[0001] La présente invention a pour objet un procédé et un dispositif de fabrication d'une
bande en acier inoxydable semi-ferritique, à partir d'un bain de métal en fusion.
[0002] Plus particulièrement l'invention concerne un dispositif de coulée continue, sur
deux cylindres, d'acier inoxydable semi-ferritique en bande mince.
[0003] On rappelle que le terme "semi-ferritique" signifie que la structure ferritique,
dont l'arrangement cristallographique est cubique centré, est susceptible de se transformer,
à température élevée (900 - 1100°C), partiellement en structure austénitique, dont
l'arrangement cristallographique est cubique à faces centrées.
[0004] Comme on le sait, les procédés et dispositifs de coulée continue de bandes d'acier
en épaisseur mince sont encore actuellement expérimentaux. Le métal est solidifié
dans une lingotière de coulée continue constituée de deux cylindres refroidis, tournant
dans des sens opposés et disposés l'un en regard de l'autre, avec leurs axes parallèles
et à un écartement déterminé, définissant entre eux un espace de coulée obturé aux
extrémités opposées des cylindres par des plaques de fermeture.
[0005] Compte tenu de la vitesse de refroidissement à l'air des bandes d'acier solidifiées
extraites en continue de l'espace de coulée, on constate que si l'on veut couler des
bandes d'acier inoxydable semi-ferritique, il se forme au cours du refroidissement
de l'austénite. Cette dernière, absente initialement de la structure monophasée ferritique,
se transforme en fin de refroidissement en martensite dure. Plus précisément, et par
exemple pour des nuances semi-ferritiques contenant 17% Cr et environ 0,050%C, alors
que pendant et juste après la solidification, la structure de l'acier est monophasée
ferritique, l'austénite apparaît au cours du refroidissement, en proportion maximale
de 40 à 50%. La martensite résultant ensuite de la transformation de l'austénite est
une phase très dure par rapport à la ferrite environnante.
[0006] Cette structure hétérogène entraîne des difficultés de manipulation et de déformation
du métal au cours de l'enroulage et du déroulage de la bande, et du laminage à froid
direct de la structure brute de coulée, en particulier des difficultés pour cisailler
et bobiner les bandes en sortie de ligne de coulée. Un autre inconvénient résultant
de ce procédé de coulée réside dans le fait que la bande sortant de la lingotière
subit une oxydation superficielle au contact de l'air environnant.
[0007] L'installation décrite dans le document EP-181 090 comporte un dispositif de refroidissement
d'une bande, d'alliage Fe-Si par exemple, coulée entre deux cylindres, implanté juste
avant un dispositif de laminage et de bobinage de ladite bande. Toutefois, elle n'est
aucunement adaptée à la coulée d'acier inox semi-ferritique, car, d'une part, ce dispositif
de refroidissement est implanté très en aval de la lingotière, et d'autre part, il
utilise comme milieu refroidissant un gaz ou un brouillard, n'imposant qu'une vitesse
de refroidissement relativement modérée à la bande.
[0008] L'invention a donc pour but de réaliser un procédé et un dispositif permettant d'éliminer
ces insuffisances.
[0009] Suivant le procédé visé par l'invention, on effectue la solidification du métal dans
une lingotière de coulée continue constituée de deux cylindres refroidis, tournant
dans des sens opposés et disposés l'un en regard de l'autre de manière à définir entre
eux un espace de coulée, on extrait en continu de la lingotière une bande d'acier
solidifiée, et sous la lingotière, on soumet ladite bande à un moyen de trempe afin
de la refroidir rapidement et suffisamment longtemps pour empêcher la formation d'austénite.
[0010] Préférentiellement, la vitesse de refroidissement est de 300°C/s au minimum jusqu'à
une tempéra-ture de la bande coulée de 500°C environ.
[0011] En refroidissant très rapidement à partir d'une température supérieure à la température
limite d'existence de l'austénite (température qui est généralement de l'ordre de
1200° à 1250°C pour les nuances considérées), et inférieure à la température de fin
de solidification, on constate en effet qu'il est possible de figer la structure ferritique,
et d'empêcher la formation d'austénite.
[0012] En refroidissant de plus la bande juste en dessous des cylindres de coulée, on profite
de l'effet de trempe de la peau du métal par le matériau conducteur des cylindres
de coulée, la bande étant refroidie à partir d'une température supérieure à la température
d'apparition de l'austénite dans la matrice ferritique.
