[0001] La présente invention concerne des projectiles, tels que flèches, destinés à pénétrer
plus ou moins profondément dans une cible. Elle concerne également des munitions contenant
une pluralité de ces projectiles, prévues par exemple pour être embarquées dans des
vecteurs tels que missiles, roquettes, etc.
[0002] La demande de brevet européen n° 88110917.7 au nom de Diehl GMBH & Co divulgue une
munition de ce type, destinée plus spécialement à la neutralisation de voies de circulation
ou pistes bétonnées. Elle comporte un ensemble de flèches contenues dans un boîtier
doté d'un parachute et d'un propulseur. Après largage à partir d'un vecteur de transport,
il y a d'abord ouverture du parachute, puis une fois que la verticalité du boîtier
est correcte, démarrage du propulseur. Ensuite, une fois que toute la charge de propulsion
a été consumée, une seconde charge est allumée pour expulser les flèches à partir
du boîtier, en vue de leur procurer un supplément de vitesse par rapport à ce dernier.
[0003] Le principe mis en oeuvre dans cette précédente invention est donc, comme dans les
autres systèmes actuellement connus de projectiles pénétrants, d'imprimer une grande
vitesse aux flèches dans la direction de la cible pour obtenir une bonne pénétration,
éventuellement limitée par des saillies radiales dans la partie arrière des flèches.
[0004] Toutefois, l'expulsion par effet canon d'un fagot de projectiles à forte vitesse
relative entraîne généralement de fortes obliquités non amorties à courte portée,
très préjudiciables à la pénétration. De plus, comme l'obliquité est très variable
du fait qu'elle dépend aussi beaucoup du vent, il n'est quasiment pas possible de
prévoir une profondeur de pénétration précise, ni d'obtenir qu'elle soit uniforme,
à cause notamment du mouvement de nutation des projectiles, dont la direction est
évidemment aléatoire au moment de l'impact. Dans la neutralisation par flèches de
cibles relativement tendres telles que taxi-ways ou routes, on risque alors de voir
une grande partie des flèches s'enfoncer trop profondément, sans laisser de partie
saillante.
[0005] D'autre part, le principe d'expulser une pluralité de projectiles à partir d'une
même munition à grande vitesse présente un autre inconvénient provenant du fait que
ces munitions sont généralement larguées à faible altitude. Ceci conduit à une concentration
des impacts des flèches d'une même munition (quelques décimètres), donc à une répartition
en "bouquets" de densité non uniforme. Cette caractéristique entraîne une perte d'efficacité
sensible, en particulier lorsque l'on vise d'autres cibles que les pistes d'aviation
ou voies de communication.
[0006] Le but de la présente invention est donc de prévoir un nouveau type de projectiles
pénétrants pour pallier ces inconvénients, afin d'étendre leur domaine d'utilisation,
tout en augmentant leur efficacité.
[0007] A cet effet, l'invention a pour objet un projectile pénétrant comprenant un élément
avant formant la partie active à vocation de pénétration, solidaire d'un tube, lequel
tube est fermé à l'arrière de l'élément avant et contient une charge de propulsion
de celui-ci, et un allumeur pour la mise à feu de la charge, répondant à la percussion
de l'élément avant contre une cible, ledit projectile comprenant par ailleurs un parachute
attaché à l'extrémité arrière du tube, destiné à diminuer la vitesse dudit projectile
et à rapprocher son axe longitudinal de la verticale, caractérisé en ce que l'allumeur
comprend un moyen de retard tel que la mise à feu de la charge de propulsion s'effectue
lorsque la vitesse du projectile devient sensiblement nulle.
[0008] L'invention sera mieux comprise à l'aide des explications qui vont suivre et des
dessins joints, dans lesquels :
la Fig. 1 est une vue en coupe axiale d'un projectile selon l'invention,
la Fig. 2 est une vue illustrant schématiquement le fonctionnement du projectile de
la Fig. 1, par sa représentation à plusieurs instants successifs,
la Fig. 3 est une vue en coupe axiale d'un autre projectile selon l'invention, prévu
pour être contenu en nombre dans une munition,
la Fig. 4 est une vue en coupe axiale de cette munition, et
la Fig. 5 est une vue en coupe transversale, selon la ligne V-V de la Fig. 4.
