[0001] La présente invention concerne un procédé de décapage-décalaminage de matériaux en
acier inoxydable et/ou en acier allié, et notamment de surdécapage permettant l'élimination
d'une couche d'oxydation interne située en surface des matériaux, sous la calamine.
[0002] Il est connu, dans le domaine de la métallurgie, qu'au cours de l'élaboration et
de la transformation des métaux et alliages métalliques, ceux-ci se recouvrent d'une
couche de calamine. La formation des calamines est principalement liée à l'existence
de l'oxygène sous l'atmosphère naturelle ambiante.
[0003] Sous les calamines, il se forme parfois une couche dite "d'oxydation interne". La
couche d'oxydation interne est formée lorsque la solubilité de l'oxygène est très
faible, c'est-à-dire environ 100 ppm, sous une pression partielle faible particulièrement
en dessous de la calamine, à la surface des métaux ou alliages métalliques.
[0004] Dans la pratique, l'oxydation interne par exemple des aciers se traduit par la formation
d'oxydes des éléments résiduels ou d'addition, plus oxydables que le fer tels que
l'aluminium et/ou le silicium, ces éléments entrant dans la formation de composés
tel que l'aluminate de fer, (FeAl₂O₄), la formation de ces composés étant nuisible
à la bonne tenue en service des matériaux.
[0005] Par ailleurs, l'oxydation du matériau avant décapage, par suite de l'altération plus
ou moins importante du métal ou de l'alliage métallique sous-jacent génère une déchromisation
en surface entraînant par la suite une modification, en composition, du métal sain.
[0006] Les procédés de décapage et/ou de décalaminage permettent d'éliminer les couches
de calamines mais n'ont pas toujours les propriétés spécifiques pour éliminer les
couches affectées par une oxydation interne.
[0007] Dans un procédé bien connu, de décapage des aciers inoxydables, on plonge les produits,
préalablement décapés, dans des bains de surdécapage composés d'acide nitrique et
d'acide fluorhydrique dans une proportion de 60 à 160 g/l de HNO₃ et de 10 à 50 g/l
de HF, le bain de surdécapage étant utilisé à une température supérieure à 40° C.
[0008] Un tel procédé permet, dans une utilisation à une température supérieure à 60° C,
le décapage de la couche affectée par l'oxydation interne.
[0009] Ce procédé a l'inconvénient, d'une part, de conduire à un dégagement intense de vapeur
d'oxyde ou de dioxyde d'azote particulièrement toxiques et, d'autre part, de générer
des rejets de composés nitrés, dont certains sont particulièrement toxiques.
[0010] FR-A-2 5887 369 décrit par ailleurs un procédé de décapage de produits en acier inoxydable
dans lequel on utilise un bain de décapage composé essentiellement d'un bain d'acide
fluorhydrique et d'eau, en une concentration inférieure à 50 g/l dans lequel on dissout
du fer en fer ferrique et fer ferreux et l'on maintient la teneur en fer ferrique
à au moins 15 g/l par oxydation du bain.
[0011] Dans ce procédé, l'agent actif de décapage est l'ion ferrique Fe³⁺, la solution acide
contenant des ions H⁺ étant essentiellement un vecteur permettant un maintien en proportion
des ions Fe²⁺ et Fe³⁺ sous forme de complexes, par un contrôle du potentiel d'oxydoréduction
dudit bain de décapage.
[0012] Ce procédé a l'inconvénient, lorsque la surface du produit est sensible à la formation
d'une couche d'oxydation interne, par exemple lors d'un recuit de longue durée, de
ne pas éliminer cette couche.
[0013] L'invention a pour objet un procédé de décapage de matériaux métalliqus tels que
les aciers inoxydables et aciers alliés permettant outre un décapage des calamines,
un surdécapage contrôlé d'une couche d'oxydation interne.