[0013] Suivant un premier mode de réalisation de l'invention, on utilise comme milieu de
trempe un bain d'alliage fondu à base de plomb, d'étain et de zinc ou de deux de ces
métaux ou un bain d'un seul de ceux-ci, ou un sel fondu, dans lequel sont immergés
la partie inférieure des cylindres et le haut de la bande, et on empêche ledit moyen
de trempe d'être entraîné par le défilement de la bande, par exemple par soufflage
de jets de fluide sur la bande à la sortie du bain de trempe ou à l'aide de champs
électromagnétiques.
[0014] Le sel fondu peut être avantageusement le mélange suivant (% en masse) :
- 50 à 60% KNO3
- 40 à 50% NaNO2
- 0 à 10% NaNO3
[0015] Ce mélange fond vers 140°C et est utilisable entre 160 et 500°C.
[0016] Suivant un second mode de réalisation du procédé visé par l'invention, on utilise
comme moyen de trempe un gaz inerte réfrigéré à l'état liquide, qu'on projette sur
le haut de la bande sur ses faces opposées et sous les cylindres.
[0017] Le dispositif destiné à la mise en oeuvre de ce procédé comprend une lingotière de
coulée continue formée de deux cylindres refroidis, tournant dans des sens opposés
et disposés l'un en regard de l'autre de manière à définir entre eux un espace de
coulée, et des moyens de trempe pour faire subir à la bande d'acier solidifiée, sous
la lingotière, un refroidissement suffisamment rapide pour empêcher la formation d'austénite.
Préférentiellement ces moyens permettent d'assurer une vitesse de refroidissement
de 300°C/s au moins jusqu'à une température de la bande coulée d'environ 500°C au
moins.
[0018] D'autres particularités et avantages de l'invention apparaîtront au cours de la description
qui va suivre, faite en référence aux dessins annexés qui en illustrent deux modes
de réalisation à titre d'exemples non limitatifs.
[0019] La figure 1 est une vue en élévation en bout schématique d'un dispositif de coulée
continue d'une bande de métal entre deux cylindres, équipé d'un récipient placé sous
les cylindres et contenant un bain liquide de trempe des bandes extraites du dispositif.
[0020] La figure 2 est une vue en élévation en bout schématique, analogue à la Fig.1, d'une
seconde forme de réalisation du dispositif selon l'invention.
[0021] En se reportant à la Fig.1, on voit un dispositif de coulée continue d'un bain de
métal liquide 1 entre deux cylindres 2 disposés horizontalement et parallèlement l'un
à l'autre, de manière à délimiter entre eux un espace de coulée d'une bande mince
solidifiée 3. Ce dispositif forme une lingotière de coulée continue, les cylindres
2 étant refroidis et entraînés en rotation dans des sens opposés l'un à l'autre suivant
les flèches portées sur la Fig.1, par des moyens connus en eux-mêmes et non représentés.
[0022] Afin de permettre plus particulièrement la fabrication de bandes 3 en acier inoxydable
semi-ferritique, le dispositif est complété par un récipient 4 placé sous les cylindres
2, dont le fond est percé dans sa zone centrale d'une ouverture 5 de passage de la
bande 3, et qui contient un bain liquide 6 de trempe de la bande 3. Les dimensions
du récipient 4 et le niveau du bain 6 dans celui-ci sont tels que la partie inférieure
des cylindres 2 et la partie supérieure de la bande 3 en défilement continu sont immergées
dans le bain 6.
[0023] Le bain liquide 6 doit être à une température qui n'excède pas 300 à 350°C environ,
dans lequel est donc brutalement plongée la bande 3 à environ 1300°C. De plus, le
bain 6 doit être choisi en un matériau non polluant de manière rédhibitoire pour la
bande 3.
[0024] A titre d'exemples non limitatifs, il est ainsi possible d'utiliser un bain de trempe
constitué par un alliage fondu de plomb, de zinc et d'étain, ou de deux de ces métaux,
ou un bain d'un seul de ces métaux. On peut également utiliser un sel fondu tel que
le mélange précité de sels de sodium et de potassium.
[0025] Le dispositif de coulée comprend également des moyens pour retenir le liquide de
trempe entraîné par le défilement de la bande 3. Dans l'exemple représenté, ces moyens
consistent en deux rangées de buses 7, placées sous le fond du récipient 4 de chaque
côté de la bande 3, et orientées vers l'intersection de cette dernière et de l'ouverture
5, de manière à pouvoir projeter un fluide sur la surface de la bande 3 à sa sortie
du récipient 4. Le fluide peut être de l'eau à température ambiante (20°C par exemple)
ou un mélange atomisé eau-air à un débit suffisant pour retenir à l'intérieur du récipient
4 le liquide du bain 6.
