[0001] La présente invention est relative à une structure de liaison entre deux parties,
séparées par un joint de dilatation, d'un tablier de pont, par exemple en béton précontraint,
ou plus généralement d'un ensemble constituant une poutre de grande longueur.
[0002] De nombreux ponts en béton précontraint ont été construits par encorbellement à l'aide
d'équipages mobiles ou par assemblage d'éléments préfabriqués, le tablier étant construit
par phases successives de façon à peu près symétrique par rapport aux piles.
[0003] Dans les premiers ouvrages de ce type, un joint de dilatation était prévu au milieu
de chaque travée, à la jonction de deux fléaux en regard. Un dispositif mécanique
traversant le joint était prévu pour autoriser les dilatations du tablier en empêchant
le déplacement vertical relatif des deux fléaux, la continuité de la chaussée pour
les ponts-routes ou la continuité des rails pour les ponts ferroviaires étant ainsi
assurée.
[0004] Le projet et la construction de tels ouvrages sont simples. En contrepartie, l'influence
des déformations différées du béton (fluage) devient très importante dès que les portées
dépassent 40 à 50 mètres, et des discontinuités angulaires considérables, dans le
plan vertical, sont apparues sur de nombreux ouvrages au droit de tous les joints
de dilatation.
[0005] La discontinuité angulaire la plus fréquente correspond à un angle ouvert vers le
haut entre les deux parties de tablier, c'est-à-dire avec le joint formant un point
bas, mais un angle ouvert vers le bas peut aussi apparaître, et des irrégularités
du matériau ou des contraintes peuvent aussi conduire à des déviations angulaires
dans le plan horizontal du tablier, ou à une torsion relative d'une partie de tablier
par rapport à l'autre.
[0006] Pour résoudre le problème, une continuité mécanique du tablier a été réalisée au
milieu des travées, les fléaux étant assemblés entre eux pour constituer une poutre
continue.
[0007] Pour un ouvrage de grande longueur, il faut toutefois prévoir des joints de dilatation
à des intervalles de quelques centaines de mètres pour assurer la libre dilatation
du tablier.
[0008] Si le joint est prévu au milieu d'une travée, on retrouve le problème déjà mentionné
de la discontinuité angulaire du tablier. On est donc amené à déplacer le joint au
quart de la portée, au point d'inflexion des déformations, là où les variations de
moment créés par les surcharges sont minimales. La solution théorique est très satisfaisante
: son application pratique, toutefois, complique sérieusement la construction car
il est nécessaire, pendant celle-ci, d'assurer la continuité mécanique à travers le
joint pour permettre la suite de la mise en place du tablier.
[0009] Dans le document DE-A-2.712.091, on a proposé des vérins agissant dans le sens de
la longueur du pont, et disposés en des points écartés de la partie centrale du plan
de joint pour exercer des forces tendant à écarter ou rapprocher les parties qui se
font face du tablier. Cette disposition permet de s'opposer à l'apparition de discontinuités
angulaires, mais elle ne peut empêcher des décalages dans un plan transversal passant
par le joint résultant notamment d'un déplacement vertical relatif, ou d'une torsion
relative, des deux parties de tablier.
[0010] Ainsi, la technique antérieure permet de s'opposer soit à des décalages verticaux,
soit à des discontinuités angulaires, mais elle ne fournit pas de solution complète
à l'ensemble du problème.
[0011] Des problèmes analogues apparaissent à l'endroit du joint de dilatation qui sépare
l'extrémité du tablier de la culée adjacente. Dans ce qui suit, on parle de deux parties
d'un tablier de pont, il doit être entendu qu'on ne sort pas du cadre de l'invention
si ces deux parties sont constituées l'une par une extrémité de tablier et l'autre
par l'extrémité de la culée adjacente.
[0012] La présente invention a pour but initial de fournir une solution qui soit simple
et économique à l'ensemble du problème des discontinuités et décalages d'un tablier
de pont où l'endroit des joints de dilatation. Cependant l'invention peut s'appliquer
à tout ensemble constituant une poutre de grande longueur, et comportant au moins
deux parties séparées par un joint de dilatation.
