Feuille infalsifiable par agent chimique et document de sécurité obtenu

Description

[0001] La présente invention concerne une feuille infalsifiable par agents chimiques ainsi que le document de sécurité obtenu. Elle concerne plus particulièrement le domaine des papiers de sécurité utilisables notamment pour la réalisation de pièces de paiement ou de documents officiels tels que les chèques bancaires, chèques de voyages, livres d'écritures comptables, titres, actes notariés, titres de transport, et de façon générale tous documents pour lesquels il est indispensable de se prémunir contre toute falsification chimique des écritures ou cachets portés sur ces dits documents.

[0002] On connait déjà des papiers qui comportent des réactifs développant une réaction colorée sous l'action de certains agents chimiques utilisés pour falsifier des inscriptions par décoloration chimique des encres.

[0003] Dans les brevets FR-A-2365656, FR-A-2399505, FR-E-2402739, on a décrit des papiers contenant des réactifs sensibles aux agents d'infalsification comme les acides, les alcalis, les agents chlorés décolorants comme l'eau de chlore ou l'eau de javel, les crayons effaceurs d'encre; on utilise notamment la pyranine, sel d'un acide oxypyrène trisulfonique, qui développe une coloration jaune fluorescente sous l'action d'un crayon effaceur d'encre.

[0004] Dans la demande FR-A-2647820 on a décrit également des papiers infalsifiables contenant des réactifs organiques particuliers comme la rutine trihydratée ou la narigine hydratée.

[0005] Dans le brevet EP-B-174885 on a décrit également un papier contenant le complexe 2-2' bipyridyle-Fe³⁺, sensible aux couples de falsification oxydo-réducteurs et aux réducteurs comme le bisulfite.

[0006] Dans la demande FR-A-2650606 on a décrit l'emploi de composés benzèniques di ou trihydroxylés comme agents d'infalsification, l'emploi d'un activateur de la réaction colorée comme les sels ou les oxydes métalliques, à l'exclusion d'un sel de fer II ou III, est envisagé.

[0007] Dans les demandes FR-A-2643661, FR-A-2620146 et FR-A-2654446 déposées par la Demanderesse on a décrit un papier contenant comme agent d'infalsication un sel de métal de préférence de degré d'oxydation II et en particulier un sel de cobalt II qui donne une réaction orangée sous l'action du bisulfite de sodium.

[0008] Dans la demande EP-A-378029 on a également décrit un papier contenant comme réactif d'infalsification, un sel de cobalt II ou III mais ce sel est associé à un coréactant de caractère réducteur et de structure phénolique.
Par rapport à l'emploi d'un sel de cobalt seul, le coréactant réducteur de type phénolique permet d'obtenir une réaction colorée plus intense avec les couples d'infalsification oxydo-réducteurs dans les conditions de tests préconisées dans le domaine des papiers infalsifiables cependant la coloration n'est pas améliorée pour les autres agents d'infalsification notamment pour les solutions de sulfite de sodium.

[0009] Le but de l'invention est de fournir une feuille de sécurité contenant comme agent d'infalsification chimique un sel métallique, la sensibilité de ce sel vis-à-vis des agents de falsification étant améliorée c'est-à-dire que les réactions colorées seront plus intenses qu'avec le sel seul ou que des réactions colorées auront lieu alors qu'elles sont inexistantes, en tout cas imperceptibles avec le sel seul.

[0010] Un but complémentaire est de fournir une feuille protégée contre le plus grand nombre d'agents chimiques de falsification tout en utilisant le plus petit nombre possible de réactifs d'infalsification.

[0011] La Demanderesse a découvert que les buts de l'invention sont atteints si on associe au sel métallique, un coréactif choisi dans le groupe formé par les acides organiques ou leurs sels, les dérivés d'acide organique, les composés ayant une fonction réductrice aldéhyde, les composés ayant une fonction réductrice cétone, les précurseurs de dioxyde de carbone.

[0012] Ainsi l'invention fournit une feuille infalsifiable par agents chimiques caractérisée par le fait qu'elle contient au moins comme agent d'infalsication un sel métallique associé à un coréactif choisi dans le groupe formé par les acides organiques ou leurs sels, les dérivés d'acide organique, les composés ayant une fonction réductrice aldéhyde, les composés ayant une fonction réductrice cétone, les précurseurs de dioxyde de carbone.

