[0001] La présente invention a pour objet un fil hybride pour matériaux composites à matrice
thermoplastique, constituée de fibres thermoplastiques, ainsi que son procédé d'obtention.
[0002] Dans les procédés actuels utilisés pour la fabrication de ces types de matériaux
composites, les fibres de renfort (carbone, aramide ou verre), qui se trouvent généralement
sous forme de multifilaments, sont tissées alternativement avec des multifilaments
de fibres matrices thermoplastiques.
[0003] Ces fibres matrices thermoplastiques appartiennent aux familles classiques :
- Polyéther éther cétone (PEEK),
- Polysulfure de phénylène (PPS),
- Polyétherimide (PEI),
- Polyéthersulfone (PES),
- Polyamide.
[0004] Cette technique de fabrication présente de multiples inconvénients parmi lesquels
on peut citer :
- une mauvaise mouillabilité,
- un taux de vide important,
- un délaminage des fibres de renfort.
[0005] Une autre technique consiste à entremêler le multifilament de fibres de renfort avec
le multifilament de fibres thermoplastiques, selon un procédé nommé COMINGLED.
[0006] Il existe également d'autres procédés, qui consistent à charger les fibres de renfort
par une matrice pulvérulente thermoplastique, dont l'extérieur comporte une gaine
fondue qui contient la poudre. On trouve également des procédés d'imprégnation par
voie solvant, dont la mise en oeuvre est problématique, en particulier pour la sécurité
des travailleurs et de l'environnement. Des inclusions de solvants résiduels dans
le composite sont également préjudiciables à une bonne tenue au feu.
[0007] Ces différentes techniques possèdent en commun des inconvénients importants dans
différents domaines :
- Coût de réalisation des fils,
- Difficultés au tissage ou tressage ou U.D.,
- Impossibilité de réaliser des pièces de formes complexes, car indéformabilité du réseau
de fibres de renfort continues.
[0008] Il est connu, par le brevet français 2 634 790 au nom de la Demanderesse, de réaliser
un fil hybride pour matériaux composites à matrice thermoplastique, par un mélange
intime de fibres de renfort et de fibres matrices thermoplastiques, qui ont préalablement
subi indépendamment les unes des autres une opération de craquage selon un étirage
lent et progressif de multifilaments.
[0009] Le ruban final obtenu est ensuite soumis aux opérations classiques de filature de
fibres longues : passage sur banc à broches, filature proprement dite, bobinage, assemblage
et retordage.
[0010] Les filés ainsi obtenus sont aptes à être transformés par tissage, tricotage ou tressage
pour l'obtention de matériaux composites présentant de nombreux avantages par rapport
aux matériaux du même type obtenus selon les procédés de la technique antérieure.
[0011] Ces avantages sont les suivants :
- une très bonne mouillabilité des fibres de renfort,
- un très faible taux de vide,
- une drapabilité des surfaces textiles permettant le moulage des surfaces développables
ou non ;
- une très bonne isotropie du matériau dans la direction des fibres de renfort,
- une excellente résistance au délaminage. En fait, le matériau se présente comme un
solide monolithique qui a "oublié" sa structure initiale stratifiée.
[0012] Le composite obtenu présente, en outre, de très bonnes aptitudes à l'estampage à
chaud.
[0013] Le document DE-A-2 407 357 décrit un fil destiné au textile d'habillement obtenu
à partir d'un faisceau de fibres végétales ou animales (coton, laine) en mélange intime
avec du polyester ou du polyamide. La technique de filature par guipage est ici utilisée
pour améliorer de façon très sensible la vitesse de production. Ce fil comporte un
filament de guipage qui est de même nature que la fibre synthétique en mélange pour
des raisons d'affinité de teinture. Ce filament de guipage qui fait partie intégrante
du fil et reste présent dans le vêtement obtenu, a également pour fonction de conférer
une stabilité dimensionnelle au vêtement et de limiter le froissement du tissu.
[0014] Le but de l'invention est de fournir un fil hybride possédant toutes les qualités
du fil du document FR-A-2 634 790, mais possédant en outre une excellente déformabilité
permettant la réalisation, à partir d'une nappe textile obtenue avec le fil selon
l'invention, de pièces embouties à chaud présentant des formes profondes, sans rupture
et sans formation de plis préjudiciables à l'homogénéité de telles pièces.