[0009] Dans ces figures, les mêmes références ont été utilisées pour désigner partout les
mêmes éléments.
[0010] Les projectiles selon l'invention comportent un élément avant 1 formant la partie
active, engagé partiellement dans une partie arrière ou tube 2. Au moins une partie
intermédiaire 10 de l'élément 1 est cylindrique et de même calibre que la bouche du
tube 2, lequel présente derrière cette partie cylindrique 10 un épaulement de retenue
20. A l'avant de la partie 10, l'élément 1 a une section qui diminue de manière à
présenter une partie avant 11 en forme de pointe dépassant nettement la sortie du
tube 2.
[0011] A l'intérieur du tube 2, entre l'épaulement 20 et son extrémité arrière fermée, se
trouvent successivement une chambre 21 contenant une charge de propulsion 30 et, communiquant
avec la chambre 21, un logement 22 pour un allumeur 31 de la charge 30. L'allumeur
31 est prévu pour assurer la mise à feu de la charge 30 en réponse à la rencontre
de l'élément avant 1 avec une cible, avec un retard. En pratique, il s'agit de préférence
d'un allumeur à percussion inertielle, pourvu d'un moyen de retard pour différer très
légèrement (de quelques millisecondes par exemple) la mise à feu de la charge 30 par
rapport à l'instant de l'impact. Ce retard est prévu pour permettre à la vitesse du
projectile de s'annuler, ou sensiblement s'annuler, avant la mise à feu de la charge
30; il affranchit ainsi le projectile des contraintes de pénétration dues à la composante
tangentielle non nulle de sa vitesse par rapport à la cible. Ce phénomène d'obliquité,
caractérisé par l'angle du vecteur vitesse du projectile et de l'axe du choc, dans
le cas présent la verticale, est une des raisons majeures de la non pénétration du
projectile dans la cible.
[0012] L'élément 1 présente certaines particularités de forme qui varient selon l'application
à laquelle est destiné le projectile. Dans les formes de réalisation montrées dans
les dessins, l'élément 1 est une flèche pour la neutralisation de pistes ou de voies
de communication : elle ne doit s'enfoncer que partiellement de manière à laisser
saillir par rapport au sol une partie pointue ou acérée 12. Pour limiter la profondeur
de pénétration, le calibre de la partie 10 de l'élément 1 est sensiblement supérieur
à celui de la partie avant 11. On obtient ainsi un freinage par la partie 10 et, à
l'arrêt, un enfoncement partiel de celle-ci, dont découle un autre avantage, à savoir
que dans la partie 10, la flèche 1 est plus difficile à sectionner. Par ailleurs,
en vue d'interdire ou, tout au moins, de rendre plus difficile l'extraction de la
flèche par arrachement, il est avantageusement prévu un crantage 110 de la partie
avant 11, du type de celui des pitons d'alpiniste.
[0013] Si l'élément 1 doit s'enfoncer totalement dans une cible, au cas où il s'agit d'une
mine, par exemple, la partie terminale en pointe 12 et le crantage 110 dans la partie
avant sont alors superflus. Quant à la différence de calibres entre les parties 10
et 11, bien que réduite, elle sera généralement maintenue pour que la profondeur de
pénétration ne soit pas trop importante.
[0014] La Fig. 2 illustre le principe général de fonctionnement des projectiles selon l'invention,
bien qu'y soit représentée la forme de réalisation particulière de la Fig. 1. A l'instant
T1, le projectile P arrive à proximité de la cible avec une certaine obliquité, et
convenablement orienté par des moyens tels qu'empennage ou, comme ici, parachute.
