[0001] La présente invention concerne un procédé de préparation de quinone, à partir d'hydroquinone,
par électrolyse.
[0002] On sait que l'électrolyse d'une solution aqueuse d'une hydroquinine peut conduire
à la formation de la quinone correspondante. Mais, cela est notamment le cas lorsqu'on
réalise l'électrolyse d'une solution aqueuse de l'hydroquinone, on constate que le
rendement de cette réaction est très faible du fait de la précipitation d'un composé
résultant de l'addition d'une molécule d'hydroquinone sur une molécule de quinone,
ledit composé étant dénommé quinhydrone.
[0003] On a cherché à diminuer les risques de formation de cette molécule d'addition (quinhydrone)
en opérant soit dans des solutions très diluées, ce qui conduit à des rendements faradiques
très faibles, soit à température élevée mais il y a alors risque de dégradation de
la quinone obtenue.
[0004] La présente invention présente un procédé électrolytique nouveau permettant de préparer,
avec des rendements industriels, une quinone par électrolyse d'un milieu aqueux contenant
une hydroquinone ; ce procédé nouveau est caractérisé en ce que l'on réalise l' électrolyse
d'une dispersion ou émulsion aqueuse contenant, outre ladite solution aqueuse de l'hydroquinone,
un cosolvant stable peu soluble dans l'eau qui est un bon solvant de la quinone et
un mauvais solvant de l'hydroquinone.
[0005] Pour sélectionner le cosolvant à utiliser, il conviendra donc de tenir compte des
nécessités suivantes :
- ledit cosolvant doit être stable ; il s'agit bien entendu d'une stabilité chimique
vis-à-vis de l'ensemble des produits présents et d'une stabilité électrochimique dans
les conditions opératoires utilisées. Cette stabilité du cosolvant est importante
dans la mesure où toute instabilité de ce produit se traduira par l'apparition d'impuretés
(qu'il faudra ultérieurement éliminer) et par une baisse du rendement,
- ledit cosolvant doit être peu soluble dans l'eau et réciproquement ; ledit cosolvant
est en effet employé pour constituer une phase indépendante de la phase aqueuse, la
solubilité de ce cosolvant dans l'eau doit donc être aussi faible que possible. Cette
faible solubilité du cosolvant dans l'eau implique que l'électrolyse s'effectuera
sur un milieu présentant deux phases (émulsion),
- ledit cosolvant doit être un mauvais solvant pour l'hydroquinone, et un bon solvant
pour la quinone. En effet, un des rôles de ce cosolvant sera d'assurer, au cours de
l'électrolyse, une séparation effective de l'hydroquinone d'avec la quinone de façon
à éviter la formation, connue, d'un produit d'addition du type quinhydrone.
[0006] Outre ces propriétés essentielles à la bonne marche du procédé selon l'invention,
le cosolvant doit permettre de réaliser une récupération facile de la quinone produite.
Bien que les cosolvants à point d'ébullition relativement élevé puissent être intéressants,
du fait qu'il sera possible d'effectuer l'électrolyse à des températures élevées,
il est généralement souhaitable de choisir comme cosolvant un produit à point d'ébullition
relativement bas car cela pourra faciliter la récupération ultérieure de la quinone
par simple évaporation du cosolvant.
[0007] Parmi les cosolvants possédant de telles propriétés, on pourra citer des carbures
aromatiques (notamment toluène et benzène) des cycloalcanes, des alcanes et des carbures
aliphatiques halogénés (tels que le chlorure de méthylène et le dichloro-1,2-éthane).
Ces carbures aliphatiques halogénés semblent être les solvants les plus intéressants.
