[0001] La présente invention concerne un procédé d'élaboration de produits à très haute
charge à la rupture à partir d'un acier austénitique instable, et le produit obtenu
par ce procédé, notamment sous forme de fil ou de bande. Ce procédé est du type dans
lequel on soumet l'acier à une première déformation plastique à une température supérieure
à la température limite (Md) de formation de la martensite par déformation et inférieure
à la température de recristallisation puis à une seconde déformation dudit acier à
une température inférieure à ladite température (Md).
[0002] Généralement, l'acier laminé à chaud, préalablement à la première déformation, est
soumis à un traitement thermique de recuit standard dit hyper-trempe consistant à
placer ledit acier sous une température comprise entre 1000 et 1100°C pendant environ
30 minutes.
[0003] Un tel procédé est connu. Un grand nombre d'études ont été faites sur le comportement
en traction, au-dessous de la température limite (Md) de formation de la martensite
par déformation, tant à la température ambiante qu'en dessous de la température ambiante,
de matériaux à l'austénite instable, préalablement écrouis au-dessus de ladite température
limite (Md) qui peut varier en fonction de la composition de l'acier austénitique
entre -150°C et +250°C.
[0004] On peut citer le brevet US n° 4 415 377 décrivant un procédé et un dispositif pour
laminer des aciers à austénite instable et particulièrement un acier inoxydable, procédé
selon lequel l'acier est soumis :
- à un premier laminage au-dessus de la température limite (Md) puis,
- à un second laminage au-dessous de la température limite (Md).
[0005] Ces deux laminages permettent d'obtenir de manière plus aisée des produits déterminés
en dimension, c'est-à-dire de réduire le nombre de passes de laminage comparativement
à l'obtention desdits produits par un laminage à froid, tout en conservant aux produits
des caractéristiques mécaniques analogues.
[0006] Le procédé décrit dans le brevet cité ne permet pas l'obtention de caractéristiques
mécaniques particulières en comparaison avec un laminage à froid.
[0007] Le but de l'invention est de contrôler la formation de martensite de façon à obtenir
des produits de caractéristiques en traction particulièrement élevées.
[0008] A cet effet, dans une première étape, on soumet l'acier à une déformation plastique
à une température supérieure à la température limite (Md) de formation de la martensite
par déformation et inférieure à la température de recristallisation. Afin d'obtenir
des caractéristiques mécaniques en traction très élevées, on s'assure qu'après déformation
plastique, la charge à la rupture de l'acier est supérieure à 1000 MPa, de préférence
supérieure à 1300 MPa.
[0009] Dans une seconde étape, on déforme l'acier à une température inférieure à (Md), dans
un domaine déterminé de température de formation de la martensite de façon que pour
une déformation rationnelle supplémentaire de 0,1, l'augmentation du taux de martensite
formée ne dépasse pas, à tout instant, 20%.
[0010] De préférence, on déforme l'acier à une température inférieure à (Md) avec une déformation
rationnelle cumulée comprise entre 0,7 et 3, ce qui correspond à un taux de réduction
de section compris entre 50 et 95%.
[0011] Une déformation rationnelle cumulée minimale de 0,7 est nécessaire pour atteindre
ou dépasser légèrement des charges à la rupture envisagées dans les procédés de tréfilage
de l'art antérieur.
[0012] D'autre part, une déformation rationnelle cumulée ne peut dépasser 3, valeur correspondant
à un seuil maximum admissible de fragilité de l'acier déformé.
[0013] De préférence après la seconde déformation, on soumet l'acier à un traitement de
vieillissement.
[0014] Une déformation rationnelle supérieure à 1,65 correspondant à un taux de réduction
de section supérieure à 80% introduit, au sein de l'acier, une quantité de défauts
cristallographiques suffisante sous forme de dislocations pour favoriser l'accommodation,
c'est à dire le développement de plaquettes de martensite sous l'effet de la déformation
à froid. Le taux de réduction peut être largement supérieur à ce taux minimum.
