(19)
(11) EP 0 637 637 A1

(12) DEMANDE DE BREVET EUROPEEN

(43) Date de publication:
08.02.1995  Bulletin  1995/06

(21) Numéro de dépôt: 94401694.8

(22) Date de dépôt:  22.07.1994
(51) Int. Cl.6C23C 8/50, C23C 8/52
(84) Etats contractants désignés:
AT BE CH DE ES GB IT LI

(30) Priorité: 06.08.1993 FR 9309706

(71) Demandeur: CENTRE STEPHANOIS DE RECHERCHES MECANIQUES HYDROMECANIQUE ET FROTTEMENT Société dite:
F-42160 Andrezieux Boutheon (FR)

(72) Inventeurs:
  • Hadj-Rabah, Hocine
    F-42000 Saint-Etienne (FR)
  • Terrat, Jean-Paul
    F-42000 Saint-Etienne (FR)

(74) Mandataire: CABINET BONNET-THIRION 
95 Boulevard Beaumarchais
75003 Paris
75003 Paris (FR)


(56) Documents cités: : 
   
       


    (54) Procédé de nitruration de pièces en métal ferreux, à résistance améliorée à la corrosion


    (57) Le procédé de nitruration a pour but de conférer à des pièces en métal ferreux, outre les propriétés de surface résultant directement de la nitruration, une résistance à la corrosion comparable à celle que l'on obtient en faisant suivre le traitement de nitruration d'un traitement d'oxydation, notamment en bains de sels. Suivant le procédé de l'invention, on traite les pièces par immersion pendant une durée appropriée dans un bain de sels en fusion constitué de façon connue en soi essentiellement de cyanates et carbonates de métaux alcalins et contenant une petite quantité d'une espèce soufrée, on porte les pièces, par rapport à une contrélectrode plongée dans le bain, à un potentiel positif tel qu'un courant substantiel traverse le bain des pièces à la contrélectrode, et l'on maintient la teneur en cyanures formés en réaction secondaire à une valeur inférieure à 6%. Il est préférable de travailler à courant moyen constant; les densités de courant typiques sont de 300 à 800 ampères par m², la gamme typique de températures 450°-650°C, et les durées typiques s'échelonnent entre 10 et 150 min.


    Description


    [0001] L'invention se rapporte à un procédé de nitruration de pièces en métal ferreux, leur conférant une résistance accrue à la corrosion, où l'on traite les pièces par immersion pendant une durée appropriée dans un bain de sels en fusion constitué essentiellement de cyanates et carbonates de métaux alcalins.

    [0002] On connaît depuis longtemps des bains de sels capables de faire diffuser des métalloïdes, essentiellement azote et éventuellement conjointement carbone et soufre, dans les couches superficielles de pièces en métaux ferreux pour améliorer leur résistance à l'usure et au grippage. Après avoir utilisé des bains de sel à base de cyanures, dont la toxicité créait des difficultés de mise en oeuvre, on a utilisé des bains dont l'élément actif était l'ion cyanate CNO⁻ essentiellement, les cations étant des métaux alcalins assurant conjointement une stabilité chimique et un point de fusion suffisamment bas.

    [0003] Les documents de brevets FR-A-2 171 993 et FR-A-2 271 307 décrivent de tels bains, dans lesquels la présence de lithium parmi les métaux alcalins, et d'espèces soufrées en faible quantité, conduisait à des couches nitrurées de qualité améliorée. En outre, FR-A-2 271 307 décrivait un processus de régénération des bains par introduction de sels régénérants comportant, à côté de composés fournisseurs d'azote, au moins une substance comportant dans sa formule un groupe carboxyle, grâce à quoi la teneur en cyanure était maintenue à l'état de traces, le soufre catalysant l'action du régénérant.

    [0004] Conjointement à l'amélioration de résistance à l'usure et au grippage, la nitruration apporte une amélioration de la résistance à la corrosion.

    [0005] On sait, en outre, que l'on peut améliorer notablement la résistance à la corrosion des pièces nitrurées en les immergeant pendant au moins 10 minutes dans des bains de sels oxydants composés notamment d'un mélange de nitrates et hydroxydes de métaux alcalins, à des températures comprises entre 360 et 500°C. Le document de brevet FR-A-2 525 637 notamment, décrit un bain de sels composé de nitrates, hydroxydes et carbonates alcalins, avec une petite quantité d'un sel oxygéné de métal alcalin dont le potentiel d'oxydoréduction, par rapport à l'électrode de référence à hydrogène est inférieur ou égal à -1 volt. L'utilisation de ce bain qui exige en outre une insufflation d'air pour maintenir le bain à saturation en oxygène dissous, et une limitation de la teneur en particules solides, conduit à des accroissements substantiels de la résistance à la corrosion.