On mentionnera ci-après, à titre d'exemples, les solubilités de la para-benzoquinone
dans divers solvants :
toluène : solubilité environ 70 g/l
benzène : solubilité environ 40 g/l
dichlorométhane : solubilité environ 36 g/l
1,2-dichloroéthane : solubilité environ 50 g/l
alors que, dans ces mêmes solvants, l'hydroquinone n'est soluble qu'à raison de quelques
g/l. On pourra également utiliser des mélanges de ces cosolvants
[0008] Dans le procédé selon l'invention, les quantités relatives d'eau et de cosolvant
peuvent varier avec la nature du cosolvant et éventuellement des réactifs (hydroquinone
et quinone). Pour des réactifs donnés (par exemple l'électrolyse de l'hydroquinone
donnant naissance à la p-benzoquinone), il conviendra d'ajuster ces quantités relatives
pour tenir compte, d'une part, de la conductibilité de l'émulsion (qui nécessiterait
une proportion élevée de phase aqueuse) et, d'autre part, de la quantité de p-benzoquinone
à extraire (ce qui nécessiterait une proportion élevée de phase organique). Dans la
pratique, le rapport, en volume, des phases aqueuse et organique est de 0,1 à 50 et
de préférence de 0,5 à 10. Lorsque ledit rapport est inférieur à 0,1, la phase aqueuse
se trouvant en très faible proportion, la conductibilité du mélange est mauvaise.
Lorsque ledit rapport est supérieur à 50, les possibilités de solubilisation de la
quinone sont insuffisantes.
[0009] On notera également que la "qualité" (c'est-à-dire en fait la finesse et la stabilité)
de la dispersion du cosolvant dans la phase aqueuse peut jouer un rôle sur le rendement
de la réaction. Il sera aisé pour le spécialiste, compte tenu des procédés de préparation
utilisés pour réaliser la dispersion ou l'émulsion (par exemple à l'aide d'une pompe
ou d'un mélangeur statique), d'optimiser ladite dispersion, éventuellement en lui
ajoutant des agents émulsifiants ou tensio-actifs inertes, pour obtenir un rendement
maximum.
[0010] La température à laquelle a lieu l'électrolyse a une influence connue (l'augmentation
de la température améliorant la conductivité de l'émulsion, améliorant la solubilité
des réactifs dans leurs milieux et améliorant la cinétique de la réaction) ; cependant,
si pour des problèmes de récupération de la quinone on utilise un cosolvant à point
d'ébullition relativement bas, on sera limité par le point d'ébullition de ce cosolvant.
Dans la pratique, on utilisera des températures de 10 à 80°C.
[0011] La concentration de l'hydroquinone dans l'eau ne paraît pas être un facteur décisif
concernant le taux de conversion de l'hydroquinone en quinone à rendement électrique
égal, mais toute augmentation de ladite concentration (dans la limite de la solubilité
de l'hydroquinone) favorisera le rendement volumique.
[0012] En ce qui concerne la densité de courant électrique, elle est généralement de l'ordre
de 5 à 40 A/dm².
[0013] La réaction est effectuée dans une cellule d'électrolyse classique comportant, de
préférence, un séparateur. Lorsque ladite cellule comporte un séparateur, celui-ci
est de préférence de type cationique tel que par exemple une membrane de marque déposée
NAFION. Dans le compartiment cathodique, on réalise, comme connu, la réduction d'une
eau rendue conductrice par un acide tel que l'acide sulfurique (mais il est aussi
possible de réaliser, dans ce compartiment cathodique toute autre réaction de réduction
électrochimique) ; la cathode doit être non corrodable et avec une surtension aussi
faible que possible. Dans le compartiment anodique, on admet la dispersion ou l'émulsion
selon l'invention comportant donc une phase aqueuse dont on a amélioré la conductibilité
grâce à l'addition d'un acide inerte vis-à-vis des réactifs (comme l'acide sulfurique,
l'acide phosphorique ou l'acide nitrique) et/ou d'un sel et une phase organique dispersée
ou émulsionnée dans ladite phase aqueuse. L'anode est réalisée en un matériau stable
(c'est-à-dire non corrodable) qui est avantageusement un oxyde ou un alliage de plomb
ou, de préférence, un métal d'arrêt tel que, par exemple, du titane dont la surface
est recouverte de métaux ou d'oxydes métalliques dont l'un ou moins appartient à la
famille du platine. La structure de l'anode peut être très diverse ; on utilisera
des anodes déployées ou trouées, ou pleines.
[0014] On peut opérer, bien évidemment, en discontinu ou en continu, ce dernier mode de
mise en oeuvre étant préféré ; on peut également, pour optimiser les rendements, utiliser
plusieurs réacteurs montés en série dans chacun desquels les conditions opératoires
pourront être adaptées aux mélanges à traiter.
[0015] Les hydroquinones, utilisables selon l'invention, peuvent être définies comme toutes
celles qui, en milieu aqueux donnent naissance, en présence de la quinone correspondante,
à une quinhydrone.