[0015] A cet effet, le fil hybride qu'elle concerne, du type comprenant un mélange intime
de filés de fibres de renfort et de filés de fibres matrices thermoplastiques, chacun
des filés de fibres ayant été obtenu par craquage selon un étirage lent et progressif
de multifilaments, est caractérisé en ce que, après étirage les fibres parallèles
sont guipées par un filament continu de matière thermoplastique.
[0016] La structure du fil selon l'invention permet d'utiliser un faisceau de fibres organiques
ou inorganiques de très haut module pour constituer un fil dont chaque élément fibreux
reste rectiligne, ce qui évite de mettre en oeuvre une torsion induisant des contraires
internes dans les fibres. En outre, l'utilisation d'un filament de fibre thermoplastique
pour réaliser le guipage, permet d'assurer la tenue du fil pendant l'opération de
transformation du fil en surface textile, par tissage ou tricotage par exemple, tandis
que lors de la transformation de la surface textile en composite, le filament de guipage
ainsi que les fibres thermoplastiques du noyau fondent en libérant la masse de fibres
de haut module qui constitue un renfort parfaitement libre de toute contrainte. Il
ne subsiste plus dans le composite qu'un réseau de ces fibres de renfort, noyé dans
la matière organique qui a fondu. On ne trouve donc pas trace du filament de guipage
dans le composite final.
[0017] Il est à noter que dans le fil dans l'invention les fibres sont traitées par craquage,
tandis que dans les techniques traditionnelles les fibres organiques subissent une
opération de coupage.
[0018] Avantageusement, le filament continu de matière thermoplastique assurant le guipage
est de même nature que les fibres de matière thermoplastique, et représente entre
10 et 25 % du volume total de matière thermoplastique que contient le fil.
[0019] Selon une autre caractéristique, ce fil comprend de 50 à 55 % de fibres de renfort
pour 50 à 45 % de fibres thermoplastiques.
[0020] Les fibres de renfort sont choisies parmi les fibres de carbone, d'aramide ou de
verre tandis que les fibres matrices thermoplastiques sont choisies parmi les fibres
de polyéther éther cétone (PEEK), polysulfure de phénylène (PPS), polyéthersulfone
(PES), polyétherimide (PEI), ainsi que parmi les autres fibres connues dans ce but,
telles que polyamides et polyimides.
[0021] La déformabilité d'un matériau composite obtenu à partir de ce fil est exellente,
compte tenu de la très grande faculté de glissement des fibres de renfort entre elles,
pendant le moulage, c'est-à-dire lorsque les fibres thermoplastiques ont fondu.
[0022] Cet avantage résulte de la discontinuité des fibres de renfort et du non-liage entre
elles par une torsion sur le fil d'origine. Ces caractéristiques de déformabilité
sont obtenues sans nuire aux autres caractéristiques, et notamment aux caractéristiques
mécaniques.
[0023] Un tel fil est donc particulièrement adapté pour la réalisation de pièces complexes
dans les domaines de l'industrie, de l'automobile et de l'aéronautique notamment pour
les pièces d'habillage intérieur des cabines d'avions et d'hélicoptères.
[0024] Un procédé d'obtention de ce fil hybride consiste tout d'abord à soumettre des multifilaments
de fibres de renfort et des multifilaments de fibres matrices à des processus séparés
de craquage par étirage lent et progressif, à assembler les rubans de fibres discontinues
ainsi obtenus sur une machine d'étirage de type intersecting, le ruban sortant de
cette machine d'étirage étant assemblé sur une autre machine d'étirage avec des rubans
identiques, cette opération étant répétée à plusieurs reprises, afin d'obtenir le
mélange le plus intime possible, à soumettre le ruban obtenu à un étirage dans un
système de laminage, et enfin à faire passer le faisceau de fibres discontinues, mélangées
et parallèles, à l'intérieur d'une broche creuse portant un filament continu de matière
thermoplastique, pour réaliser le guipage du faisceau de fibres par le filament continu.
[0025] Compte tenu de la faible cohésion des fibres, il est procédé à un laminage à une
zone avec appui des fibres sur une seule lanière, avec un taux d'étirage inférieur
à 50 et une vitesse de défilement réduite de 50 % par rapport aux valeurs mises en
oeuvre pour la transformation des fibres organiques.