    [0006] Néanmoins, la double étape: nitruration; oxydation accroît sensiblement les investissements et les coûts de fabrication, en exigeant une double installation de creusets, et des manipulations supplémentaires des pièces.

    [0007] Il était donc patent que l'obtention des propriétés des pièces soumises à un traitement de nitruration puis d'oxydation par le moyen d'un seul traitement aux bains de sels devait présenter de grands avantages économiques.

    [0008] Pour obtenir ce résultat, l'invention propose un procédé de nitruration de pièces en métal ferreux, leur conférant une résistance accrue à la corrosion, où l'on traite les pièces par immersion pendant une durée appropriée dans un bain de sels en fusion constitué essentiellement de cyanates et carbonates de métaux alcalins, et contenant une quantité d'au moins une espèce soufrée, caractérisé en ce que, durant leur immersion dans le bain, les pièces sont portées, par rapport à une contrélectrode plongée dans le bain, à un potentiel électrique positif tel qu'un courant substantiel traverse le bain des pièces à la contrélectrode, et l'on maintient la teneur en cyanures formés en réaction secondaire à une valeur inférieure à 6%.

    [0009] La Demanderesse a en effet découvert que le passage de courant dans le bain de nitruration, suivant les dispositions spécifiées ci-dessus, conduisait à la formation de couches superficielles, d'aspects macrographique et micrographique nouveaux, qui traduisaient les phénomènes d'oxydoréduction qui se produisaient à l'interface entre le bain de sels et les pièces, en dépendance du courant.

    [0010] On a constaté, lors des premières phases expérimentales que:
    • lorsque les pièces sont à un potentiel négatif par rapport à la contrélectrode, les cyanates sont réduits, à l'interface, à l'état de cyanures, tandis qu'il n'y a pas de diffusion d'azote dans les pièces;
    • lorsque les pièces sont au même potentiel que la contrélectrode, on retrouve les résultats d'une nitruration classique;
    • lorsque les pièces sont portées à un potentiel positif par rapport à la contrélectrode, il y a, à l'interface, d'une part oxydation des pièces et d'autre part réaction de l'azote avec le fer du substrat.


    [0011] De façon tout à fait surprenante, on observe dans ce troisième cas des couches de nitrures et d'oxydes parfaitement distinctes et superposées, les nitrures au contact du substrat, les oxydes en surface, et non pas un mélange des deux composés.

    [0012] De préférence, le bain est contenu dans un creuset métallique formant contrélectrode. Outre que cela supprime la nécessité d'une contrélectrode rapportée, l'étendue et la forme du creuset favorise des configurations de champ électrique dans le bain de sels en fusion qui régularisent la densité de courant sur les pièces, et diminuent la densité de courant sur la contrélectrode et partant réduisent l'importance des phénomènes d'oxydoréduction secondaires à l'interface bain de sels/parois du creuset.

    [0013] De préférence également, le courant moyen traversant le bain est maintenu sensiblement constant pendant le traitement des pièces. On a constaté en effet que les propriétés des couches formées sur les pièces par le traitement variaient en fonction de la densité de courant qui les créaient. Les résultats ne peuvent en conséquence, être reproductibles que si le courant doit être maintenu constant pendant le traitement.

    [0014] Les valeurs de densité de courant appropriées se situent dans la fourchette de 300 à 800 A/m², la fourchette préférée étant de 450 à 550 A/m². Si l'on utilise l'unité (hors normes), classique en électrochimie industrielle, de densité de courant, soit l'A/dm², les fourchettes sont de 3 à 8 A/dm², mieux 4,8-5,5 A/dm².

    [0015] Les températures de bain se situant, classiquement dans la gamme 450°-650°C, et mieux 550-600°C.

    [0016] La durée de traitement peut s'échelonner de 10 à 150 min., les durées les plus efficaces allant de 30 à 100 min.

