[0001] La présente invention concerne l'élimination d'arsenic dans des hydrocarbures. Plus
particulièrement l'invention concerne le prétraitement d'une masse de captation d'arsenic
permettant la captation de celui-ci avec une très grande efficacité dès la période
initiale de démarrage du procédé.
[0002] Il est connu que les condensats liquides (sous produits de la production du gaz)
et certains pétroles bruts peuvent contenir de nombreux composés métalliques à l'état
de traces et souvent sous forme de complexes organométalliques. Ces composés métalliques
sont très souvent des poisons des catalyseurs utilisés lors des transformations de
ces coupes en produits commerciaux.
[0003] Il est donc avantageux d'épurer les charges destinées à être envoyées dans des procédés
de transformation de condensats ou de bruts pour éviter un entraînement d'arsenic.
L'épuration de la charge en amont des procédés de traitement permet de protéger l'ensemble
de l'installation.
[0004] Des procédés de la demanderesse présentent de bonnes performances pour la démercurisation
et la désarsenification des hydrocarbures liquides servant comme charges de diverses
procédés de traitement. Le brevet US 4,911,825 de la demanderesse montre clairement
l'avantage d'effectuer une captation de mercure et éventuellement d'arsenic dans un
procédé en deux étapes où la première étape consiste à mettre en contact la charge
en présence d'hydrogène avec un catalyseur renfermant au moins un métal du groupe
constitué par le nickel, le cobalt, le fer et le palladium. Le mercure n'est pas (ou
très peu) capté par le catalyseur mais est capté, dans une deuxième étape, par une
masse renfermant du soufre ou des composés soufrés.
[0005] La demande de brevet WO 90/10.684 de la demanderesse décrit un procédé d'élimination
du mercure et éventuellement d'arsenic présent dans des hydrocarbures liquides. Cette
invention concerne des catalyseurs ayant la propriété de résister à l'empoisonnement
par le soufre (thiorésistance). Ces nouveaux catalyseurs permettent la captation du
mercure et d'arsenic dans des conditions trop sévères pour les catalyseurs décrits
dans l'art antérieur.
[0006] Ce procédé est particulièrement utile pour l'épuration de charges difficiles comme,
par exemple, des gasoils provenant d'un fractionnement du pétrole brut dans lequel
la teneur en soufre est souvent entre 0,4 et 1,0 % poids. Par contre, le procédé décrit
dans le brevet US 4,911,825 est plus performant pour des charges ayant des teneurs
en soufre moins élevées, par exemple inférieures à 0,15 % poids.
[0007] Mais on a constaté qu'avec certaines charges ayant de faibles teneurs en soufre,
par exemple inférieures à 0,07 % poids, I'efficacité de captation d'arsenic au début
de la mise en oeuvre du procédé de désarsenification est plus faible dans les premières
centaines d'heures de mise en régime que par la suite. Il a été aussi trouvé que l'efficacité
de captation d'arsenic est moins bonne pour des charges très pauvres en soufre, par
exemple inférieures à 0,02 % pds. Dans ce dernier cas, il est nécessaire d'augmenter
la température de fonctionnement du réacteur de plusieurs dizaines de degrés et/ou
le débit d'hydrogène pour permettre une captation suffisante d'arsenic.
[0008] Le brevet US-4,046,674 décrit un procédé d'élimination d'arsenic (en quantité supérieure
à 2 ppm) avec une masse de captation contenant au moins un composé du nickel (qui
est au moins un sulfure) en quantité 30-70% poids NiO, et au moins un composé du molybdène
(qui est au moins un sulfure) en quantité 2-20% poids Mo O₃. Ce sulfure mixte absorbant
nécessite, pour ne pas se désulfurer, la présence de grandes quantités de soufre (supérieures
à 0,1%) dans la charge et des températures élevées de fonctionnement (de l'ordre de
288 et 343°C dans les exemples).
[0009] La présente invention permet de s'affranchir de ces inconvénients.