[0013] De préférence le sel métallique est choisi parmi les sels de cobalt II ou III, les sels de nickel ou leurs mélanges.

[0014] Comme sels métalliques on peut en particulier les choisir parmi les chlorures, les sulfates, les acétates, les nitrates, ces sels étant anhydres ou hydratés.

[0015] On note qu'en particulier l'utilisation d'un acide organique, son sel ou d'un dérivé permet d'obtenir une réaction colorée d'une grande intensité notamment sous l'action d'une solution saturée de sulfite de sodium ou sous l'action du bisulfite de sodium ou encore sous l'action des couples oxydo-réducteurs comme le couple permanganate de potassium / bisulfite de sodium.

[0016] On note aussi qu'en particulier l'utilisation comme coréactif d'un réducteur ayant une fonction aldéhyde ou cétone ou d'un précurseur de dioxyde de carbone donne notamment la sensibilité de la réaction du sel métallique aux couples oxydo-réducteurs.

[0017] De préférence les acides organiques sont choisis parmi les acides carboxyliques ou les acides sulfoniques.
De préférence l'acide organique comporte au moins deux groupements acides. Ces groupements peuvent être identiques, par exemple l'acide ne peut comporter que des groupes carboxyliques, que des groupes sulfoniques . Ces groupements peuvent être aussi différents, par exemple l'acide peut comporter des groupes à la fois carboxylique(s) et sulfonique(s).

[0018] En particulier l'acide carboxylique est choisi dans le groupe formé par l'acide tartrique, l'acide phtalique, l'acide citrique, l'acide malonique, l'acide tricarballylique, l'acide trimélittique.

[0019] Les dérivés d'acide organique peuvent être choisis parmi les amides, les lactames, les esters, les anhydrides ou encore les chlorures d'acide.
Les anhydrides peuvent être de type purement carboxylique ou purement sulfonique ou de type mixte comme par exemple de type sulfocarboxylique, formé entre les groupes acides carboxylique et sulfonique.
Selon un cas particulier de l'invention, l'anhydride est de type sulfocarboxylique, en particulier c'est l'anhydride 2-sulfobenzoique.

[0020] Dans un cas particulier de l'invention, l'acide organique peut être choisi parmi les acides aminés, et plus particulièrement parmi les acides glutamiques ou les asparagines.

[0021] On utilise de préférence comme composé ayant une fonction réductrice aldéhyde, le butyraldéhyde.

[0022] Dans un cas particulier, le précurseur de dioxyde de carbone est un carbonate ou un bicarbonate, comme par exemple le carbonate ou le bicarbonate de sodium.

[0023] Selon l'invention, la feuille infalsifiable est un papier de composition fibreuse purement cellulosique, en partie synthétique ou éventuellement purement synthétique. La feuille peut être encore un film plastique, éventuellement couché.
La composition de la feuille peut contenir des agents classiques utilisés en papeterie comme par exemple les charges minérales, des liants, des agents de résistance divers, des produits de collage, des colorants de nuançage.

[0024] Les réactifs chimiques d'infalsification selon l'invention peuvent être ajoutés en masse à la composition de la feuille ou disposés sur au moins une face de la feuille par imprégnation ou par couchage.

[0025] De préférence on utilise des réactifs solubles dans l'eau ou dans des solvants non ou très faiblement toxiques ou dans leurs mélanges, ces réactifs étant apportés sur la feuille par imprégnation à l'aide d'une presse encolleuse.

[0026] Certains sels métalliques sont colorés cependant les quantités utilisées pour révéler les tentatives de falsification sont suffisamment faibles pour ne pas colorer la feuille à protéger.

[0027] On peut ajouter d'autres réactifs d'infalsification déjà connus et compatibles avec ceux selon l'invention.

[0028] La feuille peut comporter aussi des éléments d'authentification physiques comme les filigranes, planchettes, fils ou fibres spéciaux.
La feuille est imprimable par tout moyen d'impression et est apte à l'écriture, notamment avec un stylo à encre ou avec un stylo à bille.

[0029] L'invention vise aussi le document de sécurité obtenu à partir de la feuille infalsifiable décrite précedemment.

