[0001] La presente invention concerne un matériau de protection incendie destiné à limiter
au niveau le plus bas, techniquement possible, la température d'un élément soumis
à une agression thermique, par exemple un incendie dont la température de flamme
se situe entre 700 et 1000°C.
[0002] Elle vise également un tel matériau qui soit souple, de faible coüt, de mise en oeuvre
aisée, ne nécessitant pas un travail en atelier spécialisé mais permettant, au contraire,
une mise en oeuvre directe et commode sur le terrain ou le chantier, en faisant appel
à des techniques simples telles que application par projection, réalisation par extrusion
ou moulage.
[0003] On connaît à l'heure actuelle un grand nombre de matériaux de protection en cas d'incendie.
Leur conception, leur mise au point, leur réalisation et leur utilisation sont fondées
sur l'un ou l'autre des deux phénomènes, à savoir celui de l'intumescence ou celui
qui vise ou tend à retarder le plus possible la propagation de la flamme.
[0004] L'intumescence est un phénomène bien connu qui est défini comme mettant à profit
dans la lutte contre l'incendie la propriété que présentent certains corps ou certaines
substances de gonfler, de se dilater ou de s'expanser sous l'action de la chaleur
ou d'une élévation de température formant ainsi barrière contre une agression thermique.
Ce type de substances impliquant l'action conjuguée de porogënes est largement utilisé
dans des compositions de peintures qui sont alors constituées d'un liant permettant
la formation d'un film, d'un composé riche en carbone et d'un agent intumescent ou
porogène. Parmi les agents porogènes les plus couramment préconisés, on citera les
phosphate et sulfate d'ammonium, l'urée, le cyandiamide, l'acide sulfamique, l'acide
borique, le borate de sodium ou borax.
[0005] Ce phénomène d'intumescence est exploité aussi dans différents autres matériaux.
A titre d'exemples simplement illustratifs de tels matériaux, on citera ceux des brevets
des Etats-Unis d'Amérique N° 4.299.872; 4.160.073 ; 2.452.054 et 2.912.392.
[0006] L'efficacité de ces matériaux est liée à la formation, sous l'action de la chaleur,
d'une couche carbonée poreuse et épaisse qui agit comme un isolant classique. Mais
cette efficacité est alors limitée en durée et en performance, puisqu'il est bien
connu que les isolants classiques permettent seulement de limiter pendant un temps
court l'élévation de température d'un élément soumis à un incendie.
[0007] En outre, de tels matériaux peuvent, dans certaines conditions, donner lieu à un
fonctionnement aléatoire. En effet, la couche poreuse isolante ne possède qu'une
faible résistance structurale et peut, de ce fait, par exemple sous l'effet de l'abrasion,
être partiellement ou totalement détruite, permettant ainsi la pénétration du feu
jusqu'à l'élément à protéger.
[0008] Pour permettre à ce type de matériaux de donner le maximum de satisfaction, il faut
prévoir un emplacement de dimensions suffisantes pour que leur expansion se produise
dans son intégralité, certains d'entre eux nécessitant pour cette expansion jusqu'à
dix voire vingt fois leur volume initial. On comprendra que cette condition dimensionnelle
n'est pas toujours réalisable dans la pratique.
[0009] Un autre inconvénient réside aussi dans le fait que l'on assiste à un dégagement
de volumes importants de gaz et de fumées, parfois toxiques, ce qui limite les domaines
dans lesquels ces matériaux peuvent être utilisés.
[0010] Pour ce qui est des matériaux isolants retardateurs de flamme, ils sont constitués
le plus souvent d'un liant époxy ou phénolique contenant des agents dits "retardateurs
de flamme". Ces derniers limitent la tem pérature du matériau servant à la protection
en cas d'incendie à un niveau inférieur à sa température d'inflammation. Parmi les
agents retardateurs de flamme les plus cités, on notera les borates, les phosphates
et certains oxydes comme l'oxyde d'antimoine.
[0011] Il se trouve que ces matériaux renferment souvent des charges susceptibles de se
décomposer suivant un processus endothermique. Elles donnent lieu aussi à une succession
de réactions endothermiques qui se produisent à des températures de plus en plus
élevées.
[0012] On citera dans ce domaine les brevets des Etats-Unis d'Amérique N° 4.521.543; 4.438.028;
4.001.126 et 3.114.840 ainsi que les brevets français N° 81.16303; 83.10560 et 85.19145.
[0013] Ces matériaux sont surtout destinés à protéger des éléments soumis à des flux thermiques
importants. Ils sont plus largement utilisés dans le domaine spatial et sont proposés
sous la forme de matériaux finis destinés ensuite à être appliqués sur les structures
à protéger.
[0014] En raison du phénomène en cause faisant appel à une succession de réactions endothermiques,
la température des éléments protégés augmente progressivement tout au long de l'agression
thermique ou de l'action du flux thermique.