[0013] Pour obtenir ce résultat, l'invention fournit une structure de liaison entre deux
parties, séparées par un joint de dilatation transversal, d'un ensemble formant une
poutre de grande longueur, cette structure comprenant un dispositif traversant le
joint et empêchant un déplacement relatif des deux parties de l'ensemble, sans gêner
les dilatations, cette structure ayant pour particularité qu'elle comprend une poutre
rigide, disposée longitudinalement de part et d'autre du joint de dilatation, et reliée
à une partie de l'ensemble par deux appuis espacés longitudinalement, et à l'autre
partie de l'ensemble par deux autres appuis espacés longitudinalement, la poutre et
les appuis étant conçus pour transmettre un moment de flexion et/ou un effort tranchant,
sans gêner les dilatations.
[0014] Dans le cas d'un pont, les moments et efforts s'exercent principalement dans des
plans verticaux, et, en conséquence, la poutre repose sur ses appuis, mais des appuis
agissant dans une direction horizontale, ou oblique d'un plan transversal, sont possibles
sans sortir du cadre de l'invention.
[0015] De préférence, la poutre est métallique pour obtenir la plus grande rigidité avec
un poids minimal.
[0016] La structure de l'invention permet de placer le joint de dilatation au centre d'une
travée, là où son installation est la plus simple.
[0017] De préférence, au moins un des appuis est pourvu d'au moins un vérin de réglage apte
à exercer, entre la poutre et la partie de l'ensemble adjacente, des efforts verticaux
constamment réglables. Ces vérins permettent de compenser en continu les moments de
flexion et éventuellement des efforts tranchants si l'ensemble n'est pas symétrique
par rapport au joint de dilatation.
[0018] La structure ainsi conçue rend théoriquement possible d'annuler complètement tous
les effets indésirables du fluage et de réaliser ainsi, notamment, un tablier muni
de joints de dilatation au centre de certaines travées, mais qui se comporte sous
l'effet des charges permanentes comme un ouvrage parfaitement continu.
[0019] Le comportement sous l'effet des surcharges variables (camions sur un pont-route
ou trains sur un pont-rail) ne peut pas être en pratique aussi parfait que pour le
cas des charges permanentes. Pour que la présence du joint de dilatation et de la
coupure dans la structure soit complètement éliminée, il faudrait dans ce cas que
la rigidité de la poutre restaure exactement la continuité de l'inertie de l'ensemble,
ce qui n'est généralement pas possible; de surcroît, les réactions imposées aux appuis
seraient trop élevées pour être transmises à la structure du tablier. En pratique,
toutefois, le gain sur les flèches et les discontinuités angulaires au droit du joint
est important par suite de la présence de la poutre. On pourra optimiser à cet effet
les paramètres du système, qui sont les distances entre les appuis et entre ceux-ci
et le joint de dilatation, et l'inertie de la poutre, pour obtenir les meilleurs résultats
dans le contrôle de l'ensemble des flèches sous charges permanentes et surcharges.
[0020] Suivant un mode de réalisation pratique intéressant, la poutre est formée de deux
éléments télescopiques, chaque élément étant solidaire dans le sens longitudinal,
de la partie de l'ensemble sur laquelle elle repose.
[0021] Plus avantageusement, il est prévu des moyens hydrauliques assurant l'amortissement
des déplacements longitudinaux instantanés relatifs des deux éléments de la poutre.
Cette possibilité est particulièrement intéressante dans le cas d'ouvrages construits
en zone sismique ou pour la transmission d'efforts longitudinaux de freinage dans
les ponts ferroviaires.
[0022] L'invention va être exposée en détail à l'aide d'exemples pratiques illustrés avec
les dessins, parmi lesquels :
[0023] Figure 1 est une coupe schématique d'une portion de pont comprenant un joint de dilatation
équipé d'un dispositif selon l'invention.
[0024] Figure 2A à 2C sont des schémas explicatifs de la répartition des contraintes lors
du transfert d'un moment.
[0025] Figures 3A à 3C sont des schémas explicatifs de la répartition des contraintes lors
du transfert d'un effort tranchant.
[0026] Figure 4 est une coupe schématique, analogue à celle de la figure 1, relative à un
autre mode de réalisation de l'invention.
