[0001] L'invention concerne une méthode d'obtention sous forme divisée de matériaux magnétiques
type TR Fe B friables et relativement inertes vis à vis de l'air et conduisant à des
aimants à résistance à la corrosion améliorée.
[0002] Par matériaux magnétiques type TR Fe B on entend des matériaux essentiellement constitués
d'une phase tétragonale magnétique T1, analogue à TR2 Fe14 B, TR désignant une (ou
plusieurs) terre(s) rare(s), y compris l'Yttrium, le Fer et le Bore pouvant être partiellement
substitués, comme cela est connu, par d'autres éléments comme le cobalt, avec addition
ou non de métaux tels que l'aluminium, le cuivre, le gallium, etc... ou de métaux
réfractaires. Voir EP-A-101552, EP-A-106558, EP-A-344542, et les demandes françaises
de brevet n° 89-16731 et 89-16732.
[0003] De préférence, l'essentiel de la terre rare est constitué par le Néodyme pouvant
être substitué en partie par le praséodyme et le dysprosium.
[0004] Les aimants de cette famille, particulièrement les aimants frittés, possédent à ce
jour, les propriétés magnétiques les plus performantes en particulier en ce qui concerne
l'induction rémanente (Br), la coercitivité intrinsèque (H
cJ) et l'énergie spécifique [(BH)
max].
[0005] Cependant les matériaux constitutifs de ces aimants présentent un inconvénient qui
est celui de leur grande sensibilité à la corrosion, en particulier en atmosphère
humide, tant à l'état massif que divisé. Des substitutions partielles de cobalt au
fer ont été faites pour réduire cette sensibilité, elles ont donné des résultats insuffisants.
[0006] La méthode classique de fabrication des aimants de ce type consiste à obtenir une
poudre fine, à la comprimer éventuellement sous champ magnétique et à la fritter avant
finitions diverses et aimantation finale.
[0007] Les poudres sont généralement obtenues par deux voies:
- élaboration par fusion de l'alliage qui est d'abord concassé (morceaux de l'ordre
de quelques cm3), prébroyé jusqu'à une taille de 5/10 mm environ (mécaniquement ou
par décrépitation à l'hydrogène) et broyé finement dans un broyeur à jet de gaz (jet
mill), ou par attrition dans un milieu humide, jusqu'à une taille inférieure à 50
µm et de préférence 20 µm.
- réduction par le calcium des oxydes, en présence de poudres métalliques, la taille
maximale des granulés formés par les particules d'alliage ainsi obtenus étant de l'ordre
de 300 µm, les autres étapes du procédé restant les mêmes.
[0008] Par décrépitation à l'hydrogène, on entend un procédé de division d'un alliage consistant
à soumettre un alliage en morceaux à une atmosphère d'hydrogène dans des conditions
de température et de pression dépendant de l'alliage et permettant la conversion au
moins partielle en un hydrure, puis à le soumettre à des conditions différentes de
température et de pression telles que l'hydrure se décompose. Ce cyclage entraine
souvent une fragmentation bruyante de l'alliage, que l'on dit "se décrépiter". Il
est dans son principe assez généralement décrit dans GB 1 313 272 et GB 1 554 384
pour des combinaisons binaires d'une terre rare et d'un métal de transition, principalement
le cobalt, combinaisons pour lesquelles ce procédé n'a pas apporté d'avantages majeurs
par rapport aux méthodes classiques de broyage, et n'a donc pas reçu d'applications
industrielles notables. La même méthode a été appliquée dans FR 2 566 758 pour obtenir
des poudres fines et réactives en passant par des hydrures nouveaux TR₂ Fe₁₄ BH
y par hydruration, de préférence à la température ambiante et sous une pression d'hydrogène
au moins égale à 20 bars, puis par déshydruration partielle en les chauffant au-dessus
de 150°C à la pression ambiante, ou par déshydruration totale en les chauffant à au
moins 400°C sous vide primaire.
[0009] Cette méthode a été ensuite reprise dans EP A-0280372, où l'on ajoute à l'hydrogène
un gaz neutre comme l'argon ou l'azote, pour réduire les risques d'explosion. Si les
conditions de déshydruration y sont décrites comme dans FR 2 566 758 (début de déshydruration
de Nd₂ Fe₁₄ BH
y vers 150-260°C, le reste de l'hydrogène partant vers 350-650°C), les conditions d'hydruration
sont plus floues, en se bornant à rester en-dessous de 300°C pour éviter un risque
de décomposition de l'alliage ("disproportionation" en anglais) avec la formation
de fer très divisé. Dans cette demande, on y forme la poudre en aimant permanent à
cru par compression, lorsqu'elle est à l'état hydruré car on la dit moins réactive
envers l'oxygène en air sec. La déshydruration se fait dans le four de frittage, ce
qui, pour des charges industrielles, représente des quantités élevées de gaz à évacuer
par pompage soutenu.
[0010] Bien que les opérations de broyage, compression, frittage peuvent être effectuées
sous atmosphères protectrices, les poudres s'oxydent en partie au cours de leurs transformations
avant la densification (frittage) par réaction avec les teneurs résiduelles en O2
et/ou H2O desdites atmosphères. Cette oxydation est particulièrement forte lorsque
la surface développée du matériau est importante, par exemple dans les étapes de prébroyage,
broyage, stockage, compression des poudres, et durant la montée en température de
frittage. Comme la Demanderesse l'a constaté par elle-même, la méthode de décrépitation
à l'hydrogène ne permet pas, dans l'art décrit plus haut, de résoudre ces inconvénients.
[0011] Cette oxydation, qui affecte essentiellement la (ou les) terre(s) rare(s) (TR) contenues
dans le matériau, se traduit par les inconvénients suivants:
- cette réaction consomme la TR, diminuant ainsi la fraction de phase intermétallique
