[0001] La présente invention a pour objet un combustible formé d'une composition à base
d'huile végétale naturelle, susceptible d'être brûlée dans des installations de combustion,
soit directement, soit en mélange avec un ou plusieurs hydrocarbures.
[0002] Afin de remplacer les sources d'énergies fossiles par des énergies renouvelables,
la recherche s'est orientée depuis quelques années vers l'utilisation des excédents
agricoles, pour créer de nouveaux carburants ou combustibles.
[0003] De plus, depuis un certain nombre d'années déjà et plus récemment en 1992, en raison
de la réforme de la politique agricole commune, la C.E.E a mis en place un système
d'aide aux producteurs d'oléagineux, qui favorise la "jachère énergétique" et la production
d'huiles végétales telles que l'huile de tournesol et de colza.
[0004] On sait, toutefois, que brûler de l'huile végétale directement ou en incorporer de
fortes teneurs dans un combustible, notamment pour chaudière, ne va pas sans poser
toute une série de problèmes :
- de miscibilité : l'huile végétale, qui est un triester, se mélange difficilement avec
des produits plus légers, de nature chimique différente ;
- de viscosité : la viscosité de l'huile végétale est de l'ordre de 70.10-6m2/s (70 mm2/s) à 20°C, ce qui rend impossible son incorporation directe dans un produit tel que
le fioul domestique (dit encore fuel oil domestique ou "F.O.D.") c'est à dire, en
particulier, de viscosité inférieure à 7.10-6m2/s (7 mm2/s) à 20°C, ou encore sa pulvérisation dans un brûleur classique pour FOD ;
- d'opérabilité et de stabilité au stockage (oxydation et pollution bactérienne) ;
- de mise en oeuvre, du fait des pertes de charge en lignes liées à la viscosité naturelle
des huiles végétales ;
- d'encrassement de la chaudière, dû à une mauvaise combustion ;
- de brûleurs, car s'il existe sur le marché des brûleurs polycombustibles, ces brûleurs
nécessitent un réchauffage du combustible, une adaptation de la ligne de transfert
entre la cuve de stockage et le brûleur, voire une pulvérisation assistée, ce qui
limite d'autant l'intérêt économique de brûler de l'huile végétale, s'il faut modifier
des équipements qui utilisent actuellement du fuel oil domestique.
[0005] C'est la raison pour laquelle on voit se développer des réalisations visant des "carburants
verts", comme par exemple des carburants comprenant soit des quantités infimes d'huile
végétale, généralement inférieures à 5% en poids, soit des dérivés de celle-ci, sous
la forme d'ester méthylique de colza dans du gazole. Mais ce dernier type de valorisation
des huiles végétales nécessite une étape supplémentaire de transesterification, puis
de purification, ce qui entraîne un important surcoût.
[0006] La Demanderesse s'est, quant à elle, fixé comme objectif la valorisation directe
d'huiles végétales, par leur incorporation, en l'état et à des teneurs élevées, dans
un combustible répondant aux normes d'utilisation des fuels domestiques et ne nécessitant
pas, par conséquent, de modifications des installations existantes de combustions.
[0007] Au cours de ses travaux dans le domaine des combustibles de substitution, la Demanderesse
a établi, de manière étonnante, qu'un combustible comprenant de fortes teneurs d'huile
végétale naturelle -c'est à dire non transformée- et une coupe pétrolière riche en
composés aromatiques, dans des rapports volumiques déterminés, peut être brûlé soit
directement, soit en mélange avec d'autres combustibles de type classique tels que
le fuel oil domestique, ce qui élimine les problèmes évoqués ci-dessus.
[0008] L'huile végétale raffinée peut être présente dans le combustible selon l'invention
à des teneurs aussi élevées que 50% en volume. Au delà de telles concentrations en
huile végétale, il devient nécessaire de changer le(s) brûleur(s) de la chaudière.
[0009] La présente invention a par conséquent pour premier objet un combustible à base d'huile
végétale, caractérisé en ce qu'il contient entre 100% et 1% en volume d'une composition
de base comprenant au moins une huile végétale et au moins une coupe pétrolière riche
en composés aromatiques de type essence lourde, provenant d'une conversion non hydrogénante,
et en ce que le rapport volumique huile végétale/essence de type aromatique est inférieur
à 2.
