DOMAINE TECHNIQUE
[0001] La présente invention concerne des alliages de magnésium à haute résistance mécanique
contenant du strontium et leur procédé de fabrication. Elle concerne en particulier
les alliages commerciaux de magnésium répertoriés sous les dénominations AZ 31, AZ
61, AZ 80 (alliages de corroyage) et AZ 91, AZ 92 (alliages de moulage), selon la
norme ASTM (ou encore respectivement G-A3Z1, G-A6Z1, G-A8Z, G-A9Z1, G-A9Z2 selon la
norme française NFA 02-004) auxquels on a ajouté du strontium. Ces alliages peuvent
contenir du manganèse et/ou du calcium comme éléments d'addition.
ETAT DE LA TECHNIQUE
[0002] La demanderesse a déjà proposé dans la demande EP 89-903 172 des alliages de magnésium
obtenus par solidification rapide disposant de caractéristiques mécaniques améliorées;
ces alliages peuvent contenir du calcium. Dans la demande FR 89-11357, elle a également
proposé des alliages de magnésium de caractéristiques mécaniques améliorées contenant
du Ca et des terres rares avec lesquels on note en plus une meilleure tenue à la corrosion.
[0003] Au vu de ces bons résultats elle a cependant cherché à s'affranchir de l'emploi d'éléments
comme les terres rares qui sont des produits coûteux et nécessitent des précautions
d'emploi. En particulier les terres rares doivent être affinées pour ne contenir que
très peu de Fe, Ni ou Cu, ce qui accroît significativement leur prix.
Elles sont par ailleurs délicates à introduire dans le bain de magnésium liquide du
fait de leur grande réactivité avec l'oxygène. Du fait de leur forte densité il est
de plus difficile d'obtenir une bonne homogénéité du bain lors de leur introduction.
[0004] La demanderesse a donc cherché à éviter l'emploi de ces éléments tout en cherchant
à obtenir des caractéristiques mécaniques au moins équivalentes, voire améliorées
(la résistance à la rupture et surtout la ductilité) et une tenue à la corrosion également
améliorée.
DESCRIPTION DE L'INVENTION
[0005] L'invention est un alliage à base de magnésium ayant une charge à la rupture au moins
égale à 290 MPa, un allongement à la rupture d'au moins 5%, caractérisé en ce qu'il
a la composition suivante (en poids) :

avec les teneurs en impuretés principales (en poids) :
- Silicium
- < 0,6 %
- Cuivre
- < 0,2 %
- Fer
- < 0,1 %
le reste étant du magnésium
[0006] Cet alliage peut également contenir, comme addition, au moins l'un des éléments Zn
et/ou Ca dans les proportions suivantes :

[0007] La microstructure habituelle des alliages obtenus peut être caractérisée de la façon
suivante : la matrice est constituée de grains fins de magnésium de dimension moyenne
inférieure à 3 µm ou plus avantageusement ne dépassant pas approximativement 1 µm
; elle est renforcée par des précipités de composés intermétalliques dispersés de
façon homogène, de préférence aux joints de grains, de taille et nature variables
selon la composition chimique de l'alliage.
[0008] Ainsi on trouve généralement Al₄Sr, Mg₂Sr, Mg₁₇Sr₂ et/ou Mg₁₇Al₁₂ selon les teneurs
respectives en Al et Sr ; ces dispersoïdes se trouvent de préférence dans les grains
pour des tailles inférieures à 0,1 µm et aux joints de grains pour des tailles plus
élevées comprise entre 0,1 et 1 µm ; ceci est le cas pour les composés Mg₁₇Al₁₂. Sr
peut également se trouver en solution solide dans Mg et Mg₁₇Al₁₂. Quand Ca est présent
en quantité suffisante dans l'alliage, on le trouve en solution solide dans Mg₁₇Al₁₂
et sous forme de fins globules métastables riches en Al et Ca de taille inférieure
à 0,1 µm, dispersés dans la matrice de Mg et pouvant se transformer en Al₂Ca par traitement
thermique.
[0009] Cette structure demeure inchangée après maintien de 24 h à 250° C.