[0030] L'invention sera mieux comprise à l'aide des exemples non limitatifs suivants:

EXEMPLE COMPARATIF 1 :

[0031] On réalise une solution aqueuse de 1185 g contenant :

• 15 g de nitrate de cobalt hexahydraté,
• 150 g d'amidon

On traite une feuille de papier par cette solution à l'aide d'une presse encolleuse. On sèche.

[0032] La reprise humide de solution est d'environ 40 g pour 100 g de papier.

EXEMPLE 2 :

[0033] A 100g de la solution de l'exemple 1, on ajoute 2g d'un acide organique qui est l'acide malonique.
On traite la feuille comme dans l'exemple 1.

[0034] On teste comparativement la réactivité des feuilles obtenues selon ces exemples en utilisant comme agent de falsification une solution saturée de sulfite de sodium. Pour l'exemple 2 selon l'invention on obtient une coloration orange plus intense que celle obtenue pour l'exemple 1.
L'acide malonique a donc participé à la réaction colorée entre le sel de cobalt et l'agent de falsification.

[0035] Si on traite une feuille par une solution ne contenant que de l'amidon et de l'acide malonique, donc sans sel métallique, et qu'on essaie de la falsifier avec le sulfite de sodium, il ne se développe pas de réaction colorée.

EXEMPLE COMPARATIF 3 :

[0036] On réalise une solution comme dans l'exemple 2 mais l'acide utilisé est un acide minéral, l'acide sulfurique.
La réaction colorée sous l'action d'une solution de sulfite saturée n'est pas plus intense que dans l'exemple 1.

EXEMPLE 4 :

[0037] On réalise des solutions aqueuses comme dans l'exemple 2, l'acide organique étant un acide dicarboxylique choisi parmi l'acide glutarique, l'acide citrique, l'acide phtalique ou l'acide tartrique, la quantité d'acide variant entre 0,5 et 2,5g pour 100g du bain de l'exemple 1.
On imprègne des papiers avec ces différentes solutions. On sèche.
On teste les feuilles traitées avec une solution saturée de sulfite de sodium. Dans chaque cas, une coloration orange se développe, l'intensité de la couleur étant nettement supérieure à celle obtenue pour l'exemple 1.

EXEMPLE 5 :

[0038] On réalise une solution comme dans l'exemple 2 mais on remplace le sel de cobalt par le chlorure de nickel.
On traite un papier comme dans l'exemple 2.
Sous l'action d'une solution de sulfite saturée il se développe une coloration rose intense.
Si on imprègne le papier avec une solution ne contenant pas d'acide malonique, il ne se développe aucune coloration sous l'action du sulfite.

EXEMPLE 6 :

[0039] On réalise des solutions comme dans l'exemple 2 mais le coréactif du sel de cobalt est un acide aminé soit l'acide L-glutamique qui a deux groupes carboxyles, soit la L-asparagine qui a un seul groupe carboxyle.
On imprégne des feuilles de papier avec ces différentes solutions; on sèche.
Sous l'action d'une solution saturée de sulfite de sodium il se développe une coloration jaune intense, quelque soit l'acide aminé.

EXEMPLE 7 :

[0040] On réalise une solution comme dans l'exemple 2 mais on utilise comme coréactif du sel de cobalt, l'acide tricarboxylique dérivé du propane appelé acide tricarballylique.
On traite un papier comme dans l'exemple 2.
On applique une solution saturée de sulfite de sodium; il se développe une coloration orangée plus intense que dans l'exemple 1.

[0041] On applique le couple oxydo-réducteur permanganate de potassium / bisulfite de sodium, il se développe également une coloration orangée alors que dans le cas de l'exemple 1 (cas du sel de cobalt seul) il n'y pas de réaction colorée bien visible.

EXEMPLE 8 :

[0042] On réalise une solution comme dans l'exemple 2 mais on utilise comme acide, l'acide benzoique 1,2,4 tricarboxylique appelé acide trimélittique.
On traite un papier comme dans l'exemple 2.
On teste le papier avec une solution de sulfite de sodium saturée, il se développe une coloration orangée.

EXEMPLE 9 :

[0043] A 100g de la solution de l'exemple 1, on ajoute 1,45g d'anhydride 2-sulfo-benzoique (anhydride mixte formé entre les groupes carboxylique et sulfonique).
On en imprègne une feuille et on la sèche.

