[0001] La présente invention est relative à une dalle de chaussée de pont, notamment de
pont routier, particulièrement adaptée à des ponts de grande portée.
[0002] La dalle de chaussée d'un pont routier est souvent constituée d'une dalle de béton
armé ou précontraint reposant sur une ossature métallique.
[0003] On a proposé, par exemple dans le brevet US-A-4.309.125 de constituer la dalle avec
une plaque métallique continue qui supporte le béton et constitue un élément de coffrage
perdu, le béton étant renforcé par des éléments métalliques soudés à la plaque et
noyés dans le béton. La plaque métallique repose sur une ossature métallique de soutien.
[0004] La dalle de béton peut également faire partie intégrante de la section résistante
du tablier du pont et être capable de supporter les charges résultant de l'utilisation
normale du pont sans qu'il soit besoin de prévoir une ossature de soutien placée sous
cette dalle. En général, dans ce cas, on choisit, pour la dalle, des épaisseurs égales
au 1/30 de la portée libre; par exemple de 200 à 300 mm pour des portées de 6 à 9
m. La capacité de ces dalles est généralement limitée par la résistance au poinçonnement
vis-à-vis des charges ponctuelles imposées par les roues des camions (ou les essieux
des trains pour un ouvrage ferroviaire).
[0005] Dans un ouvrage de très grande portée, suspendu ou haubané, le poids de la dalle
de chaussée devient vite une fraction prédominante du poids propre de l'ouvrage; si
l'on veut diminuer ce poids, il convient de s'orienter vers d'autres solutions utilisant
peu ou pas de béton; la solution traditionnellement adoptée (dans les ponts suspendus
en particulier) est la dalle métallique orthotrope; une plaque métallique revêtue
d'une couche mince de roulement forme dalle de chaussée; elle est raidie à sa face
inférieure par des auges soudées, généralement disposés parallèlement à l'axe de l'ouvrage.
Il n'y a pas de structure de soutien sous la dalle. Cette solution présente certains
inconvénients : l'importance considérable des cordons de soudure, notamment à réaliser
en place pendant la construction pour assurer la solidarisation des éléments successifs
de charpente; la flexibilité de la structure : déformations et vibrations rendent
difficile la tenue dans le temps du revêtement de chaussée; le coût beaucoup plus
élevé que celui de la dalle de chaussée en béton. Cela explique que la dalle orthotrope
n'est utilisée que lorsque le gain de poids est un élément majeur de l'économie du
projet.
[0006] Une autre solution innovante avait été proposée pour la construction du pont de Tancarville,
qui comporte une travée suspendue de 600 m de portée : la dalle Robinson, du nom de
son auteur. Une tôle métallique continue est utilisée à la sous-face d'une dalle mince
en béton armé (100 mm d'épaisseur), la connection entre les deux matériaux étant assurée
par des goujons. Là encore, il n'y a pas structure de soutien à prévoir sous la dalle.
La solution est beaucoup plus économique que la dalle orthotrope métallique. Toutefois,
elle est handicapée par le nombre considérable de goujons à mettre en oeuvre. Enfin,
avant le coulage du béton, la tôle inférieure n'a aucune stabilité par rapport au
voilement, et sa capacité à supporter des charges (notamment le poids du béton de
la dalle) est, à ce moment, très réduit. C'est probablement là qu'il faut trouver
la raison pour laquelle cette expérience n'a guère été suivie d'autres réalisations.
[0007] Ce dernier inconvénient s'oppose à l'emploi de la dalle Robinson dans un pont à très
grande portée si, lors de la construction d'un tel pont, on prévoit de faire le tablier
en plusieurs étapes, la coulée du béton n'ayant lieu que vers la fin de la construction.
[0008] La présente invention a pour but de fournir une dalle de chaussée qui échappe aux
inconvénients des techniques antérieures, et en particulier, qui, tout en ayant les
avantages de légèreté et de résistance à l'état terminé de la dalle Robinson, soit
d'un prix moins élevé et puisse être confectionnée dans le cadre d'un procédé comportant
la construction du tablier du pont par étapes successives dont une est la coulée du
béton de la dalle sur une plaque métallique mise en place au préalable.
[0009] Pour obtenir ce résultat, la présente invention fournit une dalle de chaussée de
pont, capable de supporter les charges résultant de l'utilisation du pont sans être
soutenue par une structure de support et constituée d'une plaque métallique horizontale
continue, formant un coffrage perdu pour une dalle en béton coulée sur ladite plaque,
des ferrures d'ancrage étant fixées sur la plaque métallique et dirigées vers le haut
étant au moins en partie noyées dans le béton pour le solidariser de ladite plaque
métallique, qui présente pour particularité que les ferrures d'ancrage comprennent
des poutres métalliques horizontales, continues dans au moins une direction, soudées
à leur partie inférieure sur la plaque métallique.