[0010] Le combustible conforme à l'invention présente divers avantages :
- d'une part, il peut renfermer jusqu'à 50% en volume d'huile végétale, sans besoin
de modifier le(s) brûleur(s) de chaudière ;
- d'autre part, il est plus respectueux de l'environnement, car il incorpore de l'huile
végétale, laquelle ne renferme pas de soufre et réduit donc l'émission de SO2 dans les fumées ;
- enfin, il est compatible au stockage en présence des autres hydrocarbures de type
fuel oil domestique ou équivalent.
[0011] L'huile végétale utilisable dans le combustible selon l'invention est de préférence
une huile d'une plante pouvant être cultivée avec un fort rendement à l'hectare. Elle
peut être choisie dans le groupe comprenant en particulier l'huile de tournesol, l'huile
de palme, l'huile de coprah, l'huile de soja, l'huile de colza et leurs mélanges.
De préférence, l'huile végétale est l'huile de colza.
[0012] Avantageusement, l'huile végétale est présente dans le combustible selon l'invention
à raison de 10% à 50%, de préférence de 20% à 30% en volume.
[0013] La coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde provenant
d'une conversion non hydrogénante, utilisable dans le combustible selon l'invention,
peut être choisie dans le groupe comprenant l'essence issue de reformage catalytique,
l'essence de vapocraquage, l'essence de pyrolyse, l'essence issue de craquage catalytique
ou leurs mélanges. On utilisera de préférence l'essence issue de craquage catalytique.
[0014] La coupe pétrolière riche en composés aromatiques, utilisable dans le combustible
conforme à l'invention, a de préférence un intervalle de distillation compris entre
140 °C et 240°C à la pression atmosphérique. Elle a de préférence une viscosité d'une
valeur comprise entre 1,1 et 1,5 10
-6m
2s
-1 à 20°C.
[0015] Elle comprend, de manière avantageuse, au moins 25% en volume de composés aromatiques.
[0016] Avantageusement, la composition de base que renferme le combustible selon l'invention
comprend au moins une coupe pétrolière ayant un intervalle de distillation compris
substantiellement entre 240°C et 380°C. Une telle coupe pétrolière consiste de préférence
en du FOD ou équivalent de type gasoil léger de craquage catalytique (ou "LCO" en
anglais).
[0017] Selon un aspect préféré de l'invention, le rapport volumique entre les composés monoaromatiques
et les composés diaromatiques de la composition de base, que renferme le combustible
selon l'invention, a une valeur choisie entre 2 et 6,5, et est, de préférence de l'ordre
de 3,5. On mesure cette teneur volumique en composés mono- et diaromatiques par la
méthode de Fisher, bien connue de l'homme du métier.
[0018] Dans le cas où la coupe pétrolière riche en composés aromatiques provient d'un hydrocarbure
ayant subi une conversion non hydrogénante de type craquage catalytique, les composés
monoaromatiques et les composés diaromatiques qu'elle comprend sont présents dans
un rapport volumique d'une valeur choisie, de préférence, entre 8 et 12.
[0019] Une telle coupe provenant de craquage comprend, de préférence, en % en volume,
- 10% à 20% de paraffines,
- 5% à 20% d'oléfines,
- 0% à 5% de naphtènes,
- 25% à 80% d'aromatiques.
[0020] La composition de base contenue dans le combustible selon l'invention comprend 5
à 50 % et, de préférence, 20 à 40% en volume d'essence de type aromatique.
[0021] Selon un autre aspect de l'invention, la composition que renferme le combustible
selon l'invention comprend, en % en volume,
- entre 5 et 50 % d'huile végétale,
- entre 5 et 50 % d'une coupe pétrolière riche en composés aromatiques provenant d'une
conversion non hydrogénante, et
- le complément à 100 % d'un hydrocarbure de type fioul, dont 65 % en volume distille
au-dessous de 250°C et 85 % en volume au-dessous de 350°C.
