[0001] La présente invention concerne une nouvelle composition explosive et ses procédés
de préparation.
[0002] De façon plus précise, elle concerne une composition explosive ayant de bonnes performances
explosives tout en présentant un niveau de sécurité très élevé.
[0003] Parmi les explosifs utilisés actuellement, on connaît des explosifs tels que le triaminotrinitrobenzène
(TATB) qui sont très peu sensibles aux chocs, donc présentent une bonne sécurité mais
manquent de puissance, et des explosifs tels que l'octogène, l'hexogène, la pentrite
et l'hexanitrostilbène (HNS) qui sont très puissants mais beaucoup plus sensibles
aux chocs et aux agressions.
[0004] Aussi, de nombreuses recherches ont été effectuées pour mettre au point de nouveaux
explosifs dont la sensibilité au choc se rapproche de celle du TATB et ayant des performances
explosives plus élevées et une stabilité dimensionnelle meilleure que celle du TATB.
[0005] La présente invention a précisément pour objet une composition explosive présentant
ces caractéristiques avantageuses et de bonnes propriétés mécaniques, qui comprend
:
- 40 à 60% en poids d'un premier explosif constitué par le triamino trinitrobenzène
(TATB),
- 35 à 58°% en poids d'au moins un second explosif choisi parmi la cyclotétraméthylène
tétranitramine (octogène), la cyclotriméthylènetrinitramine (hexogène), le tétranitrate
de pentaérythrite (pentrite) et l'hexanitrostilbène (HNS), et
- 2 à 5% en poids d'un liant thermoplastique appartenant au groupe des polyéthers phénoliques
ayant une température de transition vitreuse de 70°C à 120°C et un coefficient de
dilatation au plus égal à 6.10⁻⁵°C⁻¹
[0006] Dans cette composition explosive, le choix d'un liant thermoplastique du type polyéther
phénolique associé à du TATB et à un second explosif permet d'obtenir des performances
explosives sensiblement égales à celles du second explosif, tout en ayant un niveau
de sécurité élevé comparable à celui du TATB ainsi que des propriétés mécaniques,
en particulier une résistance à la traction, équivalentes à celle du TATB seul et
une stabilité dimensionnelle supérieure à celle du TATB seul.
[0007] Selon l'invention, on peut utiliser n'importe quel type de polyéther phénolique du
moment qu'il présente une température de transition vitreuse de 70°C à 120°C et un
coefficient de dilatation au plus égal à 6.10⁻⁵°C⁻¹.
[0008] En effet, ces deux paramètres sont importants car ils permettent de minimiser la
dilatation anisotropique du TATB.
[0009] A titre d'exemple, on peut utiliser un polyéther phénolique dérivé du bis-phénol
A, comportant de préférence des groupes hydroxyle comme le poly-2,2 bis (p-oxy, p′-hydroxy-2
propoxy)phényl)propane (PKHJ) de formule :

dans laquelle n est un nombre entier de 82 à 123.
[0010] Selon l'invention, le second explosif qui est responsable des bonnes performances
explosives est un explosif puissant choisi parmi l'octogène, l'hexogène, la pentrite
et l'hexanitrostilbène. On utilise de préférence l'octogène.
[0011] Selon l'invention, la composition explosive peut comprendre de plus 0,01 à 0,05%
en poids d'au moins un colorant soluble dans le polymère et compatible avec les explosifs
utilisés.
[0012] Selon un mode préféré de réalisation de l'invention, la composition explosive comprend
:
- 50 à 55% en poids de TATB,
- 42 à 47% en poids d'octogène,
- 2,5 à 4% en poids de poly-2,2 bis ((p-oxy, p′-hydroxy-2 propoxy)phényl)propane.
[0013] Selon une variante de réalisation de cette composition, celle-ci peut éventuellement
comprendre 0,01 à 0,03% en poids de colorant.
[0014] La composition explosive de l'invention peut être mise sous la forme voulue par des
procédés classiques.
