[0001] La présente invention concerne la mise au point de la composition d'un alliage base
nickel, durci par précipitation de la phase gamma prime et résistant à la corrosion,
ainsi que la mise en forme de cet alliage par transformation thermomécanique et traitements
thermiques.
[0002] L'invention s'applique typiquement à la réalisation de pièces pour l'industrie pétrolière,
lorsque le milieu environnant est rendu fortement agressif par la présence d'espèces
chimiques telles que H₂S, CO₂, ions S⁻⁻, H⁺,Cl⁻ et porté à des températures et des
pressions très élevées en service.
[0003] Ainsi, les pièces fabriquées dans la nuance évoquée plus haut, doivent présenter
à la fois des caractéristiques de haute résistance mécanique et de haute résistance
a la corrosion, notamment aux formes de corrosion sous contrainte, éventuellement
assistées par les mécanismes de dégradation par l'hydrogène protonique.
[0004] Les milieux les plus agressifs rencontrés lors de l'exploration et la production
de pétrole contiennent en pourcentage élevé, les espèces chimiques précédemment citées,
ainsi que certains de leurs composés, et sont particulièrement actifs vis-à-vis des
matériaux métalliques classiques dont les résistances décroissent quand la température
et la pression en service s'élèvent.
[0005] Dans de tels environnements, des risques de dégradations sévères, voire de ruptures
catastrophiques, apparaissent, conséquences du développement très rapide de phénomènes
électrochimiques que l'on peut répertorier comme ci-dessous :
- corrosions localisées par piqûres et crevasses,
- corrosion sous contrainte de type intergranulaire et/ou transgranulaire,
- corrosion intergranulaire
- dégradations induites par l'hydrogène protonique (fragilisation, ruptures prématurées,...).
[0006] Les inhibiteurs de corrosion, en particulier les inhibiteurs organiques, voient leur
action fortement limitée par les températures atteintes, dans ces milieux, et deviennent
inefficaces au-delà de 120/150°C.
[0007] Les aciers à haute résistance mécanique ne peuvent plus être utilisés dans ces conditions
et doivent être remplacés par des matériaux inoxydables résistant aux différentes
formes de corrosion répertoriées.
[0008] Parmi les candidats possibles, on trouve des aciers inoxydables austénitiques pour
lesquels les caractéristiques de résistance mécanique sont obtenues par écrouissage
à la température ambiante ou à mi-chaud, parfois au détriment de la ductilité; ces
aciers à teneur modérée en nickel, peuvent présenter une certaine susceptibilité à
la corrosion sous contrainte dans les milieux chlorurés.
[0009] Les aciers "duplex" (austéno-ferritique) à résistance mécanique élevée peuvent être
utilisés avec sécurité, dans des milieux contenant H₂S et CINa à des concentrations
relativement élevees, tant que la température est voisine de l'ambiante; en revanche,
dès que la température s'élève, par exemple à 80°C ou au-delà. ce type d'acier est
sujet à la corrosion sous contrainte en milieu sulfureux, même pour de faibles concentrations
en ions chlorures.
[0010] Il a été trouvé, à présent, une composition d'alliage base nickel quaternaire Ni-Fe-Cr-Mo
à hautes caractéristiques mécaniques à d'importantes sollicitations qui résistent
dans les milieux provoquant la corrosion sous contrainte et tout particulièrement
adaptée aux milieux pétroliers riches en chlorures, en dioxyde de carbone, et saturés
en hydrogène sulfureux, pouvant contenir en outre, des ions d'hydrogène protonique.
[0011] Plus précisément, cette composition d'alliage présente d'excellentes propriétés en
ce qui concerne
- la tenue à la corrosion sous contrainte,
- la tenue aux corrosions localisées et à la corrosion sous tension, par stabilisation
des films passifs à la surface des pièces, dans les milieux oxydants et dans les milieux
réducteurs,
- la résistance à la corrosion généralisée dans les milieux réducteurs,
- son durcissement par précipitation de phases gamma prime ou gamma seconde selon une
gamme de traitements thermiques appropriée,
- la minimalisation de la précipitation de carbures qui fixent des éléments de la solution
solide austénitique, éléments essentiels pour leur participation à la résistance à
la corrosion ou au durcissement par précipitation,
- la minimalisation de la fragilisation de l'alliage, et de la diminution de sa résistance
à la corrosion, dûes au soufre et au phosphore,
- la minimalisation des ségrégations lors de la solidification des lingots, en particulier
de celles qui aboutissent à la formation de phases massives indésirables pour les
propriétés de transformation mécanique des alliages,
- la minimalisation de la precipitation de phases intermétalliques fragilisantes au
cours de la gamme de fabrication, en particulier de la formation de la phase sigma
lors des traitements thermiques de durcissement effectués vers 600/900°C.