    [0017] Les bains préférés ont une composition correspondant sensiblement aux compositions selon FR-A-2 171 993, avec, plus précisément les teneurs anioniques et cationiques suivantes:
    CNO⁻ CO₃²⁻ K⁺ Na⁺ Li⁺
    30 à 45 % 15 à 25 % 20 à 30 % 15 à 25 % 0,5 à 5 %


    [0018] Leur teneur en cyanure CN⁻ est inférieure à 2 % et ils contiennent en plus au moins une espèce soufrée, en quantité telle que la teneur en S²⁻ du bain soit comprise entre 1 et 6 ppm.

    [0019] En outre, on préfère, conformément à FR-A-2 271 307, maintenir le bain sensiblement à sa composition d'origine par des additions d'agents régénérants, et l'homogénéiser, l'homogénéité étant obtenue de préférence par insufflation d'air.

    [0020] Les caractéristiques et avantages de l'invention seront mieux compris et appréciés à travers la description qui va suivre, et les exemples qu'elle comporte.

    [0021] Pour l'étude et la mise au point du procédé suivant l'invention, les essais ont été conduits en essayant de ne faire varier qu'un paramètre à la fois. Etant donné que, par rapport aux processus de nitruration connus, l'apport de l'invention consistait à faire coopérer un processus électrochimique à un processus thermochimique de nitruration, sans connaître à priori les interactions qui pouvaient se produire entre ces deux processus, on a choisi de maintenir fixe les paramètres thermochimiques, composition de bain et température, et de faire varier les paramètres électrochimiques, densité de courant et quantité de charge électrique traversant le bain.

    [0022] Toutefois, ce paramètre de quantité de charge est équivalent, à densité de courant constante, au temps de passage du courant dans le bain, qui est aussi un paramètre thermochimique.

    [0023] On a opéré dans un creuset métallique contenant 400 kg de sels fondus conforme à FR-A-2 171 993, chauffé en fonctionnement à 570°C. La composition chimique a été maintenue constante suivant les enseignements de FR-A-2 271 307 par addition périodique dosée de sels régénérants et de sulfure de potassium. Dans le creuset était insufflé de l'air dans un but d'homogénéisation, au débit de 250 l/min.

    [0024] Un filtrage périodique assurait le maintien du taux de solides en suspension à une valeur convenable.

    [0025] Les pièces d'essai étaient des plaques de 100 x 100 mm de surface (soit 2 dm² pour les deux faces) et de 1 mm d'épaisseur, en acier XC38, qui étaient fixées à une barre métallique montée isolée en travers de l'ouverture supérieure du creuset.

    [0026] Une source de courant continu, constituée d'un potentiostat capable de débiter jusqu'à 10 ampères, réglable et stabilisée, soit en tension, soit en intensité, était connectée par un pôle au creuset et par l'autre à la barre d'amenée de courant où est fixée la pièce.

    [0027] Avant les traitements au bain de sels, les pièces en forme de plaque ont été dégraissées en vapeur de trichloréthylène; au sortir du bain après les traitements les pièces ont subi un refroidissement de 2 min. à l'air ambiant calme (pour éviter les chocs thermiques), puis un rinçage à l'eau chaude (> 60°C) pendant 10 minutes, l'eau étant agitée par insufflation d'air, puis un séchage à l'air chaud.

    [0028] Les premiers essais ont été effectués sous tension appliquée constante. On a constaté que le courant qui traversait le bain de sels décroissait dans le temps, traduisant probablement la formation de polarisations aux interfaces du bain avec les électrodes (contrélectrode et surtout pièces). On peut penser en effet que la chute de potentiel dans le bain lui-même reste sensiblement constante, étant donné que l'on maintient constantes la composition et la température de ce bain.

    [0029] Parallèlement à la décroissance dans le temps du courant, en alimentation à tension constante, on a observé des divergences dans les résultats de traitement des pièces semblables au départ, lorsque l'histoire antérieure du creuset et du montage de fixation des pièces était différente.

    [0030] On a observé également que la qualité des contacts entre pièce et barre d'amenée de courant pouvait influer très sérieusement sur le courant qui traversait le bain et la reproductibilité des résultats.

    [0031] En travaillant en courant stabilisé réglé, la reproductibilité des résultats était très bonne, à condition bien entendu que les contacts entre pièce et barre d'amenée de courant ne présentent pas de fluctuation de résistance.