[0026] De toute façon l'invention sera bien comprise à l'aide de la description qui suit
d'un procédé d'obtention du fil hybride pour matériaux composites selon l'invention,
en référence au dessin schématique annexé dans lequel :
Figure 1 est une diagramme de longueurs des fibres ayant été soumises à l'opération
de craquage ;
Figure 2 est une vue très schématique de l'installation de craquage des fibres ;
Figure 3 est une vue très schématique d'une installation de mélange des fibres craquées
conduisant à l'obtention d'un ruban de filés de fibres hybrides selon l'invention
;
Figure 4 est une vue schématique de la structure du fil selon l'invention ;
Figure 5 est une vue du dispositif de filage.
[0027] Le fil selon l'invention contient des fibres de renfort qui sont désignées par la
référence générale 2, et des fibres de matrice en matériau thermoplastique désignées
par la référence générale 3.
[0028] Des multifilaments de fibres matrices sont soumis à une opération de craquage à l'aide
d'une installation schématisée à la figure 2. Des multifilaments de fibres de renfort
sont également soumis à une opération de craquage à l'aide d'une installation de même
type. Cette installation représentée à la figure 2 comprend des bobines 10 destinées
à l'alimentation en câbles de multifilaments. Ces câbles sont soumis à une opération
de craquage par étirage et rupture contrôlés, par passages successifs dans des zones
11, 12, 13 et 14, les vitesses des zones d'étirage 11, 12 et des zones de craquage
13, 14 augmentant progressivement de la zone 11 à la zone 14 ce qui permet d'obtenir
à la sortie un ruban de fibres discontinues dont la longueur moyenne est parfaitement
maîtrisée. Cette longueur est illustrée sur le diagramme de la figure 1 dans lequel
figurent en ordonnées les longueurs de fibres en millimètres, et en abscisses la population
des fibres, exprimée en pourcentage du nombre de fibres de cette population. Des installations
distinctes du type de celles représentées à la figure 2 sont utilisées pour obtenir
d'une part des rubans de fibres discontinues de renfort 2 et d'autre part, des rubans
de fibres discontinues de matrice thermoplastique 3.
[0029] Ces rubans 2 et 3 sont ensuite amenés, par des moyens connus en soi à un dispositif
de mélange représenté à la figure 3. Ce dispositif consiste en une installation comportant
une zone d'étirage 15 du type intersecting, qui permet d'obtenir, à la sortie, un
ruban non homogène 4 de fibres de renfort 2 et de fibres matrice 3 mélangées, qui
comporte des "traces" de chacun des composants.
[0030] Chaque ruban 4 ainsi obtenu est, à la sortie de cette machine, assemblé sur une machine
similaire avec dix autres rubans identiques. Cette opération est répétée à plusieurs
reprises, généralement quatre fois, ce qui permet d'obtenir des filés de fibres hybrides
dans des proportions finales désirées de fibres de renfort et de fibres thermoplastiques.
Ces proportions varient en fonction des caractéristiques des fibres matrices thermoplastiques,
et en particulier de leur viscosité à chaud. Toutefois les proportions respectives
de fibres de renfort et de fibres matrices thermoplastiques sont de l'ordre respectivement
de 53 % et de 47 %.
[0031] Le ruban obtenu est ensuite soumis à une opération de filature dite filature par
guipage sur un système de laminage fibres longues, tel que montré à la figure 5. Les
fibres de renfort et de matrice, mélangées intimement sont soumises à un étirage dans
un système de laminage conventionnel, 16, 17, de type S.K.F. ou SUESSEN. Au point
de délivraison 18, les fibres parallèles sont guipées par un multifilament continu
19 de même nature que la fibre matrice utilisée. Le filament 19 est porté par une
broche creuse 20, à l'intérieur de laquelle passe le faisceau de fibres discontinues
mélangées parallèles, guipé par le filament de résine. Le fil complet guipé 22 est
alors pris en charge dans des cylindres de réception 23. La structure du fil équipé
22 ressort notamment de la figure 4.
[0032] Dans ces conditions, est obtenu un réseau de fibres discontinues de renfort et de
matrice parfaitement rectiligne. Ce fil possède un avantage très important si on le
compare à la technique de filature base fils tordus. En effet, dans cette dernière
technique les fibres sont déformées en hélices, et sont donc soumises à une contrainte
composée, cisaillement et traction, qui altère très sensiblement les propriétés mécaniques
des composites obtenus.