[0026] A titre d'exemple numérique indicatif, ce débit peut être de 50 m³/h pour une vitesse
linéaire de défilement de la bande 3 de l'ordre de 1m/s, correspondant à des cylindres
2 d'un diamètre de 1,50m tournant à moins d'un quart de tour/seconde. Afin d'éviter
la formation d'austénite dans la bande 3 au cours de son refroidissement, celle-ci
doit être refroidie de 1300°C à 500°C environ à une vitesse de 300°C/s. Or, les bains
précités permettent une vitesse de refroidissement de 2700°C/s environ.
[0027] De ce fait, pour une bande de 3,5mm d'épaisseur défilant à 1m/s, la hauteur appropriée
du bain 6 traversée par la bande 3, peut être de 40cm environ, pour que la bande 3
sorte du bain à environ 500°C.
[0028] Bien entendu, il n'est pas nécessaire que la bande sorte du bain de trempe par le
fond du récipient. A l'intérieur du bain, la bande peut être déviée, par exemple par
des rouleaux, de manière à sortir du bain en traversant sa surface. Une telle disposition
a pour effet, à profondeur de bain égale, d'augmenter le temps de séjour de la bande
dans le bain par rapport à la configuration précédemment décrite.
[0029] Des essais de laboratoire ont été réalisés pour les nuances d'acier inoxydable suivantes
: AISI 430 (norme ASTM A176) pour l'étude de la précipitation éventuelle d'austénite
et de sa transformation en martensite; AISI 304 (norme ASTM A167) pour l'évaluation
des vitesses de refroidissement : la finesse de la structure dendritique de solidification
d'un acier austénitique est prévisible par attaque métallographique, et peut être
reliée aux conditions de refroidissement. Les résultats d'essais effectués avec des
échantillons de ces nuances d'acier, à une température de trempe de 1500°C dans un
bain 6 d'étain liquide à 300°C, refroidi en 0,45 seconde environ, à une température
de 500°C, sont les suivants :
- la nuance AISI 430 présente une structure ferritique contenant très peu de phase martensitique
(moins de 1%),
- la vitesse de refroidissement estimée à partir de la taille de structure de la nuance
austénitique AISI 304, est comprise entre 5000°C/s et 15000°C/s.
[0030] Ces essais ont donc confirmé la validité du procédé selon l'invention pour atteindre
le but recherché.
[0031] La seconde forme de réalisation du dispositif (Fig.2) visée par l'invention comprend,
outre les cylindres 2, des moyens de trempe consistant dans des buses 8 de projection
d'un gaz inerte liquéfié sur la bande solidifiée 3 immédiatement à sa sortie de l'espace
de coulée. Ces buses 8 sont disposées en deux rangées placées sous les cylindres 2
de part et d'autre de la bande, en une disposition similaire à celle des buses 7 (Fig.1).
En effet les ouvertures de soufflage des buses 8 sont dirigées sur les faces opposées
de la partie supérieure de la bande 3, immédiatement après son décollement de la surface
des cylindres 2. Le gaz inerte peut être par exemple de l'argon ou de l'azote, utilisé
à l'état liquide pour bénéficier de sa vaporisation au contact du métal solidifié.
Ce gaz peut être soufflé à un débit de 100 000 Nm³/h par exemple, pour une vitesse
de défilement de la bande 3 d'environ 1m/s.
[0032] Le dispositif est avantageusement complété par un capot 9 schématiquement représenté,
disposé sous la lingotière formée par les cylindres 2, dimensionné de manière à envelopper
à la fois les rangées de buses 8 et la bande 3 en étant fermé à ses extrémités par
des moyens non représentés. Le capot 9 présente à son extrémité inférieure une ouverture
10 permettant l'extraction de la bande 3, en continu, vers une installation non représentée.
Il permet de confiner le gaz projeté sur la bande 3, sur une longueur de ligne suffisante
pour assurer une protection de ladite bande contre l'oxydation superficielle par l'air
environnant, s'ajoutant à la trempe obtenue par la projection du gaz inerte par les
buses 8.
