[0001] La présente invention concerne des formulations d'asphalte coulé et armé au moyen
d'une charge permettant d'améliorer certaines propriétés mécaniques, notamment à basse
température. L'invention couvre en outre des applications desdites formulations sous
forme de revêtements.
[0002] On sait que les asphaltes coulés sont constitués de mélanges à chaud de bitume, de
filler, de sable et de gravier, dans des proportions qui caractérisent l'application
à laquelle on les destine, par exemple étanchéité de bâtiment, étanchéité de parking
ou de pont, ou simplement couche de roulement de voirie. Les asphaltes coulés sont
mis en oeuvre par coulage à chaud et usuellement sans aucune armature.
[0003] On a cependant recherché un supplément de performance mécanique-par utilisation d'armatures,
telles qu'un tissu de verre, un voile de verre ou une grille de verre, voire un grillage
métallique, une telle technique connue ayant été mise en oeuvre par divers utilisateurs.
Cependant, l'effet d'armature ainsi obtenu s'exerce sensiblement dans un seul plan,
interdisant d'obtenir des propriétés homogènes qui seraient notamment demandées dans
le cas de revêtements soumis à des contraintes mécaniques aux basses températures.
Par ailleurs, des charges de fibres de verre ont été incorporées à des enrobés, mais
uniquement dans un but de renforcement du maintien entre eux des gravillons formant
la masse essentielle dudit enrobé, qui est un matériau de formulation très différente
de celle des asphaltes coulés et qui est mis en oeuvre par compactage au lieu d'être
mis en oeuvre par coulage comme les asphaltes coulés.
[0004] La présente invention vise donc à remédier aux inconvénients ci-dessus, en fournissant
des formulations d'asphaltes coulés comprenant une armature produisant ses effets
dans presque toutes les directions au lieu de les produire uniquement dans une direction
parallèle au revêtement, produisant ses effets dans toute la masse du revêtement au
lieu de les produire uniquement dans un seul plan et conférant notamment aux asphaltes
une meilleure tenue au poinçonnement à chaud sans nécessiter d'incorporation d'un
durcisseur, tout en améliorant les caractéristiques de maintien d'élasticité aux basses
températures, convenant en particulier à la réalisation de revêtements étanches.
[0005] Conformément à l'invention, une formulation d'asphalte coulé, comprenant un liant
constitué de bitume, de filler, de sable et de gravier, obtenu par mélangeage à chaud
entre 200 et 250°C environ, renferme de 0,1 à 2% en poids par rapport au liant de
fibres de verre courtes dont l'ensimage est susceptible de présenter un ramollissement
aux températures de mélangeage du liant, de manière à libérer les fils constitutifs
des fibres.
[0006] De façon avantageuse, les fibres de verre présentent une longueur d'environ 25 mm
pour un diamètre d'environ 24 microns et sont constituées d'au moins 10 fils élémentaires.
[0007] D'autres caractéristiques et avantages de l'invention ressortiront mieux de la description
qui va suivre, faite en regard des dessins annexés sur lesquels :
la figure 1 représente un graphique traction-rupture comparatif de quatre formulations
d'asphalte coulé ;
la figure 2 représente un graphique traction-rupture comparatif de deux formulations
dont l'indentation est différente ;
la figure 3 représente un graphique comparatif de l'indentation en fonction de la
teneur en bitume 40/50 dans le liant total de formulations selon l'invention ; et
la figure 4 représente un graphique comparatif de l'indice de maniabilité en fonction
de la teneur en bitume selon la figure 3.
[0008] La Demanderesse a déterminé au cours de ses travaux que l'effet d'armature s'exerçant
dans presque toutes les directions et s'exerçant dans toute la masse du revêtement
est obtenu au moyen des fils élémentaires d'une charge de fibres de verre courtes,
c'est-à-dire d'une longueur comprise entre 12 et 50 mm, de préférence de 25 mm, et
composées chacune d'au moins 10 fils élémentaires qui assurent l'effet d'homogénéité
recherché. Toutefois, la libération de ces fils élémentaires au sein du liant à sa
température de mélangeage comprise entre 200 et 250°C nécessite un ensimage se ramollissant
dans cette gamme de températures, ce qui n'est pas le cas par exemple des fibres de
verre destinées à l'isolation thermique. Compte tenu de ces impératifs, y-compris
ceux influençant le prix de revient et la facilité de mise en oeuvre, la Demanderesse
a défini un type de fibre qui se trouve proche de certaines fibres textiles, dont
un exemple est constitué par celles mises dans le commerce sous l'appellation VETROTEX,
notamment la qualité dite P 103/25 qui correspond sensiblement aux caractéristiques
que la Demanderesse estime nécessaires à l'obtention des propriétés recherchées.
[0009] La Demanderesse a constaté que l'adjonction de ce type de fibres de verre dans le
mélange d'asphalte coulé donne au produit fini une amélioration surprenante des caractéristiques
mécaniques, dans des proportions comprises entre 0,1% et 2% du poids total du mélange,
la proportion de 0,2% étant préférée, du fait qu'elle confère les avantages mécaniques
sans réduire la maniabilité du produit à mettre en oeuvre.