[0010] Il a en effet été découvert que le prétraitement des masses de captation d'arsenic
par un agent soufré en présence d'un agent réducteur, conduit à une réduction importante
de la durée de mise en régime du procédé et à une bonne efficacité de captation d'arsenic
même avec une charge très pauvre en soufre, et à des températures basses (inférieures
ou égales à 250°C).
[0011] L'objet de la présente invention est un procédé d'élimination d'arsenic dans lequel
la masse de captation est prétraitée avant d'être mise en contact avec la charge à
épurer. Selon ce procédé, un mélange de la charge avec de l'hydrogène est mis en contact
avec une masse de captation présulfurée renfermant au moins un métal du groupe formé
par le fer, le nickel, le cobalt, le molybdène, le tungstène, le chrome et le palladium
où au moins 5 % du métal est à l'état de sulfure, et en général au plus 50%.
[0012] La masse de captation entrant dans la composition de la présente invention est constituée
d'au moins un métal M choisi dans le groupe formé par le fer, le nickel, le cobalt,
le molybdène, le tungstène et le palladium et d'un support. Le métal M doit se trouver
sous forme sulfure pour au moins 5 % de sa totalité et pour au plus, en général, 50%.
On utilise de préférence le nickel ou l'association du nickel avec le palladium.
[0013] Le dispersant minéral solide (support) peut être choisi dans le groupe formé par
l'alumine, les silices-alumines, la silice, les zéolithes, le charbon actif, les argiles
et les ciments alumineux. Il présentera de préférence une grande surface, un volume
poreux suffisant et un diamètre moyen des pores adéquat. La surface BET devra être
supérieure à 50 m2/g et de préférence entre environ 100 et 350 m2/g. Le support devra
posséder un volume poreux, mesuré par désorption d'azote, d'au moins 0,5 cm3/g et
de préférence entre 0,6 et 1,2 cm3/g et un diamètre moyen des pores au moins égal
à 70 nm et de préférence supérieur à 80 nm (1 nm = 10⁻⁹m).
[0014] La préparation d'un solide (ou précurseur de la masse de captation) contenant au
moins un métal M sous forme métallique ou sous forme d'oxyde métallique supporté est
suffisamment connue de l'homme de métier pour ne pas être décrite dans le cadre de
la présente invention. La teneur en métal M dans la masse (calculée sous forme oxyde)
est de préférence d'au moins 5 % en poids et d'au plus 60 % en poids, et encore plus
avantageusement au plus 30%. Le cas du palladium est particulier, on pourra avoir
au plus 0,2% en poids de palladium (calculé forme métal).
[0015] Le procédé de présulfuration est décrit dans le brevet EP-466.568 (dont l'enseignement
est ci-inclus).
Le précurseur de la masse renfermant le(s) métal (métaux) supporté(s) sous forme métallique
et/ou oxyde, est
a) dans une première étape, imprégné par une solution aqueuse ou organique ou une
suspension aqueuse ou organique renfermant d'une part au moins un agent réducteur
organique , et d'autre part au moins un agent sulfuré choisi dans le groupe constitué
par :
· au moins un polysulfure organique en mélange avec du soufre élémentaire,
· au moins un disulfure organique éventuellement en mélange avec du soufre élémentaire,
· au moins un sulfure organique ou minéral éventuellement en mélange avec du soufre
élémentaire,
· le soufre élémentaire,
b) dans une seconde étape, on traite thermiquement le précurseur ainsi imprégné. La
température est par exemple entre 100-200°C, généralement entre 130-170°C et plus
particulièrement autour de 150°C. La durée de traitement est de 30 mn à 3 h.
[0016] L'addition du soufre peut se faire, hors site, en imprégnant le précurseur de la
masse de captation soit par le sulfure d'ammonium et/ou une suspension colloïdale
de soufre dans l'eau soit par un agent soufré, c'est à dire le soufre et/ou un ou
plusieurs composés soufrés, dans une solution organique. Un agent réducteur est par
exemple, le formaldéhyde, I'acétaldéhyde, l'hydrazine, le formiate de méthyle, l'acide
formique, etc...
