[0001] L'invention se rapporte à un procédé de fabrication d'un isolant électrique à tension
de claquage élevée sous vide.
[0002] Des champs électriques très intenses règnent entre les électrodes de nombreux composants
électroniques tels que les tubes. Il est normalement nécessaire d'installer des isolants
électriques dans ces champs électriques pour soutenir les électrodes mais on constate
alors que la tension de claquage entre les électrodes baisse fortement par rapport
à la tension de claquage dans le vide, et ceci quelle que soit la forme de l'isolant.
[0003] La baisse de la tenue en tension dépend de la nature du matériau isolant et de ses
propriétés de tenue électrique en volume (c'est-à-dire du champ électrique maximum
que peut tenir le solide sans disruption interne), de l'état de surface de l'isolant
et de la façon dont est réalisée la transition entre l'isolant et le métal constituant
les électrodes (nature de la brasure et température de brasage).
[0004] On se reporte à la figure 1 pour l'exposition du phénomène, la figure 2 représentant
les résultats comparatifs d'une expérience sur le contrôle d'isolants.
[0005] Deux électrodes 1 et 2 sont des plaquettes disposées face à face et alimentées par
un fil, respectivement 3 et 4. Une rondelle serrée entre les périphéries des deux
électrodes 1 et 2 et qui laisse libre un espace central 6 forme un isolant 5. Le phénomène
rencontré serait sensiblement le même avec un isolant en forme d'enveloppe entourant
les deux électrodes 1 et 2 et percé pour laisser passer les fils 3 et 4.
[0006] Le vide règne dans l'espace central 6. L'extérieur du composant est isolé par un
liquide (huile), un solide (résine) ou un gaz (hexafluorure de soufre). Selon la théorie
traditionnelle, si un électron proche de l'électrode 1 est arraché de la surface libre
7 de l'isolant 5 devant l'espace central 6 et projeté en direction de l'autre électrode
2, il va déclencher une avalanche d'électrons secondaires en retombant sur la surface
libre 7. L'amplification de courant qui en résulte causerait le claquage de l'isolant
5.
[0007] Cette théorie a eu la faveur des scientifiques pendant quelques dizaines d'années
et plusieurs solutions ont été proposées pour entraver l'émission secondaire des électrons.
On a ainsi revêtu les surfaces libres 7 de corps à faibles propriétés d'émission.
[0008] Dans une publication de 1970, T.S. Sudarshan et J. Cross proposèrent de recouvrir
la surface d'une céramique avec de l'oxyde de chrome qui présente un coefficient d'émission
secondaire inférieur à 1. Comme cette couche est fragile, d'autres auteurs (H.C. Miller
et al.) ont proposé d'utiliser des mélanges de titane et de manganèse qui pénètrent
par chauffage dans le matériau isolant et forment un revêtement. Le rôle de ce revêtement
dans ce document et de l'art antérieur est de diminuer l'émission secondaire de la
surface.
[0009] On a aussi plongé l'ensemble du dispositif dans un champ magnétique pour détourner
de la surface libre 7 les trajectoires des électrons émis et donc les empêcher de
retomber sur elle. On a encore eu l'idée d'incliner la surface libre 7 pour la rendre
fuyante, obliger les électrons émis à parcourir des trajectoires plus longues avant
de retomber, et réduire ainsi le nombre d'étages d'amplification. Toutes ces mesures
ont cependant été insuffisantes pour améliorer sensiblement la tenue en claquage de
l'isolant 5, si bien que cette théorie n'est plus soutenue depuis quelques années.
[0010] L'invention a pour origine une nouvelle théorie d'explication du phénomène de claquage
qui a été imaginée par les inventeurs. D'après cette théorie, le claquage peut être
attribué à la relaxation de l'énergie de polarisation de l'isolant dans le champ électrique,
qui provoque une ionisation des défauts du solide dont est formé l'isolant 5. Ces
défauts sont soit des défauts de cristallinité (sites vacants du réseau, impuretés
chimiques, etc.), soit, de façon plus générale pour les diélectriques, toutes les
imperfections qui entraînent des discontinuités locales de la permittivité électrique.