[0010] A indentation égale, les caractéristiques de traction à froid sont nettement améliorées,
comme il ressort du graphique de la figure 1 où l'on a porté en abscisses l'allongement
en dixièmes du pourcentage d'allongement par rapport à la longueur initiale et en
ordonnées la force de traction en centaines de Newtons. De manière connue en soi,
l'essai est effectué à vitesse de traction constante de 1mm/min. Selon le graphique
de la fig. 1, les courbes de traction-rupture ont été obtenues à -10°C pour une formulation
étanchéité avec ou sans fibres et dans deux cas d'indentation, à savoir : courbes
1 et 2 sans fibres, indentations respectives IdA 10 et 25, courbes 3 et 4 avec 0,2%
de fibres, mêmes indentations respectives. Les formulations avec fibres ont des paliers
d'allongement intéressants (3, 4) alors que les formulations sans fibre donnent des
ruptures fragiles (1, 2).
[0011] Il y a également lieu de noter que, à dosage égal de bitume, l'adjonction de fibres,
même en faible quantité, réduit l'indentation, c'est-à-dire améliore la résistance
au poinçonnement du produit fini. Ainsi, le graphique de la figure 2, dont les axes
de coordonnées ont les mêmes unités que sur la figure 1, montre que pour une quantité
de fibres très faible de 0,1% les diagrammes traction-rupture sont à peu près équivalents
alors que l'indentation est profondément modifiée par la présence des fibres : 51
sans fibres (courbe 5) et seulement 38 avec fibres (courbe 6), ces essais ayant été
conduits à -10°C.
[0012] L'adjonction de fibres de verre courtes permet donc, en déterminant la proportion
convenable eu égard à l'usage auquel on destine le produit fini, de régler les caractéristiques
en traction à froid et les caractéristiques en indentation aux températures positives.
Pour les revêtements de parking en particulier, il est souhaitable d'avoir à froid
une bonne résistance à la traction et un allongement avant rupture appréciable, pour
éviter les claquages au froid. Il est souhaitable aussi, aux températures positives,
d'avoir une bonne résistance au poinçonnement pour éviter le marquage profond des
pneus des véhicules en stationnement.
[0013] Usuellement, on améliore la résistance au poinçonnement pour les températures positives
par adjonction d'un bitume dit "bitume durcisseur" en plus du bitume 40/50. La fraction
du bitume durcisseur, de grade 105/6, varie suivant les cas d'application, de 10%
à 35% du poids total du liant. Or le coût de ce bitume durcisseur est de presque cinq
fois le bitume usuel 40/50. Le coût total du liant est donc multiplié par 1,4 ou 2,4
suivant les cas d'application, ce qu'il faut consentir pour des revêtements de parking
qui ne poinçonnent pas. De plus, ce bitume durcisseur a l'inconvénient de raidir et
fragiliser le produit fini à froid, la dureté souhaitée aux températures positives
ayant pour contre-partie une fragilité à froid.
[0014] De façon assez usuelle, lorsqu'on ne veut pas utiliser le bitume 105/6 on utilise
un bitume 20/30 stocké dans une citerne chauffante, qu'on introduit dans le pétrin
par pompage en plus de l'introduction du bitume 40/50. On s'oblige alors à disposer
sur l'installation de la possibilité de stocker en citerne chauffante deux bitumes
différents et à supporter les coûts afférents à ce bi-stockage. L'inconvénient rhéologique
est le même que précédemment, à savoir que l'obtention de la dureté souhaitée aux
températures positives a pour contrepartie une fragilité à froid.
[0015] L'adjonction de fibres de verre courtes, dans des proportions appropriées, permet
au contraire d'obtenir à chaud une bonne résistance au poinçonnement, tout en préservant
une élasticité suffisante à froid et ceci sans utiliser le bitume durcisseur : il
y a là une économie de matière appréciable, car pour une proportion de fibres de verre
P 103/25 d'environ 0,1% l'incidence sur le produit fini est sensiblement sept fois
inférieure à celle qui serait due à la présence d'environ 2% de bitume durcisseur.
[0016] Par ailleurs, en ce qui concerne l'économie de fabrication, il y a lieu de noter
que le bitume durcisseur 105/6 est solide à température ambiante. Il est livré par
fûts métalliques qui doivent être stockés, manutentionnés, puis découpés pour extraire
le produit qui est ensuite débité à la masse, puis pesé avant d'être introduit dans
les pétrins.
[0017] Avec les fibres de verre selon l'invention toutes ces opérations sont éliminées,
de même que sont éliminés tous les coûts et inconvénients afférents à un éventuel
bi-stockage des bitumes chauds. En effet, l'introduction dans le mélange est effectué
en vidant directement le nombre de sacs de fibres nécessaires dans le pétrin.
[0018] On constate d'ailleurs que l'introduction des fibres directement dans la goulotte
de vidange du pétrin au moment du chargement du camion loco-malaxeur de transport
est un moyen simple et commode. La dispersion des fibres dans l'asphalte coulé se
fait très bien grâce aux turbulences de l'opération de chargement et elle s'améliore
encore par le malaxage qui continue pendant le transport.