[0016] Le cas particulier type est celui où l'on prépare la para-benzoquinone à partir de
l'hydroquinone. C'est essentiellement ce cas particulier qui sera illustré ci-après.
[0017] Les exemples non limitatifs illustrent l'invention. Les exemples 1 à 16 ont été réalisés
en discontinu, c'est-à-dire en effectuant l'électrolyse d'un certain volume de dispersion
(ou émulsion), cette dispersion étant soit contenue dans le compartiment anodique
convenablement agité de l'électrolyseur, soit mise en circulation en une boucle fermée
sur ledit compartiment anodique. L'exemple 17 a été effectué en continu.
EXEMPLE 1 A 13
[0018] Dans tous les exemples, on a utilisé une cellule comportant une membrane de séparation
NAFION 423, un catholyte constitué par une solution aqueuse de H₂SO₄ à 0,5 N, une
cathode en INCOLOY 825 une anode qui est soit en titane revêtu, soit en plomb ; on
a toujours utilisé dans l'anolyte une quantité de cosolvant telle que le rapport,
en volume, de la phase organique sur la phase aqueuse est 0,5 ladite phase aqueuse
étant à 0,1 N d'acide sulfurique.
[0019] Dans tous les essais, on a constaté que le rendement chimique, c'est-à-dire le pourcentage
d'hydroquinone transformée que l'on retrouve sous forme de quinone (en moles), est
très élevé de 91 à 100 %. Le rendement faradique, qui est très élevé (80 à 100 %)
en début de réaction, diminue au bout d'un certain temps du fait de la diminution
de la concentration de l'hydroquinone et du développement de réactions parasites (oxydation
de l'eau).
[0020] Il faudrait donc, en toute logique, considérer les rendements de la réaction à chaque
instant de la durée de cette réaction ; une telle étude, même si elle est intéressante
pour optimiser la réaction sur le plan industriel, n'est pas actuellement terminée,
on se contentera donc de fournir des résultats de rendements globaux en fin de réaction,
ladite réaction ayant été arrêtée après qu'environ 70 à 95 % de l'hydroquinone de
départ ont été consommés, c'est-à-dire après des durées de réaction de l'ordre de
50 à 80 minutes.
[0021] Les résultats obtenus dans la transformation de l'hydroquinone en para-benzoquinone
sont rassemblés dans le tableau 1 ; l'exemple 1 a été réalisé avec une anode en titane
revêtu de platine de forme pleine ; les exemples 2 à 7 ont été réalisés en utilisant
une anode en titane déployé recouvert de platine ; les exemples 8 à 11 ont été réalisés
en utilisant une anode trouée en titane sur lequel on a déposé simultanément des oxydes
d'iridium, de cobalt et de tantale ; l'exemple 12 a été réalisé avec une électrode
trouée en plomb ; l'exemple 13 a été réalisé avec une anode trouée en titane palladié
recouvert de platine-iridium.
[0022] Dans les exemples 2, 3, 5, 6, et 7, la tension ΔV a varié au cours de l'essai d'environ
6 à environ 8 V ; cette tension est restée constante et égale à 4,5 V dans l'exemple
4 ; à 4,25 V dans l'exemple 8 ; à 5 V dans l'exemple 9 ; à 2,8 V dans les exemples
10 et 11 ; à 4,9 V dans l'exemple 12 et à 3,2 V dans l'exemple 13.
EXEMPLE 14
[0023] On a reproduit les conditions de l'exemple 2 en utilisant, à la place de l'hydroquinone,
la toluhydroquinone en concentration de 10 g/l. On a obtenu la toluquinone correspondante
avec un rendement faradique de 84 % et un rendement chimique de 88 %.
EXEMPLE 15
[0024] Dans cet exemple, on a utilisé une anode en titane palladié recouvert de platine
et d'iridium et un anolyte dont la phase aqueuse a une acidité de 0,4 N en H₂SO₄.
[0025] Les autres conditions expérimentales sont les suivantes :
Densité de courant |
20 A/dm² |
Température |
35°C |
Concentration en hydroquinone |
20 g/l |
Cosolvant |
CH₂CL₂ |
ΔV : 3,25 V |
|
[0026] Le rendement faradique a été de 85 %.
