[0001] La présente invention se rapporte à une pièce en céramique à plusieurs propriétés
améliorées et à un procédé de fabrication d'une telle pièce.
[0002] Les ondes millimétriques et centimétriques de puissance (puissance supérieure à quelques
Watts) sont utilisées en particulier dans les télécommunications et les radars, mais
il existe une autre application où de fortes puissances sont nécessaires : c'est le
chauffage du plasma d'un réacteur à fusion thermonucléaire. Dans une telle application
des puissances supérieures à quelques mégawatts sont nécessaires.
[0003] Ces fortes puissances sont générées dans des tubes à vide (gyrotron, klystron, magnétron...).
Leur principe de fonctionnement est toujours le même : un électron gagnant (ou perdant)
de la vitesse absorbe (ou émet) de l'énergie électromagnétique. Il suffit donc de
placer sur la trajectoire d'un faisceau d'électrons un champ magnétique et électrique
de façon judicieuse pour qu'une onde électromagnétique se génère. Cette onde étant
créée dans le vide, il est nécessaire de la faire passer à travers une fenêtre pour
l'utiliser dans un circuit électronique.
[0004] Cette fenêtre doit être à la fois transparente aux ondes électromagnétiques et étanche
aux gaz (un vide de l'ordre de 10⁻⁸ torr doit pouvoir être tenu de façon statique
pendant une dizaine d'années).
[0005] Les fenêtres utilisées actuellement sur les tubes hyperfréquence sont en alumine
métallisable frittée sous charge (H.P.). Par alumine métallisable, on entend un matériau
sur lequel une plaquette de métal brasée convenablement a une résistance à l'arrachement
supérieure à 300 kg/cm². Il contient 94 à 98 % d'alumine, le reste étant le plus souvent
des oxydes de Molybdène, de Manganèse ou de Silicium. Les grains de ce matériau ont
souvent la particularité d'être très gros (dimensions supérieures à 10 microns).
[0006] Bien que le mécanisme réel de renforcement de l'adhésion ne soit pas encore parfaitement
clair, les alumines métallisables font partie, et c'est leur force, des matériaux
présentant les valeurs les plus grandes de résistance a l'arrachement : des valeurs
aussi élevées qu'une tonne par centimètre carré ont été obtenues.
[0007] Cependant, dans l'application précitée, cette alumine métallisable présente quelques
inconvénients :
- Elle est biphasée, c'est-à-dire qu'elle est composée de grains d'alumine séparés
les uns des autres par une phase vitreuse (non cristalline). Ces deux matériaux ont
des constantes diélectriques différentes, ce qui peut déformer localement les lignes
de champ électrique et induire des claquages. De plus, ils ont des coefficients de
dilatation différents, ce qui a pour effet, lors d'une augmentation locale de température,
de générer des amorces de fissure.
- La phase vitreuse, en raison de ses mauvaises pertes diélectriques, contribue à
absorber une petite partie de l'onde électromagnétique et échauffer la céramique.
- Les grains sont très gros (10 - 50 µm), ce qui a pour conséquence de diminuer la
résistance mécanique par rapport à une céramique à grains fins (1 µm).
[0008] La présente invention a pour objet une pièce en céramique présentant un coefficient
de dilatation et une constante diélectrique pratiquement constants dans une partie
du volume de la pièce, cette pièce ayant de faibles pertes diélectriques et une très
bonne résistance mécanique.
[0009] L'invention a aussi pour objet une fenêtre du type précité pouvant être métallisée
tout en étant homogène et transparente aux ondes électromagnétiques, et n'apportant
pratiquement pas de modifications aux lignes du champ la traversant.
[0010] L'invention a également pour objet un procédé de fabrication d'une telle pièce et
d'une telle fenêtre.
[0011] La pièce conforme à l'invention comporte une céramique métallisable cofrittée avec
un matériau à propriétés homogènes au niveau microscopique, ces propriétés étant des
propriétés physiques, en particulier diélectriques, et/ou chimiques et/ou mécaniques.
[0012] La fenêtre conforme à l'invention comporte au moins une partie centrale en céramique
à grains fins cofrittée avec des parties annulaires en céramique métallisable.
[0013] Le procédé de fabrication conforme à l'invention consiste à couler d'une part une
barbotine à base de poudre céramique et d'ajouts empêchant la croissance des grains,
et d'autre part à couler une autre barbotine à base de poudre céramique et d'ajouts
favorisant l'adhérence des métallisations, à découper aux dimensions désirées les
feuilles crues obtenues à partir de ces barbotines, à thermocoller au moins une pièce
obtenue à partir de l'une des barbotines avec au moins une pièce obtenue à partir
de l'autre barbotine, et à fritter l'ensemble thermocollé.
