[0001] La présente invention concerne le domaine des alliages CuSn destinés à la fabrication
de conducteurs électriques et/ou thermiques. Ces conducteurs électriques et/ou thermiques
sont utilisés soit comme barres méplats à angles vifs ou arrondis, pour tableaux et
canalisations électriques, soit comme conducteurs électriques dans les machines tournantes
(collecteurs ou bobinage), soit comme conducteurs thermiques dans les échangeurs thermiques.
[0002] Les alliages destinés à ces applications doivent satisfaire un certain nombre d'exigences
:
- la conductivité électrique et thermique doit être la plus élevée possible,
- une grande solidité mécanique est nécessaire pour que l'alliage puisse supporter
les forces centrifuges et magnétiques exercées sur les collecteurs et bobinages de
machines tournantes
- une ductilité suffisante nécessaire pour la mise en forme des produits finis (pliage
par exemple)
- une très bonne tenue à chaud, autrement dit une température de demi-adoucissement
élevée, car ces alliages peuvent être soumis à des conditions de température sévères
- une bonne résistance à la corrosion sous tension car ces alliages travaillent dans
des conditions susceptibles de provoquer ce type de corrosion
- un prix de revient avantageux avec un procédé d'élaboration simple.
[0003] Dans cette demande, toutes les compositions d'alliages sont en pourcentage pondéral.
[0004] A l'heure actuelle, les alliages les plus utilisés sont, selon la nomenclature ISO
(nomenclature ASTM entre parenthèses) :
. CuETP (C11000) pour tableaux et canalisations électriques à angles vifs ou arrondis.
. CuETP (C11000), CuAg 0,035% (C11300) et CuAg 0,08% (C11600) pour les conducteurs
électriques (les collecteurs et bobinages des machines tournantes par exemple) ou
thermiques.
[0005] Parmi ces alliages, le CuETP (C11000) présente une faible résistance mécanique et
nécessite donc pour le durcir, une ou plusieurs passes d'étirage ou laminage (opérations
qui sont coûteuses et lentes) avec, parfois des recuits intermédiaires à cause de
sa capacité limitée de prise d'écrouissage. D'autre part, sa température de demi-adoucissement
(en relation avec la tenue à chaud) est basse.
Quant aux alliages CuAg (0,035 à 0,08% en Ag), ils présentent une ductilité moyenne,
sont relativement onéreux et ont une tenue à chaud moyenne.
[0006] L'invention a donc pour objet de procurer un alliage de cuivre qui répond aux exigences
énumérées précédemment, ainsi que son procédé de fabrication.
[0007] Selon l'invention, l'objectif précité est atteint par un alliage CuSn obtenu par
désoxydation partielle et contrôlée du cuivre avec du magnésium ou du calcium.
[0008] L'alliage de cuivre selon l'invention a la composition suivante (les teneurs expriment
des pourcentages pondéraux) :
- étain : de 200 à 1200ppm et de préférence de 500 à 900 ppm
- la teneur résiduelle en Mg ou Ca est inférieure à 10 ppm, le Mg ou le Ca étant sous
forme d'oxyde (MgO ou CaO).
- la teneur en oxygène est inférieure à 100 ppm et de préférence inférieure à 50 ppm.
- la teneur en impuretés métalliques est inférieure à 40 ppm
- cuivre : reste.
[0009] L'inventeur a trouvé que les alliages CuSn selon l'invention présentaient, par rapport
aux alliages de l'art antérieur utilisés pour les mêmes applications, une conductivité
électrique voisine à très légèrement inférieure, des propriétés mécaniques améliorées
pour une ductilité comparable, une résistance à la corrosion sous tension nettement
supérieure, une tenue à chaud supérieure.
[0010] Les essais réalisés par l'inventeur ont montré que le choix de l'agent de désoxydation
était important. Ainsi, par rapport au phosphore qui est un agent de désoxydation
généralement utilisé jusqu'à présent, le magnésium ou le calcium présentent un pouvoir
désoxydant supérieur.
[0011] En outre, l'incidence d'un excès éventuel d'agent de désoxydation est favorable à
l'emploi de magnésium ou de calcium:
- d'une part un éventuel excès de Mg ou de Ca en solution solide n'aura pas d'effet
néfaste sur la conductivité électrique de l'alliage, contrairement à un excès de
P, comme le montrent les valeurs de Δρ/P qui suivent :
(Δρ/P) Mg = 2. 08 µΩ cm/%
(Δρ/P) Ca = 1.03 µΩ cm/%
(Δρ/P) P = 14.3 µΩ cm/%
Δρ/P exprime l'augmentation de résistivité de l'alliage par pour-cent pondéral d'agent
de désoxydation
- d'autre part un éventuel excès de Mg ou Ca résiduel peut contribuer à la consolidation
du Cu.