[0019] Pour arriver à établir les meilleures formulations selon l'invention, la Demanderesse
a déterminé les dosages ayant les effets recherchés tout en présentant une bonne maniabilité
à la mise en oeuvre.
[0020] Les graphiques des figures 3 et 4 résument les résultats obtenus. Sur ces graphiques,
on a porté en abscisses selon une échelle linéaire le pourcentage de bitume 40/50
dans le liant total pouvant comprendre un bitume durcisseur 105/6, ledit liant total
représentant 14% ou 16% en poids du produit final, comme ce sera mieux expliqué ci-après.
Sur le graphique de la figure 3, on a porté en ordonnées suivant une échelle logarithmique
l'indentation Wilson W et l'on a figuré les deux valeurs min et max de la fourchette
usuelle. On a obtenu les courbes suivantes :
- courbe 7, correspondant à 16% de liant total et à 0% de fibres ;
- courbe 8, correspondant à 16% de liant total et à 0,2% de fibres ; et,
par comparaison :
- courbe 9, correspondant à 15% de liant total et à 0% de fibres ;
- courbe 10, correspondant à 14% de liant total et à 0% de fibres.
[0021] Les courbes 7 et 8 sont les plus intéressantes à comparer : on constate que la courbe
8 indique une indentation réduite et toujours située dans la fourchette usuelle 20/80,
même quand il n'y a plus de bitume durcisseur (teneur en bitume 40/50 égale à 100%
du liant total). On constate également que la courbe 8 indique une très bonne maniabilité
même quand il n'y a plus de durcisseur (teneur en 40/50 égale à 100%). Dans ce dernier
cas la maniabilité est au voisinage du maximum de la fourchette usuelle.
[0022] Ces résultats démontrent que les formulations (8) à 16% de liant total et à 0,2%
de fibres sont performantes et que le bitume durcisseur n'est pas nécessaire pour
obtenir le résultat récherché.
[0023] Sur le graphique de la figure 4, comprenant en abscissesles mêmes unités que sur
la figure 3, on a porté en ordonnées selon une échelle logarithmique la maniabilité
Km obtenue selon la méthode Bernard-Brunel normalisée. On a également figuré les valeurs
de la fourchette usuelle min-max. Sur ce graphique, les courbes 11, 12, 13, 14 correspondent
respectivement aux formulations des courbes 7, 8, 9, 10. Il ressort clairement des
deux diagrammes des fig. 3 et 4 que la formulation donnant les courbes 8 et 12, notamment
à 100% de bitume 40/50 dans le liant, est particulièrement avantageuse.
[0024] Les formulations selon l'invention peuvent être appliquées avec succès pour des revêtements
d'étanchéité monocouche de type asphalte sablé, dans les sites où l'écart annuel entre
les maxima et minima de température est très important. Par ailleurs, lesdites formulations
sont particulièrement utiles pour réaliser la première couche en asphalte pur des
revêtements bi-couches connus en soi et destinés aux parkings ou aux ouvrages d'art,
étant entendu que pour ces revêtements la deuxième couche en asphalte gravillonné
ne peut pas être armée car, pendant le brassage à chaud, les chocs des gravillons
détruiraient les fibres de verre.
[0025] Il est bien entendu que la présente invention n'a été décrite qu'à titre explicatif
mais nullement limitatif et qu'on pourra y apporter toute modification utile, notamment
dans le domaine des équivalences techniques, sans sortir de son cadre.
1. Asphalte coulé armé, du type comprenant du liant de bitume, du filler et du sable
dans les proportions usuellement retenues pour les asphaltes coulés utilisés en première
couche des revêtements d'étanchéité, obtenu par mélangeage à chaud entre 200 et 250°C
environ, caractérisé par le fait que sa formulation renferme entre 0,1 à 1%, de préférence
0,2%, en poids par rapport au liant, de fibres de verre courtes dont l'ensimage présente
un ramollissement aux températures de mélangeage, de manière à ce que la couche protectrice
des fibres soit dispersée dans le bitume afin de libérer complètement les fils constitutifs
desdites fibres.
2. Asphalte coulé selon la revendication 1, caractérisé par le fait que les fibres de
verre présentent une longueur comprise entre 12 et 50 mm, de préférence d'environ
25 mm, pour un diamètre d'environ 24 microns et qu'elles sont constituées d'au moins
10 fils élémentaires.
3. Asphalte coulé selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisé par le fait que
les fibres de verre sont introduites directement dans la goulotte de vidange du pétrin
au moment du chargement du camion-malaxeur de transport.
4. Application d'un asphalte coulé armé selon l'une quelconque des revendications 1 à
3 à la réalisation d'un revêtement d'étanchéité monocouche de type asphalte sablé.
5. Application d'un asphalte coulé armé selon l'une quelconque des revendications 1 à
3 à la réalisation de la première couche en asphalte pur d'un revêtement d'étanchéité
bi-couche.