[0015] L'invention concerne également un produit à très haute charge à la rupture obtenu
par déformation, à partir d'un acier austénitique instable, sous forme notamment de
fil ou de bande. Les caractéristiques du produit sont les suivantes :
- l'acier austénitique est un acier comprenant dans sa composition :
- de 0,01 à
- 0,15% de carbone
- de 13 à
- 22 % de chrome
- de 5 à
- 13 % de nickel
- de 0,2 à
- 2,5 % de manganèse
- de 0,2 à
- 3 % de silicium
- de 0,01 à
- 0,15% d'azote,
le reste étant du fer;
- l'acier comprend en outre dans sa composition de 0,5 à 2% d'aluminium;
- l'acier comprend en outre dans sa composition moins de 2% de molybdène;
- l'acier austénitique est un acier comprenant dans sa composition :
- de 0,2 à
- 1 % de carbone
- de 15 à
- 30 % de manganèse
- de 0,01 à
- 0,7% d'azote,
le reste étant du fer;
- l'acier comprend en outre moins de 5% de chrome et moins de 7% d'aluminium;
- la charge à la rupture, avant vieillissement est supérieure à 2300 MPa;
- l'acier austénitique est un acier com-prenant dans sa composition :
- de 0,1 à
- 0,6 % de carbone
- de 6 à
- 25 % de nickel
- de 0 à
- 13 % de chrome
- de 0 à
- 4 % de molybdène
- de 0 à
- 3 % de silicium;
- la charge à la rupture après vieillissement est supérieure à 2500 Mpa.
[0016] La description qui suit, ainsi que les dessins annexés, le tout donné à titre d'exemple
non limitatif, feront bien comprendre l'invention.
[0017] Sur ces dessins:
- les courbes 1A à 3A représentent dans deux opérations de laminage à tiède puis à froid
pour trois aciers pris en exemple, le taux de martensite obtenu en fonction de différentes
déformations rationnelles cumulées;
- les courbes 1B à 3B représentent les caractéristiques en traction pour les trois aciers
pris en exemple, en fonction de la déformation rationnelle cumulée, dans différentes
conditions de traitement.
[0018] Les produits à très haute charge à la rupture selon l'invention, notamment sous la
forme de fil ou de bande, sont obtenus par un effet de plasticité induite par déformation.
[0019] Les aciers écrouis à une température supérieure à la température limite (Md) de formation
de la martensite par déformation, appelés aussi écrouis "à tiède" ne présentent pas
de propriétés d'usage particulières.
[0020] Lorsque les aciers sont soumis à un écrouissage à tiède puis à un écrouissage à froid,
on observe, dans certaines conditions, une plasticité particulièrement élevée, qui
permet une transformation mécanique à froid par passes successives, par exemple avec
des taux de réduction de 25% et l'obtention de niveaux de charge à la rupture de plus
de 2300 Mpa, le produit conservant d'une passe à l'autre une ductilité acceptable.
[0021] L'effet de plasticité à froid après un écrouissage à tiède est d'autant plus important
que la charge à la rupture de l'acier écroui à tiède est élevée.
[0022] Un vieillissement des aciers soumis à un écrouissage à tiède, suivi d'un écrouissage
à froid selon le procédé peut augmenter la charge à la rupture d'environ 200 MPa et
parfois plus en fonction de la nuance d'acier utilisée.
[0023] Les conditions d'obtention des hautes charges à la rupture sont attachées d'une part
aux caractéristiques mécaniques obtenues lors de l'écrouissage à tiède, l'acier devant
avoir au moins une charge à la rupture supérieure à 1000 MPa et d'autre part aux conditions
d'écrouissage à froid, selon lesquelles l'écrouissage de l'acier est réalisé dans
un domaine de température déterminé, appelé domaine critique de température de déformation
de la martensite, de façon que pour une formation rationnelle supplémentaire de 0,1,
l'augmentation du taux de martensite formé ne dépasse pas, à tout instant, 20%.
[0024] On entend par déformation rationnelle le logarithme du rapport de la surface S de
la section après déformation sur la surface So de la section initiale (In S/So).
[0025] Il est à noter qu'en fonction de la nuance d'acier ou d'alliage austénitique instable
considérée, la vitesse de formation de la martensite, liée au domaine critique de
température de formation de la martensite et à la déformation rationnelle cumulée
comprise entre 0,7 et 3, doit être contrôlée pour l'obtention de caractéristiques
mécaniques élevées, en d'autres termes il est nécessaire de ne pas former trop rapidement
la martensite lors de l'écrouissage à froid.