[0015] Généralement, on prépare tout d'abord des grains d'explosif enrobés du liant thermoplastique
que l'on agglomère ensuite par pressage à chaud en mettant à profit le ramollissement
du liant thermoplastique sous l'effet de la chaleur. On obtient ainsi, après moulage
et refroidissement, une ébauche qui peut être mise aux cotes voulues par usinage.
[0016] Aussi, l'invention a également pour objet un procédé de préparation d'une poudre
de la composition explosive décrite ci-dessus, qui consiste :
a) à dissoudre le liant thermoplastique dans un solvant organique non miscible à l'eau,
b) à mettre en suspension dans une solution aqueuse le premier et le second explosifs,
c) à introduire la solution de liant dans la suspension aqueuse d'explosifs,
d) à éliminer les solvants par évaporation, et
e) à filtrer, laver, essorer et sécher la poudre ainsi obtenue.
[0017] On peut ensuite mouler la poudre à chaud et sous pression par exemple à une température
de 120 à 140°C, et sous une pression de 180 à 220MPa pour obtenir une ébauche que
l'on soumet éventuellement ensuite à un traitement thermique, généralement à une température
inférieure de 10°C à la température de transition vitreuse du liant, soit à une température
de 60 à 110°C, pendant 24 à 72h, avant de procéder à l'usinage final. Ce traitement
thermique a pour but de stabiliser le gonflement du TATB dans l'ébauche obtenue.
[0018] Pour la préparation de la solution de liant, on peut utiliser différents solvants
organiques ou mélange de solvants organiques avec éventuellement de l'eau.
[0019] A titre d'exemple de solvants organiques utilisables, on peut citer la méthyléthylcétone.
[0020] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture
de la description qui suit d'un exemple de réalisation d'une composition explosive
conforme à l'invention, donné bien entendu à titre illustratif et non limitatif.
[0021] L'exemple qui suit se réfère à la réalisation d'un explosif comprenant :
- 55°% en poids de TATB,
- 42% en poids d'octogène,
- 3% en poids de PKHJ.
I. Préparation de l'explosif.
[0022] Les matières de base utilisées dans cet exemple présentent les caractéristiques suivantes
:
1) TATB de formule :
[0023]
- granulométrie : 0 à 80µm
- densité théorique : 1,938
2) Octogène de formule :
[0024]
- granulométrie : 0 à 100µm
- densité théorique : 1,905
3) PKHJ : poly-2,2 bis (p-oxy, p′-hydroxy-2 propoxy) phényl propane
[0025]
- densité : 1,18
- domaine de température de transition vitreuse : 90 à 110°C
- coefficient de dilatation : 5,8.10⁻⁵°C⁻¹.
[0026] A partir de ces matériaux de base, on prépare 60kg de poudre d'explosif à mouler
en opérant de la façon suivante.
a) Préparation de la solution de liant.
[0027] Dans un réacteur on prépare une solution de 1800g de PKHJ dans 25 litres d'un mélange
de méthyléthylcétone et acétate de n-butyle.
b) Préparation de la poudre à mouler.
[0028] Dans un réacteur de 500 litres contenant en suspension dans l'eau 33kg de TATB et
25,2kg d'octogène, on introduit progressivement la solution de liant précédente.
[0029] Tout en maintenant l'agitation, et après granulation du produit, on élimine les solvants
par distillation sous pression réduite.
[0030] Après filtration, lavage à l'eau et essorage, on sèche le produit jusqu'à poids constant.
On obtient ainsi la poudre d'explosif à mouler.
[0031] On peut préparer ensuite par moulage des ébauches en soumettant la poudre à mouler
dégazée, en moulage uniaxial ou isostatique, à une pression de 1800 bars à 135°C.
[0032] Pour améliorer la stabilité dimensionnelle, l'ébauche ainsi obtenue peut être soumise
à un traitement thermique entre 80 et 100°C pendant une vingtaine d'heures.
[0033] On obtient ainsi des pièces ayant une densité voisine de 1,848 à 1,850.
II. Caractéristiques de l'explosif.
[0034] On détermine maintenant les caractéristiques de l'explosif ainsi obtenu.