riche en TR active.
- la présence d'oxydes (ou d'hydroxydes) entraîne des difficultés au frittage (densification
moindre)
- elle diminue les propriétés magnétiques de l'aimant final, en particulier la rémanence
Br, l'énergie spécifique (BH)max et peut accroître considérablement sa sensibilité à la corrosion atmosphérique.
- elle augmente le coût du produit fini: nécessité d'accroître le taux initial de TR
de l'alliage et d'utiliser des équipements protégés complexes.
[0012] Pour toutes ces raisons, la demanderesse a cherché une méthode réduisant considérablement
la réactivité de ces matériaux vis-à-vis des atmosphères, en particulier celles contenant
de l'oxygène et/ou de la vapeur d'eau, et conduisant pour les aimants frittés à une
résistance accrue à la corrosion.
[0013] Elle a trouvé que d'autres conditions que celles décrites antérieurement permettaient
de préparer par traitement à l'hydrogène des matériaux friables, utilisables après
broyage pour la fabrication d'aimants permanents, relativement passifs vis-à-vis de
l'air atmosphérique à la température ambiante, donc plus aisés à manipuler lors des
différentes étapes du procédé, ne nécessitant que des traitements de dégazage réduits
dans le four de frittage, et surtout conduisant à des aimants remarquablement résistants
à la corrosion.
[0014] Le procédé selon l'invention consiste à traiter le matériau (lingot concassé ou granulés
issus de réduction d'oxydes) dans un réacteur où l'on introduit de l'hydrogène dans
des conditions particulières de température (T) et pression (P) définies ci-après,
au moins dans une phase finale.
[0015] "Pa" désignant la pression atmosphérique normale (≃1 bar, soit 0,1 MPa).
- Si P = < Pa, on doit avoir 250 < T°C < 550
- Si P > Pa, on doit avoir
250 + 100 log (P/Pa) < T°C < 550 + 100 log (P/Pa); (log base 10).
[0016] De façon préférentielle, et pour mieux contrôler la cinétique de réaction, on choisit
la température T comprise entre 350°C et 550°C et en particulier entre 350 et 500°C
si P < Pa et les conditions 350 + 100 log P/Pa < T < 550 + log ( P/Pa) et en particulier
350 + 100 log (P/Pa) < T < 500 + 100 log (P/Pa) si P >Pa.
[0017] De façon encore préférée, la température est tenue supérieure à 400°C.
[0018] Il a été en effet curieusement constaté que l'exothermicité de la réaction est d'autant
plus faible que la température initiale est plus élevée, ce qui constitue un facteur
de sécurité d'utilisation et de longévité des appareillages.
[0019] Par ailleurs, pour que la cinétique de réaction soit suffisante, il est préférable
d'opérer avec une pression P supérieure ou égale à 0,5 atmosphère ; de plus, pour
des questions de sécurité et de simplicité de construction de l'enceinte de traitement,
en particulier en ce qui concerne son étanchéité, il est préférable d'opérer au-dessous
de 1 atmosphère.
[0020] Par pression d'hydrogène P, on entend sa pression absolue s'il s'agit d'une atmosphère
de gaz seul, ou sa pression partielle dans le cas d'un mélange de gaz contenant de
l'hydrogène ou d'un corps apportant de l'hydrogène naissant comme l'ammoniac NH₃ .
Par température T à laquelle on introduit H₂ , on entend la température minimum à
laquelle est porté le produit par une source de chaleur, indépendamment de l'échauffement
pouvant résulter de la réaction exothermique d'hydruration ; la température réelle
du matériau est celle atteinte par celui-ci au cours de sa transformation. La durée
du traitement dépend des conditions opératoires utilisées ; on considère que la réaction
est terminée lorsque la pression d'hydrogène et la température sont devenues constantes.
[0021] Le réacteur contenant le produit est ensuite ramené aux conditions de température,
de pression et d'atmosphère habituelles.
[0022] Il est remarquable de constater que dans des conditions extérieures au domaine revendiqué
ci-dessus, le traitement à l'hydrogène conduit à des matériaux extrêmement sensibles
à l'oxydation, comme le montrent certains exemples donnés plus loin.
[0023] Il est possible que la plus grande sensibilité des poudres préparées par les méthodes
déjà décrites dans l'art antérieur, de décrépitation par l'hydrogène, soit à relier
à la formation effective de l'hydrure stable associé à la phase magnétique TR₂ Fe₁₄
BHy(O < y < 5), dont la décomposition ultérieure doit générer beaucoup de sites actifs
vis-à-vis de l'environnement.
[0024] Cette décomposition peut d'ailleurs, dans certaines conditions de température et
de pression conduire à la destruction de la phase magnétique TR₂ Fe₁₄ B ("disproportionation")
avec formation de α - Fe très divisé, de Fe₂B, de TR₂ Fe₁₇ et de TR. La demanderesse
a constaté, dans les conditions qu'elle a explorées, que cette disproportionation
n'intervient pas et elle l'attribue à l'absence de formation de l'hydrure stable de
la phase magnétique, laquelle absorberait et transmettrait l'hydrogène par simple
diffusion solide, sans création, ou faiblement, de sites actifs.
[0025] Il est connu que les hydrures de terres rares ne sont pas des composés définis stricts,
mais dont la stoechiométrie peut varier dans de larges proportions. Ainsi, il est
connu que ces hydrures, de formule TR Hx ont une valeur de x pouvant varier de façon
continue de 1,8 à 3.
[0026] Poursuivant ses recherches, la demanderesse a cependant constaté que lors de l'hydruration
selon l'invention, il se forme essentiellement un hydrure de TR de formule TR Hx avec
x compris entre 1,8 et 2,45 -désigné ici par "TRH2"- à l'exclusion de tout autre ;
en particulier il n'a pas été détecté, dans les conditions de l'invention, la formation
d'un hydrure de formule type