[0026] Le domaine déterminé de température de formation de la martensite est, pour les aciers
pris en exemple, compris dans l'intervalle -20°C +180°C. En effet, au-delà de +180°C
il ne se forme plus de martensite en quantité appréciable alors qu'en deçà de -20°C
la formation de martensite est excessive.
[0027] Des essais de tréfilage ont été réalisés et ont permis de mettre en évidence l'effet
surprenant de la plasticité induite dans les aciers austénitiques instables, traités
selon le procédé de l'invention.
[0028] Trois exemples de réalisation mettant en évidence l'invention vont être décrits ci-après
:
[0029] Le fil de base utilisé dans ces trois exemples est un fil-machine d'environ 5,6mm
de diamètre ; le fil est écroui à tiède à 250°C en plusieurs passes jusqu'à un diamètre
d'environ 2mm, puis ce fil est tréfilé à froid à la température ambiante de 20°C afin
d'obtenir un fil d'environ 0,5mm en diamètre, les taux de réduction de section par
passe de tréfilage étant d'environ 25%. Après chaque passe de tréfilage le fil reprend
la température ambiante avant une autre passe. Le nombre de passe à tiède est d'environ
20, le nombre de passe à froid étant d'environ 10.
Exemple 1 :
[0030] L'acier utilisé pour la mise en oeuvre du procédé est un acier référencé 1, ayant
la composition pondérale suivante : 0,08% de carbone, 18,6% de chrome, 8,5% de nickel,
0,3% de manganèse, 0,5% de silicium, 0,04% d'azote.
[0031] Pendant l'écrouissage à tiède, il n'y a pas formation de martensite et la charge
à la rupture atteinte est d'environ 1500 Mpa; après le tréfilage à froid la charge
à la rupture du fil d'acier est d'environ 2500 MPa.
[0032] Un traitement de vieillissement à 400°C pendant une heure lui confère alors une charge
à la rupture d'environ 2700 MPa.
[0033] La courbe 1A représente, pour l'acier référencé 1, l'évolution du taux de martensite
en fonction de la déformation rationnelle, ce taux de martensite atteignant environ
60% après tréfilage à froid.
[0034] La courbe 1B représente l'évolution de la charge à la rupture lors de l'écrouissage
à tiède jusqu'à 1400 MPa puis l'évolution de la charge à la rupture lors du tréfilage
à froid atteignant alors 2500 MPa; un vieillissement permet d'obtenir une charge à
la rupture d'environ 2700 Mpa.
[0035] L'augmentation de la charge à la rupture est obtenue en contrôlant l'augmentation
de la formation de la martensite d'une passe de tréfilage à l'autre.
Exemple 2 :
[0036] L'acier utilisé est un acier référencé 2, ayant la composition pondérale suivante
: 0,09% de carbone, 17,3% de chrome, 8,3% de nickel, 0,9% de manganèse, 0,8% de silicium,
0,06% d'azote.
[0037] La courbe 2A illustre pour l'acier référencé 2 l'évolution du taux de martensite
en fonction de la déformation rationnelle cumulée, le taux de martensite atteint étant
de 45% environ.
[0038] La courbe 2B représente l'évolution de la charge à la rupture lors de l'écrouissage
à tiède, jusqu'à une charge à la rupture de 1600 MPa, puis l'évolution de ladite charge
à la rupture lors du tréfilage à froid, atteignant environ 2500 MPa.
[0039] Un vieillissement à 400°C pendant 1 heure améliore la valeur de la charge à la rupture
d'environ 200 MPa.
Exemple 3 :
[0040] L'acier utilisé est un acier référencé 3 et ayant la composition suivante : 0,09%
de carbone, 17,3% de chrome, 7,7% de nickel, 0,5% de manganèse, 0,8% de silicium,
0,15% d'azote, 1% d'aluminium.
[0041] La courbe 3A représente pour l'acier référencé 3 l'évolution du taux de martensite
en fonction de la déformation rationnelle, le taux de martensite pouvant atteindre
95%.
[0042] La courbe 3B représente l'évolution de la charge à la rupture lors de l'écrouissage
à tiède, jusqu'à la charge à la rupture d'environ 1600 MPa, puis l'évolution de ladite
charge à la rupture lors du tréfilage à froid, atteignant environ 2300 Mpa.