[0033] Des essais de laboratoire ont été réalisés pour la nuance d'acier inoxydable AISI
430 (norme ASTM A176) à l'aide d'un dilatomère absolu. Un échantillon de métal a été
refroidi en 2,5s, à partir de 1250°C jusqu'à une température de 500°C, par projection
d'hélium à l'état gazeux dans le four. La structure de l'échantillon est ferritique
et contient moins de 1% de martensite.
[0034] Ces essais ont également confirmé la validité du procédé selon l'invention pour atteindre
le but recherché.
[0035] Le métal obtenu par le procédé et le dispositif selon l'invention est plus aisé à
cisailler et à bobiner en sortie de ligne de coulée, grâce à la suppression quasi-totale
de martensite dans la matrice ferritique.
1. Procédé de fabrication d'une bande (3) en acier inoxydable semi-ferritique à partir
d'un bain (1) de métal en fusion, caractérisé en ce qu'on effectue la solidification
du métal dans une lingotière de coulée continue constituée de deux cylindres refroidis
(2), tournant dans des sens opposés et disposés l'un en regard de l'autre de manière
à définir entre eux un espace de coulée, en ce que l'on extrait en continu de la lingotière
une bande d'acier solidifiée (3), et en ce que sous la lingotière, on soumet ladite
bande à un milieu de trempe afin de la refroidir rapidement et suffisamment longtemps
pour empêcher la formation d'austénite.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ladite bande (3) est refroidie
sous la lingotière juste après qu'elle ait quitté les cylindres refroidis (2).
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que ladite bande (3) est refroidie
sous la lingotière à une vitesse de 300°C/s au minimun jusqu'à une température de
500°C environ au moins.
4. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'on utilise comme milieu
de trempe un bain d'alliage fondu (6) à base de plomb, d'étain, et de zinc ou de deux
de ces métaux fondus, ou de l'un d'eux seulement, ou un sel fondu tel qu'un mélange
de KNO3, NaNO2 et NaNO3 , dans lequel sont immergés la partie inférieure des cylindres
(2) et le haut de la bande (3).
5. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'on utilise comme milieu de
trempe un gaz inerte, réfrigéré à l'état liquide, qu'on projette sur le haut de la
bande (3) sur ses faces opposées et sous les cylindres (2) juste après décollement
de la bande de ces derniers.
6. Dispositif pour la mise en oeuvre du procédé selon la revendication 1, caractérisé
en ce qu'il comprend une lingotière de coulée continue formée de deux cylindres refroidis
(2), tournant dans des sens opposés et disposés l'un en regard de l'autre de manière
à définir entre eux un espace de coulée, et des moyens de trempe (4,6 ; 8,9) pour
faire subir à la bande (3) d'acier solidifiée, sous la lingotière, un refroidissement
suffisamment rapide pour empêcher la formation d'austénite.
7. Dispositif selon la revendication 5, caractérisé en ce que lesdits moyens de trempe
(4,6 ; 8,9) permettent d'assurer une vitesse de refroidissement de la bande coulée
(3) de 300°C/s au minimum, et ce jusqu'à une température d'environ 500°C au moins.
8. Dispositif selon la revendication 5, caractérisé en ce que lesdits moyens de trempe
comprennent un bain liquide (6) disposé sous la lingotière (2), à travers lequel peut
être extraite la bande d'acier solidifiée (3), ce bain étant contenu dans un récipient
(4) dont le fond est pourvu d'une ouverture (5) pour le passage de la bande solidifiée.
9. Dispositif selon la revendication 7, caractérisé en ce que des moyens sont prévus
pour retenir le liquide entraîné par le défilement de la bande (3), tels que des buses
(7) placées sous le récipient (4) de chaque côté de la bande, et pouvant projeter
un fluide sur cette dernière à sa sortie du récipient, tel que de l'eau ou un mélange
atomisé eau-air.
10. Dispositif selon la revendication 5, caractérisé en ce que lesdits moyens de trempe
comprennent des buses (8) de projection d'un gaz inerte liquéfié sur la bande (3)
solidifiée, à sa sortie de l'espace de coulée, placées sous les cylindres (2) de part
et d'autre de la bande.
11. Dispositif selon la revendication 9, caractérisé en ce qu'il comporte un capot (9)
disposé sous la lingotière (2), dans lequel sont placées lesdites buses (8) et qui
enveloppe la bande afin de confiner le gaz projeté sur celle-ci et d'assurer une protection
de la bande contre l'oxydation, ce capot (9) étant ouvert à sa base pour permettre
l'extraction et l'évacuation de la bande (3).