[0010] L'alliage selon l'invention est habituellement obtenu par les procédés de solidification
rapide et les différents modes de mise en oeuvre, décrits dans la demande EP 89-903172,
qui font partie intégrante de la description. En résumé, l'alliage à l'état liquide
est soumis à une solidification rapide, à une vitesse au moins égale à 10⁴K sec⁻¹,
généralement inférieure à 10⁷K sec⁻¹, de façon à obtenir un produit solidifié, dont
au moins une des dimensions est inférieure à 150 µm, ledit produit étant ensuite consolidé
directement par précompactage et compactage ou par compactage direct, le compactage
ayant lieu à une température comprise entre 200 et 350° C. Il est préférable que le
produit solidifié ne subisse aucune autre opération de conditionnement telle que le
broyage avant d'être consolidé par précompactage et/ou compactage direct, cette opération
pouvant être de nature à altérer les caractéristiques mécaniques de l'alliage consolidé
obtenu.
[0011] Le refroidissement rapide pour solidification peut être obtenu :
- soit par coulée sous forme de ruban sur un appareil dit "d'hypertrempe sur rouleau"
(procédés connus sous le nom de "free jet melt spinning" ou "planar flow casting"),
constitué habituellement d'un tambour refroidi énergiquement sur lequel on coule le
métal sous forme d'un ruban d'épaisseur inférieure à 150 µm, de préférence de l'ordre
de 30 à 50 µm;
- soit par fusion d'une électrode ou par jet de métal liquide; le métal liquide est
alors mécaniquement divisé ou atomisé et projeté sur une surface énergiquement refroidie
et maintenue dégagée,
- soit par atomisation de l'alliage liquide dans un jet de gaz inerte.
[0012] Les deux premiers modes d'application permettent d'obtenir un solide sous forme de
rubans, écailles ou plaquettes, tandis que le dernier donne de la poudre. Ces procédés
sont décrits en détail dans la demande EP 89-903 172. Le produit solidifié rapidement
peut être dégazé sous vide à une température inférieure ou égale à 350° C avant consolidation.
[0013] La consolidation, également décrite dans ladite demande, est effectuée, selon l'invention,
directement sur les produits solidifiés rapidement, en particulier directement sur
les écailles ou plaquettes. Pour préserver la structure fine et originale obtenue
par solidification rapide, il est important d'éviter les longues expositions à des
températures élevées. On a donc choisi d'opérer un filage à tiède qui permet de minimiser
la durée de passage à température élevée.
[0014] La température de filage est comprise entre 200 et 350° C; le rapport de filage est
généralement compris entre 10 et 40, de préférence entre 10 et 20, et simultanément
la vitesse d'avance du pilon est de préférence située entre 0,5 et 3 mm/sec, mais
elle peut être supérieure (par exemple 5 mm/sec ).
Comme cela est décrit dans ladite demande, le produit solide avant consolidation peut
être :
soit introduit directement dans le conteneur d'une presse puis filé,
soit précompacté à froid ou à tiède (température inférieure par exemple à 350° C),
à l'aide d'une presse, sous forme par exemple de billette dont la densité est voisine
de 99 % de la densité théorique de l'alliage, cette billette étant par la suite filée,
soit introduit en les précompactant à froid jusqu'à 70 % de la densité théorique dans
une gaine en magnésium ou alliage de magnésium ou en aluminium ou alliage d'aluminium,
elle-même introduite dans le conteneur de la presse à filer; on peut ensuite, après
filage, éliminer la gaine par usinage.
[0015] La gaine peut être à paroi fine (inférieure à 1 mm) ou épaisse (jusqu'à 4 mm). Dans
tous les cas, il est préférable que l'alliage constituant la gaine ait une limite
d'écoulement ne dépassant pas l'ordre de grandeur de celle du produit à filer, à la
température de filage.
[0016] En variante, on peut mettre en oeuvre d'autres procédés de compactage ne produisant
pas une élévation de température du produit au-delà de 350° C : parmi ces procédés
optionnels, on peut citer le filage hydrostatique, le forgeage, le laminage et le
formage superplastique, la compression isostatique à chaud (HIP).
[0017] Ainsi le procédé selon l'invention permet d'obtenir de façon inattendue un alliage
de magnésium consolidé qui a, comme déjà décrit, une structure de grains fins (inférieurs
à 3 µm) stabiliséé par des composés intermétalliques, et/ou par des dispersoïdes métastables
et des caractéristiques mécaniques élevées. La structure et les propriétés mécaniques
dudit alliage restent inchangées après maintien prolongé de 24 h et plus à une température
atteignant 250° C, voire 300° C dans certains cas, par exemple quand l'alliage contient
du calcium.