[0015] La présente invention vise un matériau de protection d'un élément en cas d'incendie
faisant intervenir simultanément les deux phénomènes d'intumescence et d'endothermicité
pour obtenir des caractéristiques de protection optimales maintenant l'élément à protéger
à une température inférieure à ou de l'ordre de 150°C lorsque celui-ci est soumis
à une agression thermique correspondant à une température de flamme de 700 à 1000°C
pendant une durée d'au moins une heure pour une épaisseur du matériau de 10 à 20 mm.
[0016] Ainsi le matériau selon l'invention présentant ces propriétés particulières est essentiellement
caractérisé en ce que c'est un matériau souple constitué :
- d'un liant qui est un élastomère de silicone dans une proportion de 30 à 35 % en
poids ;
- d'une charge de renforcement qui est un oxyde métallique compatible avec ledit élastomère
de silicone dans une proportion de 17 à 23 % en poids ;
- d'une charge active qui est un agent intumescent donnant également lieu à une réaction
endothermique dans une proportion de 38 à 45 % en poids ; et
- d'une charge isolante dans une proportion de 5 à 20 % en poids,
ces proportions étant par rapport au poids total dudit matériau.
[0017] Suivant d'autres caractéristiques :
- le liant élastomère de silicone est choisi parmi les élastomères de silicone qui
polymérisent par polycondensation et les élastomères de silicone qui polymérisent
par polyaddition ;
- la charge de renforcement est choisie de préférence parmi les oxydes de titane de
type rutile, avantageusement une variété d'oxyde de titane contenant au moins 90 %
de TiO₂ (en poids) et ayant subi des traitements de surface (silanes) le rendant compatible
avec les élastomères de silicone ;
- la charge active est de préférence du borax (tétraborate disodique décahydraté)
;
- la charge isolante est de préférence du type mica ou vermiculite.
[0018] Avec un tel matériau, on constate que sous l'action de la chaleur (en fait dès que
la température atteint 100°C), la charge active (le borax) se décompose en donnant
de l'eau qui se vaporise et qui se comporte vis-à-vis de la protection en cas d'incendie
comme un agent intumescent. Cette vaporisation s'effectue également suivant une réaction
endothermique, laquelle con tribue à abaisser la température de surface du matériau
de protection.
[0019] L'efficacité de ce matériau est ainsi basée (comme indiqué précédemment) sur la simultanéité
des deux phénomènes d'intumescence et d'endothermicité de la réaction de vaporisation
de l'eau contenue dans la charge active. Cela ne peut être obtenu qu'en choisissant
judicieusement les constituants du matériau, de même que leurs proportions. Ainsi,
en particulier, l'ampleur de l'intumescence doit être contrôlée et limitée. Elle
doit conduire à une libération progressive mais suffisante vis-à-vis de l'agression
thermique, de l'activité de la charge endotherme sans empêchement du libre déroulement
ou de la libre manifestation du phénomène d'intumescence. Le rapport optimal d'intumescence
doit donc se situer avantageusement entre 3/1 et 5/1 (en volume).
[0020] Par ailleurs, on notera que le choix de la nature et des proportions des matériaux
est dicté par le fait qu'une intumescence trop faible ou trop forte conduit à une
diminution de la durée du palier de stabilisation de température de l'élément à protéger
: dans le cas d'une intumescence trop faible, par limitation excessive de la dégradation
de la charge active et augmentation de la conductivité thermique globale du matériau
et dans le cas d'une intumescence trop forte, par une dégradation trop rapide de la
charge active et par un risque de dégradation partielle de la couche intumescente
devenue fragile.
[0021] Cette intumescence et cette vitesse de dégradation optimales associées à une conductivité
thermique globale satisfaisante du matériau sont obtenues, conformément à l'invention,
avec un liant élastomère de silicone et une charge active, tous deux correctement
choisis et utilisés dans des proportions bien déterminées pour autant que l'on introduise
aussi dans la formulation, en respectant également des proportions bien dé terminées,
d'une part une charge de renforcement (oxyde de titane) qui améliore la résistance
structurale de la couche intumescente tout en agissant aussi comme retardateur de
flamme et, d'autre part, une charge isolante (mica, vermiculite) qui permet de disposer
d'un matériau dont les performances sont grandement améliorés grâce à la diminution
de la conductivité thermique du matériau sain.
[0022] En appliquant l'invention, l'épaisseur permettant une bonne protection en cas d'incendie,
se situe entre 10 et 20 mm, suivant la durée de palier de stabilisation et le niveau
de température (< 150°C) autorisé par l'élément à protéger. Une épaisseur de 14 mm
correspond au compromis idéal : intumescence - vitesse de dégradation de la charge
active - résistance mécanique de la couche de surface par suite d'une agression thermique.