Les forces électrostatiques provoquent des réarrangements des défauts si elles sont
assez fortes. Au-delà d'un seuil critique, les libérations d'énergie résultantes peuvent
favoriser un claquage dans les zones de fort gradient de permittivité. Les réarrangements
de défauts impliquent en effet des déplacements de particules près de la surface libre
7, qui compromettent la qualité du vide à cet endroit et expliquent que la tension
de claquage entre les électrodes 1 et 2 soit proche de sa valeur dans un gaz à forte
pression.
[0011] Le procédé de fabrication conforme à l'invention d'un isolant électrique consiste
donc, une fois qu'un corps isolant a été mis en forme par un usinage ou un autre procédé
pour obtenir une pièce isolante de forme déterminée, à traiter la pièce de manière
à réduire ou éliminer les défauts proches des surfaces libres de la pièce à placer
dans le vide, au moins sur celles qui seront plongées dans un champ électrique important.
[0012] Le corps solide peut être un monocristal, un polycristal ou un matériau vitreux.
Parmi les traitements de surface possibles, on peut mentionner un recuit rigoureusement
contrôlé.
[0013] Le traitement est avantageusement accompagné d'un contrôle de la discontinuité de
la permittivité des surfaces libres traitées de la pièce par l'intermédiaire de mesures
de propriétés électrostatiques, optiques ou mécaniques de ces surfaces. On a en effet
trouvé et démontré que la qualité de la tenue en claquage pouvait être corrélée avec
de telles propriétés. La découverte de cette corrélation entraîne des conséquences
extrêmement importante sur le plan pratique. Jusqu'à présent, on caractérisait et
on contrôlait les qualités d'un matériau ou les qualités d'un traitement par des mesures
faites en haute tension. Il fallait réaliser un manchon, braser ou serrer des électrodes
à ses extrémités et faire le vide dans le manchon. Les mesures en haute tension demandant
des précautions très contraignantes : isolation de l'extérieur du dispositif, protection
du personnel contre les risques d'électrocution. De plus, la mesure n'est pas représentative
de l'isolant lui-même. C'est le résultat global de l'isolant et des contacts entre
l'isolant et le métal qui est mesuré.
[0014] Grâce à ces nouvelles méthodes de contrôle, on peut caractériser la qualité intrinsèque
d'un isolant sans avoir besoin de faire des essais en haute tension.
[0015] Suivant l'isolant utilisé, la précision demandée et la facilité de mise en oeuvre
souhaitée, on choisira l'une ou l'autre des méthodes de contrôle.
[0016] Par exemple les méthodes optiques sont remarquablement bien adaptées aux isolants
monocristallins : elles sont non destructrices et sensibles. La méthode électrostatique
est très sensible mais elle nécessite une mise sous vide des échantillons. Les méthodes
mécaniques sont très rapides mais sont moins précises.
[0017] Considérons que les électrodes 1 et 2 ont une tension de claquage à vide de 300 kV.
La tension de claquage obtenue avec un isolant 5 préparé classiquement est d'environ
50 kV. Mais une tension de claquage de 200 kV a été obtenue avec un isolant 5 en saphir
(monocristallin) recuit à 1 000°C conformément à l'invention. Le contrôle a consisté
en une mesure de réflectance permettant de suivre l'évolution de l'indice de réfraction
sur la surface libre 7. Des essais préliminaires ou un modèle mathématique permettent
d'obtenir un abaque grâce auquel l'interprétation des mesures est immédiate.