    I. Première série d'essais - Détermination de la densité de courant opérante



    [0032] Pour mémoire, on a constaté qu'avec une pièce négative par rapport à la contrélectrode, il n'y a pas apparition d'une couche nitrurée à la surface de la pièce; on conçoit qu'alors la pièce est donneuse d'électrons, et que les cyanates du bain sont à l'interface réduits en cyanures, sans libération d'azote.

    [0033] Lorsqu'il n'est pas établi de tension entre pièce et contrélectrode, on est ramené à une nitruration classique, qui constitue référence de comparaison pour les traitements suivant l'invention.

    [0034] On a donc fait croître par paliers entre des séries d'essais le courant traversant le bain. On exprimera dans ce qui suit le courant en densité de courant, qui est un paramètre sensiblement invariant pour la transposition de dimension de pièces. Dans la présente série d'essais, la surface active des pièces était de 2 dm². On a donc réglé le courant à 2, 4, 6, 8 et 10 ampères, soit 1, 2, 3, 4 et 5 A/dm².

    [0035] Dans cette série d'essais, la durée de traitement a été de 90 minutes uniformément.

    [0036] On a observé dans tous les cas la formation au contact du substrat d'une couche dense blanche, comparable à celle de la pièce de référence nitrurée sans passage de courant.

    [0037] Par-dessus la précédente s'édifie une autre couche, dont la morphologie dépend de la densité de courant :
    • jusqu'à 3 A/dm² il s'agit d'une couche poreuse, du type de celle observée sur l'échantillon de référence, mais dont l'épaisseur est beaucoup plus importante (20 à 25 µm, au lieu de quelques µm)
    • à partir de 4 A/dm² il s'agit d'une couche dense, de couleur grise, d'environ 20 µm d'épaisseur.


    [0038] Les pièces d'essai ont été soumises à des tests de corrosion. Ceux-ci ont été effectués suivant deux méthodes; mesure de potentiel de corrosion en solution de NaCl à 3% désaérée; et détermination de la durée d'exposition au brouillard salin normalisée avant apparition de traces de corrosion. On notera que, pour ces tests, les tranches des plaques ont été protégées par un vernis, pour éviter que des anomalies d'état de surface au voisinage immédiat d'angles vifs ne perturbent les tests. Les résultats sont consignés dans le tableau 1 ci-après:



    [0039] L'augmentation considérable de la résistance à la corrosion manifestée par ces tests intervient en même temps que se forme la couche grise dense. La corrélation entre l'apparition d'une couche grise dense et la bonne résistance à la corrosion a été confirmée par un autre essai, et n'a pas été démentie par la suite.

    II. Deuxième série d'essais - Influence du temps



    [0040] On a effectué une série d'essais, dans les mêmes conditions que la série précédente, à l'exception que les densités de courants utilisées étaient de 4 et 5 A/dm², tandis que les durées étaient de 30, 60, 90 et 120 minutes.

    [0041] Sous 4 A/dm², à 30 minutes, on observe la formation de couches analogues à celles que l'on obtenait, dans la série précédente avec des intensités d'au plus 3 A/dm², c'est-à-dire, partant du substrat, une couche dense blanche, puis par dessus une couche poreuse. A 60 minutes les épaisseurs de ces deux couches s'accroissent, en même temps que la partie supérieure de la couche poreuse s'assombrit. A 90 minutes apparaît la couche dense grise, dont l'épaisseur s'accroît à 120 minutes.

    [0042] Sous 5 A/dm², la couche dense grise a déjà commencé à se former après un traitement de 30 minutes. A 60 minutes elle est comparable à celle obtenue à 90 minutes sous 4 A/dm². Elle continue ensuite à croître, mais commence à devenir poreuse à 120 minutes alors que la couche blanche profonde présente des traces de dégradation.

    [0043] On comprend que l'état des couches formées en surface des pièces n'est pas différent en dessous et en dessus d'un seuil de courant, mais évolue dans le temps sensiblement de la même façon quelle que soit la densité de courant, avec des vitesses qui sont fonction directe de la densité de courant, mais non linéaire (la vitesse croît beaucoup plus vite que la densité de courant).

    [0044] Par ailleurs, les tests de résistance à la corrosion ont corroboré ceux de la première série d'essais, à savoir que les pièces dont les couches formées comportent une couche dense grise présentent une résistance à la corrosion très supérieure à celle des couches nitrurées sans intervention de courant, et qui se situe dans la gamme de résistance à la corrosion obtenue par un traitement au bain de sels oxydants après le traitement de nitruration classique sans courant. Le bain de sels oxydants est, par exemple, un bain conforme à FR-A-2 525 637.