[0014] Le procédé selon l'invention se caractérise en ce que l'on traite le matériau par
un bain contenant :
- un acide choisi parmi un acide halogéné, l'acide sulfurique, l'acide phosphorique,
l'acide formique et l'acide acétique,
- des ions ferriques en une concentration d'au moins 20 g/l,
et l'on règle les conditions réactionnelles de façon à avoir de façon concomittante
une réduction de fer ferrique en fer ferreux et une réaction de dissolution des éléments
métalliques de la matrice du matériau, en maintenant le potentiel d'oxydoréduction
du bain à une valeur de 100 à 350 mV par rapport à Ag/AgCl et la concentration en
acide de façon que la quantité d'hydrogène dégagé soit de 0,1 à 5 ml/cm² de matériau
(mesuré dans les conditions normales).
[0015] Ainsi, dans le procédé selon l'invention, on contrôle pendant l'opération de décapage-décalaminage
deux réactions chimiques concomitantes pour le surdécapage de la matrice du produit
constituant la couche d'oxydation interne, ces deux réactions étant :
- une réaction de réduction du fer ferrique en fer ferreux :

- une réaction de dissolution des éléments métalliques M de la matrice du matériau :

[0016] Le maintien de la valeur désirée du poten-tiel d'oxydoréduction peut être obtenu
par l'introduction ou la formation in situ dans le bain d'un gaz oxydant choisi parmi
l'air, l'ozone, l'oxygène ou par l'addition dans le bain de composés choisis parmi
le peroxyde d'hydrogène, les persels, les peracides minéraux et organiques, ou toute
autre source d'oxygène.
[0017] Dans le cas de l'utilisation d'un gaz oxydant, son volume est généralement compris
entre 1 et 10 l/m² de matériau.
[0018] Dans le cas de l'utilisation de peroxyde d'hydrogène à 200 volumes, son volume est
généralement compris entre 10 et 100 g/m² de surface de matériau.
[0019] La concentration en acide du bain est généralement d'au moins 5 % en poids. Lorsqu'on
utilise l'acide fluorhydrique (d = 1,25 à 70 %) sa concentration est avantageusement
de 40 à 150 g/l.
[0020] La concentration du fer ferrique (qui se trouve à l'état complexé) est généralement
de 20 à 100 g/l.
[0021] Les quantités d'hydrogène dégagée sont exprimées dans les conditions normales, p
: 10⁵ pa, T = 20° C.
[0022] La température du bain est avantageusement de 40 à 80° C.
[0023] La description détaillée qui suit fera mieux comprendre la présente invention. On
se référera au dessin annexé dans lequel la Fig. unique représente l'image en coupe
d'une couche d'oxyde sur laquelle sont matérialisés les différents composés de constitution.
[0024] A la suite d'études portant sur le décapage de produits métalliques, il a été mis
en évidence, d'une part, l'existence, en surface de certains aciers, d'une couche
d'oxydation interne affectant dans le temps la qualité en surface de l'acier décapé
et, d'autre part, le fait que cette couche d'oxydation interne avait un comportement
propre vis-à-vis des bains de décapage-décalaminage.
[0025] Sur la Fig. unique est représentée en coupe une couche d'oxyde. Les différents composés
de constitution qui y sont présents mettent en évidence l'influence de l'oxygène et
de sa pression partielle sur la forme chimique desdits composés. En analysant les
différentes couches sur le métal sain 1, on distingue depuis la surface la présence
d'une couche 2 de Fe₂O₃, d'une couche 3 de Fe₃O₄, d'une couche 4 de FeO. Sous cet
en-semble formant la couche d'oxyde, appelée aussi calamine, il apparaît parfois une
couche dite d'oxydation interne qui a une composition proche de celle du métal sain,
mais qui s'enrichit en composés oxydés inclusionnaires.
[0026] Du fait qu'il y a substitution chrome-fer, il se forme plus précisément en surface,
dans la calamine, des oxydes du type (Fe, Cr)₂O₃; (Fe, Cr)₃O₄; (Fe, Cr)O. La diffusion
du chrome créée en surface et au contact de la couche 6 d'oxydation interne une couche
5 dite "déchromée".
[0027] L'appauvrissement en éléments de cette couche d'oxydation interne libère des éléments
de constitution tel que le silicium et l'aluminium, très sensible à l'oxygène, qui
forme des composés, comme par exemple, des silicates et aluminates de fer, (SiO₂,
2FeO); (Al₂O₃, 3FeO).