[0012] A cet effet, l'invention a pour objet une composition d'alliage comprenant, exprimés
en poids,
- 42 à 49 % de nickel
- 3,8 à 5 % de molybdène
- 19,5 à 22,5 % de chrome
- 1,0 à 1,5 % de cuivre
- moins de 0,020 % de carbone
- 1,5 à 2,5 % de titane
- 0,5 à 1 % d'aluminium
- moins de 0,1 % de manganèse
- moins de 0,1 % de silicium
- moins de 0,010 % de soufre
- moins de 0,020 % de phosphore
- le reste étant constitué par le fer et des impuretés.
[0013] Bien que la teneur pondérale en carbone ne puisse en aucun cas excéder 0,020 %, il
importe de la minimiser le plus possible en-dessous de cette valeur.
[0014] De préférence , la composition selon l'invention comprend, exprimés en poids
- 46 à 48 % de nickel
- 3,8 à 4,5 % de molybdène
- 20 à 22 % de chrome
- 1 à 1,5 % de cuivre
- moins de 0,020 % de carbone
- 1,7 à 2,2 % de titane
- 0,5 à 0,8 % d'aluminium
- moins de 0,1 % de manganèse
- moins de 0,1 % de silicium
- moins de 0,010 % de soufre
- moins de 0,020 % de phosphore
- le reste étant constitué par le fer et des impuretés
[0015] Selon une variante, la composition selon l'invention comprend de plus, en quantités
pondérales n'excédant pas 0,5%, du tungstène et/ou du niobium.
[0016] Un second objet de la présente invention consiste en un procédé de transformation
d'un alliage de composition précédemment définie, avant son utilisation, dans lequel
- selon une première variante, on met en solution l'alliage entre 980 et 1050°C, on
le refroidit rapidement jusqu'à température ambiante, puis on le durcit par vieillissement
entre 760°C et 620°C, le dernier refroidissement étant suffisamment lent (de l'ordre
de 5 heures); ou
- selon une seconde variante, on met en solution l'alliage à une température de 980°
à 1050°C, on le refroidit de façon contrôlée jusqu'à 760°C, on le maintient ou on
ne le maintient pas à cette température, on le refroidit jusqu'à 620°C à une vitesse
de refroidissement n'excédant pas 100°C/heure, on le maintient à 620°C puis on le
refroidit jusqu'à température ambiante; ou
- selon une troisième variante, on met en solution l'alliage à une température de 980
à 1050°C, on le refroidit jusqu'à température ambiante, puis on effectue un ou plusieurs
vieillissements dont les températures sont comprises entre 760 et 620°C.
[0017] Dans ce procédé de transformation qui vient d'être décrit, on effectue de préférence
la mise en solution avec maintien en température de l'alliage de 2 minutes par mm
d'épaisseur d'alliage, on refroidit rapidement à l'eau, à l'huile ou à l'air suivant
l'importance de la pièce, les durées de maintien aux paliers de vieillissement par
étapes ou par cycles différenciés avec retour à la température ambiante entre chacun
des cycles, étant comprises entre 2 heures et 24 heures.
[0018] De façon souhaitable, l'élaboration de l'alliage est effectuée sous vide, et suivie
d'une refusion par électrode consommable sous vide ou sous laitier.
[0019] Un troisième objet de la présente invention est une pièce constituée d'alliage de
composition selon la revendication 1, notamment une pièce destinée à faire ou faisant
partie d'un tubing, d'une tête de puits ou d'un autre dispositif pour l'industrie
pétrolière.
[0020] Enfin, l'invention a également pour objet l'utilisation d'alliage de composition
selon la revendication 1 dans des milieux provoquant les mécanismes de dégradation
par corrosion sous contrainte, notamment dans la réalisation de pièces pour l'industrie
pétrolière. Le présent alliage excelle tout particulièrement dans ce type d'applications
par sa résistance à la corrosion et le maintien de propriétés mécaniques élevées,
malgré de longs séjours en milieux corrosifs.
[0021] L'invention est maintenant illustrée par l'exemple qui suit.