    III. Troisième série d'essais - Analyse de phases



    [0045] On a traité trois plaques sous 4 A/dm², respectivement pendant 15, 60 et 90 min.; après quoi on les a soumises à une analyse par diffraction X (analyse de phase) et par spectroscopie à décharge luminescente dite SDL (analyse élémentaire). Les résultats sont consignés dans le tableau 2 suivant:
    TABLEAU 2
    Durée de traitement min. Densité de courant A/dm² Analyse de phase Analyse SDL
    15 4 Fe₂₋₄ N + Fe₃O₄ + Li₂ Fe₃O₄ traces de Li
    60 4 Fe₂₋₄ N + Fe₃O₄ + Li Fe₅O₈ traces de Li
    90 4 Fe₂₋₄ N + Fe₃O₄ -


    [0046] Ces analyses confirment la présence des nitrures de fer, qui sont l'élément constitutif de la couche dense blanche et qui forment l'ossature de la zone poreuse.

    [0047] Elles révèlent aussi la présence d'oxyde de fer et d'oxydes doubles de fer et de lithium, qui constituent la couche dense grise.

    [0048] On constate, qualitativement, que l'allongement de la durée de traitement, qui favorise la formation de la couche de protection contre la corrosion, s'accompagne d'un enrichissement en oxyde de fer Fe₃O₄ et d'une disparition de l'oxyde de lithium.

    [0049] La corrélation entre la densification de la couche de protection et l'élimination du lithium ne doit pas faire conclure à une action spécifique du lithium dans un stade intermédiaire, et la présence de lithium, dont on connaît la grande mobilité dans Fe₃O₄ même à basse température, peut n'être seulement qu'un témoin d'une modification de structure de la couche de protection.

    [0050] Par ailleurs, les essais dans leur ensemble ont confirmé que, lorsque la couche de protection est élaborée, ses propriétés anti-corrosion dépendent de sa compacité et de son épaisseur essentiellement; aucune influence de sa composition n'a été décelée.

    IV. Rôle des constituants du bain



    [0051] En raison du nombre de paramètres à faire varier pour maîtriser le processus de l'invention, les essais précédents ont été effectués avec une même composition de bain, et ne donnent pas d'information sur le rôle des différents constituants du bain, apportés à l'origine ou résultant de dégradations de la composition originelle. On a donc cherché à élucider ces rôles des constituants individuels par des essais complémentaires. Certes, les connaissances générales de l'homme du métier en matière d'électrochimie et de thermochimie ont servi de guides à cet effet, mais étaient manifestement insuffisantes pour permettre de se passer de ces essais, et délimiter les conditions opératoires.

    a) Il est bien connu de l'homme du métier que le composant actif de nitruration dans des bains de sels en fusion analogues à ceux de la présente invention est l'anion cyanate CNO⁻, qui, par dismutation sous l'effet de la température, et oxydation, libère de l'azote naissant fortement réactif, capable de diffuser dans le substrat ferreux.
    En imposant aux pièces un potentiel électrique par rapport au bain (en fait par rapport à la contrélectrode) on déplace les équilibres des réactions évoquées ci-dessus.

    • Lorsque ce potentiel est négatif, il se produit à l'interface pièce/bain une réduction des cyanates en cyanure, accompagnée d'une moindre diffusion d'azote dans le substrat;
    • Au contraire, si ce potentiel est positif, l'oxydation est favorisée, avec formation d'azote naissant, et accélération résultant de la nitruration.

    On observera que, en cas de potentiel positif, le passage de courant induit simultanément une oxydation du fer du substrat, en compétition avec l'oxydation des cyanates.

    b) La formation et la diffusion dans le bain d'anions cyanures CN⁻ réducteurs, résultant de la réduction de cyanate, notamment à l'interface bain/contrélectrode est nuisible à la formation de la couche oxydée sur la pièce. Lorsque la pièce est, selon l'invention, mise à un potentiel positif par rapport au bain, il y a, à l'interface pièce/bain compétition entre l'oxydation des cyanates et celle des cyanures diffusés, dépendant bien entendu de la concentration des cyanures. Des essais systématiques ont permis de mettre en évidence deux seuils critiques de la teneur en cyanure, à savoir 2 et 6%.