[0035] On effectue différents essais pour tester la sécurité de l'explosif.
a) Sensibilité au choc de la poudre.
[0036] La sensibilité au choc de la poudre d'explosif est déterminée à l'aide d'un mouton
pendulaire sur 30mg de poudre déposée dans une coupelle.
[0037] Dans cet essai, on détermine la hauteur qui correspond à 50% de réaction. Celle-ci
est de 0,45m (niveau de réaction très faible) alors qu'elle est de 0,15m pour l'octogène
qui sert de témoin.
b) Sensibilité à la friction.
[0038] Cette mesure est effectuée sur la poudre d'explosif au moyen de l'appareil Julius
Peters. Avec cet appareil au maximum de ses possibilités (36kgf), on n'observe aucune
réaction comme dans le cas du TATB seul.
[0039] Dans le cas de l'octogène seul, le coefficient de sensibilité à la friction est de
14,8kgf et le seuil de sensibilité à la friction de 12,8kgf.
[0040] L'explosif de l'invention est donc beaucoup moins sensible que l'octogène.
c) Température de déflagration.
[0041] Cette température est déterminée en plongeant un échantillon de 20mg en conteneur
d'acier inoxydable dans un bain dont la température est élevée de 3 à 5°C/min, cette
température est de 270±5°C.
d) Stabilité à l'épreuve de chauffage sous vide.
[0042] Dans cet essai, on détermine le volume dégagé pour 100g de poudre après 70h de chauffage
à 120 ou 140°C sous vide. Ce volume de gaz est inférieur à 12ml dans les conditions
normales de température et de pression. On obtient ainsi une valeur identique à celle
que l'on obtient avec le TATB seul et l'octogène seul mais dans ce dernier cas seulement
à la température de 120°C.
e) Sensibilité au choc.
[0043] Cet essai est effectué sur des pastilles d'explosif ayant un diamètre de 10mm et
une hauteur de 4mm, découpées dans un bloc qui a été moulé sous pression isostatique.
[0044] Dans le cas de pastilles nues, des réactions partielles sont enregistrées pour des
hauteurs de chute du marteau de 11kg à partir de 2m. Il est toutefois à noter que
le niveau de réaction rencontré est toujours relativement faible et varie progressivement
en fonction de la sollicitation à laquelle est soumise la pastille.
[0045] On réalise le même essai de sensibilité au choc sur des pastilles de mêmes dimensions
confinées dans des cylindres en acier.
[0046] Dans ce cas, des réactions faibles et très partielles sont enregistrées pour des
hauteurs de chute du marteau de 11kg supérieures à 1,50m.
[0047] Dans les mêmes conditions d'essai, l'octogène donne des réactions violentes et totales
pour une hauteur de chute voisine de 0,75m.
f) Test de sensibilité au choc avec glissement "Pantex".
[0048] Ces essais ont été faits avec un angle d'incidence de 14°.
[0049] Dans ces essais on détermine la hauteur pour laquelle on a 50% de réaction, cette
hauteur est de 2,5m. Il faut cependant noter que les niveaux de réaction sont très
faibles : petites bouffées de fumée, pas de flamme ou de lumière visible, la charge
restant entière ou se brisant en gros morceaux. Des essais complémentaires pour lesquels
l'explosif avait été porté à -20°C ou +60°C montrent que la hauteur H
0,5 et la violence de la réaction sont semblables à celles enregistrées à l'ambiante.
[0050] L'explosif de l'invention a donc une bonne résistance au choc.
g) Vitesse de détonation.
[0051] Cette vitesse, mesurée sur éprouvettes de 50mm de diamètre, est égale à 8212m.s⁻¹
pour une densité de 1,848.
h) Propriétés mécaniques.
Essai en traction.
[0052] Ces essais ont été réalisés sur des éprouvettes haltères de section 10x10mm usinées
dans des blocs réalisés par moulage isostatique, à une vitesse de déformation constante
égale à 10⁻³/min. Les mesures sont effectuées sur une machine SCHENCK RME 50 munie
de son asservissement.
[0053] Les valeurs moyennes obtenues sont données dans le tableau 1 suivant pour trois températures
d'essais.