Sa vitesse est peu élevée, mais en raison d'un bon rapport masse/section pour favoriser
l'enfoncement, lorsque l'élément 1 touche la cible, sa pointe 11 pénètre toutefois
sur une faible profondeur, en atteignant pratiquement l'arrêt à l'instant T2. A l'instant
T3 suivant de quelques millisecondes l'instant T2 (retard de l'allumeur à percussion
31), la charge 30 est mise à feu, engendrant une poussée qui propulse l'élément 1
plus profondément avec, en réaction, l'expulsion du tube 2 loin de l'élément 1. Cette
procédure permet de s'affranchir de l'obliquité à l'impact et, par conséquent, de
beaucoup mieux maîtriser la pénétration de l'élément 1. A noter également que pour
des projectiles destinés à s'enfoncer complètement dans la cible, tels que des mines
à détonateur sismique, la discrétion nécessaire à ce type de munition n'est pas remise
en cause en utilisant le principe de l'invention, puisque le tube 2, bien que restant
apparent, est notablement éloigné du projectile proprement dit lors de l'enfoncement.
[0015] Un avantage supplémentaire du système réside dans le pouvoir incendiaire qu'ont les
projectiles quand ils pénètrent dans des réservoirs de matière inflammable (avions
au parking, cuves de carburant, missiles, munitions, etc.) : lorsque le tube arrière
2 est éjecté, des gaz chauds et sous pression s'en échappent à grande vitesse, accompagnant
le projectile dans sa progression. Cet effet peut être renforcé par des additifs incendiaires
appropriés dans la charge de propulsion 30.
[0016] Le projectile P conforme à l'invention de la Fig. 1 est prévu pour être éjecté individuellement
ou en fagots à partir d'un vecteur de transport. Dès l'éjection, il a donc un comportement
autonome, et il est par conséquent doté d'un moyen pour assurer sa bonne orientation
par rapport à la cible. Ce moyen consiste en un parachute 4 logé dans un boîtier escamotable
5 fixé à l'arrière du tube 2.
[0017] Le projectile P′ de la Fig. 3 est conçu pour former avec d'autres projectiles identiques
la partie active de la munition M représentée aux Fig. 4 et 5. Il diffère de la version
de la Fig. 2 en ce qu'à la place d'un parachute, il comporte à l'arrière un empennage
déployant formé de plusieurs ailettes 6.
[0018] La munition M comprend essentiellement un conteneur 7 dans lequel sont retenus côte
à côte plusieurs projectiles P′ pointés vers la sortie, un parachute 8 relié par un
émerillon 9 au fond du conteneur 7 opposé à la sortie, et un séquenceur chronométrique
pour déclencher la libération des projectiles au bout d'un temps prédéterminé après
le largage, calculé suffisant pour que la munition M atteigne une attitude proche
de la verticale et une certaine vitesse (de l'ordre de 40 m/s). Les projectiles sortent
du conteneur 7 par gravité, donc sans vitesse relative importante, par ouverture du
conteneur 7 ou effacement d'une retenue mécanique. Dès la sortie, l'empennage des
projectiles P′ est déployé, par exemple par un moyen à ressort 60 maintenu chargé
à l'intérieur du conteneur 7.
[0019] En vue d'une répartition des projectiles, le conteneur 7 comporte des moyens, non
montrés, de mise en rotation sur lui-même, par exemple des moyens aérodynamiques tels
qu'ailerons déployants. Si la vitesse en rotation est de 10 tours/seconde au moment
de l'ouverture du conteneur 7, la vitesse tangentielle des projectiles est voisine
de 1,5 m/s en supposant leur centre de gravité à environ 24 mm de l'axe. Pour une
altitude de 40 m, et une vitesse axiale qui, on le rappelle, se situe aux alentours
de 40 m/s, on peut espérer une répartition au sol à l'intérieur d'un cercle de diamètre
:

[0020] Avec les munitions actuelles où la vitesse d'expulsion est beaucoup plus élevée,
soit au moins 200 m/s, la même vitesse en rotation de 10 tours/seconde et la même
altitude de 40 m conduisent à un diamètre de dispersion qui n'est que de 0,6 m. Or,
l'on sait qu'avec ces munitions connues, l'obliquité pose déjà un problème et qu'il
ne serait pas judicieux de la rendre encore plus importante en augmentant la vitesse
en rotation. Par conséquent, par rapport aux systèmes connus, la munition de l'invention
procure une répartition des projectiles P′ considérablement améliorée.