    • En dessous de 2% d'anions CN⁻ la couche protectrice oxydée (couche dense grise) se forme normalement;
    • Au-dessus de 6% d'anions CN⁻ , la formation de la couche oxydée est inhibée;
    • De 2 à 6% d'anions CN⁻, la couche oxydée dense devient progressivement de plus en plus poreuse et de moins en moins épaisse. On en conclut que la régénération du bain doit, en toutes circonstances, être conduite pour empêcher la teneur en cyanure d'atteindre la valeur de 6%, et avantageusement interviendra pour maintenir cette teneur en cyanure en-dessous de 2%.

    c) On a pu mettre en évidence également un rôle important de la teneur du bain en espèces soufrées. En l'absence de soufre, la couche oxydée se forme, mais apparaît peu dense et fissurée, ce qui entraîne une étanchéité très imparfaite, corroborée par une mauvaise résistance des pièces à la corrosion: le potentiel de corrosion est négatif, inférieur à -250 mV.



    [0052] A partir de 1 ppm de S²⁻ dans le bain, on constate une sensible amélioration de la qualité de la couche, avec un optimum entre 2 et 5 ppm.

    [0053] Au-delà de 6 ppm, la couche nitrurée se dégrade et devient poreuse sur toute son épaisseur, ce qui entraîne une réduction de la résistance à la corrosion, et à l'usure des pièces traitées.

    V. Propriétés tribologiques des pièces traitées



    [0054] On connaît les bonnes propriétés de résistance à l'usure et au grippage des pièces en métaux ferreux sulfonitrurées selon les enseignements de FR-A-2 171 993, ou bien de celles nitrurées puis oxydées selon FR-A-2 525 637.

    [0055] Compte tenu de la composition et des caractéristiques métallurgiques des pièces traitées conformément à la présente demande, il n'y avait à priori pas de raison majeure pour que leurs caractéristiques tribologiques diffèrent sensiblement de celles obtenues avec les procédés connus.

    [0056] Il convenait toutefois de le vérifier, ce qui a été fait par des tests de friction exécutés dans les conditions suivantes :

    . mouvement linéaire alternatif

    . type de contact : plan/plan (type curseur/piste)

    . vitesse de glissement : 0,1 m/s

    . course : 84 mm

    . pression : 20 bars (2 MPa)

    . température : ambiante

    . ambiance : soit à sec dans l'air, soit dans l'huile

    . surfaces antagonistes : piste en acier chromé, curseur en acier nitruré/oxydé.



    [0057] Le traitement de nitruration/oxydation a été réalisé dans les conditions de l'exemple 1, sous une densité de courant de 5 A/dm², respectivement pendant 30 minutes (repère A) et pendant 60 minutes (repère B). Des curseurs traités 90 minutes sans intervention de courant (repère C) selon les enseignements de FR-A-2 171 993 ont été utilisés en comparaison.

    [0058] Les résultats sont consignés dans le tableau 3 ci-après:
    TABLEAU 3
    Référence Ambiance Nombre de cycles Coefficient de frottement
          début fin
    A sec 12000 0,1 0,26
    huile 25000 0,08 0,07  
    B sec 1000 0,09 0,33
    huile 25000 0,07 0,07  
    C sec 1000 0,3 0,45
    huile 25000 0,07 0,05  


    [0059] On constate que, sous l'aspect frottement, les pièces traitées avec courant (A, B) et sans courant (C) ont un comportement équivalent lorsqu'elles sont lubrifiées.

    [0060] A sec, les pièces A (5 A/dm², 30 minutes) se comportent un peu mieux que les pièces B (5 A/dm², 60 minutes) ; compte tenu des dispersions classiquement enregistrées dans les essais de frottement à sec, la différence n'est toutefois pas significative. En tout état de cause, les pièces de comparaison C ont des comportements nettement plus défavorables.

    VI. Traitement de charges de pièces



    [0061] On a voulu vérifier que les effets observés n'étaient pas dus au fait que l'on traitait, comme dans tous les exemples précédents, des pièces isolées, ou à tout le moins un petit nombre de pièces, mais se retrouvaient en effectuant le traitement de charges complètes.