[0023] Le matériau de l'invention se prête, dans le but principal de constituer un écran
thermique pour un élément à protéger en cas d'incendie, à différentes techniques,
aussi bien de formage dudit écran que d'application. On citera entre autres les techniques
d'enduction par spatulage, d'extrusion, de moulage et autres techniques bien connues.
[0024] De façon générale, le procédé permettant d'obtenir ce matériau comportera les stades
opératoires de mélange des constituants effectués dans l'ordre suivant :
[0025] A la quantité nécessaire de liant d'élastomère de silicone, on incorpore d'abord
la quantité nécessaire de la charge de renforcement puis la quantité nécessaire de
la charge active et enfin la quantité nécessaire de la charge isolante.
[0026] L'incorporation des charges dans l'élastomère de silicone de base se fait généralement,
avantageusement, au moyen d'un malaxeur planétaire.
[0027] La vitesse de rotation de ce malaxeur ne doit pas être trop élevée pour éviter un
échauffement important du mélange qui conduirait à une diminution prématurée de l'efficacité
de la charge donnant lieu à la réaction endothermique désirée.
[0028] Suivant le type de mise en oeuvre adopté, on choisit soit un élastomère de silicone
qui polymérise par polycondensation, soit un élastomère de silicone qui polymérise
par polyaddition.
[0029] Dans le cas de la réalisation du matériau pour son application immédiate sur l'élément
à protéger, on utilise de préférence l'élastomère qui polymérise par polycondensation,
donc avec l'appoint d'un catalyseur qui est en général un sel d'étain comme, par exemple,
le dilaurate de dibutylétain ou l'octoate d'étain, ce dernier assurant avantageusement
une polymérisation plus rapide à température ambiante.
[0030] Par contre, dans le cas d'une fabrication du matériau en atelier au moyen, par exemple,
de presses à injecter en vue de l'application ultérieure d'une pièce préfaçonnée sur
un élément à protéger, on utilisera, de préférence, l'élastomère qui polymérise par
polyaddition.
[0031] De même, on préférera utiliser un élastomère de silicone dont la viscosité est inférieure
à 1500 mPa.S à 25°C. Cependant, on pourra utiliser des bases de silicones dont la
viscosité est un peu supérieure, à condition d'ajouter une huile polysiloxane de
faible viscosité (50, 100, 300 mPa.S) de manière à rendre possible l'incorporation
des charges actives, isolantes et de renforcement. La quantité d'huile utilisée ne
devra alors pas dépasser 5 % en poids de la composition totale.
[0032] Quel que soit le mode choisi pour la réalisation du matériau de protection, il faut
en assurer son adhérence sur l'élément à protéger, que ce dernier soit métallique,
du type matériau composite, etc. Cette adhérence peut être obtenue :
- soit par application d'une couche d'un enduit primaire à base de silicone en général,
surtout lorsque l'application du matériau de protection est réalisée par projection
selon un procédé bien connu après, bien entendu, que la surface à protéger a été traitée
de façon appropriée, par exemple dégraissée, sablée, polie, etc ;
- soit par collage au moyen d'adhésifs appropriés bien connus.
[0033] On peut également faire appel à certains liants pour ces élastomères de silicones
qui sont eux-mêmes auto-adhésifs et qui, de ce fait, ne nécessiteraient aucun traitement
de surface particulier préalable. Il est toutefois important que le choix des moyens
assurant l'adhérence puisse répondre à la condition de ne pas se désolidariser de
l'élément à protéger au cours d'une agression thermique.
[0034] Les exemples suivants sont donnés à titre illustratif et nullement limitatif de l'invention.
Exemple 1
[0035] On a réalisé la composition suivante et on a façonné au moyen de cette composition
un panneau de protection d'un élément pour en évaluer l'efficacité au cours d'un
incendie :
| - élastomère de silicone RTV-121* |
: 33 % en poids, |
| - TiO₂ Cl 220+ |
: 19 % en poids, |
| - borax ˙ |
: 38 % en poids, |
| - vermiculite |
: 10 % en poids. |
| (* : produit commercialisé par la société Rhône-Poulenc contenant un élastomère de
silicone à catalyseur étain ; |
| + : variété d'oxyde de titane commercialisé par la Société Industrielle du Titane
A ; |
| ˙ : tétraborate disodique décahydraté). |
[0036] Essai d'incendie :
- température de flamme : 800°C ;
- distance entre le matériau à protéger et la flamme : 200 mm.