Exemple
[0022] On réalise trois coulées d'essai repérées A, B et C dont les compositions, exprimées
en % en poids, sont rapportées dans le tableau ci-dessous :
Coulées |
A |
B |
C |
C |
0,022 |
0,013 |
0,005 |
Si |
0,08 |
0,08 |
0,08 |
Mn |
0,035 |
0,035 |
0,035 |
S |
0,0046 |
0,0047 |
0,0035 |
Ni |
41,5 |
41,4 |
43,3 |
Cr |
22,1 |
22,35 |
19,8 |
Mo |
3,73 |
2,27 |
3,93 |
Al |
0,22 |
0,27 |
0,67 |
Cu |
1,11 |
2,85 |
1,11 |
Ti |
0,70 |
0,70 |
2,11 |
Nb |
3,63 |
3,7 |
- |
Fe |
Compl. |
Compl. |
Compl. |
[0023] Seule la composition d'alliage de la coulée C est conforme à la présente invention.
[0024] Les coulées A et B diffèrent essentiellement par les teneurs en molybdène et cuivre.
[0025] Les coulées A et C diffèrent par la nature des éléments durcissants ajoutés (niobium,
titane, aluminium).
[0026] Ces coulées, élaborées sous vide, sont transformées par un procédé thermomécanique
dont la gamme est la suivante :
- homogénéisation à 1165°C/8 h
- transformation en barres de section 40 x 40 mm, à une température inférieure à 1100°C,
- traitement thermique, comportant une mise en solution à 980°C, refroidissement par
air ou eau, suivie de divers vieillissements entre 760°C et 620°C.
[0027] Les produits forgés ont été caractérisés selon quatre critères principaux :
1.- En ce qui concerne la corrosion sous contrainte, des éprouvettes en anneau (type
C-ring selon ASTM G 38) ont été sollicitées à contrainte constante dans des milieux
propres à provoquer la corrosion sous contrainte, dont le plus classique est un milieu
MgCl₂-6H₂O à 44 % à l'ébullition à 154°C, (essai selon ASTM G 36), ou encore en milieu
d'essai à la rupture différée par l'hydrogène, dont le plus courant est une solution
de NaCl à 50 g/l, tamponnée à pH = 3 par l'acide acétique et saturée par H₂S, à température
ambiante (essai selon NACE TM 01-77).
Les éprouvettes, contraintes à des sollicitations de 2/3 de la limite élastique Rp0,2, n'ont montré aucune fissuration à la suite de 720 h d'essai, dans les deux milieux.
2.- Pour évaluer la résistance à la corrosion par crevasse, le test dit "pH de dépassivation"
a été mis en oeuvre dans une solution aqueuse de NaCl 2M désaérée et acidifiée par
ajout d'acide chlohydrique (le pH de dépassivation, ou pHd est déterminé en prenant pour critère la densité de courant de dissolution de l'échantillon
égale à 10 µA.cm⁻²).
Le meilleur résultat à ce test est obtenu par la coulée A (pHd ≃ 0,3 ± 0,1), tandis que les coulées B et C ont un comportement similaire (pHd ≃ 0,4 ± 0,1), qui les classe très favorablement parmi les alliages résistant à la
corrosion par crevasse, pHd inférieur à celui de l'alliage Inconel®925 et supérieur à celui de l'alliage Inconel®625
(voir figure 1).
3.- En ce qui concerne les caractéristiques mécaniques, la coulée C se distingue nettement
des deux autres (voir Tableau ci-dessous) :
les coulées A et B sont caractérisées par une relative fragilité à l'état vieilli
: le niveau d'énergie de rupture en flexion par choc d'éprouvettes KV ne dépasse pas
30 J, quel que soit le niveau de résistance au-delà de 1000 MPa; ces deux coulées
ont le plus important potentiel de durcissement.
La coulée C, en revanche, fait état d'une énergie de flexion par choc élevée, qui
décroît progressivement lorsque le niveau de résistance s'élève on peut ajuster avec
précision le compromis limite élastique Rp0,2/énergie de flexion par choc.
Pour une limite élastique Rp0,2 de 650 MPa, l'énergie de rupture en flexion par choc sur éprouvette KV est encore
de 70 J. Des vieillissements isothermes à 620, 650, 680, 720 et 760°C montrent que
le durcissement se produit le plus rapidement à 760°C. Et à cette température. la
cinétique de durcissement est encore suffisamment lente (plusieurs heures) pour que
l'on puisse choisir le niveau de résistance mécanique et optimiser le compromis Rp0,2/énergie de flexion par choc dans les conditions de traitement industriel.
A la suite du palier à 760°C, un refroidissement en four suivi d'un maintien isotherme
dans le domaine inférieur de précipitation de la phase gamma prime (≃ 620°C) permettent
un complément du taux de précipitation.