[0022] Selon une variante préférée, l'hydrocarbure éventuellement présent dans le combustible
selon l'invention est un produit répondant aux spécifications intersyndicales d'un
fioul du type fuel oil domestique, ci-après "FOD", ou un équivalent.
[0023] Aussi, la présente invention a encore pour objet un combustible comprenant en volume,
- environ 30% d'huile de colza,
- environ 30% d'une coupe pétrolière, riche en composés aromatiques de craquage catalytique,
et
- le complément à 100% de produit répondant aux spécifications intersyndicales d'un
FOD ou d'un équivalent.
[0024] Selon une variante également préférée, la composition que renferme le combustible
selon l'invention comprend jusqu'à 3 parts volumiques de FOD ou d'un équivalent.
[0025] L'invention a enfin pour objet l'utilisation du combustible conforme à l'invention
dans des chaudières et/ou des fours de type collectivité et/ou industriels.
[0026] Les exemples qui suivent illustrent les caractéristiques et avantages de l'invention.
Il n'ont pas de caractère limitatif.
Exemples
[0027] Dans le tableau ci-après sont répertoriées diverses compositions référencées 1 à
7, contenant de l'huile de colza ("HC"), de l'essence lourde de craquage catalytique
("ELCC") et du fioul domestique ("FOD"). Les teneurs sont exprimées en % en volume.
[0028] L'huile de colza (HC) utilisée ici est une huile raffinée, commercialisée sous l'appellation
LUBRIROB par la Société ROBBE à Compiègne. Son point d'écoulement est inférieur à
-21°C et sa viscosité à 20°C est de 75.10
-6m
2/s (75 mm
2/s).
[0029] L'essence lourde de craquage catalytique utilisée ici est une coupe 140°C-203°C provenant
d'une unité de craquage catalytique comprenant 65 % d'aromatiques, 12 % d'oléfines
et 23 % de molécules saturées.
[0030] Les spécifications intersyndicales significatives suivantes d'un FOD, pour une utilisation
sur chaudière du combustible conforme à l'invention, ont été retenues :
- la viscosité, qui permet d'assurer la qualité au démarrage et au cours de la combustion
(les injecteurs à pulvérisation mécanique présents sur les brûleurs classiques nécessitent
une viscosité inférieure à 7,5.10-6 m2/s) ;
- le point d'écoulement et le point de trouble, qui déterminent l'opérabilité à froid
d'un combustible ;
- le point d'éclair, qui est relatif aux impératifs de securité d'utilisation d'un combustible.
Tableau
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
Spécifications intersyndicales du FOD |
HC (% en volume) |
30 |
30 |
30 |
40 |
5 |
5 |
10 |
|
ELCC (% en volume) |
30 |
60 |
15 |
40 |
2,5 |
10 |
4 |
|
HC/ELCC |
1 |
0,5 |
2 |
1 |
2 |
0,5 |
2,5 |
|
FOD (% en volume) |
40 |
10 |
55 |
20 |
92,5 |
85 |
86 |
|
Viscosité à 20°C (mm2/sec) |
7,1 |
<6 |
>9 |
7,4 |
6 |
5,5 |
>8 |
<7,5 |
Point d'écoulement (°C) |
-12 |
<-12 |
<-9 |
-18 |
<-9 |
<-9 |
<-9 |
<-9 |
Point d'éclair Luchaire (°C) |
66 |
60 |
70 |
64 |
74 |
72 |
73 |
55<x<120 |
Point de trouble (°C) |
-8 |
<-8 |
<+2 |
<-10 |
<2 |
<2 |
<2 |
<+2 |
[0031] On voit, sur ce tableau, que, pour les basses teneurs en huile de colza dans la composition
de base (de l'ordre de 5 à 10 %), la valeur du rapport HC/ELCC doit être légèrement
inférieure à 2 pour être conforme aux spécifications retenues du FOD.
[0032] Par contre, dès que la teneur en huile de colza dans la composition devient significative
(plus de 20 % en volume), ce rapport est de préférence choisi inférieur à 1.