[0012] Les essais réalisés par l'inventeur ont montré que la quantité de Mg ou de Ca doit
être choisie de façon à assurer volontairement une désoxydation partielle et contrôlée,
ce qui est particulièrement avantageux.
En effet, cela évite d'avoir recours à un bain complètement exempt d'oxygène (libre
ou combiné), ce qui entraîne certains inconvénients; en effet, il faudrait dans ce
cas :
- soit utiliser le cuivre de qualité OFHC coûteux, car son procédé d'élaboration
est compliqué :
- soit ajouter une quantité beaucoup plus importante de l'élément désoxydant pour
assurer non seulement le piègeage de l'oxygène libre, mais aussi la réduction des
oxydes d'impuretés métalliques présentes dans le bain. Une telle réduction remettra
les impuretés en solution, et fera chuter par conséquent la conductivité électrique
de l'alliage.
[0013] Le procédé selon l'invention permet de réaliser une désoxydation partielle et contrôlée.
Il comporte les étapes suivantes :
a) fusion de cathodes ou de déchets Cu à teneur en impuretés contrôlée
b) désoxydation partielle du bain au Mg ou au Ca
c) contrôle de l'oxygène libre du bain par une sonde électrochimique et, le cas échéant,
ajout de Mg (ou Ca)
d) période d'attente
e) addition d'étain
f) période d'homogénéisation
g) dégazage du bain à l'argon ou tout autre gaz inerte ou réducteur
h) contrôle de la composition du bain à l'aide d'un spectromètre optique à étincelle
(les analyses sont réalisées sur des prélèvements effectués dans le métal liquide)
et ajustement éventuel de la composition
i) coulée sous atmosphère inerte ou réductrice
j) mise en forme du métal.
[0014] Selon l'invention la mise en forme du métal comporte une étape de filage à chaud,
une étape d'étirage, éventuellement suivie d'une étape de tréfilage, jusqu'aux dimensions
finales. On peut aussi mettre en forme le métal par laminage à chaud suivi d'un laminage
à froid jusqu'à l'épaisseur finale.
[0015] Le procédé selon l'invention est entièrement sous contrôle grâce à des techniques
d'analyse chimique adaptées : les ajouts de Mg ou Ca se font d'après les informations
fournies par ces analyses, de sorte qu'il est possible de réaliser une désoxydation
partielle et contrôlée du bain de Cu jusqu'au niveau souhaité qui peut correspondre
à une teneur en oxygène libre inférieure à 10 ppm.
[0016] Le procédé permet donc d'obtenir de manière fiable et reproductible des alliages
CuSn performants, même en partant de déchets de Cu qui peuvent contenir des teneurs
en impuretés variables.
[0017] Le procédé selon l'invention est particulièrement économique, d'une part en raison
de la faible teneur en éléments d'alliage (Sn) et en raison de faibles quantités de
Mg ou Ca consommées par le procédé selon l'invention, mais d'autre part surtout en
raison des propriétés mécaniques de l'alliage selon l'invention qui permettent de
diminuer le nombre de passes d'étirage, de tréfilage, de laminage sans recuits intermédiaires
coûteux et pénalisants pour la productivité.
[0018] Les exemples qui suivent illustrent l'invention sans la limiter.
Exemple 1
[0019] Le tableau ci-dessous donne la composition d'un alliage "A" selon l'invention (en
ppm en poids) :
| |
Sn |
Mg |
0 |
Impuretés métalliques |
Cu |
| Alliage A |
900 |
<10 |
<100 |
< 40 |
le reste |
[0020] Cet alliage a été réalisé de la façon suivante:
[0021] Dans un four à induction d'une capacité de 1500 kg, on fait fondre à 1190°C, 1200
kg de cathodes de cuivre. Le métal liquide protégé par une couverte de charbon de
bois séché a été ensuite désoxydé partiellement avec 40ppm de Mg ajouté sous forme
de fils fourrés introduit au fond du four pour améliorer le rendement. Après 15 minutes
d'attente, la teneur en oxygène libre du bain a été contrôlée par sonde électrochimique
pour s'assurer qu'elle était inférieure à 10ppm. Ensuite l'addition d'étain a eu lieu,
suivie d'un temps d'homogénéisation de 10 minutes. Le bain a été ensuite dégazé à
l'argon (débit 12 1/min) pendant 15 minutes. Avant la coulée, la composition du bain
a été contrôlée et le cas échéant corrigée par l'analyse des différents éléments;
ces analyses sont réalisées à l'aide d'un spectromètre optique à étincelles et sur
des prélèvements effectués dans le bain liquide. Ensuite, la coulée de billettes de
Ø=200mm et L=4m a été effectuée à 1190°C sous atmosphère réductrice (CO). Les billettes
obtenues ont été ensuite filées sous eau à 800°C (méplats de 41,5x7mm) avant d'être
étirées pour obtenir différents taux de réduction.