[0028] Plusieurs paramètres doivent être contrôlés pour permettre l'élimination de cette
couche d'oxydtion interne tels que :
- la concentration en acide
- la température des bains de décapage
- la teneur en ions Fe⁺⁺, Fe⁺⁺⁺, H⁺
- la durée d'immersion du matériau dans le bain,
- le brassage de la solution de décapage.
[0029] Le contrôle desdits paramètres est assuré notamment, d'une part, par la mesure d'un
potentiel REDOX et, d'autre part, par le dégagement de l'hydrogène.
[0030] Dans un exemple d'application selon l'invention, pour le décapage d'un acier de type
304 :
- on utilise une solution composée d'eau et d'acide fluorhydrique d = 1,25 (70 %) à
une concentration de 80 g/l.
- On dissout du fer dans une proportion de 60 g/l qui forme des ions ferreux et ferriques.
[0032] Il est introduit dans le bain de décapage de l'air comprimé à la température de 80°
C à un débit de 1 à 10 l/m², ainsi que du péroxyde d'hydrogène.
[0033] Le rapport Fe⁺⁺⁺/Fe⁺⁺ est maintenu à une valeur comprise entre 1 et 10 et de préférence
à une valeur de 4 par mesure du potentiel REDOX maintenu à 200 mV/Ag/AgCl.
[0034] La quantité d'hydrogène résultant de la réaction (b) est de 2 ml/cm².
[0035] L'acide fluorhydrique est introduit dans le bain pour maintenir une concentration
de 80 g/l.
[0036] La concentration en acide est un facteur déterminant dans la réaction de surdécapage,
car il est générateur d'ion H⁺, complexant des ions Fe⁺⁺⁺ et Cr⁺⁺⁺, dépassivant et
agent de dissolution des silicates présents dans la couche d'oxydation interne. Les
complexes mixtes formés entre Fe⁺⁺ et Fe⁺⁺⁺ sont du type Fe₂F₅ nH₂O, n étant compris
entre 2 et 10.
1. Procédé de décapage-décalaminage d'un matériau en acier, choisi notamment parmi les
aciers inoxydables et les aciers alliés, permettant l'élimination d'une couche d'oxydation
interne, caractérisé en ce que l'on traite le matériau par un bain contenant :
- un acide choisi parmi un acide halogéné, l'acide sulfurique, l'acide phosphorique,
l'acide formique et l'acide acétique,
- des ions ferriques en une concentration d'au moins 20 g/l,
et l'on règle les conditions réactionnelles de façon à avoir de façon concomittante
une réduction du fer ferrique en fer ferreux et une réaction de dissolution des éléments
métalliques de la matrice du matériau, en maintenant le potentiel d'oxydoréduction
du bain à une valeur de 100 à 350 mV par rapport à Ag/AgCl, et la concentration en
acide de façon que la quantité d'hydrogène dégagé soit de 0,1 à 5 ml/cm² de matériau
(mesuré dans les conditions normales).
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la température du bain est
de 40 à 80° C.
3. Procédé selon la revendication 1 ou la revendication 2, caractérisé en ce qu'on utilise
un bain contenant de l'acide fluorhydrique (d = 1,25) à une concentration comprise
entre 40 et 150 g/l.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'on dissout
du fer dans le bain dans une proportion comprise dans un intervalle de 20 à 100 g/l.
5. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que le
contrôle de la valeur désirée du potentiel d'oxydoréduction est obtenu par l'introduction
ou la formation in situ dans le bain d'un gaz oxydant choisi parmi l'air, l'ozone,
l'oxygène.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que le
contrôle de la valeur désirée du potentiel d'oxydoréduction est obtenu par addition
dans le bain de composés choisis parmi H₂O₂, les persels, les peracides minéraux et
organiques.
7. Procédé selon la revendication 5, caractérisé en ce que le volume de gaz oxydant est
compris entre 1 et 10 l/m² de surface de matériau.
8. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que l'on utilise du peroxyde d'hydrogène
à 200 volumes à raison de 10 à 100 g/m² de surface de matériau.