EXEMPLE 16
[0027] Dans cet exemple, on a utilisé une anode en titane revêtu de platine et un anolyte
dont la phase aqueuse a pour acidité 0,1 N en acide sulfurique.
[0028] Les autres conditions expérimentales sont les suivantes :
Densité de courant |
10 A/dm² |
Température |
20-25°C |
Concentration en hydroquinone |
30 g/l |
Cosolvant |
CH₂CL₂ |
ΔV : 15 V |
|
Rapport en volume de la phase organique à la phase aqueuse : 1,2.
[0029] Le rendement faradique de la réaction a été de 68,5 % et le rendement chimique de
100 %.
EXEMPLE 17
[0030] Cet exemple a été réalisé "en continu".
[0031] L'installation comporte un électrolyseur à deux compartiments séparés par un séparateur
de type cationique (membrane de marque NAFION).
[0032] Dans le compartiment cathodique on fait circuler une solution aqueuse d'acide sulfurique
à 0,5 N.
[0033] Dans le compartiment anodique, on envoie un mélange d'acide sulfurique 0,1 N, de
dichlorométhane (rapport de la phase organique à la phase aqueuse de 0,5) et d'hydroquinone
(concentration en hydroquinone 20 g/l). A la sortie de ce compartiment, le mélange
est décanté, la phase organique est évacuée afin d'y récupérer la quinone produite,
et la phase aqueuse est recyclée (et complétée par un apport d'eau, d'hydroquinone
et de dichlorométhane).
[0034] L'anode est en titane revêtu de platine et d'iridium.
[0035] La température est de 35°C, la densité de courant de 10A/dm² et la différence de
potentiel de 4,25 V.
[0036] On a obtenu un rendement faradique de 100 % et un taux de conversion de 78 %.
TABLEAU 1
Exemple no |
Densité de courant |
Température |
Concentration hydroquinone |
Cosolvant |
Rendement faradique |
Rendement chimique |
Noté |
|
A/dm2 |
(°C) |
g/l |
|
% |
% |
|
|
|
|
(phase aqueuse) |
|
|
|
|
1 |
10 |
20-60 |
20 |
toluène |
62 |
98 |
|
2 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
79 |
100 |
|
3 |
20 |
25 |
30 |
CH2CL2 |
81,5 |
95,5 |
|
4 |
10 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
51,5 |
92,5 |
sans séparateur |
5 |
20 |
35 |
20 |
C2H4CL2 |
80 |
91 |
|
6 |
20 |
50 |
20 |
C2H4CL2 |
84 |
90,5 |
|
7 |
20 |
50 |
30 |
C2H4CL2 |
87 |
98,5 |
|
8 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
73,5 |
99,5 |
|
9 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
68 |
- |
ΔV = 5 V |
|
|
|
|
|
|
|
vitesse circulation 0,7 m/s |
10 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
85,5 |
- |
ΔV = 2,8 V |
|
|
|
|
|
|
|
vitesse circulation 1,1 m/s |
11 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
91,5 |
96 |
ΔV = 2,8 V |
|
|
|
|
|
|
|
vitesse circulation 1,5 m/s |
12 |
20 |
35 |
20 |
CH2CL2 |
87,5 |
- |
|
13 |
20 |
35 |
20 |
CHCL3 |
85 |
- |
|
1. Procédé de préparation de quinone à partir d'hydroquinone par électrolyse, caractérisé
en ce que l'on réalise l'électrolyse, dans le compartiment anodique d'un électrolyseur,
d'une dispersion ou émulsion comportant une solution aqueuse conductrice de l'hydroquinone
et au moins un cosolvant stable, peu soluble dans l'eau, qui est un bon solvant de
la quinone produite et un mauvais solvant de l'hydroquinone.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'on effectue l'électrolyse
d'une solution d'hydroquinone en vue d'obtenir la para-benzoquinone.
3. Procédé selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que ledit cosolvant
est choisi parmi les hydrocarbures aromatiques, les cycloalcanes, les alcanes et les
hydrocarbures aliphatiques halogénés et leurs mélanges.
4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l'électrolyseur
comporte un séparateur de préférence de type cationique.
5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que l'anode est
constituée d'un métal stable qui est de préférence un métal d'arrêt tel que du titane
dont la surface est recouverte de métaux ou d'oxydes métalliques dont l'un au moins
appartient à la famille du platine.