[0027] La figure 1 est une coupe partielle d'un tablier de pont formé de caissons à section
fermée, selon le plan vertical longitudinal médian de deux caissons successifs, ce
tablier étant équipé d'un dispositif selon l'invention destiné à combattre une tendance
à une discontinuité angulaire formant un angle ouvert vers le haut à l'endroit d'un
joint de dilatation.
[0028] Il est sans importance ici que le tablier soit constitué d'une série de caissons
alignés longitudinalement ou de plusieurs séries analogues, disposées en parallèle.
[0029] Deux parties de tablier 1, 2 sont séparées par un joint de dilatation 3.
[0030] Les caissons formant les deux parties de tablier comportent chacun une première paroi
transversale d'appui 4, 5 située à proximité du joint de dilatation, et une seconde
paroi transversale d'appui 6, 7 située à plus grande distance du joint de dilatation.
[0031] Les parois transversales d'appui 4 à 7 sont à prévoir même dans le cas où les caissons
sont ouverts vers le bas.
[0032] Les parois 4 à 7 comportent, à peu près en leur centre, un passage pour une poutre
longitudinale 8, qui constitue un élément essentiel de l'invention.
[0033] La poutre 8 doit présenter une grande rigidité à la flexion dans le plan vertical,
et est réalisée de préférence en acier, pour réduire son poids.
[0034] A la traversée des premières parois d'appui, la poutre 8 est maintenue par des surfaces
d'appui supérieures 9, 10 et inférieures 11, 12. A la traversée des secondes parois
d'appui, il est prévu, sous la poutre 8, des vérins 13, 14.
[0035] Les surfaces d'appui et les vérins sont conçus pour permettre les déplacements longitudinaux
de la poutre qui correspondent aux dilatations.
[0036] Les figures 2A à 2C illustrent le transfert d'un moment M de flexion de l'ensemble
du tablier. Si
a est la distance d'une première paroi d'appui 4, 5 au joint de dilatation et
b la distance de la première à la seconde paroi d'appui, on voit que le moment maximal
M est supporté par la poutre 8 sur une longueur 2a, et que l'effort tranchant V =
M/
b est subi par la poutre sur les deux longueurs
b.
[0037] Bien entendu, il n'est pas obligatoire que les distances
a et
b soient les mêmes des deux côtés du joint de dilatation, par exemple dans le cas où
ce joint est situé entre une extrémité du tablier et la culée. L'homme de métier est
à même de faire les calculs nécessaires.
[0038] Au cas où le dispositif doit compenser un moment de sens inverse, correspondant à
une tendance des parties de tablier à former un angle ouvert vers le bas, il faudra
prévoir des vérins placés au-dessus de la poutre, entre celle-ci et la seconde paroi
d'appui. Ces vérins ont été représentés en tirets, sous la référence 15, 16.
[0039] Les surfaces d'appui 11, 12 situées sous la poutre, et qui sont inactives dans le
cas examiné plus haut, sont alors actives, et doivent être calculées en conséquence.
[0040] Les vérins 13 à 16 sont de tout type convenable, hydraulique, électrique ou mécanique,
par exemple à vis. Ils sont commandés à partir de signaux émis par des capteurs sensibles
à la position relative des parties de tablier. Ces capteurs n'ont pas été représentés.
[0041] Il est possible de permuter les positions des surfaces d'appui 9 à 12 et des vérins
13 à 16, en plaçant les premières sur les secondes parois d'appui et inversement,
sur les deux parties de tablier où sur une seule d'entre elles.
[0042] Le fait de prévoir des vérins et des surfaces d'appui au-dessus et au-dessous de
la pointe 8 permet, en plus du transfert d'un moment, le transfert d'un effort tranchant
tendant à créer une différence de niveau à l'endroit du joint 3. Comme le montrent
les figures 3A à 3C, la poutre 8 est soumise, au niveau de la première paroi d'appui
4, 5 à un moment maximal V/
a et à un effort tranchant V entre les deux premières parois d'appui, et à un effort
tranchant V.a/b entre les premières et secondes parois d'appui.