[0033] Les filés selon l'invention sont aptes à être transformés par tissage, tricotage
ou tressage pour l'obtention de matériaux composites présentant d'excellentes caractéristiques
de mouillabilité, un très faible taux de vide, une très bonne isotropie dans la direction
des fibres de renfort, une excellente résistance au délaminage, et une excellente
capacité de déformation par glissement des fibres de renfort entre elles, après ramollissement
des fibres thermoplastiques.
[0034] Le tableau I compare les propriétés de différents matériaux composites réalisés à
partir d'un mélange de fibres de renfort à base de carbone, et de fibres matrices
thermoplastiques à base de polysulfure de phénylène (PPS).
[0035] Les échantillons portant les références une à six, appartiennent à la famille des
composites à renfort discontinu, en technique fibres longues craquées et tordues.
Les références SAMPE et composites n° 3 correspondent à la technique fil continu entremêlé
(COMINGLED).
[0036] Ce tableau montre l'existence de légères différences dans les taux de fibres. Les
densités sont également très voisines. Par contre on note un taux de vide très bas
pour le fil hybride selon l'invention ce qui montre que le composite obtenu est très
homogène. Les caractéristiques mécaniques du fil selon l'invention sont très voisines
de celles des autres fils que ce soit au niveau module et contrainte de rupture en
flexion ou en traction.
[0037] Les tests de déformabilité font, pour leur part apparaître un avantage très net pour
le fil selon l'invention.
[0038] Comme il ressort de ce qui précède l'invention apporte une grande amélioration à
la technique existante en fournissant un fil hybride possédant non seulement d'excellentes
caractéristiques mécaniques, mais encore une parfaite déformabilité.
[0039] Comme il va de soi l'invention ne se limite pas aux seules compositions de ce fil
décrites ci-dessus à titre d'exemples, elle en embrasse au contraire toutes les variantes.

1) Fil hybride pour matériaux composites à matrice thermoplastique, du type comprenant
un mélange intime de filés de fibres de renfort et de filés de fibres matrices thermoplastiques,
chacun des filés de fibres ayant été obtenu par craquage selon un étirage lent et
progressif de multifilaments, caractérisé en ce que, après étirage les fibres parallèles
(2, 3) sont guipées par un filament continu (19) de matière thermoplastique.
2) Fil hybride selon la revendication 1, caractérisé en ce que le filament continu (19)
de matière thermoplastique assurant le guipage est de même nature que les fibres (3)
de matière thermoplastique.
3) Fil hybride selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que
le filament thermoplastique (19) de guipage représente entre 10 et 25 % du volume
total de matière thermoplastique que contient le fil.
4) Fil hybride selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'il
comprend de 50 à 55 % de fibres de renfort (2) pour 50 à 45 % de fibres thermoplastiques
(3).
5) Fil hybride selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que
les fibres de renfort (2) sont choisies parmi les fibres de carbone, d'aramide ou
de verre.
6) Fil hybride selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que
les fibres matrices thermoplastiques (3) sont choisies parmi les fibres de polyéther
cétone (PEEK), polysulfure de phénylène (PPS), polyéthersulfone (PES), polyétherimide
(PEI), ainsi que parmi les autres fibres connues dans ce but, telles que polyamides
et polyimides.
7) Procédé d'obtention d'un fil hybride pour matériaux composites à matrice thermoplastique,
caractérisé en ce qu'il consiste tout d'abord à soumettre des multifilaments de fibres
de renfort et des multifilaments de fibres matrices à des processus séparés de craquage
par étirage lent et progressif, à assembler les rubans de fibres discontinues (2,
3) ainsi obtenus sur une machine d'étirage de type intersecting, le ruban (4) sortant
de cette machine d'étirage étant assemblé sur une autre machine d'étirage avec des
rubans identiques, cette opération étant répétée à plusieurs reprises, afin d'obtenir
le mélange le plus intime possible, à soumettre le ruban obtenu à un étirage dans
un système de laminage (16, 17), et enfin à faire passer le faisceau de fibres discontinues,
mélangées et parallèles, à l'intérieur d'une broche creuse (20) portant un filament
continu (19) de matière thermoplastique, pour réaliser le guipage du faisceau de fibres
(2, 3) par le filament continu ( 19).