[0018] Par exemple, des manchons monocristallins de saphir (Øext 30 nm, Øint 26 mm, L=11
mm) ont subi différents cycles de recuits caractérisés par la température et la durée
de recuit et la durée de refroidissement. Tous les autres paramètres étant identiques,
on mesure avec un ellipsomètre de type Gaertner la partie imaginaire k de l'indice
complexe de réfraction n-jk. On trouve que cet indice varie de plusieurs ordres de
grandeur pour des différences de température d'une centaine de degrés et on peut atteindre
des valeurs très basses avec des temps de refroidissement très longs (supérieurs à
1 heure). Corrélativement, on constate que la tension de claquage de ces manchons,
lorsqu'ils sont brasés avec un alliage de manganèse-zinc à des électrodes en Dilver
P, s'améliore considérablement (Tableau I).
[0019] L'invention peut être mise en oeuvre de bien d'autres manières différentes aussi
bien en ce qui concerne le choix du matériau que le traitement. On peut envisager
d'utiliser également le quartz piézoélectrique réalisé dans des conditions d'usinage
qui préservent les propriétés intrinsèques du matériau et ne détruisent pas en particulier
le réseau maillé du cristal à la surface. On choisit pour cela une vitesse de coupe
et une pression de contact d'outil aussi faibles que possible ainsi qu'une bonne lubrification
(par exemple au méthanol).
[0020] L'usinage est suivi d'un traitement de recuit avec un cycle programmé. On contrôle
l'effet du recuit par la méthode optique de réflectance.
[0021] Par exemple, un tube de quartz piézoélectrique taillé sur l'axe de révolution parallèle
à la direction piézoélectrique la plus intense, de diamètre 20 mm et de longueur L=11
mm suit les cycles de recuit suivants et on contrôle après chaque cycle la valeur
de l'indice complexe de réfraction. On a corrélé la valeur de cet indice avec la tenue
en tension mesurée sous vide en serrant deux électrodes contre le tube en quartz (tableau
II).
[0022] Un tel matériau monocristallin résiste donc à des tensions de claquage de 250 kV,
très proches de la tension de claquage du vide. Ce résultat a de surcroît été obtenu
sans aucun "conditionnement", c'est-à-dire sans la mise en tension lente préalable
qui est normalement nécessaire pour que l'isolant puisse atteindre sa valeur théorique
de tenue au claquage. Cette opération permet de réduire des défauts localisés, liés
à la présence d'impuretés conductrices, qui provoqueraient le claquage immédiat de
l'isolant à une valeur très basse s'il était mis sans précaution dans un champ électrique.
Or certaines applications, notamment dans l'espace, peuvent interdire cette mise en
condition.
[0023] Il est probable que d'autres isolants préparés conformément à l'invention présenteront
également cette propriété. On a utilisé un polycristal constitué d'un mélange d'alumine,
de zircone et d'oxyde d'yttrium. Le mélange de ces trois composants en poudre est
fritté à haute température.
[0024] A titre d'exemple, on utilise des poudres de granulométrie comprise entre 1 et 5
microns. Le pourcentage en volume des composants est le suivant :
- Al₂03
- 78 %
- Zr02
- 20 %
- Y₂0₃
- 2 %
[0025] Le frittage se fait à l'air à 1550°C.
[0026] La composition de l'isolant (présence de défauts, pourcentage de divers constituants
dans le cas du mélange) et les traitements sont caractérisés, optimisés et contrôlés
par une méthode électrostatique.
[0027] Cette méthode extrémement sensible et rapide est une utilisation originale de la
microscopie électronique à balayage (MEB). L'innovation consiste à mesurer le champ
électrique de l'isolant bombardé par un faisceau d'électrons et à déduire de cette
mesure la capacité de l'isolant à tenir une tension sans claquer.
[0028] Idéalement, la colonne optique du microscope doit travailler à partir d'une tension
aussi faible que possible (0,01 kV) jusqu'à une tension aussi élevée que possible
(30 à 50 kV) et la colonne optique doit rester alignée quand la tension est changée
depuis la valeur la plus élevée jusqu'à la valeur la plus faible. Pratiquement, la
plupart des appareils standard du commerce répondent à ces conditions et sont donc
utilisables pour ce type de mesure.
[0029] Dans une première phase opératoire, le faisceau d'électrons à tension élevée est
utilisé pour charger négativement l'échantillon d'isolant.