[0017] Avant d'être mise au contact de la charge à traiter, la masse de captation est, si
nécessaire, réduite par de l'hydrogène ou par un gaz renfermant de l'hydrogène à une
température de 120 à 600°C et de préférence de 140 à 400°C.
[0018] Le solide ainsi préparé, présulfuré puis réduit constitue la masse de captation,
dans sa forme active, de la présente invention.
[0019] La masse de captation peut être employée dans un domaine de température pouvant aller
de 120 à 250°C, plus avantageusement de 130 à 220°C ou encore 130-200°C, de façon
préférée 140-190°C et de façon encore plus préférée de 140 à 180°C. Les pressions
opératoires seront choisies de préférence de 1 à 40 bars et plus avantageusement de
5 à 35 bars. Les vitesses spatiales calculées par rapport à la masse de captation
peuvent être de 1 à 50 h-1 et plus particulièrement de 1 à 30 h-1 (volume de liquide
par volume de masse par heure).
[0020] Le débit d'hydrogène rapporté à la masse de captation est compris par exemple entre
1 et 500 volumes (gaz aux conditions normales) par volume de la masse par heure.
[0021] Les charges auxquelles s'appliquent plus particulièrement l'invention renferment
de 0 à 1000 milligrammes de soufre par kilogramme de charge et de 10⁻³ à 5 milligrammes
d'arsenic par kilogramme de charge.
[0022] Les exemples qui suivent précisent le procédé à titre indicatif sans toutefois en
limiter la portée.
EXEMPLES
[0023] Masse de captation A : Quinze kilogrammes d'un support d'alumine macroporeux sous
forme de billes de 1,5-3 mm de diamètre et présentant une surface spécifique de 160
m²/g, un volume poreux total de 1,05 cm³/g et un volume macroporeux (diamètre > 0,1
µm) de 0,4 cm³/g sont imprégnés par 20 % en poids de nickel sous forme d'une solution
aqueuse de nitrate. Après séchage à 120°C durant 5 h et activation thermique à 450°C
pendant 2 h sous balayage d'air, on obtient des billes contenant 25,4 % en poids d'oxyde
de nickel.
[0024] Masse de captation B : Cinq kilogrammes de la masse A sont imprégnés à sec par une
solution renfermant 175 g de DEODS diéthanoldisulfure (dont 74 g de soufre) dans 5150
cm³ d'une solution de formiate de méthyle à 15 % dans un white spirit. Le catalyseur
ainsi préparé est activé à 150°C pendant 1 h.
[0025] La masse de captation (50 cm³) travaille dans tous les exemples ci-dessous à 180
°C et en flux ascendant. Les tests de captation ont duré 21 jours. Les résultats sont
rassemblés sur la Figure 1.
EXEMPLE 1 (comparatif)
[0026] La masse de captation A a été réduit à 400°C sous un débit de 20 l/h de d'hydrogène
à 2 bars de pression pendant 4 h. Ensuite, le réacteur a été refroidi à la température
de réaction 180°C. On fait ensuite passer sur la masse de captation un condensat lourd
de gaz liquéfié avec de l'hydrogène. Le débit de la charge est de 400 cm³/h et celui
de l'hydrogène de 3,5 l/h. Le test est effectué sous une pression de 35 bars.
[0027] Le condensat utilisé pendant ce test (condensat A) possède les caractéristiques suivantes
:
point d'ébullition initial : 21°C
point d'ébullition final : 470°C
teneur en arsenic : 65 µg/kg
teneur en soufre : 237 mg/kg
[0028] Une quantité d'arsenic, de 5 à 10 µg/kg, a été détectée dans les échantillons de
l'effluent prélevés pendant les 72 premières heures.
EXEMPLE 2 (comparatif)
[0029] Un deuxième test de captation d'arsenic a été effectué utilisant un condensat (condensat
B) ayant les caractéristiques suivantes :
point d'ébullition initial : 21°C
point d'ébullition final : 491°C
teneur en arsenic 80 : µg/kg
teneur en soufre : 117 mg/kg
[0030] Les conditions de préréduction et d'opération sont identiques à celles du test de
l'exemple 1. On note, comme dans l'exemple 1, de teneurs d'arsenic dans les effluents,
de 5 à 10 µg/kg, pendant les 240 premières heures de mise en régime.
