation
de la traînée et donc une diminution de la portée du projectile.
[0072] De façon pratique on dimensionnera la jupe de telle sorte que, dans sa position déployée,
le rapport du diamètre de l'enveloppe du projectile sur celui du plus grand cercle
de base du cône de la jupe (D) ne soit pas inférieur à 70%.
[0073] De même, on choisira une valeur comprise entre 5° et 15° pour le demi-angle au sommet
du cône de la jupe afin de réduire la trainée occasionnée par cette-dernière.
[0074] On voit ainsi le principal avantage de l'invention qui est de fournir un dispositif
de stabilisation qui permette de tirer un projectile de faible inertie longitudinale
dans un tube rayé.
[0075] Il devient ainsi possible de concevoir un projectile à statoréacteur comportant un
pénétrateur en matériau lourd, tel le tungstène, projectile qui puisse être tiré à
partir d'un tube rayé. Le statoréacteur permet ainsi d'obtenir un projectile dont
la portée ou l'efficacité terminale est notablement augmentée par rapport aux projectiles
de type flèche conventionnels.
[0076] Le dispositif selon l'invention permet également d'alléger l'enveloppe ce qui autorise,
à masse égale, l'emploi d'un pénétrateur plus lourd et augmente encore l'efficacité
terminale du projectile.
[0077] Un avantage du mode de réalisation précédemment décrit est qu'il permet de simplifier
la réalisation de la jupe selon l'invention en approximant la forme continue par un
nombre limité de languettes. Les essais en soufflerie ont montrés qu'un nombre N de
languettes dont les dimensions sont telles que, dans leur position déployée, les extrémités
libres des languettes couvrent au moins 70% du plus grand cercle de base du cône de
la jupe, donne une bonne approximation aérodynamique de cette dernière dans les conditions
habituelles de tir d'un projectile de gros calibre à partir d'un tube rayé.
[0078] D'autres variantes sont également possibles.
[0079] Les languettes pourront être en nombre plus réduit, il sera possible par exemple
de prévoir quatre languettes présentant un profil sensiblement cylindrique de façon
à pouvoir adopter une position repliée le long de l'enveloppe, mais ayant une découpe
telle que leur extrémité libre soit plus large que leur extrémité fixée à l'enveloppe.
Il y aura encore un recouvrement des languettes dans les positions repliée et déployée,
la forme de la jupe obtenue étant sensiblement conique.
[0080] Il est possible de prévoir d'autres moyens de verrouillage en position déployée pour
les languettes. Ainsi la tige épaulée 19 et le logement radial 20 pourront être coniques,
la conicité assurant le blocage en position déployée.
[0081] Il est enfin possible d'utiliser le dispositif de stabilisation proposé par l'invention
avec un projectile autopropulsé de type fusée comme celui décrit dans le brevet US4573412
cité dans le préambule, l'invention autorisant alors le tir de ce projectile à partir
d'un tube rayé conventionnel.
[0082] Mais l'emploi du dispositif de stabilisation selon l'invention pour un projectile
de type statoréacteur permettra d'obtenir, (comme cela a été noté dans le préambule),
le meilleur compromis coût-efficacité.
1 - Dispositif de stabilisation pour un projectile (1) autopropulsé à faible moment
d'inertie longitudinal et destiné à être tiré par un tube rayé, et en particulier
pour un projectile comprenant un pénétrateur (3) en matériau lourd, tel le tungstène,
et une enveloppe (2) en matériau léger de type composite, dispositif comprenant une
jupe (31) de forme générale sensiblement tronconique, l'axe du tronc de cône coïncidant
avec l'axe du projectile (1), la jupe étant solidaire de l'enveloppe (2) au niveau
de la partie arrière du projectile, caractérisé en ce que la jupe est constituée d'un
ensemble de languettes maintenues dans une position repliée par un moyen de liaison
lorsque le projectile est dans le tube de l'arme, qui se déploient à la sortie dudit
tube, le moyen de liaison étant constitué par un sabot (6) lié en rotation à l'enveloppe
(2) et recevant la pression des gaz à sa partie arrière de façon à pousser le projectile
dans le tube.
2 - Dispositif de stabilisation selon la revendication 1, caractérisé en ce que chaque
languette est reliée à un moyen de blocage en position constitué par un verrou centrifuge
(10) engagé dans un logement radial (20) ménagé dans l'enveloppe (2).
3 - Dispositif de stabilisation selon la revendication 2, caractérisé en ce que le
verrou centrifuge (10) est constitué par une tige épaulée (19).
4 - Dispositif de stabilisation selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé
en ce que les languettes (9) présentent chacune un embrêvement (30) au niveau de leur
arêtes longitudinales de façon à réaliser un recouvrement au niveau de leur jonction.
5 - Dispositif de stabilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 4,
caractérisé en ce que le sabot (6) porte au moins un trou (12) faisant communiquer
la partie interne du projectile avec l'extérieur.
6 - Dispositif de stabilisation selon la revendication 5, caractérisé en ce que le
sabot (6) porte en regard des trous (12) et au niveau de la partie interne du projecti
le, un élément pyrotechnique d'allumage (13).
7 - Dispositif de stabilisation selon la revendication 5 ou 6, caractérisé en ce
que le sabot (6) est rendu solidaire du projectile (1) au niveau du pénétrateur (3).
8. Dispositif de stabilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé
en ce que le demi-angle au sommet du tronc de cône de la jupe (31) est compris entre
5° et 15° lorsque cette dernière est en position déployée, et en ce que le rapport
du diamètre extérieur de l'enveloppe (2) sur le diamètre (D) du plus grand cercle
de base du tronc de cône de la jupe (31) est supérieur ou égal à 70 %.
9 - Dispositif de stabilisation selon une des revendications 1 à 8, caractérisé en
ce que les languettes (9) sont solidaires à une extrêmité de l'enveloppe (2) au niveau
d'une génératrice circulaire de l'enveloppe et sont régulièrement réparties le long
de cette génératrice, le nombre N et la largeur des languettes étant tels que dans
leur position déployée leurs extrêmités libres couvrent au moins 70 % du plus grand
cercle de base du tronc du cône de la jupe (31).