[0030] Dans une deuxième phase opératoire, le faisceau d'électrons à faible tension est
utilisé pour fonctionner en mode "miroir", le faisceau étant réfléchi sur une équipotentielle
de l'isolant chargé. Cette équipotentielle est donc visible sur l'écran du MEB.
[0031] Ce mode opératoire permet de tracer la courbe 1/r=f(Vs), r étant le rayon de l'équipotentielle
Vs où le faisceau d'électrons de faible énergie est réfléchi. La pente de cette courbe
est le rapport de la constante diélectrique sur la charge totale implantée dans l'isolant.
L'optimum d'un mélange ou d'un traitement est obtenu lorsque la pente atteint un minimum.
[0032] A titre d'exemple, cette méthode a été utilisée pour optimiser un mélange alumine-zircone-oxyde
d'yttrium. Les résultats sont portés sur la figure suivante. C'est le troisième mélange
(Tableau III ; voir aussi figure 2) qui donne le meilleur résultat.

[0033] La tension de claquage mesurée sur un manchon de diamètre 30 mm et de longueur 11
cm est de 60 kV dans le cas du mélange (n° 3 du tableau III). Elle est très nettement
meilleure qu'avec les autres mélanges, pour lesquels on ne dépasse pas 50 kV. La teneur
en tension est encore améliorée lorsqu'on fait subir au manchon un traitement de recuit.
[0034] Après un recuit à 1100°C pendant 5 heures et une durée de refroidissement de 10 heures,
on constate par la méthode électrostatique que la perte de la droite 1/r=f(Vs) diminue
(courbe 5) et la tension de claquage est de 70 kV.
[0035] Un autre contrôle permettant de connaître la qualité intrinsèque d'un isolant est
l'essai de dureté par micro-indentation. On mesure la valeur du facteur d'intensité
de contrainte k1c de manchons et on caractérise l'efficacité d'un mélange polycristallin
et d'un cycle de recuit.
[0036] Par exemple sur un manchon constitué de 98% Al₂0₃ et 2% Y₂0₃, on mesure :
k1c = 3,5 MPam
1/2 .
[0037] Après un recuit à 1100°C pendant 5 heures et une durée de refroidissement de 10 heures,
on mesure :
k1c = 2,3 MPa m
1/2.
[0038] Les valeurs chiffrées indiquées ont été données à titre d'exemple. On retrouve les
mêmes proportions entre elles à partir d'autres valeurs de tension de claquage sous
vide.

1. Procédé de fabrication d'un isolant électrique (5) caractérisé en de qu'il comporte
une mise en forme d'un corps solide pour obtenir une pièce isolante de forme déterminée,
et un traitement de recuit consistant à réduire ou éliminer les défauts de cristallisation
ou les discontinuités de permittivité électrique sur des surfaces libres (7) de la
pièce.
2. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon la revendication 1, caractérisé
en ce que le corps solide est un monocristal.
3. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon la revendication 2, caractérisé
en ce que le monocristal est du quartz piézoélectrique.
4. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon l'une quelconque des revendications
1 à 3, caractérisé en ce qu'il comporte un contrôle de la permittivité des surfaces
libres traitées de la pièce par des mesures d'une propriété optique sur lesdites surfaces.
5. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon l'une quelconque des revendications
1 à 3, caractérisé en ce qu'il comporte un contrôle de la permittivité des surfaces
libres traitées de la pièce par des mesures d'une propriété mécanique sur lesdites
surfaces.
6. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon la revendication 3, caractérisé
en ce que la propriété optique est la réflectance.
7. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon la revendication 5, caractérisé
en ce que la propriété mécanique est la dureté.
8. Procédé de fabrication d'un isolant électrique selon l'une quelconque des revendications
1 à 3, caractérisé en ce qu'il comporte un contrôle de la permittivité des surfaces
libres traitées de la pièce par des mesures d'une propriété électrique au moyen d'un
microscope électronique à balayage.