[0054] Ainsi, la contrainte de traction dans le domaine allant de -20°C à +70°C est de 8,2
à 8,6MPa dans le cas de l'explosif de l'invention, soit une contrainte de traction
voisine de celle de la composition au TATB seul (9MPa), alors que la contrainte de
traction d'une composition à l'octogène seul est seulement de 1MPa.
[0055] Ainsi, on obtient avec l'explosif de l'invention des contraintes de traction sensiblement
égales à celles que l'on obtient dans le cas du TATB bien que l'explosif comprenne
plus de 40% d'octogène qui présente une contrainte de traction nettement inférieure.
Ce résultat est dû à la présence simultanée du liant et du TATB qui supprime l'effet
pénalisant de l'octogène.
Essai en compression.
[0056] Ces essais sont effectués sur des cylindres d'un diamètre de 10mm et d'une hauteur
de 20mm usinés dans des blocs réalisés par moulage isostatique. Les mesures ont été
faites sur machine Schenck RM 50 munie de son asservissement, les essais ayant eu
lieu à une vitesse de déformation constante de 10⁻²/min et les mesures étant réalisées
directement sur l'éprouvette grâce à un extensomètre.
[0057] Les valeurs moyennes obtenues à trois températures d'essai sont données dans le tableau
2 qui suit.

1. Composition explosive comprenant :
- 40 à 60% en poids d'un premier explosif constitue par le triamino trinitrobenzène
(TATB),
- 35 à 58% en poids d'au moins un second explosif choisi parmi la cyclotétraméthylène
tétranitramine (octogène), la cyclotriméthylènetrinitramine (hexogène), le tétranitrate
de pentaérythrite (pentrite) et l'hexanitrostilbène (HNS), et
- 2 à 5% en poids d'un liant thermoplastique appartenant au groupe des polyéthers
phénoliques ayant une température de transition vitreuse de 70°C à 120°C et un coefficient
de dilatation au plus égal à 6.10⁻⁵°C⁻¹.
2. Composition selon la revendication 1, caractérisée en ce que le liant thermoplastique
est un polyéther phénolique dérivé du bis-phénol A.
3. Composition selon la revendication 2, caractérisée en ce que le liant thermoplastique
est le poly-2,2 bis ((p-oxy, p′-hydroxy-2 propoxy)phényl)propane répondant à la formule
:

dans laquelle n est un nombre entier de 82 à 123.
4. Composition selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisée en ce que
le second explosif est l'octogène.
5. Composition selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu'elle
comprend en outre 0,01 à 0,05% en poids d'au moins un colorant soluble dans le liant
et chimiquement compatible avec les explosifs utilisés.
6. Composition explosive selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'elle comprend
:
- 50 à 55% en poids de TATB,
- 42 à 47% en poids d'octogène,
- 2,5 à 4% en poids de poly-2,2 bis ((p-oxy, p′-hydroxy-2 propoxy)phényl)propane.
7. Composition explosive selon la revendication 6, caractérisée en ce qu'elle comprend
en outre 0,01 à 0,03% en poids de colorant.
8. Procedé de préparation d'une poudre de la composition explosive selon l'une quelconque
des revendications 1 à 7 consistant
a) à dissoudre le liant thermoplastique dans un solvant organique non miscible à l'eau,
b) à mettre en suspension dans une solution aqueuse le premier et le second explosifs,
c)à introduire la solution de liant dans la suspension aqueuse d'explosifs,
d) à éliminer les solvants par évaporation, et
e) à filtrer, laver, essorer et sécher la poudre ainsi obtenue.
9. Procédé de préparation d'une pièce en explosif selon l'une quelconque des revendications
1 à 7, caractérisé en ce qu'il consiste à préparer une poudre d'explosif par le procédé
de la revendication 8, à former une pièce à partir de cette poudre par compression
à chaud, et à soumettre éventuellement ensuite la pièce à un traitement thermique
de stabilisation effectué à une température inférieure de 10°C à la température de
transition vitreuse du liant thermoplastique, pendant une durée de 24 à 72h.