[0014] La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée
d'un mode de réalisation pris comme exemple non limitatif et illustré par le dessin
annexé sur lequel :
- la figure 1 est une vue en coupe longitudinale d'une partie de guide d'ondes comportant
une fenêtre de l'art antérieur, et
- la figure 2 est une vue en coupe longitudinale d'une partie de guide d'ondes comportant
une fenêtre conforme à l'invention.
[0015] L'invention est décrite ci-dessous en référence à la réalisation d'une fenêtre pour
un tube générateur d'ondes hyperfréquences, mais il est bien entendu qu'elle n'est
pas limitée à une telle application et qu'elle peut être mise en oeuvre dans de nombreux
autres domaines où l'on a besoin de pièces en céramique présentant dans une partie
de leur volume des propriétés homogènes, et dans une autre partie, en général périphérique
ou superficielle, une structure métallisable.
[0016] On a représenté sur la figure 1 une partie de guide d'ondes 1, qui est par exemple
la sortie d'un générateur d'ondes millimétriques ou centimétriques (non représenté)
tel qu'un gyrotron, un klystron, ou un magnétron. On suppose que le guide d'ondes
a une section droite circulaire.
[0017] Le guide d'ondes 1 est obturé hermétiquement par une fenêtre 2. Pour fixer la fenêtre
2, on a réalisé le guide d'ondes en deux tronçons 3,4 se terminant chacun par une
collerette 5,6 respectivement. La fenêtre 2 est collée entre les deux collerettes
5,6. Cette fenêtre 2 connue est une pastille, en forme de disque épais, réalisée en
une seule pièce de céramique métallisable, et présente les inconvénients cités ci-dessus.
[0018] La fenêtre 7 conforme à l'invention est représentée en figure 2. Elle est également
collée entre les collerettes 5,6 des tronçons 3,4 du guide d'ondes 1.
[0019] La fenêtre 7 est en matériau composite formé de plusieurs parties. La partie centrale
8 de la fenêtre 7, réalisée en céramique à grains fins et à grand degré de pureté
(par exemple 99 %) a une forme de disque épais, dont le diamètre est pratiquement
égal au diamètre extérieur des collerettes 5,6.
[0020] Sur chaque face du disque 8, est disposé un disque 9,10 respectivement. Les disques
9,10 sont réalisés avec le même matériau que l'est le disque 8. Ces disques 9,10 sont
coaxiaux au disque 8, mais leur diamètre est pratiquement égal au diamètre intérieur
du guide 1.
[0021] Les disques 9,10 sont entourés chacun d'un anneau en céramique métallisable 11,12
respectivement. Les anneaux 11,12, sont disposés sur les deux faces du disque 8, coaxialement
à celui-ci. Ces anneaux 11,12 ont sensiblement la même épaisseur que les disques 9,10.
Leur diamètre intérieur est pratiquement égal au diamètre des disques 9,10, et leur
diamètre extérieur pratiquement égal au diamètre extérieur des collerettes 5,6.
[0022] Les diverses parties 8 à 12 de la fenêtre 7 sont avantageusement fabriquées, puis
cofrittées selon le procédé décrit en détail ci-dessous, qui est applicable à toutes
les pièces céramiques composites conformes à l'invention.
[0023] Un exemple de fabrication préféré des parties 8 à 12 est décrit ci-dessous, mais
il est bien entendu que d'autres procédés de fabrication bien connus peuvent être
mis en oeuvre.
[0024] Selon le présent exemple de mise en oeuvre, les différentes pièces sont formées par
coulage d'une barbotine, selon le procédé bien connu de "doctor blade". La barbotine
est préparée en dispersant de la poudre céramique dans un solvant organique (trichloréthylène
ou alcool éthylique par exemple) à l'aide d'un défloculant (huile de Menhaden par
exemple), en ajoutant un liant soluble dans ce solvant (par exemple polyvinyl butyral).
Afin de conférer à la feuille crue une certaine souplesse facilitant son emploi, on
additionne avantageusement un plastifiant (polyéthylène glycol par exemple).
[0025] Après coulage et évaporation du solvant, la feuille crue obtenue a toutes les propriétés
requises pour être manipulée et découpée sans dommage.
[0026] Pour réaliser les parties 8,9,10 de la fenêtre 7, on coule une poudre céramique ultrapure
(pureté meilleure que 99 %), par exemple de l'alumine ultrapure, additionnée de moins
de 1 % environ de poids d'un ajout empêchant la croissance des grains, par exemple
du Mg0.
[0027] Pour réaliser les parties 11,12 de la fenêtre 7, on coule également une poudre céramique
ultrapure, par exemple de l'alumine ultrapure, additionnée d'ajouts favorisant l'adhérence
des métallisations, par exemple au moins un des corps suivants : silice, magnésie,
oxyde de manganèse, oxyde de molybdène, oxyde de niobium, oxyde de calcium, oxyde
de titane.