[0010] Bien entendu, "horizontale" signifie ici parallèle à la surface de la chaussée, même
si celle-ci est inclinée.
[0011] Avant coulage du béton de la dalle, la structure métallique constituée par la tôle
et les poutres est stable et résistante, ce qui n'est pas le cas de la dalle Robinson,
dont les goujons ne coopèrent pas à résistance globale de la structure. On peut en
particulier imposer à l'ouvrage en cours de construction des efforts axiaux importants,
à condition de prévoir des poutres disposées longitudinalement, sans risque de flambement
local. Cette particularité est intéressante dans le cas de la construction d'un pont
haubané.
[0012] Par comparaison à une dalle métallique orthotrope, le poids est largement inférieur
et la longueur des cordons de soudure est deux à quatre fois moindre. En effet, il
n'est pas nécessaire de prévoir une densité de poutres aussi importante que celle
des auges soudées, car, dans l'ouvrage terminé, le béton apportera une contribution
très importante à la rigidité. La structure métallique seule est avantageusement calculée
pour supporter par elle-même le poids propre de l'ensemble acier et béton, si bien
qu'il n'est pas nécessaire, dans ce cas, d'étayer provisoirement le tablier pour le
coulage du béton.
[0013] On peut ajouter que le confinement du béton créé par la présence des poutres améliore
à la fois la résistance au poinçonnement et la résistance à la flexion de la dalle,
par comparaison avec la dalle Robinson. On peut ainsi envisager des dalles très minces,
c'est-à-dire de 80 à 100 mm d'épaisseur sur des portées de 4 à 5 mètres, qui est l'entre-axe
habituel des pièces de pont dans un ouvrage haubané ou suspendu.
[0014] Les poutres, ou au moins certaines d'entre-elles, peuvent être des profilés continus,
par exemple à section en I ou en T. On peut aussi prévoir que certaines des poutres
ont une structure allégée par des ouvertures dans leur âme, ou même que certaines
d'entre elles ont une structure en treillis, dans un but de plus grande légèreté.
[0015] Pour une grande rigidité, la dalle comprendra des poutres disposées dans deux directions
perpendiculaires. Cependant, il est possible de prévoir des poutres essentiellement
parallèles, par exemple longitudinales, stabilisées par de simples fers plats perpendiculaires
à leur direction et s'étendant entre des poutres voisines. Ces fers plats serviront
à éviter un déversement latéral des poutres lorsque celles-ci sont soumises à une
compression axiale importante.
[0016] L'invention va maintenant être exposée de façon plus détaillée à l'aide d'exemples
pratiques, illustrés avec les dessins parmi lesquels :
[0017] Figure 1 est une coupe verticale d'une dalle orthotrope.
[0018] Figure 2 est une coupe verticale d'une dalle Robinson.
[0019] Figures 3 et 4 sont des coupes, perpendiculaires aux poutres de deux réalisations
de dalle selon l'invention.
[0020] Figure 5 est une vue en plan d'une réalisation de dalle selon l'invention, avant
la coulée du béton.
[0021] Figure 6 est une vue en plan, analogue à la figure 5, d'une autre réalisation selon
l'invention.
[0022] Figure 7 est une coupe, analogue aux figures 3 et 4, montrant encore une autre réalisation
selon l'invention.
[0023] La figure 1 montre en coupe une dalle métallique orthotrope, formée d'une plaque
métallique 1, recouverte d'une mince couche de roulement 2, et raidie à sa face inférieure
par des auges soudées 3. En général ces auges sont disposées parallèlement à l'axe
de l'ouvrage.
[0024] La figure 2 est une coupe d'une dalle Robinson. La plaque métallique continue 4 porte
une série de goujons verticaux 5, autour desquels est coulée une dalle mince en béton
armé 6.
[0025] Si on se reporte maintenant à la figure 3, on retrouve la plaque métallique continue
4 de la dalle Robinson, ainsi que la dalle en béton 6, mais la solidarité entre ces
deux éléments est obtenue à l'aide de poutres 7, en forme de T, soudées à leur base
8 sur la plaque 4, et dont la tête 9 se trouve à faible distance au-dessous de la
surface supérieure 10 du béton 6.
[0026] La figure 4 représente une variante, dans laquelle la masse de béton 6 a été un peu
réduite, si bien que la tête 9 des poutres 7 affleure à sa surface supérieure 10.
Il est évidemment préférable, dans ce cas, de prévoir une couche de revêtement (10)
pour protéger les têtes 9 des poutres contre l'oxydation.
[0027] On relèvera également que, sur la figure 4, on a prévu, en plus des poutres 7, des
goujons 11, analogues à ceux de la poutre Robinson, disposés entre les poutres 7,
et destinés à compléter, si c'est nécessaire, la solidarisation de l'acier et du béton.