[0044] On teste la feuille obtenue avec une solution de sulfite de sodium saturée, il se développe une réaction orangée intense.

EXEMPLE 10 :

[0045] On réalise une solution aqueuse contenant par rapport au bain total, en poids :

• 1,25% de nitrate de cobalt hexahydraté,
• 0,1% de butyraldéhyde,
• 10% d'acétate de sodium (solution tampon).

On traite un papier comme dans l'exemple 2.

[0046] Sous l'action d'une solution saturée de sulfite de sodium il se développe une coloration jaune.
Sous l'action du couple permanganate de potassium / bisulfite de sodium, il se développe une réaction orangée.
Sous l'action de l'eau de javel, il se développe une réaction verte.

EXEMPLE 11 :

[0047] On réalise une composition aqueuse de 1 kg contenant :

• 11,4g de nitrate de cobalt hexahydraté,
• 100 g de carbonate de sodium,
• 15g d'un liant latex

[0048] On couche une feuille plastique avec cette composition, la quantité déposée en sec étant de 10 g/m² .
On teste la feuille.
Sous l'action d'une solution saturée de sulfite de sodium il se développe une coloration orangée.
Sous l'action du couple permanganate de potassium / bisulfite de sodium il se développe une réaction brun-verdâtre.

EXEMPLE 13 :

[0049] A 100g de la solution de l'exemple 1, on ajoute 1,7g d'acide tartrique et lg de sulfate de manganèse (le sulfate de manganèse est un agent d'infalsification connu pour sa réactivité à l'eau de javel).
On traite un papier comme dans l'exemple 2.
Sous l'action du sulfite on obtient une coloration orangée intense, du bisulfite une coloration orange, de l'eau de javel une coloration marron, de l'hydroxyde de sodium une coloration marron, d'un crayon effaceur d'encre une coloration orangée, du CORECTOR encre une auréole rose à orangée.

Revendications

1. Feuille infalsifiable par agents chimiques caractérisée par le fait qu'elle contient au moins comme agent d'infalsification un sel métallique associé à un coréactif choisi dans le groupe formé par les acides organiques ou leurs sels, les dérivés d'acide organique, les composés ayant une fonction réductrice aldéhyde, les composés ayant une fonction réductrice cétone, les précurseurs de dioxyde de carbone.

2. Feuille selon la revendication 1, caractérisée par le fait que le sel métallique est choisi parmi les sels de cobalt II ou III, les sels de nickel ou leurs mélanges.

3. Feuille selon l'une des revendications 1 à 2, caractérisée par le fait que les sels métalliques sont choisis parmi les nitrates, les chlorures, les sulfates, les acétates, ces sels étant anhydres ou hydratés.

4. Feuille selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisée par le fait que les acides organiques sont choisis parmi les acides carboxyliques ou les acides sulfoniques.

5. Feuille selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisée par le fait que les acides organiques comportent au moins deux groupements acides.

6. Feuille selon la revendication 5, caractérisée par le fait que les acides carboxyliques sont choisis dans le groupe formé par l'acide malonique, l'acide glutarique, l'acide phtalique, l'acide citrique, l'acide tartrique, l'acide tricarballylique, l'acide trimélittique.

7. Feuille selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisée par le fait que les dérivés d'acide organique sont choisis parmi les amides, les lactames, les esters, les anhydrides, les chlorures d'acide.

8. Feuille selon la revendication 7, caractérisée par le fait que l'anhydride est l'anhydride 2-sulfo-benzoique.

9. Feuille selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisée par le fait que les acides organiques sont des acides aminés.

10. Feuille selon la revendication 9, caractérisée par le fait que les acides aminés sont choisis parmi les acides glutamiques ou les asparagines.

11. Feuille selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisée par le fait que le composé ayant une fonction réductrice aldéhyde est le butyraldéhyde.

12. Feuille selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisée par le fait que les précurseurs de dioxyde de carbone sont des carbonates ou des bicarbonates, notamment le carbonate ou le bicarbonate de sodium.

13. Document infalsifiable caractérisé par le fait qu'il est obtenu à partir d'une feuille selon l'une des revendications précédentes.