[0043] Si on prévoyait de compenser seulement un effort tranchant dans un sens déterminé,
par exemple dans le cas d'une extrémité de pont, les figures 3A à 3C montrent qu'on
pourrait ne conserver qu'un vérin situé au-dessus de la poutre sur une partie de tablier,
et un vérin situé au-dessous de la poutre sur l'autre partie de tablier.
[0044] Dans ce qui précède, on a supposé que les moments ou efforts tranchants s'exercent
dans un plan vertical. S'il s'agit de combattre des moments ou efforts tranchants
s'exerçant dans un plan horizontal, les mêmes raisonnements sont valables. La figure
1, par exemple, peut représenter une coupe horizontale d'un tablier ou d'une partie
de tablier, il en est de même pour les figures 2A et 3A.
[0045] Pour combattre des efforts de torsion du tablier, on peut donner à la poutre 8 une
section appropriée, et placer les surfaces d'appui et vérin d'une façon convenable,
selon les règles connues de l'homme de métier. On peut aussi placer plusieurs poutres
en parallèle. Cette dernière solution convient particulièrement au cas où le tablier
est constitué de deux, ou plusieurs, séries de caissons disposés parallèlement à l'axe
de l'ouvrage. On place alors une poutre dans au moins deux séries de caissons.
[0046] La figure 4 montre une autre réalisation de l'invention, dans laquelle la poutre
8 est construite sous la forme d'un vérin hydraulique comprenant un corps 20 et un
piston 21 coulissant à l'intérieur (figures 4 et 5) Le corps 20 est fixé à l'une des
deux parties 1 de tablier, tandis que le piston 21 est fixé à l'autre partie 2. Les
appuis 22 et 23 les plus proches du joint 3 peuvent être fixes, puisque la dilatation
du tablier est assurée par le mouvement relatif des deux parties du vérin (corps 20
et piston 21). Les organes de réglage tels que les vérins 24, 25 sont placés sur l'une
ou l'autre ou les deux parois d'appui extrêmes 26 et 27.
[0047] On a symbolisé en 30 un capteur sensible à l'écartement des bords du joint de dilatation
3, ou aux forces qui s'exercent sur ce joint. Les signaux du capteur 30 sont traités
dans un circuit électronique 31 qui sépare les variations lentes de ces écartements
ou forces qui correspondent aux phénomènes de dilatation thermique, et les variations
rapides, qui correspondent à des phénomènes accidentels, comme ceux qui sont dus à
un séisme, ou au freinage d'un train dans le cas d'un viaduc ferroviaire. Les signaux
correspondent aux variations rapides servent à commander un circuit hydraulique 32
qui commande une variation convenable de la pression du fluide dans le vérin hydraulique
20 pour amortir et/ou réduire les déplacements longitudinaux relatifs des deux parties
de tablier.
1. Structure de liaison entre deux parties (1, 2), séparées par un joint de dilatation
transversal (3), d'un ensemble formant une poutre de grande longueur, cette structure
comprenant un dispositif traversant le joint et empêchant un déplacement relatif des
deux parties de l'ensemble, sans gêner les dilatations,
caractérisée en ce qu'elle comprend une poutre rigide (8, 20, 21), disposée longitudinalement
de part et d'autre du joint de dilatation, et reliée à une partie de l'ensemble par
deux appuis (9, 11, 22; 13, 15, 26) espacés longitudinalement, et à l'autre partie
de l'ensemble par deux autres appuis (10, 12, 23; 14, 16, 27) espacés longitudinalement,
la poutre et les appuis étant conçus pour transmettre un moment de flexion et/ou un
effort tranchant, sans gêner les dilatations.
2. Structure selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'au moins un des appuis est
pourvu d'au moins un vérin de réglage (13, 15, 24, 25) apte à exercer, entre la poutre
et la partie de l'ensemble adjacente, des efforts constamment réglables.
3. Structure selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisée en ce que la poutre
est formée de deux éléments télescopiques (20, 21) , chaque élément étant solidaire
dans le sens longitudinal, de la partie de l'ensemble sur laquelle elle repose.
4. Structure selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'il est prévu des moyens
hydrauliques (32) assurant l'amortissement des déplacements longitudinaux instantanés
relatifs des deux éléments de la poutre.