ou de α -Fe ou d'un hydrure plus hydrogéné tel que NdH₃. Le matériau à l'issue du
traitement à l'hydrogène est essentiellement constitué de 3 phases principales :


et une phase riche en bore déjà décrite dans l'art antérieur. On attribue à la formation
de cet hydrure riche en terre-rare l'apparition d'une friabilité appréciable des produits
hydrogénés stables et passifs, et ceci sans création de la phase hydrurée de T1. Cependant,
cette friabilité ne constitue pas un désavantage pour la santé du comprimé lors de
la montée en température vers le frittage, car cette phase est minoritaire en volume
en face de T₁.
[0027] A l'opposé, à l'extérieur du domaine revendiqué, la demanderesse a constaté que le
traitement à l'hydrogène conduit aussi à des matériaux friables mais comportant des
quantités importantes de l'hydrure de T1, de l'hydrure NdH₃, ou de α -Fe. Ces matériaux
n'ont pas permis d'obtenir des aimants résistant bien à la corrosion, voir les exemples
hors invention.
[0028] L'invention sera mieux comprise à l'aide des exemples suivants :
Des essais ont été effectués sur des matériaux obtenus par fusion, ayant la composition
suivante (en at%), non limitative, qui contient une faible teneur en TR afin d'obtenir
les rémanences les plus élevées. Ils ont permis de tester la passivité des matériaux
obtenus dans différentes conditions selon l'invention et hors invention et la qualité
de résistance à la corrosion des aimants finaux. Le procédé décrit dans cette invention
a été appliqué avec succès à d'autres compositions en TR ou en B, ou comportant des
substitutions et/ou additions décrites dans l'art antérieur (voir EP-A-101552, EP-A-106558,
EP-A-344542), ou encore à des granulés venant du procédé dit de réduction diffusion.

