[0001] L'invention concerne les tôles en acier à usage électrique, utilisées notamment pour
la construction de transformateurs, de moteurs et d'alternateurs. Les produits habituellement
élaborés pour ces usages sont traditionnellement divisés en trois catégories.
[0002] Les tôles "Fully Process" à grains orientés ont la particularité de contenir des
teneurs élevées en silicium (de l'ordre de 3 %), et d'avoir une orientation de leur
texture très marquée du type (110)<001>, la direction 100 étant orientée selon la
direction de laminage. C'est également selon cette direction que le champ magnétique
ambiant est appliqué. Le silicium augmente la résistivité de la tôle et limite ainsi
les pertes par courants de Foucault. Ces tôles sont appliquées notamment à la fabrication
de transformateurs de puissance. Les tôles "Fully Process" à grains non orientés contiennent
du silicium dans des proportions qui peuvent être plus faibles que pour les précédentes
(0,5 à 3,2 %), et également 0,3 à 0,5 % d'aluminium. Ce dernier élément a le même
rôle que le silicium dans la limitation des pertes par courants de Foucault, et sa
substitution partielle au silicium permet de ne pas trop augmenter la fragilité du
métal. Comme ces tôles sont destinées à des machines tournantes (moteurs, alternateurs)
de puissance moyenne ou forte, il n'est pas souhaitable qu'elles présentent une texture
directionnelle. On peut leur appliquer une isolation superficielle par vernissage.
[0003] Ces deux catégories de tôles sont utilisables par les clients directement dans l'état
de livraison du producteur, sans qu'un traitement thermique ultérieur soit nécessaire
pour obtenir les propriétés magnétiques visées. Ce n'est pas le cas des tôles dites
"Semi Process", utilisées dans des appareils de faible à moyenne puissance : moteurs
d'appareils électroménagers petits et moyens, transformateurs, alternateurs d'automobiles,
etc... Ces aciers contiennent 0,030 à 0,050 % de carbone, 0,2 à 0,7 % de manganèse,
0,020 à 0,0160 % de phosphore et éventuellement jusqu'à 1,2 % de silicium. Ils subissent
un laminage à chaud et à froid, puis un recuit continu suivi d'un passage au skin
pass pour écrouir le métal par une déformation de 4 à 10 % afin d'augmenter leur limite
d'élasticité. C'est sous cette forme que les tôles sont expédiées au client. Mais
à ce stade, leurs propriétés magnétiques sont médiocres, car elles ont été dégradées
par l'écrouissage. Cet écrouissage est cependant nécessaire pour que le métal puisse
être aisément découpé par le client. Celui-ci doit ensuite imposer au produit un traitement
thermique (recuit à 800°C environ) visant à le décarburer jusqu'à une teneur en carbone
inférieure à 0,005 %, à augmenter sa taille de grain (opération facilitée par l'écrouissage
qui a été réalisé par le skin pass), et éventuellement à l'isoler, ce qui peut être
fait par une oxydation superficielle.
[0004] Ce mode opératoire oblige à multiplier les étapes du traitement, ce qui est long
et coûteux. De plus les dernières étapes doivent être conduites sur des produits découpés,
ce qui entraîne une productivité de l'installation moindre que si elles étaient effectuées
par le producteur au cours du cycle de fabrication de la tôle.
[0005] On a déjà proposé (voir les documents US 3867211 et FR 1437673) de raccourcir ce
traitement en obtenant directement la très basse teneur en carbone désirée au sein
du métal encore liquide, par décarburation sous vide de celui-ci. Le recuit n'a donc
plus besoin d'être un recuit décarburant, et peut être conduit en atmosphère neutre
ou réductrice. Subsiste cependant le problème de la découpabilité des produits obtenus,
qui doit être optmisée pour satisfaire les exigences de l'utilisateur final.
[0006] Le but de l'invention est de proposer des tôles pour appareils électriques de puissance
faible à moyenne présentant une excellente découpabilité, et fabriquée selon une filière
courte et économique.
[0007] A cet effet, l'invention a pour objet une tôle en acier à usage électrique du type
comportant moins de 0,005 % en poids de carbone, 0,1 à 0,7 % en poids de manganèse
et au moins 0,2 % en poids de silicium, caractérisée en ce qu'elle est fabriquée comme
suit :
- on élabore, coule et lamine sous forme de tôle un acier dont la teneur en carbone
est inférieure à 0,005 % en poids, et dont la somme des teneurs en phosphore et en
silicium est comprise entre 0,420 et 0,570 % en poids ;
- puis on fait subir auxdites tôles un traitement de recuit continu sous atmosphère
neutre à une température prise dans la gamme 800 à 900°C environ et de manière à rester
en dessous du point du point de transformation α→γ de la nuance d'acier traité. Comme
on l'aura compris, le procédé consiste d'une part à obtenir directement à l'aciérie
la teneur en carbone finale désirée pour la tôle, et d'autre part à faire subir à
celle-ci, après son laminage à froid, un recuit permettant de lui donner des propriétés
magnétiques satisfaisantes, sans que des traitements thermomécaniques ultérieurs soient
forcément nécessaires, et enfin à donner au produit une composition telle que ses
propriétés mécaniques le rendent aisément découpable.