[0022] Les propriétés obtenues sont réunies dans le tableau I, où nous avons ajouté les
résultats d'essais de caractérisation de deux autres alliages comparables (C11000
et C11600) que nous avons transformés et caractérisés dans les mêmes conditions que
l'alliage objet de l'invention (A).
[0023] Du Tableau I, il ressort que l'alliage objet de cette invention présente :
. une solidité mécanique supérieure à celle de CuETP et CuAg 0,08%, pour un allongement
(ductilité) comparable
. une meilleure prise d'écrouissage, donc la possibilité d'appliquer un taux de réduction
plus important (à l'étirage) sans nécessité d'un recuit intermédiaire,
. une meilleure limite élastique à l'état brut de filage surtout par rapport au CuAg
0,08%.
Exemple II
[0024] Le tableau ci-dessous donne la composition d'un alliage B selon l'invention (en ppm
en poids) :
| |
Sn |
Mg |
0 |
Impuretés métalliques |
Cu |
| Alliage B |
600 |
<10 |
<100 |
<40 |
le reste |
[0025] Cet alliage a été élaboré suivant le même procédé (que dans l'exemple I). La désoxydation
partielle a été effectuée avec 30 ppm de Mg.
[0026] Les propriétés obtenues après 25% de réduction par étirage (H14) sont, rassemblées
dans le tableau II. Nous y avons également réuni les propriétés de quatre alliages
comparables :
CuSn600 ppm (sans désoxydation), CuETP (C11000) CuAg 0,035% (C11300) et CuAg 0,08%
(C11600);
ces alliages ont été transformés et caractérisés dans les mêmes conditions que l'alliage
objet de l'invention (B).
[0027] Du Tableau II il ressort que par rapport à CuETP, CuAg (0,035 et 0,08%) et CuSn 600
ppm (sans désoxydation), l'alliage objet de cette invention présente :
. une meilleure résistance mécanique pour un allongement comparable.
. une meilleure prise d'écrouissage donc un taux de réduction à la rupture plus élevé
(50% au lieu de 40%)
une température de demi-adoucissement plus élevée (meilleure tenue à chaud).
. une meilleure résistance à la corrosion sous tension
. un effet bénéfique du magnésium aussi bien sur le plan de désoxydation partielle
du bain que sur le plan de durcissement du cuivre (le calcium présente les mêmes effets).
Exemple III
[0028] Exemple qui met en évidence les effets d'une désoxydation poussée par le Mg de l'alliage
CuSn 600ppm sur les caractéristiques thermomécaniques en particulier sur la conductivité
électrique, qui chute considérablement.
[0029] Le tableau ci-dessous donne la composition d'un alliage C :
| |
Sn |
Mg |
0 |
Impuretés métalliques |
Cu |
| Alliage C |
600 |
10 |
<50 |
< 40 |
le reste |
[0030] Cet alliage a été élaboré suivant le même procédé que dans l'exemple d'application
I. La désoxydation a été effectuée avec 110 ppm de Mg.
[0031] Les caractéristiques obtenues sur le brut de presse de cet alliage sont reprises
dans le tableau ci-dessous:
| |
Rm (MPa) |
A% lo=5,65 √So |
HV 2 |
σ (% IACS) |
| Alliage C |
335 |
51 |
66 |
91 |
[0032] Il faut noter en outre une augmentation de la viscosité du bain.