[0028] Après coulage chacune des deux bandes crues (qui ont l'aspect d'une matière plastique
souple) est découpée de façon appropriée : la première pour les parties 8,9 et 10,
et la seconde pour les parties 11 et 12. Les parties découpées sont assemblées et
pressées ensemble à une pression élevée (par exemple 400 bars) et à une température
d'environ 90°C de façon à les thermocoller ensemble. La pièce thermocollée (comprenant
donc les parties 8 à 12) est placée dans un four pour y être frittée. Un exemple de
traitement thermique dans ce four est le suivant. On augmente la température jusqu'à
600°C à la vitesse de 100°C/heure environ, puis on maintient cette température de
600°C environ pendant deux heures, puis on augmente la température jusqu'à la température
de frittage, qui est généralement comprise entre 1400 et 1800°C environ, à la vitesse
de 100° C/heure environ. Lorsque la température de frittage appropriée est atteinte,
on la maintient pendant plusieurs heures (environ entre 1 et 10 heures), et enfin
on revient à la température ambiante à la vitesse d'environ - 150°C/heure.
[0029] Le fait de partir d'une même poudre d'alumine pour les deux mélanges de poudres des
barbotines présente l'avantage d'avoir une température et une amplitude de retrait
sensiblement identiques dans les différentes parties de la pièce composite (la fenêtre
7 pour le présent exemple), ce qui évite toute déformation de la pièce composite.
Le traitement thermique a pour effet secondaire de faire grossir les grains de l'alumine
métallisable par rapport à l'alumine de la fenêtre proprement dite (8,9,10).
[0030] Bien entendu, au lieu d'alumine on peut utiliser d'autres céramiques, par exemple
le spinelle (Mg Al₂ 0₄).
[0031] On ajuste les retraits en faisant varier la composition de la céramique métallisable,
la granulométrie des poudres et les conditions de frittage.
1. Pièce en céramique à plusieurs propriétés améliorées, caractérisée par le fait
qu'elle comporte une céramique métallisable cofrittée avec un matériau à propriétés
homogènes au niveau microscopique.
2. Pièce en céramique selon la revendication 1, caractérisée par le fait que lesdites
propriétés sont des propriétés physiques.
3. Pièce en céramique selon la revendication 2, caractérisée par le fait que lesdites
propriétés sont des propriétés diélectriques.
4. Pièce en céramique selon l'une des revendications précédentes, caractérisée par
le fait que lesdites propriétés sont des propriétés chimiques.
5. Pièce en céramique selon l'une des revendications précédentes, caractérisée par
le fait que lesdites propriétés sont des propriétés mécaniques.
6. Pièce en céramique servant à réaliser une fenêtre transparente aux ondes électromagnétiques
et disposée de façon étanche sur un guide d'ondes, caractérisée par le fait qu'elle
comporte au moins une partie centrale en céramique à grains fins cofrittée avec des
parties annulaires en céramique métallisable.
7. Pièce en céramique selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisée
par le fait que le matériau à propriétés homogènes est une céramique à grains fins.
8. Pièce en céramique selon la revendication 7, caractérisée par le fait que la céramique
à grains fins est de l'alumine.
9. Pièce en céramique selon la revendication 7, caractérisée par le fait que la céramique
à grains fins est du spinelle.
10. Pièce en céramique selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisée
par le fait que la céramique métallisable est de l'alumine.
11. Pièce en céramique selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, caractérisée
par le fait que la céramique métallisable est du spinelle.
12. Procédé de fabrication d'une pièce en céramique comportant de la céramique métallisable,
caractérisé par le fait qu'il consiste à : couler d'une part une barbotine à base
de poudre céramique et d'ajouts empêchant la croissance des grains, et d'autre part
à couler une autre barbotine à base de poudre céramique et d'ajouts favorisant l'adhérence
des métallisations, à découper selon les dimensions désirées les feuilles crues obtenues
après solidification des barbotines, à thermocoller les pièces découpées, et à les
cofritter.
13. Procédé selon la revendication 12, caractérisé par le fait que les ajouts empêchant
la croissance des grains comportent du MgO.
14. Procédé selon la revendication 12 ou 13, caractérisé par le fait que les ajouts
favorisant l'adhérence des métallisations comportent au moins l'un des produits suivants
: silice, magnésie, oxyde de manganèse, oxyde de molybdène, oxyde de niobium, oxyde
de calcium, oxyde de titane.
15. Procédé selon l'une des revendications 12 à 14, caractérisé par le fait que la
poudre céramique comporte de l'alumine.
16. Procédé selon l'une des revendications 12 à 15, caractérisé par le fait que la
poudre céramique comporte du spinelle.
17. Procédé selon l'une des revendications 12 à 16, caractérisé par le fait que le
thermocollage des pièces découpées est réalisé à une pression d'environ 400 bars et
à une température d'environ 90° C.
18. Procédé selon l'une des revendications 12 à 17, caractérisé par le fait que le
cofrittage est réalisé à une température finale comprise entre 1400 et 1800°C environ.