[0033] D'après le tableau ci-dessus, on constate que le combustible selon l'invention comprenant
de l'huile de colza répond parfaitement aux spécifications intersyndicales retenues
pour une utilisation sur chaudière d'un FOD, notamment de points de trouble et d'écoulement,
ainsi que de point d'éclair, et constitue un "combustible vert" de substitution au
combustible classique de l'état de la technique.
[0034] Ce "combustible vert" peut être brûlé dans une chaudière utilisant habituellement
du fuel oil domestique, sans modifier l'installation de chaudière initiale, en particulier
le(s) brûleur(s) et il possède une bonne stabilité au stockage. Enfin, alors qu'il
est bien connu de l'homme du métier que la combustion de l'huile de colza, même sur
un brûleur modifié, pose un gros problème de démarrage (compte tenu de la faible volatilité
intrinsèque du produit), l'ajout d'ELCC en mélange avec des quantités significatives
d'huile de colza améliore considérablement l'allumage par électrodes, lors du démarrage
du brûleur.
1. Combustible à base d'huile végétale, caractérisé en ce qu'il contient, entre 100%
et 1% en volume d'une composition de base comprenant
- au moins une huile végétale, et
- au moins une coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde,
provenant d'une conversion non hydrogénante,
et en ce que le rapport volumique huile végétale/essence de type aromatique a une
valeur inférieure à 2.
2. Combustible selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'huile végétale est choisie
dans le groupe comprenant l'huile de tournesol, l'huile de palme, l'huile de coprah,
l'huile de soja, l'huile de colza et leurs mélanges, et est de préférence l'huile
de colza.
3. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la composition de base comprend entre 5% et 50%, et de préférence entre 20%
et 30% d'huile végétale.
4. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde est
choisie dans le groupe comprenant l'essence issue de reformage catalytique, l'essence
de vapocraquage, l'essence de pyrolyse et l'essence issue de craquage catalytique,
et est de préférence de l'essence issue de craquage catalytique, ou un mélange de
l'une ou l'autre de ces essences.
5. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde a
un intervalle de distillation compris entre 140°C et 240°C à la pression atmosphérique.
6. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde a
une viscosité d'une valeur choisie entre 1,1 et 1,5 10-6m2s-1 à 20°C.
7. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde comprend,
en volume, au moins 25% de composés aromatiques.
8. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la composition de base comprend au moins une coupe pétrolière ayant un intervalle
de distillation compris substantiellement entre 240°C et 380°C.
9. Combustible selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que
la coupe pétrolière riche en composés aromatiques de type essence lourde provenant
de craquage catalytique comprend des composés monoaromatiques et des composés diaromatiques
présents dans un rapport volumique d'une valeur choisie de préférence entre 8 et 12.
10. Combustible selon la revendication 9, caractérisé en ce que la coupe pétrolière riche
en composés aromatiques de type essence lourde provenant de craquage catalytique comprend,
en % en volume,
- 10% à 20% de paraffines,
- 5% à 20% d'oléfines,
- 0% à 5% de naphtènes, et
- 25% à 80% d'aromatiques.
11. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que la composition de base comprend, en % en volume,
- entre 5 et 50 % d'huile végétale,
- entre 5 et 50 % d'une coupe pétrolière riche en aromatique de type essence lourde
provenant d'une conversion non hydrogénante, et
- le complément à 100 % d'un hydrocarbure du type fioul domestique ou équivalent.
12. Combustible selon la revendication 11, caractérisé en ce que l'hydrocarbure du type
fioul domestique distille à 65 % en volume au-dessous de 250°C et à 85% en volume
au-dessous de 350°C.
13. Combustible selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en
ce que le rapport volumique entre les composés monoaromatiques et les composés diaromatiques
de la composition de base qu'il renferme a une valeur choisie entre 2 et 6,5, de préférence
entre 3 et 4.
14. Combustible comprenant, en % en volume,
- environ 30% d'huile de colza,
- environ 30% d'essence aromatique de craquage catalytique, et
- environ 40% de produit répondant aux spécifications intersyndicales d'un FOD ou
d'un équivalent.
15. Utilisation dans une chaudière fonctionnant au fioul domestique d'un combustible selon
l'une quelconque des revendications précédentes, sans modification de cette chaudière.