[0008] L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description qui suit.
[0009] L'évolution des techniques d'aciérie a rendu possible, ces dernières années, l'obtention
de teneurs en carbone extrêmement basses dans l'acier liquide, y compris en production
de masse sur des installations pouvant traiter simultanément plus de 300 t de métal.
Les différents types de filières d'élaboration permettant de garantir des teneurs
inférieures à 0,005 %, voire même souvent inférieures à 0,003 %, et de conserver ces
teneurs jusqu'à la solidification du métal, sont détaillées dans l'article "Elaboration
d'aciers à ultra-basses teneurs en carbone et en azote " (Revue de Métallurgie-CIT,
janvier 1990 pp. 63-77 et février 1990 pp. 145-155). Ces filières nécessitent l'usage
d'un appareil permettant de dégazer l'acier liquide sous vide, de préférence un réacteur
de type RH ou DH.
[0010] Selon l'invention, on utilise une telle filière pour élaborer et couler sous forme
de lingots ou de brames un acier dont la teneur en carbone ne dépasse pas 0,005 %.
Sa teneur en silicium est supérieure à 0,2 %. Il faut qu'elle soit inférieure à 0,6
% pour éviter une oxydation superficielle du produit qui détériorerait les outils
de laminage. Sa teneur en manganèse est comprise entre 0,1 et 0,7 %. De préférence,
cet acier est exempt d'aluminium pour que l'azote ne soit pas piégé sous forme de
nitrures et participe au durcissement.
[0011] Il faut également donner à cet acier une teneur en phosphore qui lui procure un excellent
comportement lors de sa découpe. Les inventeurs ont déterminé qu'une condition à respecter
pour obtenir un tel comportement était de respecter la condition suivante : la somme
des teneurs en silicium et en phosphore doit être comprise entre à 0,420 et 0,560
%. Dans ces limites, on obtient pour la tôle après traitement thermique un rapport
entre la lmite élastique Re et la résistance à la traction Rm d'une valeur égale à
au moins 0,71, ce qui est très favorable à une bonne déocupabilité du matériau. Toutes
ces valeurs sont exprimées en pourcentages pondéraux.
[0012] En procédant ainsi, on obtient donc directement un demi-produit dont la composition,
en particulier la teneur en carbone, est semblable à celle du produit final désiré,
sans qu'il soit ultérieurement nécessaire de pratiquer un recuit décarburant sur les
pièces découpées.
[0013] Une fois obtenues les brames, celles-ci subissent un schéma de laminage identique
à ceux habituellement pratiqués, de manière à obtenir des tôles dont l'épaisseur est
généralement de 0,5 à 1 mm. Les épaisseurs 0,5 et 0,65 mm sont les plus courantes.
Ces tôles subissent ensuite une opération de recuit continu, de préférence sur une
ligne à brins verticaux pour tôles minces, qui différe de l'opération habituellement
pratiqué après le skin-pass sur les points suivants :
- la phase de maintien s'effectue sous une atmosphère neutre et à une température de
800 à 900°C pendant 30 s à 1 min (pour une épaisseur de tôle de 0,5 à 1 mm), contre
une atmosphère décarburante et une température de 800°C environ ;
- la phase de survieillissement à 350-450°C, qui a normalement pour but de précipiter
le carbone, est désormais facultative puisque la teneur résiduelle en carbone est
très faible (de l'ordre de 10 fois moindre que la teneur habituelle).
[0014] Dans la production conventionnelle de tôles semi-process, le choix de températures
de recuit habituelles de 700 à 750°C pour l'opération de recuit précédant le skin-pass
est guidé par l'obtention de la recristallisation après laminage à froid. Pour les
tôles selon l'invention, le recuit est réalisé dans des conditions permettant la croissance
de grains recristallisés. Une température élevée est donc souhaitable mais elle ne
doit cependant pas faire dépasser à la tôle le point de transformation α→γ typique
de la nuance traitée. La structure de la tôle doit donc demeurer entièrement ferritique.