EXEMPLE 3 (selon l'invention)
[0031] Le réacteur a été chargé de 50 cm³ de la masse de captation B, présulfuré comme décrit
ci-dessus. Toutes les autres conditions de test sont identiques à celles indiquées
dans l'exemple 1 incluant la charge (condensat A). La teneur en arsenic reste inférieure
à la limite de détection (< 5 µg/kg) pendant tout le test.
EXEMPLE 4 (selon l'invention)
[0032] Cette fois ci, la masse de captation B a été réduite à 300°C sous un débit de 20
l/h de d'hydrogène à 2 bars de pression pendant 6 h avant de le refroidir à la température
de réaction 180°C. On note aussi que la teneur d'arsenic dans l'effluent est inférieure
à la limite de détection (< 5 µg/kg) pendant tout le test.
[0033] Les résultats des tests sont reportés sur la figure 1.
[0034] Les valeurs au-dessous de la ligne indiquent des concentrations inférieures à la
limite de détection. Les symboles sont décalés uniquement pour faciliter leur visualisation
et ne représentent pas les valeurs réelles.
1. Procédé d'élimination d'arsenic dans une charge hydrocarbonée contenant de 0 à 1000
mg de soufre/kg, caractérisé en ce que la charge avec de l'hydrogène est mise au contact
à une température de 120-250°C, une pression de 1-40 bars et une vitesse spatiale
de 1 à 50
h-1, avec une masse de captation renfermant un support et au moins un métal choisi dans
le groupe formé par le fer, le nickel, le cobalt, le molybdène, le tungstène, le chrome
et le palladium, 5-50% en poids dudit ou desdits métaux étant combiné à l'état de
sulfure, et que la masse est obtenue par imprégnation du précurseur renfermant ledit
ou lesdits métaux supporté, sous forme métallique et/ou oxyde, à l'aide d'une solution
aqueuse ou organique ou une suspension aqueuse ou organique renfermant d'une part
au moins un agent réducteur et d'autre part au moins un agent sulfuré choisi dans
le groupe constitué par :
· au moins un polysulfure organique en mélange avec du soufre élémentaire,
· au moins un disulfure organique éventuellement en mélange avec du soufre élémentaire,
· au moins un sulfure organique ou minéral éventuellement en mélange avec du soufre
élémentaire,
· le soufre élémentaire
ledit précurseur imprégné étant ensuite traité thermiquement.
2. Procédé selon la revendication 1 caractérisé en ce que le débit d'hydrogène est compris
entre 1 et 500 volume de gaz par volume de masse de captation et par heure.
3. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la charge
renferme 10⁻³ à 5 mg de mercure par kg de charge.
4. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le métal
est le nickel.
5. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que les métaux
sont le nickel et le palladium.
6 Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le support
est choisi dans le groupe constitué par l'alumine, les silice-alumines, la silice,
les zéolithes, le charbon actif, les argiles et les ciments alumineux.
7. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'état
de sulfure est obtenu par imprégnation, hors du réacteur, du précurseur de la masse
de captation, à l'aide d'au moins un liquide contenant du soufre choisi dans le groupe
constitué par le sulfure d'ammonium, une suspension colloïdal de soufre dans l'eau,
une solution organique de soufre, une solution organique de composé(s) soufré(s).
8. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la charge
est mise au contact de la masse à une température de 130-200°C.
9 Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la teneur
en métal dans la masse (calculée en oxyde de métal) est d'au plus 30% en poids, le
métal n'étant pas le palladium.
10. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la teneur
en palladium (calculée en métal) est d'au plus 0,2%.
11. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le précurseur
est réduit sous hydrogène à 120-600°C avant d'être mis en contact de la charge.
12. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le précurseur
est traité thermiquement entre 100 et 200°C dans la seconde étape.