[0037] Les résultats de cet essai figurent au tableau 1 ci-après :
Tableau 1
| Epaisseur du matériau |
Température maximale au niveau de l'élément à protéger |
Durée de protection |
| 10,6 mm |
100°C |
Au moins une heure |
| 14,8 mm |
78°C |
Au moins une heure |
Exemple 2
[0038] On a réalisé un mélange avec les mêmes composants dans les proportions suivantes
:
| - élastomère de silicone RTV-12* |
: 30,2 % en poids, |
| - TiO₂ Cl 220 |
: 18,7 % en poids, |
| - borax |
: 44,4 % en poids, |
| - vermiculite |
: 6,7 % en poids. |
| (* : commercialisé par la société General Electric, contenant un élastomère de silicone
à catalyseur étain). |
[0040] Comme dans l'exemple 1, on a procédé à des essais d'incendie au moyen d'un écran
obtenu à partir de cette composition :
- température de flamme : 800°C ;
- distance entre l'élément à protéger et la flamme : 200mm.
[0041] Les résultats de cet essai figurent au tableau 2 ci-après :
Tableau 2
| Epaisseur du matériau |
Température maximale au niveau de l'élément à protéger |
Durée de protection |
| 10,2mm |
140°C |
Au moins une heure |
| 13,4 mm |
140°C |
Au moins une heure |
Exemple 3
[0042] On a réalisé une composition avec les constituants tels que ceux figurant aux exemples
1 et 2 ci-dessus, mais ne contenant pas de vermïculite et on a procédé à des essais
d'incendie au moyen d'un matériau obtenu à partir de cette composition :
| - élastomère de silicone RTV-141* |
: 35 % en poids, |
| - TiO₂ Cl 220 |
: 23 % en poids, |
| - borax |
: 42 % en poids. |
| (* produit commercialisé par la Société Rhône-Poulenc contenant un élastomère de silicone
à catalyseur étain). |
[0043] Essai d'incendie :
- température de flamme : 800°C ;
- distance entre l'élément à protéger et la flamme : 200 mm.
[0044] Les résultats obtenus font apparaître que si on laisse la possibilité au matériau
de protection de s'expanser, à partir d'une épaisseur initiale de 8mm, la température
maximale atteinte était de 120°C, pour une durée d'agression de 65 minutes.
[0045] Par contre, si le matériau de protection n'avait pas la possibilité de s'expanser,
en lui appliquant une grille métallique à très fines perforations, la température
maximale atteinte par l'élément à protéger était de 200°C pour une épaisseur initiale
du matériau de 10 mm. La durée pendant laquelle une protection pouvait être assurée
pour cette température était de 31 minutes.
Exemple 4
[0046] On a procédé comme dans les exemples précédents, avec la composition suivante, ne
contenant pas de TiO₂ :
| - RTV-141 |
: 44 % en poids, |
| - borax |
: 48 % en poids, |
| - vermiculite |
: 8 % en poids. |
[0047] L'essai d'incendie effectué dans les mêmes conditions que précédemment avec une température
de flamme de 800°C, une distance de 200 mm entre le matériau à protéger et la flamme,
a donné les résultats suivants :
- température maximum atteinte : 500°C ;
- épaisseur du matériau de protection : 12 mm ;
- durée d'incendie : une heure.
Exemple 5
[0048] Cet exemple donne les résultats obtenus avec une composition pour le matériau de
protection dans laquelle la vermiculite a été remplacée par des microsphères de
silice :
| - RTV-121 |
: 33 % en poids, |
| - borax |
: 38 % en poids, |
| - TiO₂ |
: 19 % en poids, |
| - microsphères de silice |
: 10 % en poids. |
[0049] En procédant à l'essai d'incendie dans les mêmes conditions que précédemment, avec
une épaisseur du matériau de protection de 10 mm, on a obtenu au niveau de l'élément
à protéger une température maximum de 270°C après une durée de 26 minutes de chauffage.
Exemple 6
[0050] On a procédé de la même manière que précédemment avec la composition suivante dans
laquelle le TiO₂ a été remplacé par de la silice broyée :
| - RTV-121 |
: 33 % en poids, |
| - borax |
: 38 % en poids, |
| - silice broyée |
: 19 % en poids, |
| - vermiculite |
: 10 % en poids. |
[0051] Les résultats pour une épaisseur du matériau de 10 mm dans un essai d'incendie effectué
dans les mêmes conditions que celles indiquées ci-dessus donnent une température maximale
atteinte au niveau de l'élément à protéger de 320°C après une durée de 16 minutes
de chauffage.
[0052] Ces exemples montrent l'intérêt tout particulier et l'efficacité spécifique d'un
matériau réalisé selon l'invention pour une protection à une température maximale
inférieure à ou de l'ordre de 150°C, avec une épaisseur comprise entre 10 et 20 mm.
On constate qu'une modification de la nature des constituants ou de leur proportions
ne permet pas d'obtenir ces objectifs.
[0053] Il va de soi que la présente invention n'a été décrite qu'à titre illustratif et
nullement limitatif de la présente invention et que toute modification, notamment
au niveau des équivalences techniques, pourra y être apportée sans sortir de son cadre.