Pour les nuances les plus courantes, une température de 850°C est bien adaptée, mais
les nuances les plus décarburées et les plus chargées en silicium et en phosphore
peuvent supporter des températures de 900°C sans subir d'austénitisation. Quant à
la durée du traitement lors de ce recuit, elle doit simplement être suffisante pour
que le grossissement du grain affecte l'ensemble du produit, et est donc fonction
de l'épaisseur de la tôle. Pour les épaisseurs classiques de 0,5 à 1 mm, un recuit
d'une durée de 30 s à 1 min est bien adapté.
[0015] Traditionnellement, les tôles semi-process dans leur état final sont classées selon
le niveau de leurs performances magnétiques en deux catégories définies par les normes
AFNOR NFC 28295 (pour les tôles sans silicium) et NFC 28926 (pour les tôles alliées
au silicium). A cette dernière correspondent les performances les meilleures du point
de vue des pertes totales spécifiques. L'appartenance d'une tôle semi-process à l'une
ou l'autre de ces catégories dépend notamment de sa composition : les tôles les plus
chargées en éléments d'alliage (notamment en silicium qui permet de réduire les pertes
par courants de Foucault) se retrouvent généralement dans la 2ème catégorie. En revanche
la perméabilité magnétique diminue quand on passe des aciers non alliés aux aciers
alliés, ce qui peut constituer un inconvénient.
[0016] A titre d'exemple, on peut dire que des tôles selon l'invention, de composition (en
% pondéraux) C<0,005 %, Mn= 0,3-045 %, Si = 0,2-0,38 %, P = 0,15-0,19 %, Al<0,005
%, S<0,015 %, N<0,009 %, d'épaisseur 0,50 mm, ont des pertes totales spécifiques maximales
de l'ordre de 7W/kg à 1,5 T. Les tôles fabriquées selon l'invention ont donc à l'état
brut des performances magnétiques intermédiaires entre celles des tôles classiques
de la catégorie non alliée appelées FeV 890-50HD et FeV 660-50HD qui ont respectivement
des pertes totales spécifiques maximales de 8,9 et 6,6 W/kg à 1,5 T. Ces tôles ont
donc utilisables directement par les clients pour un grand nombre d'applications,
de manière analogue aux tôles "Fully Process". Si le client juge les performances
du produit encore insuffisantes pour les applications qu'il envisage, il a également
la possibilité de réaliser un traitement thermique d'amélioration sur la tôle qui
aura été préalablement légèrement écrouie afin de ne pas trop dégrader les propriétés
magnétiques. Les tôles ainsi traitées se retrouvent alors avec des performances au
moins égales aux tôles classiques FeV-50HE de la catégorie des aciers alliés du point
de vue des pertes totales spécifiques (c'est-à-dire égales ou inférieures à 4,5 W/kg
à 1,5 T pour une épaisseur de 0,50 mm), et offrent même une meilleure perméabilité
magnétique que celles-ci, et ce pour des teneurs en silicium moindres.
[0017] Du point de vue de la découpabilité, ces tôles ont un rapport Re/Rm d'au moins 0,71.
Une teneur en silicum de 0,32 % accompagnée par une teneur en phosphore de 0,18 %
procure, de ce point de vue, d'excellents résultats, à savoir un rapport Re/Rm de
0,76.
[0018] Les tôles décrites permettent d'abaisser les coûts de production des tôles à usage
électrique pour appareils de faible à moyenne puissance en raccourcissant leur filière
de fabrication, et en diminuant la quantité d'éléments d'alliage à introduire dans
le métal liquide, à performances au moins égales pour le produit final. En outre elles
présentent un excellent comportement lors de leur découpe, et sont donc faciles à
mettre en oeuvre par leur utilisation final.
1) Tôle en acier à usage électrique du type comportant moins de 0,005 % en poids de
carbone, 0,1 à 0,7 % en poids de manganèse et au moins 0,2 % en poids de silicium,
caractérisée en ce qu'elles sont fabriquées comme suit :
- on élabore, coule et lamine sous forme de tôle un acier dont la teneur en carbone
est inférieure à 0,005 % en poids, et dont la somme des teneurs en phosphore et en
silicium est comprise entre 0,420 et 0,570 % en poids ;
- puis on fait subir à ladite tôle un traitement de recuit continu sous atmosphère
neutre à une température prise dans la gamme 800 à 900°C environ, et de manière à
rester en dessous du point de transformation α→γ de la nuance d'acier traitée.
2) Tôle selon la revendication 1, caractérisée en ce que ladite tôle comporte de 0,27
à 0,38 % en poids de silicium et à 0,15 à 0,19 % en poids de phosphore.