[0018] Cette structure fine a été observée en utilisant la microscopie optique, la diffraction
des rayons X et la microscopie électronique en transmission. La matrice est constituée
essentiellement de magnésium contenant approximativement 1 % (atomique) d'Al en solution
solide; la taille de grains est très fine, et comprise habituellement entre 0,3 et
1 µm; elle dépend des conditions de consolidation.
[0019] Les phases intermétalliques observées dépendent de la composition de l'alliage et
peuvent être Mg₁₇Al₁₂ contenant éventuellement Sr et/ou Zn, Mg₃₂(Al,Zn)₄₉, Mg₁₇Sr₂,
Mg₂Sr, Al₄Sr, et lorsque l'alliage contient Ca Al₂Ca. Le refroidissement rapide permet
la formation de phases métastables.
[0020] La dimension des composés intermétalliques est inférieure à 1 µm et la distribution
de leur taille est généralement bimodale :
- un premier mode est généralement compris entre 0,1 et 1 µm et les particules correspondantes
se trouvent aux joints de grains ; c'est souvent le cas de Mg₁₇Al₁₂.
- un deuxième mode est inférieur à 0,1 µm et est constitué de globules dispersés de
façon homogène dans tout l'alliage (dans les grains et aussi aux joints de grains)
; c'est le cas par exemple pour Al₄Sr, Mg₁₇Sr₂, Al₂Ca...
[0021] Toutes ces phases contribuent au durcissement des alliages. Celles dont le point
de fusion est le plus élevé (par exemple Al₄Sr) garantissent la stabilité thermique
de caractéristiques de l'alliage obtenu.
[0022] Les charges à la rupture obtenues avec les alliages selon l'invention sont élevées;
elles dépassent en général 400 MPa et sont au moins du même niveau que celles obtenu
par exemple avec les alliages décrits dans les demandes précitées; de plus on note
une amélioration de la ductilité et de la dureté.
[0023] Avec certains alliages de magnésium, en particulier ceux contenant du calcium ou
encore les alliages commerciaux du type AZ91, le strontium permet d'améliorer significativement
la résistance à la rupture, parfois au détriment de la ductilité.
[0024] La résistance à la corrosion est également très bonne, car, en plus d'une faible
perte de poids en milieu aqueux salin, on note l'absence de piqûres; les alliages
selon l'invention conservent un aspect très brillant; on n'observe seulement que quelques
corrosions localisées peu profondes ayant l'aspect de ramures.
EXEMPLES
[0025] Plusieurs alliages ont été produits par solidification rapide dans des conditions
identiques à celles utilisées dans les exemples de la demande EP 89-903 172 précitée
: coulée sur roue, vitesse périphérique de la roue 10 à 40 m/s, vitesse de refroidissement
comprise entre 10⁵ et 10⁶K s⁻¹. Les rubans obtenus ont été ensuite directement introduits
dans le conteneur d'une presse à filer pour obtenir un alliage consolidé sur lequel
ont été faits les essais de caractérisation : examen microscopique, mesure des caractéristiques
mécaniques, tenue à la corrosion.
a) Propriétés mécaniques
[0026] dans le tableau 1, on donne les conditions opératoires du filage, et les caractéristiques
des alliages obtenus :
- Hv
- = dureté Vickers exprimée en Kg/mm2
- TYS
- = limite élastique mesurée à 0,2 % d'allongement résiduel, exprimée en MPa
- UTS
- = charge de rupture exprimé en MPa
- e
- = allongement de la rupture exprimé en %

[0027] Dans ce tableau on voit que les alliages des essais 30, 31 et 32, avec comme éléments
d'addition Al et Sr, offrent de très bonnes résistances à la rupture conjuguées à
une ductilité très élevée.
[0028] Dans l'essai 33, on a introduit Ca comme élément d'addition supplémentaire ; cet
essai permet également de comparer le remplacement, par Sr, d'une terre rare (Nd)
dans l'alliage de l'art antérieur de l'essai 20. On observe un net gain de caractéristiques
mécaniques, la résistance à la rupture atteignant la valeur record de 628 MPa, en
conservant un niveau comparable de ductilité.