Dans le domaine des températures inférieures à l'ambiante, l'énergie de flexion par
choc de l'alliage est peu sensible à la température en particulier, on note l'absence
de transition ductile/fragile.
4.- L'observation des microstructures montre que les coulées A et E sont marquées
par une ségrégation majeure, particulièrement de l'élément niobium, et par des structures
assez hétérogènes, difficiles à résorber.
[0028] En revanche, la coulée C apparaît tout à fait homogène.

Traitements thermiques
[0029]
- A = température ambiante

- Rm = résistance maximum
- Rp0,2 = limite élastique conventionnelle à 0,2%
- A5d, 4d = allongement en % sur les bases 4 d et 5d (d = diamètre de l'eprouvette)
- Z = striction
- HB = dureté Brinell
1.- Composition d'alliage comprenant, exprimés en poids,
- 42 à 49 % de nickel
- 3,8 à 5 % de molybdène
- 19,5 à 22,5 % de chrome
- 1,0 à 1,5 % de cuivre
- moins de 0,020 % de carbone
- 1,5 à 2,5 % de titane
- 0,5 à 1 % d'aluminium
- moins de 0,1 % de manganèse
- moins de 0,1 % de silicium
- moins de 0,010 % de soufre
- moins de 0,020 % de phosphore
- le reste étant constitué par le fer et des impuretés.
2.- Composition d'alliage selon la revendication 1 comprenant, exprimés en poids,
- 46 a 48 % de nickel
- 3,8 à 4,5 % de molybdène
- 20 à 22 % de chrome
- 1 à 1,5 % de cuivre
- moins de 0,020 % de carbone
- 1,7 à 2,2 % de titane
- 0,5 à 0,8 % d'aluminium
- moins de 0,1 % de manganèse
- moins de 0,1 % de silicium
- moins de 0,010 % de soufre
- moins de 0,020 % de phosphore
- le reste étant constitué par le fer et des impuretés.
3.- Composition d'alliage selon la revendication 1 ou 2, comprenant de plus, en quantités
pondérales n'excédant pas 0,5%, du tungstène et/ou du niobium.
4.- Procédé de transformation d'un alliage de composition selon l'une des revendications
1 à 3, avant son utilisation, caractérisé en ce que l'on met en solution l'alliage
à une température de 980 à 1050°C, on le refroidit rapidement jusqu'à température
ambiante, puis on le durcit par vieillissement entre 760°C et 620°C.
5.- Procédé de transformation d'un alliage de composition selon l'une des revendications
1 à 3, avant son utilisation, caractérisé en ce que l'on met en solution l'alliage
à une température de 980° à 1050°C, on le refroidit de façon contrôlée jusqu'a 760°C,
on le maintient ou on ne le maintient pas à cette température, on le refroidit jusqu'à
620°C à une vitesse de refroidissement n'excédant pas 100°C/heure, on le maintient
à 620°C puis on le refroidit jusqu'à température ambiante.
6.- Procédé de transformation d'un alliage de composition selon l'une des revendications
1 à 3, avant son utilisation, caractérisé en ce que l'on met en solution l'alliage
à une température de 980 à 1050°C, on le refroidit jusqu'à temperature ambiante, puis
on effectue un ou plusieurs vieillissements dont les températures sont comprises entre
760 et 620°C.
7.- Procédé de transformation selon l'une des revendications 4 à 6, caractérisé en ce
que l'on effectue la mise en solution avec maintien en température de l'alliage de
2 minutes par mm d'épaisseur d'alliage, on refroidit rapidement à l'eau, à l'huile
ou à l'air suivant l'importance de la pièce, les durées de maintien aux paliers de
vieillissement par étapes ou par cycles différenciés avec retour à la température
ambiante entre chacun des cycles, étant comprises entre 2 heures et 24 heures.
8.- Procédé de transformation selon l'une des revendications 4 à 7, caractérisé en ce
qu'il comporte une étape préliminaire d'élaboration sous vide de l'alliage, suivie
d'une refusion par électrode consommable sous vide ou sous laitier.
9.- Pièce constituée d'alliage de composition selon la revendication 1.
10.- Pièce selon la revendication 9, destinée à faire ou faisant partie d'un tubing, d'une
tête de puits ou d'un autre dispositif pour l'industrie pétrolière.
11.- Utilisation d'alliage de composition selon la revendication 1 dans des milieux provoquant
les mécanismes de dégradation par corrosion sous contrainte.
12.- Utilisation selon la revendication 11, dans la réalisation de pièces pour l'industrie
pétrolière.