[0029] La friabilité a été mesurée par le spectre granulométrique (% en poids passant au
tamis, sans contrainte externe) du matériau obtenu après le traitement d'hydruration.
[0030] La nature des phases présentes dans le matériau hydruré a été déterminée par diffraction
de rayons X.
[0031] Les caractéristiques magnétiques - B
r et H
cJ - ont été déterminées sur les aimants frittés, préparés selon le procédé rappelé
dans l'introduction, et sans précautions extrêmes pour les atmosphères de manipulation.
[0032] La teneur en oxygène des aimants obtenus se situe en fonction de leur composition
dans le domaine le plus souhaitable pour l'utilisation particulière de ceux-ci. On
sait que l'art antérieur préconise soit des teneurs en oxygène relativement élevées
afin d'améliorer la résistance à la corrosion, c'est le cas du brevet US 4,588,439
; soit au contraire des taux très faibles, comme dans le brevet. EP 0.197.712, si
l'on veut atteindre des propriétés magnétiques (Br, (BH)max) élevées.
[0033] La résistance à la corrosion des aimants frittés a été estimée par leur durée de
vie en autoclave à 115°C, sous 0,175 MPa à 100% d'humidité relative. Dans tous les
cas, les aimants ont été revêtus avant essai dans des conditions identiques, par une
résine époxy après une préparation de surface (phosphatation). La tenue du revêtement
a été estimée par examen visuel (cloques) et par le test des rayures croisées (cross-cutting
test.).
[0034] Les résultats sont reportés dans les Tableaux 1 à 8 (suivants).
[0035] Les exemples 1, 6 et 7 sont relatifs à l'art antérieur, ou à des conditions hors
invention, les autres essais (exemples 2 à 5 et 8) sont relatifs à l'invention.
EXEMPLE 1
HYDRURATION A 25°C SOUS P = 0,1 MPa d'H₂ (hors invention)
[0036]

EXEMPLE 2
HYDRURATION A 300°C SOUS P = 0,1 MPa D'H₂ (invention)
[0037]

EXEMPLE 3
HYDRURATION A 400°C SOUS P = 0,1 MPa D'H₂ (invention)
[0038]

EXEMPLE 4
HYDRURATION A 400°C SOUS P = 0,01 MPa D'H₂ (invention)
[0039]

EXEMPLE 5
HYDRURATION A 400°C SOUS P = 0,001 MPa D'H₂ (invention)
[0040]

EXEMPLE 6
HYDRURATION A 550°C SOUS P = 0,1 MPa D'H₂ (hors invention)
[0041]

EXEMPLE 7
HYDRURATION A 250°C SOUS P = 100 BAR (10 MPa) D'H₂ (hors invention)
[0042]

EXEMPLE 8
HYDRURATION A 700°C SOUS P = 100 BAR (10 MPa) D'H₂ (invention)
[0043]

[0044] L'exemple 1 montre que dans des conditions voisines de celles de l'art antérieur
(25°C à environ 0,1 MPa d'H₂), et pour la composition exemplifiée une durée de 4 jours
est le maximum que peut endurer l'aimant revêtu en autoclave, avant que ne survienne
la formation de cloques, signe de la corrosion.
[0045] L'exemple 2 montre que l'hydruration à 300°C dans des conditions représentatives
de l'invention conduit à une durée de vie en autoclave considérablement augmentée
(+100%) par rapport à l'exemple 1, qui est peut-être liée à une compacité améliorée.
[0046] Un résultat similaire est obtenu en hydrurant à 400°C sous 0,1 MPa d'H₂ (exemple
3), sous 0,01 MPa d'H₂ (exemple 4), ou bien sous 10⁻³ MPa d'H₂ (exemple 5).
[0047] L'exemple 6 montre qu'à 550°C, il n'y a plus de fragilisation. Un prébroyage mécanique
est alors nécessaire. La densification devient difficile ; les durées de vie en autoclave
sont extrêmement réduites ainsi que les propriétés magnétiques sans doute en raison
de la présence de nombreuses porosités ouvertes.
[0048] A 250°C sous 100 bar (10MPa) - exemple 7- et de façon identique à l'exemple 1, on
retrouve une corrosion aisée.
[0049] A 700°C (exemple 8), les propriétés magnétiques ainsi que la résistance à la corrosion
sont optimales, similaires à celles de l'exemple 2.
[0050] Outre la grande passivité des matériaux obtenus et la résistance améliorée à la corrosion
des aimants qui sont préparés avec eux, le procédé selon l'invention apporte les avantages
économiques et techniques suivants :
- moindre consommation d'H₂ puisque la phase riche en terre-rare, qui occupe quelques
% de la structure, est hydrurée à son niveau le plus bas
- faible désorption de l'H₂ en cours de frittage, ce qui évite l'apparition de défauts
tels que soufflures ou fissurations, et permet l'obtention de pièces de volume unitaire
important
- facilité de broyage des matériaux passivés
- absence de formation d'une phase ferromagnétique Fe α par suite de la réaction de
"disproportionation", décrite dans l'art antérieur
- moindre consommation de TR
- sécurité améliorée par le volume réduit d'H₂ à mettre en oeuvre.