[0029] De même si on ajoute Sr à un alliage AZ 91 (essais 34-35) et qu'on le compare à un
alliage AZ 91 tel quel (essai 23), on voit qu'on améliore sa résistance à la rupture
pour une même ductilité. Si on le compare à un alliage AZ 91 contenant Ca (essai 12),
on voit que la ductilité est améliorée dans des proportions considérables : à teneurs
égales, l'alliage au Sr est près de 80 % plus ductile que l'alliage au Ca.
b) Résistance à la corrosion
[0030] La résistance à la corrosion de différents alliages a été évaluée par immersion dans
une solution aqueuse à 0,05 % NaCl tamponnée à la magnésie à pH = 10,2. Dans le tableau
2 sont reportées les pertes de poids enregistrées, rapportées à la perte de poids
de l'alliage conventionnel le plus résistant à la corrosion qui est un alliage AZ
91 de l'art antérieur (essai 23) élaboré dans les mêmes conditions.

[0031] On constate que les alliages contenant du Sr selon l'invention (essai 30-36) présentent
une très bonne résistance à la corrosion dans ce milieu, meilleure que celle des alliages
de l'art antérieur (essais 23-9).
1. Alliage à base de Mg, ayant une charge à la rupture au moins égale à 290 MPa, un allongement
à la rupture d'au moins 5 % caractérisé en ce qu'il a la composition suivante (en
poids) :
Aluminium 2 - 11 %
Manganèse 0 - 1 %
Strontium 0,1 - 6 %
avec les teneurs suivantes en impuretés principales (en poids) :
Silicium < 0,6 %
Cuivre < 0,2 %
Fer < 0,1 %
Nickel < 0,01 %
le reste étant du magnésium
2. Alliage selon la revendication 1 caractérisé en ce qu'il a la composition suivante
(en poids) :
Aluminium 2 - 11 %
Manganèse 0,1 - 0,7 %
Strontium 1 - 5 %
3. Alliage selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2 caractérisé en ce qu'il contient
comme addition au moins l'un des éléments Zn et/ou Ca dans les proportions suivantes
:
Zn 0 - 12 %
Ca 0 - 7%
4. Alliage selon l'une quelconque des revendications 1 à 3 caractérisé en ce que la matrice
est constituée de grains fins de magnésium de dimension moyenne inférieure à 3 µm,
de préférence ne dépassant pas approximativement 1 µm, contenant des précipités de
composés intermétalliques dispersés de façon homogène et de dimension inférieure à
1 µm, cette structure demeurant inchangée après maintien de 24 h à 250° C.
5. Procédé d'obtention d'un alliage selon les revendications 1 à 4, caractérisé en ce
que ledit alliage, à l'état liquide, est soumis à un refroidissement rapide à une
vitesse au moins égale à 10⁴K sec⁻¹ de façon à obtenir un produit solidifié dont au
moins une des dimensions est inférieure à 150 µm puis directement compacté à une température
comprise entre 200 et 350° C.
6. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que le refroidissement rapide
est obtenu par coulée, sur une surface mobile fortement refroidie, sous forme d'un
ruban continu d'une épaisseur inférieure à 150 µm.
7. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que le refroidissement rapide
est obtenu par pulvérisation de l'alliage liquide sur une surface fortement refroidie
maintenue dégagée.
8. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que le refroidissement rapide
est obtenu par atomisation de l'alliage liquide au moyen d'un jet de gaz inerte.
9. Procédé selon l'une quelconque des revendications 5 à 8, caractérisé en ce que le
produit solidifié rapidement est compacté par un moyen choisi parmi le filage à la
presse, le filage hydrostatique, le laminage, le forgeage et la déformation superplastique.
10. Procédé selon la revendication 9, caractérisé en ce que le produit solidifié rapidement
est compacté par filage à la presse à une température comprise entre 200 et 350° C,
avec un rapport de filage compris entre 10 et 40 et de préférence compris entre 10
et 20, et avec une vitesse d'avance du pilon de la presse comprise entre 0,5 et 3
mm par seconde.
11. Procédé selon la revendication 10, caractérisé en ce que le produit refroidi rapidement
est introduit directement dans le conteneur de la presse à filer.
12. Procédé selon la revendication 10, caractérisé en ce que le produit refroidi rapidement
est préalablement introduit dans une gaine métallique constituée d'aluminium, de magnésium
ou d'un alliage à base de l'un ou l'autre de ces deux métaux.
13. Procédé selon l'une quelconque des revendications 10 à 12, caractérisé en ce que le
produit solidifié rapidement est d'abord pré-compacté sous forme d'une billette à
une température au plus égale à 350° C.
14. Procédé selon l'une quelconque des revendications 10 à 12, caractérisé en ce que le
produit refroidi rapidement est dégazé sous vide à une température inférieure ou égale
à 350° C avant consolidation.