[0021] En pratique, des munitions telles que la munition M des Figs. 4 et 5 sont parfaitement
adaptées pour équiper de gros cargos pourvus de dispositifs d'éjection sophistiqués
permettant une dispersion contrôlée adaptée à la cible, alors que la version projectile
individuel illustrée à la Fig. 1 convient plutôt à des petits cargos traitant des
surfaces plus faibles.
[0022] Bien entendu, l'invention n'est pas limitée aux exemples décrits précédemment, et
elle peut être adaptée, par exemple, pour perfectionner des systèmes d'armes existants.
Dans un de ces systèmes, un projectile porteur, de type roquette, contient des sous-projectiles
sous forme de flèches rangés avec une orientation unique (la tête vers l'avant et
l'empennage vers l'arrière de la roquette). Des moyens de propulsion assurent l'éjection
des sous-projectiles selon la trajectoire de la roquette, après que son ogive ait
été elle-même expulsée. Un inconvénient important de ces munitions est que leur portée
pratique est limitée par l'énergie cinétique terminale nécessaire à la pénétration
correcte des sous-projectiles. Ainsi, à des distances d'environ 2 000 m, les vitesses
d'impact sont de l'ordre de 700 m/s, alors qu'au-delà de 4 000 m, elles descendent
en dessous de 300 m/s. Les énergies cinétiques varient dans un rapport de l'ordre
de 5, et beaucoup plus si l'on cherche une portée encore plus élevée. Le recours à
des sous-projectiles empennés conformes à l'invention pour équiper ces roquettes est
une solution pour augmenter la portée ou bien accroître la pénétration.
1) Projectile pénétrant comprenant un élément avant (1) formant la partie active à vocation
de pénétration, solidaire d'un tube (2), lequel tube (2) est fermé à l'arrière de
l'élément avant (1) et contient une charge (30) de propulsion de celui-ci, et un allumeur
(31) pour la mise à feu de la charge (30), répondant à la percussion de l'élément
avant (1) contre une cible, ledit projectile comprenant par ailleurs un parachute
attaché à l'extrémité arrière du tube (2) destiné à diminuer la vitesse dudit projectile
et à rapprocher son axe longitudinal de la verticale, caractérisé en ce que l'allumeur
(31) comprend un moyen de retard tel que la mise à feu de la charge de propulsion
(30) s'effectue lorsque la vitesse du projectile devient sensiblement nulle.
2) Projectile selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'élément avant (1) comprend
une partie avant (11) en forme de pointe, munie d'une partie (10) non déformable de
section plus importante pour limiter la pénétration et empêcher la destruction de
l'élément avant (1).
3) Projectile selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que la charge (30) comprend
des additifs incendiaires.
4) Projectile selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l'élément
avant (1) est une mine.
5) Projectile selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l'élément
avant (1) est une flèche.
6) Projectile selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que la partie
arrière (12) de l'élément (1) est pointue ou acérée.
7) Projectile selon la revendication 5 ou 6, caractérisé en ce que la partie avant (11)
de l'élément (1) comporte un crantage anti-arrachement.
8) Projectile selon l'une des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que le tube (2)
comporte un empennage (6), en vue d'une utilisation en tant que sous-munition.
9) Munition destinée à être larguée à partir d'un vecteur de transport, comprenant en
tant que sous-munitions des projectiles (P′) selon la revendication 8, retenus côte
à côte dans un boîtier (7) pourvu d'un parachute (8), caractérisée en ce qu'elle comprend
des moyens pour assurer la libération par gravité, donc sans vitesse initiale, des
projectiles (P′) quand des conditions prédéterminées de pente par rapport à la verticale
et de vitesse du boîtier (7) sont réunies, ce dernier comportant en outre des moyens
de mise en rotation sur lui-même pour répartir les sous-munitions (P′).