[0028] La figure 5 montre une structure dans laquelle les poutres continues 7 sont reliées
les unes aux autres par des poutres perpendiculaires 12, de façon à procurer une très
grande rigidité à cette structure métallique.
[0029] La figure 6 montre une disposition plus légère : dans laquelle une série de poutres
longitudinales (par exemple) sont reliées par des fers plats perpendiculaires 13,
soudés à la fois sur les poutres 7 et sur la plaque 4, de façon à empêcher un déversement
latéral des poutres, et par conséquent augmenter la résistance au flambage du tablier.
Sur la figure, les intervalles entre poutres 7 sont alternativement libres et pourvus
de fers 13. D'autres dispositions sont évidemment possibles.
[0030] La figure 7 montre une coupe d'une autre réalisation, dans laquelle on a prévu, outre
les poutres 7, des câbles de précontrainte 14, perpendiculaires aux poutres, et qui
traversent celles-ci dans des trous ménagés à cet effet. L'avantage de la précontrainte
est de créer un effort de serrage entre le béton de la dalle et les faces latérales
des poutres, ce qui améliore la solidarité entre le béton et la structure métallique.
En outre, la compression horizontale de la dalle élargit le cône de poinçonnement
créé par l'impact d'une charge, et permet ainsi de réduire le nombre des poutres.
On a représenté, sur la même figure en 15, des armatures passives, noyées dans le
béton. Sur cette figure, ces armatures sont parallèles aux poutres 7. Il est préférable
de prévoir qu'elles s'étendent sur une grande longueur et traversent, par conséquent,
les éléments de raidissement transversaux 12 ou 13 qu'on a décrits plus haut.
[0031] Si, au lieu de prévoir, comme cela est indiqué, des poutres formées par des profilés
continus à section en T, on utilise des poutres allégées par la présence d'évidements
dans leur âme, le passage des câbles de précontrainte 14 et des fers d'armature 15
en sera facilité.
[0032] Les dispositions qu'on vient de décrire se prêtent naturellement fort bien au coulage
sur place de la dalle en béton dans l'ossature métallique à laquelle elle s'incorpore.
On peut donc mettre en place la structure métallique correspondante à l'ensemble du
tablier de pont, et dans une phase ultérieure, opérer la coulée du béton.
[0033] On peut aussi construire, sans sortir de l'invention, des panneaux préfabriqués comprenant
à la fois l'ossature métallique de la dalle et le béton de celle-ci. La solidarisation
des panneaux et de l'ossature principale de l'ouvrage s'opère alors par coulage de
joints et par connecteurs.
1. Dalle de chaussée de pont, capable de supporter les charges résultant de l'utilisation
du pont sans être soutenue par une structure de support et constituée d'une plaque
métallique horizontale continue (4), formant un coffrage perdu pour une dalle en béton
(6) coulée sur ladite plaque, des ferrures d'ancrage étant fixées sur la plaque métallique
et dirigées vers le haut étant au moins en partie noyées dans le béton pour le solidariser
de ladite plaque métallique,
caractérisée en ce que les ferrures d'ancrage comprennent des poutres métalliques
horizontales (7, 12), continues dans au moins une direction, soudées à leur partie
inférieure sur la plaque métallique.
2. Dalle de chaussée selon la revendication 1, caractérisée en ce que au moins certaines
desdites poutres (7) sont des profilés continus.
3. Dalle de chaussée selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'au moins certaines
desdites poutres ont une structure allégée par des ouvertures dans leur âme.
4. Dalle de chaussée selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'au moins certaines
desdites poutres (7) ont une structure en treillis.
5. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu'elle
comprend des poutres (7, 12) disposées selon deux directions perpendiculaires.
6. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisée en ce qu'elle
comprend des poutres parallèles stabilisées par des fers plats perpendiculaires à
leur direction et s'étendant entre deux poutres voisines.
7. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 6, caractérisée en ce qu'elle
est pourvue de câbles de précontrainte (14) s'étendant dans le béton et traversant
les poutres, pour créer un effet de serrage entre le béton et les poutres.
8. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 7, caractérisée en ce que des
armatures passives (15) sont incluses dans le béton, et traversent les poutres.
9. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 8, caractérisée en ce qu'elle
comporte des goujons verticaux (11) d'ancrage du béton, fixés à la plaque métallique
entre les poutres (7).
10. Dalle de chaussée selon l'une des revendications 1 à 9, caractérisé en ce que la structure
métallique constituée par la plaque et les ferrures d'ancrage est calculée pour supporter
par elle-même le poids propre de l'ensemble acier et béton, si bien qu'il n'est pas
nécessaire d'étayer provisoirement le tablier pour le coulage du béton.