    [0062] On a donc monté un bain expérimental conforme à ceux utilisés en I et II, de capacité 800 kg de sels et on y a traité sous une densité de courant de 5 A/dm², le creuset servant de contrélectrode, des charges de pièces constituées d'axes de diamètre 10 mm, longueur 100 mm, filetés à l'une de leurs extrêmités. Chaque charge comportait 300 axes et pesait au total 30 kg. Les axes étaient accrochés à des montages, de façon à laisser entre deux axes consécutifs un intervalle allant, selon les charges, de 10 à 50 mm.

    [0063] Dans tous les cas le traitement s'est effectué dans de bonnes conditions. Les résultats des essais de corrosion réalisés sur des axes prélevés en différents points de la charge se sont avérés conformes à ceux obtenus lors de la première série d'essais précédemment décrite au paragraphe I.

    [0064] Il s'avère donc que l'avantage principal de l'invention réside dans l'accroissement considérable de la résistance à la corrosion, qui supprimerait dans de nombreux cas d'avoir à compléter la nitruration par un traitement anti-corrosion.

    [0065] Il va de soi que l'invention n'est pas limitée aux exemples décrits, et embrasse toutes les variantes d'exécution dans le cadre des revendications.

    [0066] Ainsi l'utilisation de bains de sels de nitruration ne contenant pas de lithium, qui présentent des cinétiques de libération d'azote équivalentes, n'est pas étrangère à l'invention.

    [0067] Par ailleurs, compte tenu des conclusions du point 2, il n'apparaît pas nécessaire que le courant qui traverse le bain soit un courant continu strict, et pourrait être un courant unidirectionnel non filtré, ou un courant pulsé.

    [0068] Enfin, l'état de surface des pièces, ainsi que la composition des couches de surface, seraient favorables à l'accrochage d'un vernis ou d'une cire, bénéfiques pour certaines applications.


    Revendications

    1. Procédé de nitruration de pièces en métal ferreux, leur conférant une résistance accrue à la corrosion, où l'on traite les pièces par immersion pendant une durée appropriée dans un bain de sels en fusion constitué essentiellement de cyanates et carbonates de métaux alcalins, et contenant une quantité d'au moins une espèce soufrée, caractérisé en ce que, durant leur immersion dans le bain, les pièces sont portées, par rapport à une contrélectrode plongée dans le bain, à un potentiel électrique positif tel qu'un courant substantiel traverse le bain des pièces à la contrélectrode, et l'on maintient la teneur en cyanures formés en réaction secondaire à une valeur inférieure à 6%.
     
    2. Procédé suivant la revendication 1, caractérisé en ce que le bain est contenu dans un creuset métallique formant contrélectrode.
     
    3. Procédé suivant l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que le courant traversant le bain est maintenu sensiblement constant pendant l'immersion des pièces dans le bain.
     
    4. Procédé suivant la revendication 3, caractérisé en ce que le courant moyen dans le bain correspond à une densité de courant sur les pièces comprise entre 300 et 800 ampères par mètre carré (A/m²).
     
    5. Procédé suivant la revendication 4, caractérisé en ce que la densité de courant sur les pièces est comprise entre 450 et 550 A/m².
     
    6. Procédé suivant l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que la température du bain de sels est comprise entre 450° et 650°C, de préférence entre 550° et 600°C.
     
    7. Procédé suivant une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que la durée de traitement s'échelonne de 10 à 150 min., de préférence 30 à 100 min.
     
    8. Procédé suivant l'une quelconque des revendications 1 à 7, caractérisé en ce que la partie active liquide du bain comporte 30 à 45 % d'anion CNO⁻, 15 à 25 % d'anion CO₃²⁻, 20 à 30 % de cation K⁺, 15 à 25 % de cation Na⁺ et 0,5 à 5 % de cation Li⁺, en ce que la teneur en anion CN⁻ du bain est inférieure à 2 % et en ce que ledit bain comporte en plus au moins une espèce soufrée en quantité telle que sa teneur en anion S²⁻ soit comprise entre 1 et 6 ppm.
     
    9. Procédé suivant la revendication 8, caractérisé en ce que le bain est maintenu sensiblement à sa composition d'origine par des additions, connues en soi, d'agents régénérants et stabilisants.
     
    10. Procédé suivant la revendication 9, caractérisé en ce que la teneur en cyanure du bain est maintenue à au plus 2%.
     
    11. Procédé suivant l'une quelconque des revendications 1 à 10, caractérisé en ce que le bain est homogénéisé par insufflation d'air.
     





    Rapport de recherche