[0043] Le gain après traitement thermique à 480°C pendant 45 minutes est dans cet exemple
d'environ 300 MPa.
[0044] De telles caractéristiques sont obtenues par la formation de martensite lors du tréfilage
à froid, formation plus lente sur un produit préalablement écroui à tiède que par
un tréfilage à froid direct du fil machine.
[0045] On peut obtenir des caractéristiques encore plus élevées :
- en optimisant l'écrouissage à tiède;
- par addition dans les compositions d'éléments tels que molybdène, silicium, ... pour
durcir la martensite formée;
- par addition d'éléments tels que cuivre, aluminium, ... favorisant des précipitations
durcissantes lors du vieillissement final.
[0046] La première opération de déformation ou d'écrouissage "à tiède" peut être un tréfilage,
comme décrit dans les exemples, mais aussi un laminage, un martelage ou un forgeage,
une torsion, une flexion alternée, ou autre.
[0047] La deuxième opération de déformation à froid peut également prendre divers aspects
: tréfilage, laminage ou autre.
1. Procédé d'élaboration de produits à très haute charge à la rupture, à partir d'un
acier austénitique instable, selon lequel on soumet l'acier à une première déformation
plastique à une température supérieure à la température limite (Md) de formation de
la martensite par déformation et inférieure à la température de recristallisation,
puis on soumet cet acier à une seconde déformation à une température inférieure à
ladite température limite (Md), caractérisé en ce que lors de la seconde déformation,
on déforme l'acier dans un domaine déterminé de température de formation de la martensite
de façon que pour une déformation rationnelle supplémentaire de 0,1, l'augmentation
du taux de martensite formée ne dépasse pas, à tout instant, 20%.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'on déforme l'acier à une température
inférieure à (Md) avec une déformation rationnelle cumulée comprise entre 0,7 et 3.
3. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'après la seconde déformation,
on soumet l'acier à un traitement de vieillissement.
4. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la première déformation plastique
est assurée avec une déformation rationnelle supérieure à 1,65.
5. Procédé selon les revendications 1 et 4, caractérisé en ce qu'après la première déformation
plastique, la charge à la rupture de l'acier est supérieure à 1300 MPa.
6. Produit à très haute charge à la rupture, obtenu à partir d'un acier austénitique
instable, sous forme notamment de fil ou de bande, caractérisé en ce qu'il est élaboré
par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5.
7. Produit selon la revendication 6, caractérisé en ce que l'acier austénitique est un
acier comprenant dans sa composition :
de 0,01 à 0,15% de carbone
de 13 à 23 % de chrome
de 5 à 13 % de nickel
de 0,2 à 2,5 % de manganèse
de 0,2 à 3 % de silicium
de 0,01 à 0,15% d'azote,
le reste étant du fer.
8. Produit selon la revendication 7, caractérisé en ce que l'acier comprend en outre
dans sa composition de 0,5 à 2% d'aluminium.
9. Produit selon la revendication 7, caractérisé en ce que l'acier comprend en outre
dans sa composition moins de 2% de molybdène.
10. Produit selon la revendication 6, caractérisé en ce que l'acier austénitique est un
acier comprenant dans sa composition :
de 0,2 à 1 % de carbone
de 15 à 30 % de manganèse
de 0,01 à 0,7% d'azote
le reste étant du fer.
11. Produit selon la revendication 10, caractérisé en ce que l'acier comprend en outre
moins de 5% de chrome et moins de 7% d'aluminium.
12. Produit selon la revendication 6, caractérisé en ce que l'acier austénitique est un
acier comprenant en sa composition :
de 0,1 à 0,6% de carbone
de 6 à 25 % de nickel
de 0 à 13 % de chrome
de 0 à 4 % de molybdène
de 0 à 3 % de silicium,
le reste étant du fer.
13. Produit selon l'une quelconque des revendications 6 à 12, caractérisé en ce que la
charge à la rupture, avant vieillissement, est supérieure à 2300 MPa.
14. Produit selon l'une quelconque des revendications 6 à 13, caractérisé en ce que la
charge à la rupture après vieillissement est supérieure à 2500 MPa.