TABLEAU I
| |
BRUT DE FILAGE |
| |
Résistance mécanique Rm (MPa) |
Limite élastique à 0,2 % RO,2(MPa) |
Allongement lo=5,65 √So A % |
Conductivité électrique σ (% IACS) |
| A |
248 |
102 |
47 |
94 |
| Cu ETP (C11000) |
221 |
97 |
48 |
100 |
| CuAg 0,08% (C 11600) |
235 |
45 |
51 |
100 |
| |
ETIRE 12 % |
| |
Résistance mécanique Rm (MPa) |
Limite élastique à 0,2 % RO,2(MPa) |
Allongement lo=5,65 √So A % |
Conductivité électrique σ (% IACS) |
| A |
290 |
263 |
26 |
94 |
| Cu ETP (C11000) |
256 |
240 |
27 |
100 |
| CuAg 0,08% (C11600) |
270 |
260 |
25 |
100 |
TABLEAU II
| ETAT H 14 (Taux de réduction à l'étirage=25%) |
| |
Résistance mécanique Rm (MPa) |
Limite élastique à 0,2 % RO,2 (MPa) |
Allongement lo=5,65 √So A % |
Dureté HV2 |
| B |
326 |
317 |
15 |
103 |
| CuSn 600 ppm (sans desoxydation) |
315 |
310 |
13 |
102 |
| Cu - ETP (C 11000) |
299 |
294 |
14 |
97 |
| CuAg 0,035 % (C11300) |
300 |
295 |
12 |
99 |
| CuAg 0,08 % (C11600) |
310 |
307 |
11 |
100 |
| |
Conductivité électrique σ (% IACS) |
Résistance à la corrosion sous tension (*) |
Taux maximum de réduction à l'étirage avant la rupture (%) |
Température de demiadoucissement (°C) |
| B |
98 |
+++ |
50 |
385 |
| CuSn 600 ppm (sans desoxydation) |
99 |
+++ |
50 |
385 |
| Cu - ETP (C11000) |
101 |
++ |
40 |
270 |
| CuAg 0,035 % (C 11300) |
101 |
+ |
40 |
338 |
| CuAg 0,08 % (C 11600) |
101 |
+ |
40 |
367 |
| (*) + = assez bonne ++ = bonne +++ - très bonne. |
1. Alliage CuSn caractérisé en ce que :
- la teneur en Sn est comprise entre 200 et 1200 ppm
- la teneur résiduelle en Mg ou Ca est inférieure à 10ppm, le Mg ou le Cu étant sous
forme d'oxyde
- la teneur en oxygène est inférieure à 100 ppm
- la teneur en impuretés métalliques est inférieure à 40 ppm
- le cuivre constitue le reste
ces teneurs expriment des pourcentages en poids.
2. Alliage CuSn selon la revendication 1 dans lequel la teneur en Sn est comprise
entre 500 et 900 ppm.
3. Alliage CuSn selon la revendication 1 dans lequel la teneur en oxygène est inférieure
à 50 ppm.
4. Procédé de fabrication d'un alliage CuSn selon l'une quelconque des revendications
1 à 3 caractérisé par les étapes suivantes:
a) fusion de cathodes (ou de déchets à teneur contrôlée d'impuretés) sous une couverte
de charbon de bois ou tout autre environnement réducteur
b) désoxydation partielle du bain au Mg (ou au Ca)
c) contrôle de l'oxygène libre du bain et ajustement éventuel de la quantité de Mg
(ou en Ca) ajouté
d) une période d'attente
e) addition d'étain
f) une période d'homogénéisation
g) un dégazage du bain à l'argon ou tout autre gaz inerte ou réducteur
h) contrôle de la composition du bain et le cas échéant son ajustement
i) coulée sous atmosphère inerte ou réductrice
j) mise en forme du métal.
5. Procédé selon la revendication 4 dans lequel la teneur en Mg (ou en Ca) ajouté
au bain est contrôlée et le cas échéant ajustée, pour que la teneur en oxygène libre
du métal liquide soit inférieure à 10ppm.
6. Procédé selon la revendication 4 dans lequel le contrôle de l'oxygène libre du
bain est réalisé avec une sonde électrochimique et dans lequel le contrôle de la composition
du bain est réalisé par analyse, à l'aide d'un spectromètre optique à étincelles,
de prélèvements dans le métal liquide.
7. Procédé selon la revendication 4 dans lequel ladite mise en forme du métal comporte
une phase de filage à chaud, un étirage suivi éventuellement d'un tréfilage, jusqu'aux
dimensions finales.
8. Procédé selon la revendication 4 dans lequel ladite mise en forme du métal comporte
une phase de laminage à chaud, suivie d'une phase de laminage à froid jusqu'à l'épaisseur
finale.
9. Procédé selon la revendication 4 dans lequel la désoxydation partielle du bain
au Mg ou au Cu est réalisée en introduisant le Mg ou le Ca au fond du four sous forme
de fils fourrés.
10. Application des alliages selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 à la
fabrication de conducteurs électriques et/ou thermiques.